Dans l’actualité
Les résidents continuent de réclamer une voie de contournement ferroviaire sécuritaire à Lac-Mégantic
Les gouvernements doivent être tenus responsables!
Du 21 janvier au 4 février 2022, Transports Canada (TC) a organisé une consultation publique sur le projet de voie de contournement ferroviaire de Lac-Mégantic. La voie de contournement doit mettre fin au passage de trains au centre-ville de Lac-Mégantic par une nouvelle voie qui passera dans les municipalités de Nantes, Lac-Mégantic et Frontenac. La voie de contournement est une demande de la population de Lac-Mégantic depuis la tragédie ferroviaire du 6 juillet 2013.
Cette nuit-là, un train transportant du pétrole hautement inflammable – étiqueté faussement comme du pétrole légèrement inflammable – a déraillé, pris feu et explosé dans le centre-ville de Lac-Mégantic, causant la mort de 47 personnes, des blessures graves à de nombreuses personnes, de graves séquelles post-traumatiques à la population de même que d’importants dommages matériels. En 2018, les gouvernements du Canada et du Québec se sont engagés formellement à ce que la voie de contournement soit construite. Le gouvernement fédéral doit financer 60 % des coûts de construction et le gouvernement du Québec 40 %. Le projet est dirigé par le Canadien Pacifique, présentement en procès à Sherbrooke pour déterminer sa responsabilité dans la tragédie du 6 juillet alors qu’il était le maître-d’oeuvre du transport de la cargaison de pétrole. En décembre 2019, le Canadien Pacifique (CP) a acheté l’entreprise américaine Central Maine & Quebec Railway (CMQR) qui avait elle-même acquis en 2014 l’entreprise américaine Montreal, Maine & Atlantic (MMA), propriétaire de la voie ferrée sur laquelle le convoi est parti à la dérive et a déraillé la nuit de la tragédie. La MMA était en faillite au moment où elle a été acquise par la CMQR. Le Canadien Pacifique se retrouve donc maître-d’oeuvre du projet de voie de contournement et il en sera le propriétaire quand elle sera complétée. Selon Transports Canada, la construction de la voie de contournement devrait commencer en 2022.
La Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic a exprimé depuis le début son extrême inquiétude de voir le CP, qui a toujours nié sa responsabilité dans la tragédie, être responsable du projet et propriétaire de la voie ferrée.
Un porte-parole de la Coalition a dit à ce sujet :« Je tiens à rappeler à l’actuel premier ministre Justin Trudeau et à ses ministres que le projet de voie de contournement avait à l’origine comme principal objectif de garantir le rétablissement et la sécurité à la population de la région de Lac-Mégantic. Ce projet d’infrastructure devait favoriser la guérison sociale d’une communauté brisée par la négligence des gouvernements précédents et non pas satisfaire gratuitement les besoins opérationnels d’une riche compagnie ferroviaire comme le CP. Actuellement, nous sommes sans information quant au calendrier de réalisation de la voie de contournement. On nous parle de 2023 alors que les terrains ne sont même pas encore acquis, les plans et devis ne sont même pas encore constitués. Nous, on veut de la transparence[1]. »
La Coalition a participé à la consultation de Transports Canada, y amenant ses préoccupations et ses revendications.
Dans un article du 1er février de L’Écho de Frontenac, Robert Bellefleur, porte-parole de la Coalition écrit :
« Bonsoir chers élus. Lorsqu’on lit le premier rapport mis en ligne par Transports-Canada sur son site Internet (Plan d’exploitation préliminaire -Annexe-14 fr) à la page 6, on apprend que les pentes maximales de descentes sur cette future voie de contournement seront à l’ouest de 1,20 % et à l’est de 1,22 % avec une moyenne de 1,3 % avec cinq importantes courbes (à l’est) et de deux à l’ouest avant de franchir le futur pont sur la rivière Chaudière. C’est tout de même considérable comme pentes impliquant ces nombreuses courbes successives à plus ou moins 4 degrés.
« De plus, on peut lire au troisième paragraphe que : ‘La limite de vitesse sur la voie principale à partir de son intersection avec l’actuelle subdivision Moosehead au point milliaire 113 jusqu’à son intersection avec l’actuelle subdivision Sherbrooke au point milliaire 3,49 sera de 40 milles à l’heure avec des exceptions pour les trains exploités dans des conditions météorologiques extrêmes…’
« Cette affirmation implique que les trains passeront à une vitesse de 40 milles à l’heure sur l’ensemble de la future voie de contournement. Et ce, sur des pentes qui varient de 1,20 % à 1,22 % en franchissant ces courbes importantes à l’est et à l’ouest avant de traverser le pont de la rivière Chaudière. Avec le transport de marchandises dangereuses (+ ou – 30 citernes de gaz propane, essence automobile, acide sulfurique, chlorate de sodium, etc.) qui passent régulièrement sur la voie ferrée actuelle depuis 2014, nous craignons beaucoup, à cette vitesse, pour les résidences situées à moins de 500 pieds de la future voie de contournement, ainsi que pour le parc industriel de Lac-Mégantic et ce, particulièrement pour l’usine de Tafisa en raison de ses immenses amoncellements de bran de scie et de copeaux extérieurs qui sont situés eux aussi à moins de 500 pieds de la future voie de contournement, où, je vous le rappelle, les trains passeront à 40 milles à l’heure sans ralentir. Il y a aussi des risques importants d’une nouvelle contamination pour la rivière Chaudière.
« De plus, à la page 8 de l’annexe 14, au sixième paragraphe, on y écrit : ‘Ces trains ont une longueur maximale de 10 000 pieds dans les deux sens. La longueur moyenne actuelle est de 5 000 pieds.’ Selon ma compréhension de ce texte, un fort pourcentage des trains du CP qui traverseront la future voie de contournement seront deux fois plus longs et deux fois plus lourds que ceux qui traversent actuellement Frontenac, Lac-Mégantic et Nantes. Est-ce qu’ils transporteront aussi deux fois plus de matières dangereuses ? Dans ces documents d’informations, TC reste muet sur la reprise ou non du transport du pétrole par Lac-Mégantic et sa région immédiate. »
Robert Bellefleur met de l’avant cette importante revendication dans l’article :
« En tenant compte de ces nouvelles informations mises en ligne par TC, la Coalition des citoyens demande aux autorités municipales de faire les démarches nécessaires pour l’obtention d’une diminution de vitesse maximale de 10 milles à l’heure sur tout le parcours de la voie de contournement qui traversera les trois municipalités de Nantes, Frontenac et Lac-Mégantic, son parc industriel, ainsi que des zones résidentielles situées à moins de 500 pieds de la future voie de contournement. Finalement, c’est d’obtenir la même limitation de vitesse qui est actuellement appliquée de 10 milles à l’heure sur nos territoires municipaux depuis la tragédie de Lac-Mégantic. C’est une simple question de sécurité et de respect pour une population toujours affectée par les séquelles de la tragédie. »
Il termine son article en rappelant à Transport Canada, le CP et les élus fédéraux, provinciaux et municipaux leurs responsabilités :
« En tant que porte-parole de la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic, nous tentons d’obtenir des réponses complètes à nos questions, tant de la part de Transports-Canada que du CP. Et surtout, d’obtenir l’avis et la position de nos élus municipaux de Lac-Mégantic, Nantes et Frontenac, et de nos députés provincial et fédéral relativement à ces facteurs risques non négligeables pour la population de nos trois municipalités impactées par la construction de cette voie de contournement. Allons-nous être entendus, cette fois ? Nous l’espérons. »
Forum ouvrier appuie entièrement ces positions de la coalition qui défend les intérêts des communautés touchées et, en fait, de toutes les communautés du Québec et du Canada. Cette consultation ne doit pas être une nouvelle occasion d’enchâsser l’autoréglementation de l’industrie ferroviaire, qui a produit la tragédie de Lac-Mégantic, sous prétexte que les gens ont maintenant pu dire leur mot et qu’on continue comme avant. La voix des communautés doit être entendue et leurs revendications mises en oeuvre. C’est cela la première leçon qui a été tirée de la tragédie.
Pour le droit des communautés de vivre dans la dignité et la sécurité !
Notre sécurité est dans notre lutte à la défense des droits de toutes et de tous !
Note
1. Voir Forum ouvrier, 25 octobre 2021
(Forum ouvrier, affiché le 10 février 2022)