Les envois de fonds - un secteur unique du système financier mondial


Manifestation aux Philippines en 2017 pour exiger la fin des politiques gouvernementales d'exportation de la main-d'oeuvre

Les envois de fonds - les milliards de dollars envoyés par les travailleurs migrants dans leur pays d'origine - constituent un secteur unique du système financier mondial. Ce secteur représente plus de 5 % du produit intérieur brut (PIB) d'au moins 60 pays à faible et moyen revenu, soit plus que le total des investissements étrangers directs ou de l'aide publique au développement octroyés par les gouvernements du monde dit développé. Selon la Banque mondiale, en 2019 les envois de fonds vers ces pays ont atteint le chiffre record de 554 milliards de dollars et 200 millions de travailleurs migrants dans 40 pays, dont le Canada, ont envoyé des fonds dans leur pays d'origine pour soutenir 800 millions de membres de leurs familles dans plus de 125 pays en développement.

La moitié des familles bénéficiaires vivent dans des zones rurales où les envois de fonds comptent le plus, a déclaré Gilbert F. Houngbo, président du Fonds international de développement agricole (FIDA), un organisme spécialisé des Nations unies. Gilbert F. Houngbo a été premier ministre de la République togolaise et est président du FIDA depuis 2017. Il a déclaré à ONU Info qu'avec l'irruption de la pandémie de la COVID-19, la Banque mondiale prévoit que les envois de fonds transfrontaliers vont diminuer de 20 %, soit 110 milliards de dollars, pour atteindre 445 milliards de dollars, « ce qui pourrait faire passer des dizaines de millions de personnes sous le seuil de pauvreté tout en sapant les progrès réalisés dans la mise en oeuvre du programme de développement durable pour 2030 ».

Comme aucune reprise n'est prévue pour 2020, on prévoit que les économies seront épuisées et que les conditions locales se dégraderont. Les envois de fonds ne devraient pas revenir au niveau d'avant la pandémie avant un certain temps, a déclaré par courriel à ONU Info Gilbert F. Houngbo. « Même si la réduction des envois de fonds ne se fera pas de manière égale pour toutes les familles, ni sur tous les continents, les impacts sur la société seront substantiels et durables », a-t-il expliqué.

En réponse, la Suisse et le Royaume-Uni - rejoints par plusieurs autres États membres, la Banque mondiale, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et d'autres agences des Nations unies et des groupes industriels - ont lancé le 22 mai un « appel à l'action » pour que les travailleurs migrants et les communautés de la diaspora puissent continuer d'envoyer de l'argent de manière à améliorer également le système d'envoi de fonds.

Le rapport de l'agence des Nations unies indique : « L'appel exhorte les décideurs politiques non seulement à déclarer l'envoi de fonds comme un service public essentiel, mais aussi à soutenir le développement de canaux numériques d'envoi de fonds plus efficaces. Il demande aux régulateurs de fournir des conseils sur les exigences de connaissance du client, qui sont essentielles pour développer les services financiers numériques, en particulier pour les personnes sans papiers n'ayant pas accès à un compte bancaire.

« Et il encourage les prestataires de services de transfert de fonds à explorer les moyens d'alléger le fardeau de leurs clients migrants en diminuant les coûts de transfert, qui sont actuellement de 6,8 % en moyenne dans le monde, soit plus de la moitié de l'objectif fixé dans les objectifs de développement durable, selon la note d'information de la Banque mondiale sur les migrations et le développement. »

« Les envois de fonds sont un moyen de survie dans le monde en développement – aujourd'hui plus que jamais, a déclaré le 19 mars le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Les pays se sont déjà engagés à réduire les coûts d'envoi de fonds à 3 %. La crise nous oblige à aller plus loin, à nous rapprocher le plus possible de zéro. »

Pour sa part, le FIDA a déclaré qu'il établit des partenariats avec des entreprises de technologie financière, des opérateurs de téléphonie mobile, des banques commerciales et des réseaux postaux, afin d'intégrer des solutions numériques pour améliorer les envois de fonds vers les zones rurales. En plus de son programme « Mécanisme de financement pour l'envoi de fonds », le FIDA renforce la capacité des familles rurales à surmonter les périodes difficiles grâce à un programme d'éducation et de planification financières, entre autres efforts de renforcement des capacités. Au cours des 15 dernières années, l'attention internationale sur les envois de fonds s'est concentrée sur le « côté envoi », en particulier sur les coûts de transaction élevés.

« Nous devons cependant souligner que l'impact des envois de fonds sur le développement se situe en réalité au niveau des bénéficiaires où, en ce moment, les familles sont aux prises avec la perturbation soudaine de leur vie économique », a déclaré Gilbert F. Houngbo.

Les frais que les banques et les institutions financières imposent pour l'envoi de fonds sont extrêmement rentables. C'est pour s'assurer que cette petite fortune passe par la City Bank qu'après le 11 septembre, les États-Unis ont adopté une loi contre le financement du terrorisme qui visait les systèmes de transfert d'argent communautaires, les qualifiant d'organisations terroristes. Les institutions financières perçoivent ces frais au nom d'idéaux élevés comme l'un des moyens de tirer profit de l'asservissement des pays opprimés d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes et de perpétuer leur asservissement.

Selon un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), environ 3 % de la population mondiale résidait en dehors du pays d'origine en 2000. « Un monde plus intégré et globalisé a permis une plus grande fluidité des mouvements de main-d'oeuvre entre les pays, de plus en plus de travailleurs se déplacent à l'étranger pour chercher des moyens de subvenir aux besoins de leur famille. Ainsi, les immigrants qui cherchent à envoyer des fonds en retour sont devenus une partie intégrante de l'économie », écrit l'OCDE.

Le 16 juin a été proclamé Journée internationale des envois de fonds à la famille par les Nations unies. L'objectif n'est pas de mettre fin à l'asservissement de pays entiers par les institutions financières internationales, mais de demander à ces institutions de ne pas prélever d'intérêts sur les envois de fonds ou de réduire le coût des envois de fonds à 3 % de la valeur d'un transfert.

(ONU Info, Banque mondiale, PNUD et OCDE. Photos : Migrante, Bulatlat.)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 56 - 5 septembre 2020

Lien de l'article:
Les envois de fonds - un secteur unique du système financier mondial


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca