L’attitude intéressée du Canada sur les droits humains
Encore une autre conception frauduleuse des droits humains défendue par un autre centre frauduleux des droits humains
– Dougal MacDonald –
Le 5 février 2016, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, a rencontré l’ancien ministre libéral fédéral de la Justice, Irwin Cotler, pour être informé sur les intentions de Cotler de se concentrer dorénavant sur sa nouvelle organisation, le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne (RWCHR). Il n’est pas clair si ce centre recevra le soutien du gouvernement et un financement gouvernemental mais il est clair qu’il défendra les droits de la personne de façon sélective et intéressée. Cela n’aurait rien d’étonnant, étant donné que son inspiration est Raoul Wallenberg, un agent des services secrets américains pendant la Deuxième Guerre mondiale, envoyé en Hongrie pour traiter avec les nazis, en échange de la libération de certains juifs choisis pour aller en Palestine pour contribuer au projet sioniste d’Israël.
En fait, toutes les causes qu’il envisage de défendre pourraient bien être tirées d’une liste établie par le département d’État des États-Unis : soutien inconditionnel au terrorisme d’État israélien, y compris qualifier l’opposition aux crimes de guerre israéliens d’« antisémitisme », opposition au droit souverain de l’Iran de posséder son propre programme nucléaire et soutien à toute personne qui a été emprisonnée pour subversion dans un pays qui refuse de céder au diktat des États-Unis. Ces causes ne sont pas des questions qui portent sur les droits humains mais font partie de l’ordre du jour de domination mondiale de l’impérialiste américain.
À leurs fins sinistres, les impérialistes ont élevé Wallenberg au rang de héros sur la base qu’il s’est opposé aux massacres de juifs par les nazis en Hongrie et qu’il aurait disparu après avoir été enlevé par les soviétiques à la fin de la guerre. Ce qui n’est pas dit, c’est que Wallenberg venait de la plus riche famille de la Suède, qui a fait des affaires lucratives avec les nazis pendant la guerre.
Par exemple, le monopole SKF Fabrique suédoise de roulements à billes, qui appartenait à la famille Wallenberg, a fourni à la machine de guerre nazie des produits aussi essentiels que les roulements à billes sans lequels l’occupation de l’Europe n’aurait pu avoir lieu. Évidemment, la stratégie principale de Wallenberg était de faire des ententes avec les responsables nazis. Il ne risquait pas sa vie à chaque minute pour vaincre les nazis, comme c’était le cas des résistants et des communistes ; il se livrait à des marchandages et à des tractations, à la corruption des cercles dirigeants pour favoriser les intérêts de sa famille. C’est une stratégie qui dénigre et décourage l’organisation de la résistance réelle au pouvoir dictatorial.
Wallenberg a été envoyé en Hongrie seulement dix mois avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, non pas par son propre pays, mais par le Bureau des études stratégiques des États-Unis, l’OSS (maintenant la CIA). Il n’est arrivé en Hongrie que quelques mois avant la fin de la guerre et après que 80 % des juifs hongrois aient été déportés et assassinés. Il est également arrivé longtemps après que beaucoup d’autres personnes, comme le diplomate suisse Carl Lutz, aient déjà sauvé un grand nombre de juifs de la déportation dans les camps de concentration, beaucoup plus que Wallenberg n’en n’a sauvé. Ces faits suggèrent que la mission réelle de Wallenberg consistait plus à mettre en oeuvre l’ordre du jour d’après-guerre de gouvernements étrangers et de leurs agences de renseignement que de défendre des idéaux humanitaires et les droits humains. En fait, il est clair maintenant que l’objectif de sa mission était principalement de préserver l’élite hongroise afin de créer les conditions pour une Hongrie d’après-guerre pro-britannique et pro-américaine.
En 2015, Cotler a déclaré que Wallenberg a personnifié « la responsabilité de protéger » et qu’il représente « le pouvoir d’une personne qui agit pour confronter le mal et transformer l’histoire ». Autrement dit, le travail collectif de la classe ouvrière et de sa direction communiste ne joue aucun rôle et est qualifié d’un autre type de « totalitarisme ».
À la fin de la guerre, Wallenberg a été envoyé en Hongrie pour soutenir l’ordre du jour des États-Unis de limiter l’influence du front uni antifasciste et du communisme ; aujourd’hui Wallenberg est utilisé pour pousser une définition de la guerre froide des droits, s’opposer au droit de conscience et promouvoir les causes qui favorisent les intérêts géopolitiques des puissances impérialistes. Depuis la fin de la division bipolaire du monde, le Canada s’est joint à la campagne des impérialistes américains qui criminalise ceux qui n’acceptent pas les valeurs anglo-américaines, considérées comme le fondement de la civilisation, et qui bloque les luttes des peuples du monde pour réaliser leurs droits sociaux, économiques et culturels.
À gauche : la Brigade MacKenzie-Papineau. À droite : le Dr. Norman Bethune à côté d’un camion de transfusion sanguine pendant la guerre d’Espagne.
Malgré tout cela, des monuments et des statues ont été érigés pour commémorer Raoul Wallenberg aux États-Unis, en Israël et en Autriche. En 2001, le 17 janvier a été déclaré Journée de Raoul Wallenberg au Canada et, en 1985, il s’est vu conférer le titre de citoyen d’honneur du Canada par décret ministériel sans que les Canadiens soient informés de ce qu’il a fait vraiment et de ses positions.
Cette glorification d’un personnage suspect comme Wallenberg est une question grave. Elle ne sert pas à unir les gens ou à fournir un brillant exemple à suivre. Des centaines et des milliers de gens, en fait des millions, ont combattu courageusement dans la résistance antifasciste, y compris, bien sûr, beaucoup de Canadiens. Pourquoi le Canada n’a-t-il pas une journée ou un centre des droits humains en l’honneur des héros antifascistes incontestés, comme les membres de la Brigade MacKenzie-Papineau qui ont combattu le fascisme en Espagne ? En fait, ces héros ne sont pas encore inclus dans les cérémonies officielles du jour du Souvenir. Ou pourquoi n’y a-t-il pas une journée et un centre des droits humains pour honorer le médecin de renommée internationale Norman Bethune ? Le choix des héros que les Canadiens doivent honorer reflète le caractère des milieux dirigeants du Canada et doit être pris beaucoup plus au sérieux.
Note
1. Pour plus d’information au sujet de Raoul Wallenberg : « Pourquoi le Canada célèbre-t-il la Journée Raoul Wallenberg ? » Pauline Easton et Dougal MacDonald, LML, Numéro 6, 11 février 2015