Élection du Parlement
européen 2019
Un Parlement européen fragmenté
Tout comme l’Europe des monopoles est
fragmentée,
les élections du nouveau Parlement européen ont
produit
un parlement fragmenté. Tous deux sont
déchirés
par des intérêts privés rivaux en lice pour
le
contrôle des peuples dont les États-nations ne
représentent plus leur droit souverain de décider
eux-mêmes. Un article de German Foreign Policy, par
exemple,
décrit l'impact de l'introduction de l'euro sur les
États
membres de l'Union européenne, 1er janvier 1999.
German Foreign Policy rapporte : «
Selon une
étude récente de la Fondation Bertelsmann,
l'industrie
allemande, représentée par la
Fédération
des industries allemandes (BDI), est la plus grande gagnante de
l'Union
européenne (UE), avec 86 milliards d'euros par an,
grâce au marché commun. En février dernier,
le
Centre de
politique européenne (CEP) soulignait que l'Allemagne
était la plus grande bénéficiaire de
l'euro :
depuis sa création, la monnaie unique a
généré près de 1,9 billion
d'euros
pour la puissance centrale, tout en coûtant à
l'Italie 4,3 billions d'euros. Alors que la BDI parle de
l'UE en
termes élogieux, près d'un quart de la population
de l'UE est menacée par la pauvreté et l'exclusion
sociale. »
La croissance annuelle du revenu par habitant, par
exemple en Espagne (589), en Grèce (401), en Pologne (382)
ou en
Bulgarie (193) est beaucoup plus faible qu'en Allemagne (1
024).[1]
« L'Allemagne est non seulement le principal
bénéficiaire du marché commun, mais aussi le
principal bénéficiaire de l'introduction de l'euro.
Cela
a été confirmé par une étude
publiée
en février par le CEP de Fribourg.[2]
L'étude souligne qu'en 2017, le produit
intérieur
brut (PIB) de
l'Allemagne aurait été de 280 milliards
d'euros de
moins, sans la monnaie unique de l'UE. Au total, depuis
l'introduction
de l'euro, jusqu'en 2017, l'Allemagne a gagné
près
de 1,9 billion d'euros, soit environ 23 116 euros par
habitant.[3] Toutefois, le
CEP
souligne également
que, sur les huit pays de l'euro étudiés, seuls les
Pays-Bas affichaient un résultat positif - plus
de 346
milliards d'euros jusqu'en 2017 inclus,
soit 21 003
euros par habitant. La France et l'Italie, cependant, ont
été les grands perdants. Le PIB français
serait
de 374 milliards d'euros de plus, celui de l'Italie,
même
de 530 milliards d'euros de plus, si la monnaie commune
n'avait
pas été introduite, rapporte le CEP. De 1999
à 2017, la France a perdu environ 3,6 milliards
d'euros (55 996 euros par habitant). Au cours de la
même
période, l'Italie a perdu plus de 4,3 billions
d'euros
(73 605 euros par
habitant). »
En 2017, selon Eurostat, l'office statistique
de
l'UE, 22,5 % de la population de l'Union était
menacée de pauvreté et d'exclusion sociale[3], soit
à peine 1,2 % de moins que dix ans plus
tôt
(23,7 % en 2008). En 2017, la proportion des
personnes
dans l'UE, qui étaient toujours classées comme
étant menacées de pauvreté, après
avoir
reçu leurs prestations d'aide sociale, était
de 16,9 %, soit plus qu'en 2008 (16,6 %).
Seuls
sept pays de l'UE ont réussi à réduire leurs
proportions de 2008, tandis que dans 19 pays de l'UE,
elles
ont continué à augmenter. Selon Eurostat,
en 2017, 6,9 % de la population de l'UE est
« en
situation de privation matérielle
sévère ». Ces chiffres renvoient au
seuil de
risque de pauvreté déterminé au niveau
national,
dont les faibles niveaux sont eux-mêmes des indicateurs de
l'écart de prospérité qui existe au sein de
l'Union européenne. Alors qu'en Allemagne,
en 2017, les personnes menacées de pauvreté
étaient les adultes seuls ayant un revenu inférieur
à 13 152 euros par an, en Grèce - avec
des
dépenses de subsistance similaires à divers
égards
- seules les personnes ayant un revenu inférieur
à 4 560 euros par an étaient
considérées comme menacées de
pauvreté. En
Lituanie, en 2017, le seuil était de 3 681
euros,
et en Bulgarie de 2 150 euros. Comme mentionné
ci-dessus, la BDI parle de l'UE comme étant un «
royaume
de prospérité [...] avec un niveau
élevé de
responsabilité sociale ». [4]
« De nombreux pays d'Europe orientale et
d'Europe
du Sud-Est sont devenus des sites de production à faible
coût pour les entreprises allemandes, ce qui a
alimenté
l'énorme succès d'exportation de l'industrie
allemande,
et même l'a rendu possible. Le commerce allemand avec toute
la
région est en plein essor. Les échanges commerciaux
entre l'Allemagne et le groupe de Visegrad (la Hongrie, la
Pologne, la
République tchèque et la Slovaquie) ont
été
d'environ 256 milliards en 2017, soit nettement plus
que les
échanges avec la Chine (environ 170 milliards). Une part
importante du commerce allemand avec le groupe de Visegrad se
compose
d'échanges de livraison
entre des usines allemandes en Allemagne et leurs filiales dans
les
pays du groupe de Visegrad. Grâce à sa situation
géographique au coeur du continent et à ses
relations
traditionnelles, l'Allemagne a profité plus que tous les
autres
pays de l'UE de son élargissement vers l'Est. La
Grande-Bretagne, à la périphérie occidentale
de
l'UE, offre un
exemple du contraire. Comme les experts de l'Institut
économique
allemand (IW, Cologne) l'ont indiqué en octobre, la
Grande-Bretagne « a peu
bénéficié » de
l'élargissement
de l'UE vers l'Est. Par conséquent, elle joue « un
rôle beaucoup moins important » que l'Allemagne
dans
les chaînes de production de l'Union
européenne. »[5]
L'UE reste le marché de vente le plus
important
de l'économie allemande. En 2017, l'Allemagne a
exporté environ 750 milliards vers d'autres pays
membres de
l'UE, soit 58,6 % de ses exportations totales,
accumulant
ainsi un excédent d'exportation de près de 160
milliards.[6]
Ces
énormes avantages expliquent
la satisfaction de la grande majorité des entrepreneurs
allemands envers l'UE, malgré le mécontentement
croissant
des petites et moyennes entreprises allemandes.[7]
Les résultats des élections
Les élections au Parlement européen
ont eu
lieu dans les 28 États membres de l'UE, en hausse par
rapport à 12 en 1994. Le taux de participation a
été de 50,5 %, le plus
élevé
en 20 ans. Le Parti populaire européen (PPE) a
remporté 180 sièges (35 de moins qu'en 2014),
et
l'Alliance progressiste des
socialistes et démocrates (S&D) 146 sièges
(40
de moins qu'en 2014). Ensemble, ils ont obtenu 326
sièges, mais pas la majorité au sein du parlement
qui
compte 751 députés.
Les médias parlent d'une « vague
verte », car les verts ont augmenté le nombre
de
leurs députés de 50 à 67,
grâce
à une forte représentation en Allemagne et en
France.
En Allemagne, le parti Vert a presque
doublé ses
votes par rapport à 2014 et est arrivé en
deuxième place avec 20,5 % des voix.
En France, La République en Marche (LREM)
du
président Emmanuel Macron et le Rassemblement national de
Marine
Le Pen entrent dans le nouveau Parlement européen avec 23
sièges chacun. Le Rassemblement national a recueilli un
nombre
record de voix (5,3 millions, contre 4,7 millions
en 2014),
plus que
le 23,3 % des suffrages exprimés pour le LREM.
Europe-Ecologie-Les-Verts de Yannick Jadot a pris la
troisième
place avec 13,5 % des suffrages, « une
augmentation
significative » par rapport à leur score
de 9,9 % des suffrages en 2014 et plus
qu'estimé
dans les sondages préélectoraux.
En Italie, « le parti d'extrême droite
de
Matteo Salvini a cimenté son emprise sur le paysage
électoral avec 34,3 %, au détriment de
son
partenaire de la coalition du gouvernement national, le
Mouvement 5 Étoiles, qui a obtenu la moitié
moins de
voix
(17,1 %) pour arriver en troisième »,
rapporte
France 24.
Forza Italia de l'ancien premier ministre Silvio Berlusconi a
obtenu
moins de 9 % des voix.
En Autriche, le grand vainqueur des
élections
européennes serait le chancelier Sebastian Kurz. «
Au beau
milieu d'une crise gouvernementale provoquée par le
scandale de
corruption de son partenaire dans la coalition, son parti, l'OVP,
a
augmenté de 7 % sa part du vote et obtient sept
sièges au nouveau parlement européen. Par
ailleurs, en République tchèque, le parti du
premier
ministre populiste, Andrej Babis, l'ANO, a remporté le
plus
grand nombre de voix, alors que Babis fait face à des
accusations de fraude portant sur le détournement de fonds
de
l'UE. Il en va de même pour le premier ministre bulgare
Boyko
Borissov, dont le GERB s'est renforcé malgré les
récents scandales », rapporte EURACTIV.com.
[8]
En Grèce, « le premier ministre,
Alexis
Tsipras, à la suite de défaites cuisantes aux mains
de
l'opposition conservatrice du Nouveau Parti démocratique
(PPE)
aux élections européennes et locales, a
annoncé
des élections anticipées, qui auront lieu sans
doute
le 30 juin. »
« Toute la gauche européenne a vu sa
représentation baisser, passant de 52
à 39
députés. »
« La Coalition européenne du
mouvement
d'opposition polonais, composée de la Plateforme civique
(PO),
dirigée par l'ancien président du Conseil
européen, Donald Tusk, et d'un groupe de partis de gauche
et
ruraux, a obtenu 38,3 %, mais reste toujours
derrière
le Parti droit et justice (PiS) au pouvoir. Le fait que
l'opposition
unie n'ait pas
réussi à
l'emporter sur le parti au pouvoir est une défaite en soi.
Le
résultat serré place les deux camps sur une
trajectoire
de collision frontale pour les élections nationales en
automne,
ce qui pour l'instant ne présage rien de bon pour
l'opposition. »
En Hongrie, le Parti Fidesz du premier ministre
Viktor
Orban « a été pratiquement le seul parti du
continent à remporter une majorité absolue
avec 52,3 % des suffrages. Le seul autre parti qui
remporté une majorité absolue est le Parti
travailliste
de Malte. »
En Grande-Bretagne, le nouveau Parti du Brexit de
Nigel
Farage a remporté 31,7 % des suffrages
et 29
des 73 sièges de la Grande-Bretagne. Le Parti
conservateur
n'a recueilli que 8,7 % des suffrages, tandis que le Parti
travailliste de Jeremy Corbyn a recueilli 14,1 % des
suffrages. Les
libéraux-démocrates et les verts ont obtenu de
«
solides résultats historiques ».
Selon France 24, « les résultats
des
élections de dimanche devraient remodeler la coalition au
pouvoir de l'UE, car les partis d'extrême droite, les verts
et
les libéraux proeuropéens ont fait de gros gains
aux
dépens des partis de l'establishment de gauche et de
droite. » [9]
Notes
1. Giordano Mion, Dominic
Ponattu : « Ökonomische Effekte des
EU-Binnenmarktes in
Europas Ländern und Regionen. Herausgegeben von der
Bertelsmann
Stiftung ». Gütersloh 2019.
2. « L´euro
a 20
ans : qui sont les perdants ? Qui sont les
gagnants ?
Une étude empirique », Alessandro Gasparotti et
Matthias Kullas, Les Études du CEP, Fribourg,
février 2019
3. « Tendance
à la
baisse pour la proportion de personnes menacées de
pauvreté ou d'exclusion sociale dans l'UE »,
Eurostat
Communiqué de presse, 159/2018 - 16 octobre
2018
4. « Gemeinsamer
Appell der
deutschen Wirtschaft : Wirtschaft für
Europa »,
bdi.eu, 5 septembre 2019.
5. Michael Hüther,
Matthias
Diermeier, Markos Jung, Andrew Bassilakis : « If
Nothing is
Achieved : Who Pays for the Brexit ? »,
Intereconomics 5/2018, 274-280.
6. « EU weiterhin mit
Abstand wichtigster Handelspartner Deutschlands »,
handelsblatt.com, 7 mai 2018.
7. Voir : «
Europas
Achsen », german-foreign-policy.com, 3
juillet 2018.
8. « Farage tops poll
and
Remain parties surge as EU polls spell out UK's
divide »,
Benjamin Fox, EURACTIV.com, 27 mai 2019.
9. « Populist push,
green
wave, establishment in turmoil : a round-up of the EU
elections », France 24, 28
mai 2019.
(German Foreign
Policy)
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 23 - 15 juin 2019
Lien de l'article:
Élection du Parlement
européen 2019: Un Parlement européen fragmenté
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