Forum ouvrier

Numéro 118 - 10 décembre 2021

Une solution centrée sur l'humain est nécessaire pour
les établissements de soins de longue durée

Les travailleurs doivent contrôler l'objectif des établissements de soins de longue durée et du secteur de la santé
dans son ensemble

La reconnaissance des causes de la tragédie dans les CHSLD et les solutions
à envisager
- Pierre Soublière


Une solution centrée sur l'humain est nécessaire pour
les établissements de soins de longue durée

Les travailleurs doivent contrôler l'objectif des établissements de soins de longue durée et
du secteur de la santé dans son ensemble

La situation désastreuse dans les établissements de soins de longue durée pendant la pandémie a été bien documentée. Un article du Toronto Star souligne que « les résidences privées de soins de longue durée ont connu certains des pires taux de mortalité de l'Ontario, mais le nouveau financement de Doug Ford promet à leurs propriétaires des décennies de profits ». L'article relève en détail les liens étroits entre certains des intérêts privés du secteur des soins de longue durée en Ontario et le gouvernement provincial[1].

De nombreux employés, résidents et familles ont beaucoup souffert. Au lieu de considérer les êtres humains qui fournissent et reçoivent des soins de longue durée comme une seule humanité engagée dans un service nécessaire et crucial, ceux qui contrôlent le secteur voient les établissements de soins de santé, leur personnel et leurs résidents comme des objets et des sujets à exploiter pour le grain privé. Le contrôle et la propriété privés des entreprises et des services sociaux domine la pensée et la conception du monde du système du gouvernement de parti et constituent le point de référence, en contradiction avec les conditions et les besoins socialisés de la population.

La construction et le fonctionnement des établissements de soins de santé, les fournitures, y compris les produits pharmaceutiques, l'obtention de fonds d'investissement, les travailleurs qui dispensent les soins, la manière dont la valeur produite est réalisée et, surtout, l'objectif des établissements de soins de longue durée et de soins de santé en général sont tous la cible des intérêts privés mondiaux au service de leurs propres intérêts étroits.

L'objectif privé imposé par l'élite dirigeante qui contrôle les cordons de la bourse est en conflit avec les conditions socialisées de l'économie et de la société, et avec l'objectif et la conception du monde modernes nécessaires pour une société moderne : de s'occuper les uns des autres en tant que membres appartenant au collectif socialisé d'une seule humanité.

Nous travaillons tous dans l'économie socialisée ; nous dépendons de cette économie socialisée pour vivre et satisfaire nos besoins et ceux de la société. Nous n'avons pas d'autre choix que de travailler et de vivre dans les conditions socialisées données dans lesquelles nous naissons. Nous avons le droit légitime de réclamer à l'économie et à la société qu'elles garantissent nos droits et notre bien-être, de la naissance à la mort. Ces conditions modernes nous appellent à travailler et à vivre les uns avec les autres, à la fois comme des travailleurs productifs et, quand c'est nécessaire, comme des personnes dépendantes.

https://www.cpcml.ca/francais/Images2019/Slogans/050307-ArretezDePayerLesRiches-crop.jpgDans son programme, le Parti marxiste-léniniste du Canada aborde le problème comme une nécessité de mettre les rapports et les formes économiques, politiques et sociaux en conformité avec les conditions sociales objectives auxquelles de l'humanité.

L'appel dans le secteur des soins de santé est de le débarrasser de toute forme de stratagème pour payer les riches, d'augmenter les investissements dans les programmes sociaux et de changer le processus politique de sorte que le peuple investi du pouvoir ne soit pas bloqué dans son désir de s'attaquer aux problèmes, mais encouragé à instituer le changement et à faire naître le Nouveau.

Le PMLC appelle le peuple à faire du Canada un pays moderne qui défend les droits de toutes et tous ! Forgeons ensemble une nouvelle direction pour l'économie. Arrêtez de payer les riches ; augmentez les investissements dans les programmes sociaux ! Humanisons l'environnement social et naturel !

Tout en oeuvre pour le renouveau démocratique !

Note

1. Voir le texte complet de l'article de Richard Warnica, journaliste de la section des affaires, paru dans le Toronto Star le 15 juillet

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La reconnaissance des causes de la tragédie dans
les CHSLD et les solutions à envisager

Plusieurs enquêtes publiques et analyses faites par des syndicats, des individus et des organismes sur la cause des décès de nos aînés en soins de longue durée tirent des conclusions quasi unanimes non seulement sur les causes, mais aussi sur ce que nous devons faire pour réorganiser les soins de santé sur une base humaine.

L'enquête du coroner

Dans les prochaines semaines, l'enquête de la coroner Géhane Kamel se poursuivra, alors qu'au mois de janvier la sous-ministre-adjointe aux Aînés sera appelée à témoigner aux audiences publiques.

Le 17 juin 2020, la coroner en chef du Québec, Pascale Descary, a ordonné la tenue d'une vaste enquête sur les décès de personnes âgées ou vulnérables survenus dans les milieux d'hébergement au cours de la pandémie de la COVID-19. Plus spécifiquement, l'enquête porte sur les décès survenus entre le 12 mars et le 1er mai 2020 au CHSLD Herron de Dorval lors de la première vague ainsi que sur un échantillonnage de décès survenus dans les milieux d'hébergement pour aînés au cours de la même période. L'étape actuelle de l'enquête entamée au mois de septembre 2021 est celle du « Volet national de gestion de la pandémie dans les CHSLD et recommandations ».

Dans son intervention aux audiences publiques de la coroner, la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) affirme qu'il ne faut jamais revivre un drame comme celui vécu par nos aînés avec la pandémie de la COVID-19. Elle fait valoir que l'état déplorable dans lequel le réseau s'est présenté à l'arrivée de la pandémie, jumelé à l'entêtement des autorités de la santé et du gouvernement à ne pas appliquer adéquatement le principe de précaution, avait mis à risque le personnel et les personnes âgées hébergées.

Ce qu'il faut changer pour ne plus jamais revivre un tel drame, poursuit la FSSS-CSN, c'est que le Québec doit se doter d'un véritable régime public de soins de longue durée, aussi bien en hébergement que dans le soutien à domicile. Le syndicat souligne la nécessité d'un meilleur financement des services, une meilleure planification de la main-d'oeuvre, de meilleures conditions de travail pour le personnel et la nécessité d'assurer la disponibilité de tout le matériel et de tous les équipements nécessaires. Il soulève notamment l'absence d'écoute et d'échanges de la part du gouvernement pour entendre les préoccupations des travailleurs de la santé lors de la première vague, retardant ainsi la mise en place de réelles solutions.

L'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), pour sa part, soulève qu'il faut apprendre du pire afin que plus jamais l'intolérable ne se produise. Elle affirme que le manque de personnes professionnelles et techniciennes, ainsi que le délestage de leurs activités et leur réaffectation chaotique sans indications ni orientations claires lors de la première vague avaient contribué à la catastrophe, décimant nos aînés et affectant grandement les membres de l'APTS. Elle souligne l'urgence d'augmenter le financement de ces services et que le gouvernement et les établissements reconnaissent le rôle indispensable du personnel professionnel et technique comme les ergothérapeutes, les physiothérapeutes et les autres dans des fonctions où son expertise est entièrement mise à contribution. Elle recommande aussi d'élever le niveau de prévention à tous les niveaux et de veiller à la qualité des services dans les CHSLD.

Le rapport de la Protectrice du Citoyen

Le 23 novembre, la Protectrice du Citoyen, Marie Rinfret, rendait public son rapport final — La COVID-19 dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie, « Cibler les causes de la crise, agir, se souvenir », qui a été déposé à l'Assemblée nationale. Rappelons qu'elle avait rendu public un premier rapport d'étape le 10 décembre 2020 appelé « Apprendre de la crise et passer à l'action pour respecter les droits et la dignité des personnes hébergées ». Dans son rapport final, elle réitère qu'au moment de la crise il y avait d'importantes lacunes systémiques préexistantes et connues de longue date. Elle souligne la nécessité de services adéquats qui permettent de donner des soins appropriés, continus et humains, pour que les aînés n'aient plus jamais à vivre une telle déshumanisation des soins en milieu d'hébergement.

Parmi les lacunes, elle souligne le manque chronique de personnel fragilisé encore davantage par l'augmentation subite des patients, des aînés qui avaient été envoyés des hôpitaux vers les CHSLD, par les soins à assurer à des personnes particulièrement vulnérables et par la contamination d'une part importante des membres du personnel qui ont dû s'absenter du travail parce qu'infectés. Elle recommande au Ministère de la Santé et des Services sociaux d'élaborer et d'adopter un plan d'action national visant à reconnaître la complexité de la prestation des soins et services en CHSLD et le besoin de soins et de services plus humains avec, entre autres, des conditions de travail adéquates, une stabilité du personnel et la formation continue.

Au sujet du rapport de la Protectrice du Citoyen, la Fédération interprofessionnelle de la Santé du Québec (FIQ) ainsi que la FIQ/secteur privé ont dit que ses recommandations étaient les mêmes recommandations que la FIQ et la FIQP avaient formulées à maintes reprises. Elles soulignent la nécessité de présenter une loi sur les ratios infirmière/patient afin de contraindre l'État et ses gestionnaires à donner des soins et des services de qualité. La présidente par intérim de la FIQ, Nathalie Lévesque, observe que le gouvernement n'a pas su protéger les personnes les plus vulnérables ni leur offrir l'ensemble des soins auxquels elles ont droit. Elle souligne que la situation demeure fragile dans l'ensemble des CHSLD et qu'une solution durable passe par le financement et l'implantation graduelle de ratios. De telles mesures allégeraient la charge de travail, stabiliseraient les équipes et réduiraient la mobilité du personnel, garantissant ainsi des soins de qualité, à la fois plus humains et sécuritaires.

Compter sur notre propre force

À la lumière de telles constatations, il est important de souligner que des membres du gouvernement Legault ont témoigné mais ont refusé d'assumer leurs responsabilités et font porter le blâme sur les directeurs d'établissement et sur leurs propres institutions, comme la Sécurité civile du ministère de la Santé. Ils pointent du doigt la décentralisation de la réforme Barrette, sans reconnaître le rôle de leur propre gouvernement dans l'intensification de l'offensive antisociale néolibérale qui est la principale cause de la désorganisation de la santé au Québec. Des membres de l'opposition parlementaire, pour leur part, soulèvent que l'enjeu est « la confiance des gens dans les institutions publiques » et qu'il faut « reconstruire la confiance par la transparence ».

La confiance qui doit être renforcée est celle des travailleuses et des travailleurs eux-mêmes, comptant sur leur propre force et s'unissant dans l'action dans la lutte pour la mise en oeuvre des solutions qu'ils ont trouvées pour dispenser des soins de santé respectueux de la dignité et des droits qui nous reviennent en tant qu'êtres humains.

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