Forum ouvrier

Numéro 61 - 25 juin 2021

Les travailleurs du Nouveau-Brunswick luttent pour résoudre la crise de recrutement et de rétention

Les travailleurs donnent 100 jours au gouvernement pour conclure des ententes négociées comprenant des salaires
qu'ils jugent acceptables

La résistance aux abus de pouvoir du gouvernement - Entrevue avec Steve Drost


Les travailleurs du Nouveau-Brunswick luttent pour résoudre la crise de recrutement et de rétention

Les travailleurs donnent 100 jours au gouvernement pour conclure des ententes négociées comprenant des salaires qu'ils jugent acceptables

Lors d'une conférence de presse tenue le 28 mai, la section du Nouveau-Brunswick du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-NB) a avisé le gouvernement provincial qu'il avait 100 jours pour conclure des conventions collectives avec de nombreuses sections locales du SCFP sinon il fera face à des actions de la part des travailleurs. Près de 30 jours se sont maintenant écoulés. Environ  22 000 des 28 000 membres du SCFP-NB tentent toujours de négocier des conventions collectives de travail comprenant des salaires que les travailleurs jugent acceptables. Pour 8 580 travailleurs, les négociations sont dans l'impasse et plus de 13 280 se dirigent vers une conciliation dans les deux prochains mois. Le syndicat donne au premier ministre Blaine Higgs jusqu'à la Fête du Travail en septembre pour répondre aux demandes des travailleurs de régler les problèmes de recrutement et de rétention du personnel et d'offrir des salaires que les travailleurs trouvent acceptables.

« Si le premier ministre refuse d'agir de manière tangible, dès que les 100 jours sont écoulés, les membres du SCFP seront obligés d'organiser une action coordonnée à l'échelle de la province », a dit Steve Drost, président du SCFP-NB. « Cet ultimatum, en ce qui nous concerne, est le moyen le plus responsable pour forcer ce gouvernement à agir, a-t-il ajouté. D'ici septembre, la plupart des résidents seront déjà vaccinés. Cent jours, c'est plus que généreux, étant donné que la plupart de ces travailleurs attendent depuis quatre ans pour obtenir une convention collective ».

Pour ajouter l'insulte à l'injure, le gouvernement Higgs a annoncé le 11 décembre de l'année dernière qu'il allait accorder à tous les travailleurs du secteur public zéro pour cent d'augmentation pour l'année où ils ont travaillé pendant la pandémie. Steve Drost a dit que le gouvernement provincial ne devrait pas commettre l'erreur de penser que les travailleurs essentiels qui ont tout mis en oeuvre pour lutter contre la COVID-19 pour la population du Nouveau-Brunswick ne s'uniront pas pour défendre leurs droits et leur dignité par des actions coordonnées.

Forum ouvrier publie une entrevue avec Steve Drost faite quelques jours avant la conférence de presse.

(Photo : NB Media Coop)

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La résistance aux abus de pouvoir du gouvernement

Rassemblement devant l'hôpital de Sackville, le 16 février 2020, contre la fermeture de l'urgence

Steve Drost est le président de la section du Nouveau-Brunswick du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-NB) Il a été élu le 24 avril 2021 lors du congrès annuel du syndicat.

Forum ouvrier : Combien de travailleurs le SCFP-NB représente-t-il et quels genres d'emplois occupent-ils ?

Steve Drost : Nous représentons 28 000 travailleurs dans plus de 100 classifications différentes. Nous avons des membres dans à peu près tous les secteurs et toutes les communautés du Nouveau-Brunswick. Nous sommes présents dans les hôpitaux, les écoles, les services sociaux, les communications, les transports, les foyers de soins, les établissements de soins de longue durée et plus encore. Nous représentons une grande variété de travailleurs de la fonction publique.

FO : Quelles sont les principales préoccupations du syndicat en ce moment ?

SD : Moi-même et plusieurs autres dirigeants du SCFP-NB constatons que les syndicats du secteur public et les services publics sont attaqués par le gouvernement actuel. Cela dure depuis de nombreuses années avec les programmes d'austérité que les gouvernements continuent de mettre en oeuvre. Nous avons de sérieuses inquiétudes parce que ce ne sont pas seulement les 28 000 membres du SCFP-NB qui sont attaqués, mais tous les travailleurs du secteur public de la province. Au SCFP, il y a actuellement cinq sections locales provinciales, de grands groupes au sein du SCFP-NB, qui sont dans une impasse dans leurs négociations avec le gouvernement provincial et qui peuvent maintenant tenir des votes de grève. Il y a plusieurs autres sections locales du SCFP qui sont très près d'une impasse. Tous les groupes ont essayé de négocier une entente de convention collective équitable, certains depuis deux ans, d'autres depuis quatre ans. L'année dernière, le 11 décembre, le gouvernement provincial a annoncé qu'il n'offre aucune augmentation salariale aux travailleurs du secteur public pour l'année où nous avons travaillé pendant la pandémie. Nous considérons cela comme une insulte et un manque flagrant de respect.

https://cpcml.ca/francais/Images2020/Slogans/180428-MTL-PremierMai-15cr2.jpgMême avant la pandémie, nous étions confrontés à une grave crise de recrutement et de rétention du personnel dans les foyers de soins, dans les hôpitaux, dans nos écoles, y compris les psychologues et les autres services de soutien dans les écoles. Nous vivons une crise de recrutement et de rétention de travailleurs sociaux qui oeuvrent à la protection de l'enfance et offrent les services aux personnes âgées. Le SCFP-NB est un des six principaux syndicats du Nouveau-Brunswick. Tous les autres syndicats provinciaux sont confrontés aux mêmes problèmes ; un gouvernement qui ne négociera pas de manière équitable, un gouvernement que nous jugeons abusif. Nous considérons que c'est un abus de pouvoir et de contrôle. Nous avons connu plus de 12 ans sans augmentations de salaire acceptables qui compensent l'augmentation du coût de la vie. Je parle ici d'environ 95 % des travailleurs du secteur public. Très peu ont été capables de faire face au coût de la vie.

Le gouvernement attaque essentiellement les syndicats du secteur public. Nous considérons que cela fait partie d'un plan beaucoup plus vaste. Nous savons qu'au fil des ans, ils ont réussi à réduire la taille, la force et le pouvoir des syndicats du secteur privé et maintenant ils s'en prennent aux syndicats du secteur public. Nous avons de sérieuses inquiétudes à ce sujet parce que nous connaissons les impacts négatifs que cela aurait sur nos communautés et sur nos économies locales. Chose encore plus importante, les citoyens méritent des services publics de qualité. Cela a atteint le point où nous avons décidé que nous devons riposter, et pas seulement pour nos emplois et nos salaires. Nous devons agir pour protéger les services publics. Nous voulons que les gouvernements investissent dans les services publics et n'essaient pas de les démanteler et de les vendre à leurs amis.

Le gouvernement continue de privatiser différents éléments des services publics. Par exemple, le Nouveau-Brunswick avait autrefois une société d'État appelée la Société de gestion des placements du Nouveau-Brunswick qui gérait les pensions des travailleurs du secteur public. Celle-ci a été convertie en une agence privée, un groupe à but non lucratif appelé Vestcor. Ce soi-disant organisme à but non lucratif gère maintenant les pensions de nombreux travailleurs du secteur public. Le gouvernement veut également privatiser différentes parties du système de santé et différentes composantes du système d'éducation.

Le gouvernement a désinvesti dans les services publics avec ses programmes d'austérité pendant plus de deux décennies. Nous étions confrontés à de graves problèmes de recrutement et de rétention avant la pandémie. La COVID-19 a vraiment montré où nous avons de graves lacunes dans nos services publics et à quel point le filet de sécurité sociale des citoyens est vraiment fragile. Par exemple, la section locale 1252 du SCFP, le Conseil des syndicats d'hôpitaux du Nouveau-Brunswick, a récemment publié un communiqué de presse dans lequel il a identifié des centaines de postes vacants qui ne sont pas comblés. Je sais que la même chose se produit avec le Conseil des syndicats des foyers de soins du Nouveau-Brunswick (CSFSNB), qui fait également partie du SCFP-NB. Le CSFSNB a 300 à 400 postes vacants qui ne sont pas en train d'être comblés. Il y a beaucoup d'autres exemples comme ça. Il s'agit d'une attaque contre les services publics et une attaque flagrante contre les travailleurs du secteur public par l'absence de négociation équitable des conventions collectives.

Nous pensons qu'il est nécessaire d'adopter une position de force car, en fin de compte, il s'agit de justice sociale et économique. L'inégalité économique est pire maintenant qu'elle ne l'a été aussi loin que je me souvienne, et j'ai été travailleur social de première ligne pendant 33 ans et demi. Cette inégalité vient d'exploser pendant la pandémie.

Nous pensons que cette inégalité a beaucoup à voir avec les choix qui sont faits par les idéologues de droite qui sont au pouvoir dans les gouvernements. Ils continuent de dire qu'ils veulent investir dans le secteur privé. Ils ne veulent pas investir dans les services publics et ne veulent certainement pas traiter avec justice les travailleurs de la fonction publique et pas même leur accorder un salaire correspondant au coût de la vie. Ils offrent aucune augmentation aux travailleurs qui ont risqué leur vie. Ce sont les travailleurs essentiels de première ligne, qu'ils soient du secteur privé ou du secteur public, syndiqués ou non syndiqués, qui ont aidé cette province à traverser la pandémie. L'annonce par le premier ministre que son gouvernement n'accordera aucune augmentation de salaire pour 2021 à l'ensemble des travailleurs du secteur public est une insulte. Un grand nombre de ces travailleurs du secteur public négocient depuis trois ou quatre ans, ce qui est ridicule, et le gouvernement tarde encore et encore et ne s'est jamais présenté à la table prêt à vraiment négocier. Le gouvernement s'attend à ce que beaucoup de ces groupes acceptent trois ans d'augmentations de 1 %, de 2018 à 2020, puis aucune augmentation pour cette année. C'est là que nous voyons un abus de pouvoir. C'est inacceptable.

Le SCFP-NB représente 28 000 travailleurs et il y en a près de 20 000 sans convention collective pour le moment. C'est également le cas pour de nombreux autres travailleurs du secteur public de la province.

FO : Quel travail fait le SCFP-NB en ce moment pour changer la situation en faveur de la population ?

SD : Le public commence à réaliser à quel point les services publics et les travailleurs du secteur public sont importants, car les travailleurs risquent leur vie pour aider la province à traverser la pandémie. Nous ne prenons pas notre argent pour aller le cacher à l'étranger. Nous le dépensons dans nos économies locales. Nous sommes l'épine dorsale des économies locales.

Nous travaillons en étroite collaboration avec tous nos dirigeants à la table et avec nos dirigeants qui font partie de l'exécutif du SCFP-NB. Nous discutons avec d'autres syndicats du secteur public et des alliés dans les communautés. Nos membres en ont assez et nous les écoutons et travaillons avec eux pour faire ce qui est juste. Nous examinons quels types d'actions peuvent être nécessaires. Nous espérons qu'avec de nombreux groupes en position de grève, notre mobilisation croissante des membres et le soutien des communautés, le gouvernement va s'asseoir, cesser d'être hypocrite et commencer à négocier réellement. Nous travaillons actuellement à une campagne avec des messages externes adressés au public et des messages internes pour nos membres. C'est la continuation de notre campagne « Négocions vers l'avant » que nos travailleurs ont demandée et qu'ils ont adoptée.

(Photos: FO, B. Wark, CSFSNB)

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