Le Japon jette des eaux usées radioactives dans l'océan Pacifique

Geste fortement condamné par les Japonais et les peuples des pays voisins

– K.C. Adams –


Manifestation en Corée du sud contre le rejet d'eaux contaminées dans l'océan Pacifique, le 15 juillet 2023

Malgré une grande opposition locale et internationale, le gouvernement japonais et le monopole de l'énergie nucléaire Tokyo Electric Power Co (TEPCO) ont commencé à rejeter dans l'océan Pacifique, le 23 août, de l'eau radioactive traitée provenant de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima-Daiichi. La centrale a été détruite par un tremblement de terre suivi d'un tsunami en 2011.

Le geste a été condamné par le peuple japonais et par les pays voisins. Les communautés locales de pêcheurs situées à proximité de la centrale craignaient que leurs années de travail pour convaincre les consommateurs de l'innocuité des produits de la mer de Fukushima ne soient réduites à néant.

Le déversement de l'eau radioactive a incité la Chine à annoncer une interdiction générale et immédiate de tous les produits aquatiques en provenance du Japon. « En déversant dans l'océan de l'eau contaminée par des matières nucléaires, le Japon fait courir d'énormes risques au reste du monde et transmet ouvertement des dommages à long terme aux générations futures de l'humanité », a déclaré la Chine. En 2022, le Japon a exporté pour environ 600 millions de dollars de produits aquatiques vers la Chine, ce qui en fait le plus grand marché pour les exportations japonaises, Hong Kong arrivant en deuxième position. Les ventes à la Chine et à Hong Kong représentaient 42 % de toutes les exportations japonaises de produits aquatiques en 2022, selon les données du gouvernement.

À Hong Kong, les manifestants ont déclaré que « les actions du Japon en matière de déversement d'eau contaminée sont irresponsables, illégales et immorales ». Ils ont expliqué que « personne ne peut prouver que les déchets et les matières nucléaires sont sécuritaires. Ils ne sont absolument pas sécuritaires. »

En Corée du sud, la police a arrêté au moins 16 manifestants qui avaient pénétré dans l'ambassade du Japon à Séoul, où ils avaient déployé des banderoles condamnant à la fois le Japon et le gouvernement de la Corée du sud pour avoir cautionné ce crime contre l'environnement. Les étudiants, qui appartiennent à des organisations à vocation sociale et environnementale, dont le réseau Peace Nabi et Eco Action, ont tenu un rassemblement au cours duquel ils ont scandé des slogans et brandi des pancartes disant entre autres : « Nous condamnons le président Yoon pour avoir sacrifié la vie de la population par crainte de perdre des élections », « Le public coréen s'oppose au déversement d'eau contaminée » et « Vous vous dites président coréen, mais vous ne dites pas un mot négatif sur l'eau contaminée ».


Manifestation devant l'ambassade du Japon à Séoul (Corée), le 24 août 2023, pour s'opposer au rejet d'eau radioactive par le Japon

Le ministère des Affaires étrangères de la République populaire démocratique de Corée a déclaré : « La mer, origine des êtres vivants et richesse commune de l'humanité, est confrontée à une grave crise de pollution nucléaire. Le gouvernement japonais a décidé de rejeter dans la mer l'eau polluée par le nucléaire provenant de la centrale atomique de Fukushima, malgré l'opposition et les avertissements de la communauté internationale. »

Aux Philippines, le groupe de pêcheurs Pambansang Lakas ng Kilusang Mamamalakayang Pilipinas (Pamalakaya) a déclaré dans un communiqué que les eaux usées traitées de la centrale nucléaire pourraient atteindre et contaminer les ressources marines et la biodiversité de l'archipel oriental des Philippines. Le groupe déclare que le déversement des eaux usées dans l'océan Pacifique pourrait avoir des conséquences à long terme et dramatiques pour la production de la pêche nationale et l'abondante biodiversité marine. « Nous demandons au gouvernement japonais de mettre fin à cette catastrophe environnementale en cours et de trouver d'autres moyens de se débarrasser de ses déchets nucléaires ailleurs. »

Les pêcheurs japonais locaux et la Fédération nationale des associations coopératives de pêche ont pris l'initiative de créer une large coalition pour trouver une autre méthode de gestion du problème, mais en vain. La Chine, la RPDC, la République de Corée et le Forum des îles du Pacifique, qui a fait part de ses « graves préoccupations », ont demandé à la communauté internationale de trouver une autre solution plutôt que de polluer les océans. Les groupes de défense de l'environnement ont contesté les affirmations du gouvernement japonais selon lesquelles l'eau n'affectera pas la vie marine ni la santé humaine. La National Association of Marine Laboratories des États-Unis souligne l'absence de données scientifiques adéquates et précises pour étayer les assurances du gouvernement japonais en matière de sécurité.


Manifestation à Fukushima contre le rejet d'eau contaminée, 14 avril 2023

L'action du gouvernement japonais viole également son engagement écrit de 2015 envers a fédération, les coopératives de pêcheurs de Fukushima, l'assemblée préfectorale de Fukushima et la plupart des assemblées locales de Fukushima, par lequel il promettait « de ne pas éliminer l'eau radioactive de Fukushima sans obtenir l'accord de toutes les parties concernées ». Cet accord n'a jamais été obtenu.

Zhang Kejian, président de l'autorité chinoise de l'énergie atomique, s'exprimant lors d'une réunion du conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique en juin à Vienne, a souligné que la quantité d'eaux usées contaminées par le nucléaire provenant de la centrale est importante, que leur composition est complexe et que la période d'élimination est d'une durée sans précédent. Selon lui, il n'existe aucune technologie efficace pour traiter le nombre de nucléides qui seront rejetés. Certains nucléides à longue durée de vie peuvent se diffuser avec les courants océaniques, ce qui aura des répercussions imprévisibles sur l'écologie marine et la santé humaine. Il est « inacceptable » que le Japon continue de rejeter de l'eau contaminée sans vérifier la fiabilité à long terme des technologies et des équipements de purification concernés et tente en outre de dissimuler le danger, a déclaré Zhang Kejian en conclusion.


Manifestation à Séoul, Corée, 20 mai 2023


L'opportunisme a créé les conditions d'une catastrophe

La situation est d'autant plus inquiétante lorsqu'on sait que l'opportunisme en matière de coûts guide TEPCO et le gouvernement depuis le début de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi et de la production d'énergie électrique en général. La majeure partie de la production d'électricité au Japon provient de centrales nucléaires ou au charbon. Les infrastructures électriques nécessaires ont été considérées dès le départ comme devant être fournies au moindre coût aux consommateurs industriels. Depuis la privatisation généralisée de l'infrastructure de production d'électricité, le profit maximum pour les producteurs privés a encore renforcé l'opportunisme au détriment de tout principe.

La centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi est située dans l'une des zones sismiques les plus actives au monde, avec un historique ancien et actuel de tsunamis de grande ampleur. En outre, des tremblements de terre aussi lointains que le Chili, de l'autre côté de l'océan, ont généré de fréquents tsunamis destructeurs le long de la côte japonaise du Pacifique. Malgré ces données scientifiques et ces connaissances, la centrale nucléaire a été construite non seulement au-dessus d'une zone sismique active, mais aussi au niveau de la mer, comme le montre la photo ci-contre. TEPCO et le gouvernement expliquent cette décision avec la réponse pragmatique typique selon laquelle de l'eau est nécessaire pour refroidir les réacteurs et que l'emplacement le moins cher est le bord de mer.


Dans la photo de TEPCO ci-dessous on voit la vague du tsunami de 2011 s'approchant de la centrale nucléaire située au niveau de la mer.

Les bâtiments abritant les réacteurs de la centrale de Fukushima ont été endommagés par des explosions d'hydrogène provoquées par le tremblement de terre de magnitude 9,2 qui s'est produit à proximité en 2011, et le tsunami qui a suivi a mis hors service les systèmes de refroidissement des réacteurs, dont trois sont entrés en fusion. Pour éviter que la situation ne s'aggrave et préparer le démantèlement de l'ensemble de la centrale, plus de 1,3 million de tonnes d'eau ont été utilisées pour refroidir les trois réacteurs paralysés.

En refroidissant les réacteurs et les débris radioactifs éparpillés dans le sous-sol de la centrale, l'eau elle-même est contaminée. Les eaux usées radioactives sont traitées dans un système de filtration qui ne peut pas éliminer tous les éléments nocifs, en particulier le tritium. L'eau contaminée par le tritium est ensuite stockée dans des réservoirs sur le site. TEPCO affirme que cette méthode sera maintenue pendant au moins 40 ans, jusqu'à ce que le démantèlement et l'assainissement soient terminés. Entre-temps, les réservoirs contenant l'eau contaminée sur le site sont presque pleins et occupent tout l'espace disponible sur le site. Selon TEPCO, il n'y a pas d'autre solution que de déverser l'eau dans l'océan, car chaque jour apporte son lot d'eau contaminée à stocker.

La question de l'élimination des déchets radioactifs est un problème non résolu qui plane sur la production d'énergie nucléaire. À l'heure actuelle, la plupart des déchets dangereux sont stockés en vue de leur élimination par les générations futures et les progrès de la science. Le Japon dispose d'un nombre limité de zones où les déchets radioactifs peuvent être entreposés en toute sécurité, notamment sous terre, en raison de la fréquence des tremblements de terre. TEPCO, d'autres monopoles et le gouvernement ont cherché à payer des pays, dont le Canada, pour qu'ils acceptent les déchets nucléaires du Japon[1]. Ne pas investir dans la recherche de solutions à ce problème est un autre aspect de l'opportunisme sur les prix de production qui gouverne les impérialistes et leur objectif central de générer non pas un produit social pour le bien de tous, y compris l'environnement naturel, mais un maximum de profits pour les entreprises privées.


Séoul, Corée, 12 juin 2023

Note

1. Voir « Des révélations concernant des négociations secrètes pour importer des déchets radioactifs du Japon au Canada », Forum ouvrier, 16 avril 2021


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Volume 53 Numéro 9 - Septembre 2023

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