Forum ouvrier

Numéro 16 - 12 mars 2021

Augmentez le financement et la responsabilité sociale
de l'éducation postsecondaire!

La crise du financement ne doit pas être utilisée pour attaquer les professeurs,
le personnel et les étudiants et miner
la responsabilité sociale

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À Vancouver
Une campagne vigoureuse pour appuyer les enseignants de l'anglais
langue seconde



Augmentez le financement et la responsabilité sociale
de l'éducation postsecondaire!

La crise du financement ne doit pas être utilisée pour attaquer les professeurs, le personnel et les étudiants et miner la responsabilité sociale

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Le budget 2021 du gouvernement de l'Alberta, présenté le 25 février par le Parti conservateur uni (PCU) à l'Assemblée législative de l'Alberta, est une nouvelle attaque contre le droit à l'éducation postsecondaire (EPS). En octobre 2019, le PCU a annoncé son intention de réduire le financement de l'EPS au cours des quatre prochaines années. Avec la réduction de 7,9 % des subventions de fonctionnement de ce budget, soit 135 millions de dollars, la réduction globale du PCU à l'EPS est maintenant passée à 690 millions de dollars et d'autres compressions sont encore à venir. Ceci s'appuie sur la logique néolibérale tordue du PCU selon laquelle l'argent investi dans l'EPS est une « dépense » tandis que les dons aux entreprises privées qui soutiennent le PCU constituent un « investissement ». En contradiction totale avec le PCU, une étude récente menée par des économistes de l'Université de l'Alberta a estimé la contribution économique annuelle de l'université à la province à environ 15 milliards de dollars.

L'enseignement postsecondaire en Alberta est sous-financé depuis longtemps. Pendant des décennies après 1945, les gouvernements ont fourni plus de 80 % du financement. À une certaine époque, le gouvernement fédéral s'était engagé à couvrir la moitié des dépenses de fonctionnement postsecondaire des provinces. Au fil du temps, la part fédérale a considérablement diminué. En 1992-1993, la contribution du gouvernement fédéral (ajustée en fonction de l'inflation) était de 3 291 dollars par étudiant, tandis qu'en 2015-2016, elle avait chuté de 40 % pour s'établir à 2 007 dollars par étudiant. Cette baisse de la part fédérale, conjuguée aux compressions provinciales, a entraîné une augmentation de la part de revenus provenant des frais de scolarité, qui est passée de 16 % en 1985 à 40 % en 2015. L'autre augmentation du financement concernait l'investissement privé « assorti de conditions » des entreprises et de riches donateurs, avec une érosion croissante du contrôle public. 

Le PCU demande maintenant aux institutions d'EPS de « générer davantage leurs propres revenus », ce qui signifie essentiellement « se vendre davantage aux entreprises ». Les frais de scolarité des étudiants et les autres frais supplémentaires frauduleux de divers types n'ont cessé d'augmenter au fil des ans, sauf pendant le gel de frais de scolarité légiférés, comme ce fut le cas sous le gouvernement provincial précédent. Le gouvernement du PCU autorise désormais une augmentation annuelle des frais de 7 % au maximum, un changement dont de nombreuses administrations d'EPS profitent déjà. Selon Statistique Canada, de septembre 2019 à septembre 2020, les frais de scolarité en Alberta sont ceux qui ont le plus augmenté au Canada. Le résultat sera une diminution de l'accès à l'éducation postsecondaire et une augmentation de la dette étudiante, maintenant estimée à plus de 20 000 dollars en moyenne par étudiant. Tout cela alors qu'il existe de nombreux pays où les étudiants ne paient aucun frais de scolarité.

Il y a aussi ce phénomène de l'utilisation éhontée des étudiants internationaux comme une véritable mine d'or par les gouvernements et les institutions postsecondaires. Ces étudiants doivent payer des frais de scolarité exhorbitants dont on dit qu'ils font vivre les institutions. Cela met en lumière un problème sérieux dont il faut discuter: comment l'éducation postsecondaire devrait-elle être financée au Canada afin qu'elle serve les besoins d'une société moderne qui humanise l'environnement social et naturel tout en soutenant les droits de tous? Cela peut être fait si on utilise toutes sortes de moyens prosociaux asurant l'autonomie, des moyens dont tous peuvent participer à l'élaboration.

Un des traits des attaques néolibérales contre l'éducation postsecondaire est le remplacement d'administrateurs qui, par le passé, étaient chargés de réaliser les objectifs pédagogiques par des experts dans l'application de compressions budgétaires. Cela explique l'absence totale d'opposition de la part des hautes administrations des institutions d'enseignement postsecondaire aux récentes compressions budgétaires du PCU. Alors que les professeurs, les étudiants et le personnel ont résisté et ont défendu le droit à l'éducation, les administrations ont simplement capitulé et concocté des moyens de « s'ajuster » ou de « restructurer ». Ignorant la mission académique des institutions, la restructuration a consisté à licencier des centaines d'employés, à éliminer des programmes importants, à supprimer des cours, à fusionner des départements, à fermer des bibliothèques, à négliger l'entretien, etc. Les administrations et le PCU affirment de façon absurde que tout cela n'a aucun effet négatif sur l'apprentissage des étudiants !

Les attaques du PCU contre les établissements d'enseignement postsecondaire sont facilitées par leurs agents de l'intérieur. En août 2019, le gouvernement du PCU a limogé un certain nombre de membres des conseils d'administration de ces institutions et les a remplacés par 44 personnes nommées par eux, sans suivre la procédure régulière. Beaucoup provenaient du secteur privé de l'énergie fortement subventionné. Par exemple, Nancy Laird, une dirigeante du secteur de l'énergie depuis 30 ans, a été nommée la nouvelle présidente du conseil d'administration de l'Université Athabasca en ligne. Alors que les représentants des entreprises (connus sous l'euphémisme de « membres du public ») ont toujours occupé les sièges du conseil des gouverneurs, cette attaque éclair du PCU a été la première fois qu'un gouvernement a imposé simultanément un grand nombre de représentants des entreprises à de nombreuses institutions.

Tout au long du processus de restructuration actuel, les administrations des établissements d'enseignement postsecondaire n'ont mené aucune consultation significative avec les professeurs, le personnel et les étudiants. L'Association des professeurs de l'Université de l'Alberta (AASUA) a déclaré le 20 novembre 2020 : « Nous n'avons eu accès à aucune des données détaillées, des projections financières, des repères et des calculs sous-jacents à l'ensemble du processus de L'Université de l'Alberta de demain. De plus, nous nous sommes vu refuser des sièges aux tables où l'analyse est en train d'être discutée et où les options sont conçues et examinées. » D'autres établissements d'enseignement postsecondaire de l'Alberta excluent également les professeurs, le personnel et les étudiants du processus décisionnel.

Les compressions budgétaires du PCU et d'autres attaques contre le droit à l'enseignement supérieur révèlent à quel point les universités de recherche de l'Alberta servent de plus en plus directement l'industrie privée. Le gouvernement du PCU déclare ouvertement que la recherche la plus importante en éducation postsecondaire est celle qui est la plus facilement commercialisée. Une grande partie de la recherche universitaire pour des intérêts privés est effectuée en catimini et gardée secrète, et une grande partie viole l'intégrité académique des institutions où elle se déroule. Les universités de recherche en Alberta financent des projets où le personnel universitaire hautement qualifié effectue la recherche, mais l'essentiel du pouvoir décisionnel est détenu par les monopoles privés et, en fin de compte, les résultats profitent au secteur des entreprises qui l'acquiert à bon marché.

Enfin, comme des zombies sortant de leurs tombes, des indicateurs de rendement (IR) sont à nouveau proposés par les administrateurs de l'enseignement postsecondaire comme moyen de déterminer le financement qu'une institution devrait recevoir. Les indicateurs suggérés comprennent les taux d'emploi et de revenu des diplômés, les inscriptions internationales et nationales et les ratios des dépenses administratives. Cette idée est devenue la vogue à l'époque Reagan/Thatcher, un aspect du mouvement néolibéral pour transformer les universités en entreprises, avec des structures organisationnelles de haut en bas recherchées par les entreprises. Les IR visent à réduire les coûts de production de l'éducation, c'est pourquoi ils s'accompagnent toujours de réductions budgétaires implacables. Ceux qui mettent de l'avant les IR croient fondamentalement que les établissements d'enseignement postsecondaire devraient servir servilement les monopoles et que tout ce qui n'est pas mesurable par des chiffres, par exemple la pensée critique, est sans valeur et devrait donc être ignoré.

Pour affirmer le droit à l'éducation postsecondaire, il faut non seulement faire le bilan de la situation actuelle, mais aussi proposer des idées concrètes de changement. Un tel programme pourrait se concentrer sur la mise en oeuvre des principes directeurs suivants. Ceux-ci ne se veulent pas exhaustifs.

1. Reconnaissance et législation de l'éducation en tant que droit que toute personne possède en tant qu'être humain.

2. Augmentation continue des investissements dans l'éducation.

3. Financement basé sur les besoins des étudiants et les responsabilités sociales, et non sur des budgets néolibéraux prédéterminés.

4. La fin de la privatisation de l'éducation et l'élimination de la mainmise de l'entreprise privée sur la prise de décision sur les questions qui concernent à qui sert l'éducation.

5. Élimination de tous les frais afférents.

6. Mesures de reddition de comptes qui reflètent les besoins d'une société démocratique.

7. Tout le personnel doit disposer des conditions de travail et tous les étudiants des conditions d'apprentissage qui sont nécessaires pour dispenser une éducation de qualité.

8. Contribution significative de tout le personnel et de tous les étudiants lorsqu'ils sont affectés, aux processus décisionnels.

9. Cours obligatoires sur le travail et les études autochtones, créés respectivement par les travailleurs et les nations autochtones.

10. Mise en place d'un système d'éducation public complet gratuit et de qualité accessible à tous.

Il est indispensable que l'unité entre les professeurs, le personnel et les étudiants au sein des institutions postsecondaires et entre elles soit développée au cours des actions avec analyse visant à changer la situation. Les forces anti-éducation veulent diviser les professeurs, le personnel et les étudiants en les incitant à s'entredéchirer. Se blâmer mutuellement, c'est jouer le jeu des gouvernements néolibéraux au service des intérêts privés, peu importe le parti cartellisé qui est au pouvoir, et de leurs administrations serviles qui s'en tirent à bon compte même si elles sont responsables de la situation actuelle. Une fois de plus, plutôt que de défendre le droit à l'éducation, les hautes administrations ont capitulé avec leurs plans de restructuration bidon qui visent à attaquer les professeurs et le personnel à temps plein et à temps partiel, causant une grave dégradation des missions académiques des institutions postsecondaires. L'Université Laurentienne a même eu recours à la protection contre l'insolvabilité, qui est une manoeuvre bien connue pour rejeter le fardeau de la crise sur le dos de la classe ouvrière par le biais d'un plan de restructuration conçu par des intérêts privés étroits pour servir des intérêts privés étroits. L'Université Laurentienne a embauché Ernst and Young (EY), notoire auprès des travailleurs de Stelco et d'autres travailleurs dans tout le pays pour ses restructurations visant à se débarrasser des postes à temps plein et des régimes de retraite. Face à ce qui se produit, nous devons exiger des comptes des hautes administrations des institutions postsecondaires et des gouvernements tels que le gouvernement du PCU de l'Alberta, le gouvernement Ford en Ontario et le gouvernement fédéral pour leurs activités de destruction nationale.

Comme c'est le cas partout dans la société, la question clé à laquelle tout le monde est confronté est « Qui décide ? ». Le système actuel de gouvernance des institutions postsecondaires prive de pouvoir les professeurs, les étudiants et le personnel alors que c'est en eux que le pouvoir décisionnel doit être investi, pas dans des valets d'entreprise qui n'ont aucun intérêt dans la mission académique des institutions. Nous devons mettre fin aux « consultations » bidon où les professeurs, les étudiants et le personnel tentent de s'exprimer, mais sont assujettis à un ordre du jour et à des résultats prédéterminés, et sont accusés d'être des ennemis de la viabilité de l'institution lorsqu'ils défendent les droits de tous et préconisent des solutions basées sur la responsabilité sociale. Les professeurs et le personnel sont aussi résolus à mettre fin à la représentation symbolique sur les comités administratifs qui finissent par faire ce qu'ils veulent et ignorent l'apport des personnes qualifiées et les questions qu'elles soulèvent, par exemple qui l'éducation doit-elle servir, comment ces objectifs doivent être atteints et dans quelles conditions.

En s'opposant notamment aux changements dans la gouvernance et aux hausses de frais, les professeurs, les étudiants et le personnel assument déjà de plusieurs manières leur responsabilité sociale envers l'éducation postsecondaire. La défense de nos droits et des droits de tous doit servir de guide à la résolution des problèmes académiques de sorte à réellement améliorer la qualité de l'apprentissage des étudiants et de répondre aux besoins de la société et non des intérêts privés étroits. En prenant en main de mener cette lutte, prendre en charge de décider collectivement de toutes les questions qui touchent notre vie devient une nouvelle norme. S'organiser pour exercer un contrôle sur les institutions postsecondaires et leur mission académique est la voie vers l'avant pour bâtir des universités et des sociétés qui servent les intérêts des travailleurs au pays et à l'étranger à l'édification nationale continue.

La semaine prochaine : Le recours par l'Université Laurentienne à la protection contre l'insolvabilité aux dépens des professeurs, du personnel et des étudiants.

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À Vancouver

Une campagne viroureuse pour appuyer les enseignants de l'anglais langue seconde

Les enseignants de l'École internationale des langues du Canada (ÉILC) à Vancouver invitent les gens à les appuyer dans leur lutte pour défendre leurs emplois. Les enseignants de l'anglais langue seconde (ALS) sont membres de la Education and Training Employees Association - ETEA (l'Association des employés de l'éducation et de la formation professionnelle), qui représente près de 200 enseignants du District régional du Grand Vancouver. Depuis la mise sur pied du syndicat en 1995, les enseignants ont obtenu des augmentations de salaire et des améliorations de leurs conditions de travail. Maintenant, la compagnie utilise les conditions de la pandémie pour éliminer ce que les enseignants ont gagné et pour les congédier massivement. L'ETEA fait partie de la Fédération des éducateurs du postsecondaire de Colombie-Britannique qui rapporte que l'ÉILC est la seule école de langues qui n'a pas conclu d'entente avec une unité de négociation de l'ETEA sur l'extension du droit de rappel dans le contexte de la pandémie de la COVID-19. L'ÉILC en est arrivée à une entente avec ses enseignants de Toronto pour la prolongation de leur droit de rappel au travail, mais elle refuse de conclure une telle entente avec les enseignants de Vancouver. Le slogan de la campagne des enseignants est « Prolongez AUSSI le droit de rappel au travail des enseignants de l'ÉILC de Vancouver ! ».

En vertu de la convention collective actuelle, le droit de rappel au travail est d'une durée de 12 mois pour les enseignants qui ont été mis à pied. En avril 2020, lorsqu'il est devenu évident que dans la situation extraordinaire actuelle les clauses de la convention collective ne suffiraient pas, le syndicat a rencontré la direction d'ÉILC pour négocier une extension du droit de rappel au travail, mais la compagnie a refusé. Près de six semaines plus tard, la compagnie a proposé au syndicat de rouvrir la convention collective (au beau milieu d'une convention collective d'une durée de quatre ans) pour apporter des modifications à certains aspects liés aux conditions de travail. Les travailleurs ont rejeté les amendements proposés et la compagnie, dix jours plus tard, a offert de prolonger le droit de rappel en échange de modifications qu'elle désirait faire aux conditions de travail. Les discussions se sont poursuivies sans porter fruit et, à l'automne 2020, la compagnie a avisé le syndicat que l'extension du droit de rappel au travail n'était plus négociable et qu'elle mettrait en oeuvre les changements qu'elle souhaitait appliquer de façon unilatérale, disant qu'elle avait trouvé une justification juridique pour le faire.

La plupart des étudiants de l'ÉILC sont des étudiants internationaux et les inscriptions ont baissé d'environ 90 %. Jusqu'ici, dix enseignants ont été congédiés et vingt autres enseignants arriveront à la fin de leur période de droit de rappel le 1er mai. On estime que 53 des 75 enseignants qui travaillaient au moment de la fermeture due à la pandémie seront congédiés avant octobre. L'école a déclaré aux enseignants, par écrit et verbalement, qu'ils seront libres de postuler à nouveau dès le début de la reprise des activités, mais s'ils sont réembauchés, ils perdront tous leurs droits d'ancienneté, leurs jours de vacances accumulés, leurs avantages sociaux et leurs acquis au niveau de l'échelle salariale.

Les enseignants de l'ÉILC de Vancouver ont organisé différentes actions pour informer les gens de leur situation et pour inciter tout le monde à faire pression sur l'ÉILC. En date du 11 mars, plus de 1 250 personnes avaient signé leur pétition en ligne. Les étudiants et enseignants anciens et actuels se sont unis dans une campagne sur les médias sociaux et d'autres actions seront organisées dans la semaine du 15 mars.

Pour appuyer les enseignants de l'ÉILC :

- Signez et faites circuler la pétition;

- Visitez la page Facebook ou Instagram des Amis des enseignants de l'École internationale des langues du Canada à Vancouver.

(Photos: ETEA)

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