Dans l’actualité le 10 juin
À titre d’information
Un survol historique du recrutement des travailleurs étrangers temporaires
Dans une présentation par Eugénie Depatie-Pelletier au nom de l’Association pour les droits des travailleuses et travailleurs de maison et de ferme (DTMF) lors d’une conférence à l’Université Laval sous le thème « Justice et droits pour les travailleurs étrangers temporaires », nous apprenons que : « Dès les premiers jours en Nouvelle-France, certains individus étaient recrutés de l’étranger au profit des employeurs d’ici et s’engageaient à les servir pour une période de temps prédéterminée.
« Historiquement, un changement non-autorisé d’employeur était sanctionné par l’emprisonnement, ou en marquant au fer chaud l’épaule de la personne d’une fleur de lys et, si l’employeur en décidait ainsi, en ayant recours à des agents de la paix qui ramenaient de force le travailleur insubordonné à la résidence de l’employeur.
« Quand l’esclavage a été légalisé, y compris en Nouvelle France et dans le Bas et le Haut Canada, les employeurs qui pouvaient ont préféré l’achat d’esclaves au lieu du recrutement de personnes engagées sous contrat de servitude temporaire. Donc en fait, à un moment donné, la possibilité d’acheter des esclaves a un peu remplacé la mode d’avoir des travailleurs engagés mais, en particulier aux États-Unis quand fût aboli l’esclavage, la Floride, la Caroline du Sud, l’Alabama, le Missouri, en fait tous les États du sud confédérés ont été hautement créatifs pour préserver pour leurs employeurs l’accès à des travailleurs non libres : la prison si le travailleur démissionait avant la fin du contrat et la prison si il y a démission d’un travailleur endetté envers son employeur. Les employeurs leurs donnaient des avances dès le début pour être sûr justement que le travailleur endetté qui avait accepté une avance ne puisse pas quitter sans être à risque d’être emprisonné. Aussi, la prison pour les personnes sans contrat de travail, ce qu’on appelle les vagabonds, et de l’autre main, un accès aux détenus avec droit de travailler uniquement pour un employeur spécifique. Ils ont même imposé des pénalités, criminalisé comme on fait actuellement au Canada, les employeurs qui « volent » à un autre employeur un travailleur déjà sous contrat.
« Mais parce que la Constitution des États-Unis protégeait désormais non seulement le droit à la liberté mais aussi spécifiquement le droit de ne pas être retenu en condition de servitude, tous ces systèmes de travail non-libres du début du XXe siècle ont été contestés en cour et déclarés inapplicables dans une société libre.
« Durant la Deuxième guerre mondiale, les gouvernements ont recommencé à titre de mesures de guerre à réduire la capacité de démissionner de certains travailleurs, en particulier au sein de l’industrie agricole. À la fin de la guerre, par exemple aux États-Unis, le gouvernement a accepté non seulement de conserver en partie ces systèmes d’emplois de travailleurs non libres pour des non citoyens, mais même d’en déléguer la gestion aux coalitions d’employeurs intéressés.
« À partir de 1966, l’État canadien aussi a reconsolidé son système d’admission de travailleurs étrangers lié à l’employeur, initialement pour le secteur agricole ontarien. À partir de 1973, il a ouvert l’accès à tous les secteurs de l’économie.
« Aujourd’hui, le gouvernement n’a plus besoin de menacer la prison ou le retour forcé à l’employeur. Non ! À la place, on menace la révocation du droit de travailler et la possible expulsion..
« Comme déjà au XVIIe siècle, nos engagés d’aujourd’hui, cherchant à éviter les sanctions étatiques, rarement quittent leur emploi au risque de l’exercice d’un droit qui pourrait fragiliser leur relation d’emploi.
« Nos employeurs déjà au XVIIe siècle appréciaient les systèmes d’emploi de travailleurs non libres. Les employeurs d’aujourd’hui les apprécient tout autant.
« En somme, nous avons encore aujourd’hui d’un côté des employeurs très reconnaissants de pouvoir accéder à un système de travailleurs non libres. D’un autre côté, on a un gouvernement au service de ces employeurs qui depuis plus de 400 ans, assure le maintien minimal du système sinon, comme aujourd’hui, son expansion. »
Forum ouvrier, affiché le 10 juin 2022.
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