Forum ouvrier

Numéro 57 - 16 juin 2021

Assemblée générale virtuelle 2021 du Congrès
du travail du Canada - 16 au 18 juin

Le mouvement ouvrier doit donner au Canada un but politique prosocial

L'Assemblée générale du CTC débute
Quelques réflexions sur la thèse de base de l'Assemblée générale
du CTC
- Pierre Chénier


Assemblée générale virtuelle 2021 du Congrès du
travail du Canada - 16 au 18 juin

Le mouvement ouvrier doit donner au Canada un but politique prosocial

Forum ouvrier salue les délégués qui participent à la 29e Assemblée générale du Congrès du travail du Canada qui se tient virtuellement du 16 au 18 juin. Nous félicitons les travailleurs qui, d'un océan à l'autre, ont montré par leurs actes que leur lutte pour les droits de toutes et tous est une lutte pour la vie de toutes et tous. L'année qui vient de s'écouler, une année de pandémie, a montré par-dessus tout que les Canadiens dépendent des actes des travailleurs pour leur santé et leur sécurité dans tous les domaines de la vie. C'est grâce à leurs actions dans toutes les cellules de la société, des soins de santé aux mines, moulins, usines et forêts, en passant par l'agroalimentaire, le transport et les communications et dans les établissements d'enseignement et dans les communautés, que les besoins en matière de sécurité sont satisfaits parce que les travailleurs placent le bien-être de la population au premier plan.

Il ne sert à rien de demander aux gouvernements ou aux partis cartellisés, dont le but est d'empêcher le peuple d'accéder au pouvoir, de passer de la parole aux actes. Leurs actes révèlent précisément ce qu'ils représentent. Ils se sont servis de la pandémie pour inventer de nouveaux moyens de payer les riches, les besoins des travailleurs servant de prétexte à l'injection de milliards de dollars dans des stratagèmes pour payer les riches.

En se réunissant pour aborder les questions les plus importantes pour le mouvement ouvrier, les délégués doivent nécessairement aborder le besoin fondamental de la classe ouvrière de se donner et donner au pays un but politique prosocial. Même un examen sommaire des événements de l'année écoulée, des quelques dernières années et des deux dernières décennies montre que, quel que soit le parti politique au pouvoir au niveau provincial ou fédéral, ils poursuivent tous le même objectif antisocial qui a contribué à la destruction nationale et à la détérioration de l'environnement naturel et social. Si l'on ne tient pas compte de cette réalité concernant l'objectif fixé par les riches pour la société, on devient la proie de l'idée que c'est tel ou tel programme du parti au pouvoir qui est responsable des effets dévastateurs de la crise économique et que les travailleurs peuvent confier leur sort au programme d'un autre parti cartellisé pour qu'il fasse mieux.

Il ne sert à rien de s'accrocher aux tentatives de transformer les travailleurs en une banque de votes pour un autre parti politique qui aurait un meilleur programme. Les travailleurs savent déjà qu'ils ne peuvent pas se permettre de marquer le pas. Alors qu'ils sont les victimes et les boucs émissaires des stratagèmes pour payer les riches, leurs conditions de vie et de travail se détériorent en même temps que celles de leurs familles et de leurs communautés, de leurs régions et du pays tout entier et de toutes ses parties constituantes, y compris les peuples autochtones, les femmes, les enfants et les personnes âgées, ainsi que tous les autres intérêts identifiables ayant des réclamations légitimes à faire à la société. Il est certain que les travailleurs deviendront de plus en plus hostiles aux tentatives continues de détourner le mouvement ouvrier de la défense de leurs intérêts pour en faire une réserve des stratagèmes pour payer les riches des cercles dirigeants, tandis que tous les individus et les collectifs sont contraints de se débrouiller par eux-mêmes dans des circonstances toujours plus difficiles.

La vision du monde des cercles dirigeants est que les travailleurs ne sont qu'une simple force productive et sont remplaçables. Ils n'ont aucun rôle à jouer dans la prise des décisions qui concernent leur vie ou celle du corps politique dont ils font partie. Les travailleurs ont même été privés de leur droit de participer à l'élaboration des politiques de leurs propres collectifs en raison de l'imposition d'ordres du jour cachés, ce qui contourne le besoin de leur propre action humaine pour apporter des changements en leur faveur.

Le système actuel de démocratie non représentative permet aux travailleurs de produire et aux riches de gouverner. Une des principales justifications de l'offensive antisociale brutale qui a détruit les programmes sociaux était qu'il y avait un « manque de ressources » et que les travailleurs devaient par conséquent faire des sacrifices. Les dirigeants ont néanmoins réussi à canaliser ces « ressources rares » dans leurs porte-monnaie en constante expansion. L'expérience a montré que le problème n'est pas du tout le « manque de ressources » et que les travailleurs doivent fixer un objectif pour la société qui place leurs réclamations et celles de tous les Canadiens au premier plan. Les travailleurs sont privés de pouvoir politique et tous les efforts doivent être déployés pour résoudre ce problème.

Il n'y a pas de « manque de ressources » au Canada. C'est un des pays les plus riches en ressources naturelles, en moyens de production avancés et en main-d'oeuvre instruite en abondance. Le seul rôle donné à la classe ouvrière et au peuple est de se soumettre au diktat des riches et de ceux dont la mission est de payer les riches.

Le rôle de la démocratie et du « processus démocratique », y compris la partie électorale, les assemblées législatives et les autres institutions, est de rendre le tout crédible, comme si le pouvoir servait tout le monde. Bien sûr, plus les caractéristiques dictatoriales de ce pouvoir se révèlent, moins le système est crédible et légitime. C'est précisément ce qui s'est passé au cours de cette année de pandémie et depuis le déclenchement de l'offensive antisociale au début des années 1990. Il est inévitable que les gouvernements à différents niveaux deviennent de plus en plus désespérés, irrationnels et cruels dans leurs tentatives de faire plier la classe ouvrière et le peuple et de leur faire accepter la restructuration et la destruction massives auxquelles se livrent les dirigeants.

Les dirigeants sont guidés par les exigences non négociables des oligopoles qui dominent l'économie de guerre des États-Unis, le secteur de la santé, les projets d'infrastructure, l'exploitation minière, l'agroalimentaire et tout le reste, y compris ce qu'il faut faire face à la destruction de la Terre Mère.

Alors que tout cela montre la nécessité que la classe ouvrière établisse son propre objectif politique pour la société, on tente, une fois de plus, de la maintenir enchaînée à l'objectif politique de tel ou tel parti dont les paroles et les promesses sont conçues pour dissimuler un autre objectif. Tous les Canadiens savent que ces promesses et programmes servent les riches, qu'ils soient « de droite » ou « de gauche ».

La bataille aujourd'hui oppose ceux qui adoptent une nouvelle façon de faire les choses à ceux qui exigent qu'on s'en tienne à l'ancienne. La classe ouvrière doit résolument prendre en main son propre objectif politique et mettre fin à la situation où elle est marginalisée quand son effort est détourné dans des appels à élire tel ou tel représentant d'une classe dirigeante de plus en plus corrompue et décadente, peu importe les prétentions.

À cet égard, la question que doivent se poser les délégués à l'Assemblée générale du CTC est la suivante : le mouvement ouvrier peut-il espérer une résolution positive et une nouvelle orientation de la part des forces et partis politiques responsables de ce que le CTC appelle à juste titre « les profondes lacunes de notre société et de notre économie », de ces partis politiques et de ces forces sociales qui imposent aux travailleurs et au pays la priorité de renforcer le pouvoir et les priorités des employeurs ?

La réponse à cette question se trouve dans la réponse à la pandémie du gouvernement fédéral libéral et des gouvernements provinciaux. Ils ont continué de mobiliser sans ménagement les ressources publiques pour payer les riches, en utilisant les besoins des travailleurs comme prétexte. Par leurs actions, ils ont empêché le mouvement ouvrier de discuter, de concevoir et de mettre en oeuvre une nouvelle orientation prosociale qui place les travailleurs et leurs besoins au centre de toute mesure prise dans toutes les conditions et circonstances.

Forum ouvrier encourage tous les travailleurs à mettre en oeuvre des alternatives à la destruction nationale par la classe dirigeante. L'opposition à la destruction des programmes sociaux et à l'élimination des normes acceptables pour les travailleurs règle les comptes avec les anciens arrangements. La classe dirigeante veut que les travailleurs se bercent d'illusions et acceptent de croire qu'il est possible d'éviter les dangers qui guettent sans que les travailleurs ne s'emparent eux-mêmes du pouvoir de décision. Il n'en est rien. C'est en faisant résolument leurs réclamations à la société, ce qu'ils doivent faire pour défendre les droits de tous et toutes et sauver les vies de tous et toutes, que les travailleurs établissent l'alternative et ouvrent la voie au progrès de la société.

Les Canadiens dépendent des actes des travailleurs. Ils ne peuvent pas se permettre de se laisser détourner par l'invitation de faire appel aux dirigeants de passer de la parole aux actes. Les Canadiens ont vu les actes des dirigeants et n'en veulent pas. Ils ont également vu les actes des travailleurs et ils en veulent plus. C'est là le coeur du problème aujourd'hui.

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L'Assemblée générale du CTC débute

Le Congrès du travail du Canada (CTC) tient sa 29e Assemblée générale du 16 au 18 juin. Le thème de l'Assemblée est « Définir l'avenir ». Elle se tient de façon virtuelle de 13 h à 17 h (heure de l'Est) pendant trois jours. Juste avant l'ouverture, 4 224 délégués et observateurs étaient inscrits: les 4 dirigeants du CTC; 3 726 délégués provenant des affiliés et des sections locales de syndicats; 120 délégués provenant des Fédérations du travail et des Conseils du travail et 374 observateurs.

Une vidéo et une allocution du président ouvriront l'Assemblée le 16 juin. Le Conseil canadien du CTC présentera ensuite son rapport suivi d'une discussion et de l'adoption de résolutions et de quatre énoncés de politique.

Les quatre énoncés de politique de la 29e Assemblée générale du CTC sont regroupés sous le titre « Définir l'avenir : de pandémie à promesse ».

Les quatre énoncés de politique ont comme titre :

1. Programme pour la démocratie
2. Programme pour les bons emplois
3. Programme pour l'action climatique
4. Programme pour les droits de la personne

Le deuxième jour, il y aura un forum des candidats qui veulent combler le poste de président, les deux postes de vice-président exécutif et le poste de secrétaire-trésorier. Les élections se tiendront le dernier jour, soit le 18 juin.

Les quatre dirigeants actuels du CTC sont :

Hassan Yussuff, président
Marie Clarke Walker, secrétaire-trésorière
Donald Lafleur, vice-président exécutif
Larry Rousseau, vice-président exécutif

Le président du CTC Hassan Yussuff ne se représente pas et prend sa retraite. La secrétaire-trésorière Marie Clarke Walker ne se représente pas elle non plus.

Larry Rousseau se présente à nouveau au poste de vice-président exécutif.

Il est important de noter qu'UNIFOR, le plus grand syndicat du secteur privé du Canada, qui possède 310 000 membres, n'a aucun délégué à l'Assemblée générale du CTC. En janvier 2018, UNIFOR a annoncé qu'il mettait fin à son affiliation au CTC. UNIFOR a été fondé en 2013 par une fusion entre les Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) et le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP). Le SCEP avait été créé en 1992 par une fusion entre le Syndicat canadien des travailleurs du papier, le Syndicat des travailleurs et travailleuses en communication et en électricité du Canada et le Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie. La 29e Assemblée générale du CTC est la première qui se tient sans la présence de délégués d'UNIFOR qui, lors des assemblées générales précédentes, formaient au moins 10% du nombre total de délégués.

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Quelques réflexions sur la thèse de base de l'Assemblée générale du CTC

Les énoncés de politique du CTC critiquent les politiques néolibérales des gouvernements actuels. En même temps, ils appellent le mouvement syndical à renforcer les institutions démocratiques libérales politiques existantes qui sont responsables des attaques. Ils disent qu'il faut appuyer ces institutions antiouvrières pour empêcher la montée de courants extrémistes de droite qui mèneraient à des attaques encore plus graves. Au bout du compte, ils lancent l'appel à appuyer les libéraux de Justin Trudeau, qu'ils considèrent comme un parti non extrémiste, un parti de l'équité. Ils n'expliquent pas en quoi le Parti libéral mérite cet appui, lui qui est depuis des décennies un ardent défenseur des politiques néolibérales qui attaquent les travailleurs, les programmes sociaux et les services publics et qui paient les riches.

Les documents considèrent que la pandémie est un moment charnière pour la préservation du système de démocratie libérale et des institutions libérales et empêcher que les sociétés se tournent vers l'extrémisme. Le fait que la démocratie libérale et ses institutions se consacrent depuis leur création à la protection de la propriété privée plutôt que des droits humains ne semble pas préoccuper les auteurs. Ils ne voient pas la nécessité de faire des droits humains un objectif charnière de la société plutôt que les droits de propriété. Selon ces énoncés, le mouvement ouvrier doit faire en sorte que les travailleurs soient mobilisés comme une force pour consolider les institutions qui défendent la propriété privée et non les droits humains.

Les auteurs des énoncés de politique évitent toute discussion sur la recherche et la lutte pour une nouvelle direction de l'économie qui met fin à l'économie qui paie les riches, qui sert l'oligarchie mondiale et qui considère les droits humains comme un obstacle aux droits de propriété ou quelque chose qui peut être manipulé à l'échelle internationale pour servir leurs intérêts. Ils insistent que les travailleurs n'ont pas à devenir politiques eux-mêmes, ni à chercher à s'investir du pouvoir de décision ou à avoir un ordre du jour indépendant de l'élite dirigeante et de ses institutions politiques. Ils encouragent les travailleurs à faire confiance aux forces qui sont les architectes du néolibéralisme.

Les énoncés de politique appellent systématiquement les travailleurs à céder leurs politiques et leurs voix à ceux qui appartiennent aux partis politiques cartellisés. Les travailleurs doivent se réduire à un rôle de groupe de pression sur l'élite dirigeante pour qu'elle agisse correctement. Ceci nie toute discussion sur le fait que les travailleurs doivent devenir eux-mêmes les preneurs de décision et exercer leur contrôle sur l'économie, la politique et toutes les affaires qui les touchent de près et affectent leur vie.

Les énoncés de politique mettent de l'avant l'argument que les travailleurs ne doivent pas être militants et prendre une position ferme à la défense des droits et des réclamations car cela ternit l'image des syndicats. Les travailleurs doivent plutôt se faire les défenseurs de l'équité et démontrer que ce sont les syndicats qui fournissent  l'équité à la société, etc., en opposition à tout ce qui est mauvais dans la société. Les énoncés de politique ignorent la réalité que les travailleurs sont en contradiction avec leurs employeurs. Ils font face à une force sociale qui achète leur capacité de travailler afin de l'exploiter pour le profit maximum. L'équité et la justice ne sont pas possibles et c'est seulement par la lutte organisée à la défense des droits et des réclamations qu'il est possible d'atteindre un certain équilibre entre les forces en conflit, qui favorise la classe ouvrière.

Les énoncés de politique laissent entendre que la pandémie a montré que les travailleurs sont essentiels et que la réponse des cercles dirigeants a été de mettre l'austérité sur pause pour faire couler l'argent à flot, emprunté pour la plus grande partie aux riches eux-mêmes. Ils mettent en garde contre les dangers à venir d'une croissance de l'extrémisme de droite, ce qui voudrait dire que les travailleurs doivent être à la hauteur du défi en se faisant les défenseurs de la démocratie libérale et de ses institutions, plutôt que de renforcer leurs propres organisations de défense et se préparer consciemment à passer à l'offensive pour défendre leurs droits et leurs réclamations et bâtir le Nouveau.

Les auteurs semblent penser que le parlement et les autres institutions n'ont pas perdu de leur pouvoir et de leur contrôle aux mains des intérêts privés des oligarques mondiaux. Dans cette perspective, ils proposent que les syndicats continuent de jouer le rôle de groupes de pression extra-parlementaire. Ils semblent proposer une ligne de marche qui a déjà disparu. Les énoncés de politique s'accrochent à un statu quo qui s'est déjà effondré. Dans ce sens, ils ne sont pas utiles pour ouvrir une voie pour le renouveau démocratique que la réalité elle-même montre comme étant nécessaire.

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