Numéro 14
15 août 2022
Importants anniversaires
15 août 1939, naissance de Hardial Bains
• Hardial Bains, un
homme d'action révolutionnaire
• Une esquisse
biographique
15 août 1947
• Le legs de l'indépendance de l'Inde il y a 75 ans
• La dernière réforme : rompre avec le passé
15 août 1939, naissance de Hardial Bains
Hardial Bains, un homme d'action révolutionnaire
Hardial Bains |
Le 15 août, nous célébrons la naissance, la vie et l'oeuvre de Hardial Bains, fondateur et dirigeant du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste). Hardial Bains était, par-dessus tout, un homme d'action révolutionnaire. Arrivé au Canada de l'Inde en 1959 en tant que jeune homme, il s'est immédiatement intégré à la vie des travailleurs de la Colombie-Britannique et a fait siennes les luttes de la jeunesse étudiante avec laquelle il a partagé bonheurs et malheurs.
Le regretté Charles Boylan, qui était également jeune étudiant à l'Université de la Colombie-Britannique (UCB) à l'époque où Hardial a obtenu un diplôme en sciences, a écrit ce qui suit sur les conditions de l'époque.
« Imaginez la situation. Le monde, y compris l'ensemble des écoles de pensée idéologiques et théoriques, était bloqué par le dogme de la guerre froide. La désinformation et les informations erronées étaient la norme, qu'elles viennent des écoles de l'impérialisme euro-américain ou des écoles du communisme euro-soviétique. Il y avait un effort concerté contre les réalisations historiques du communisme, de la révolution et de la libération nationale. Toutes les voies de l'analyse et de la pensée indépendantes étaient interdites en pratique sinon dans la loi. Pourtant le sentiment que 'le monde ne va pas rester comme ça' occupait le coeur et l'esprit de la jeunesse. La nécessité du changement s'imposait. Qu'est-ce qui manquait, qu'est-ce qu'il fallait qui n'était pas là ? Quelle serait la clé permettant de libérer cette dialectique du changement ?
« En 1963, Hardial Bains était un étudiant diplômé de 23 ans à l'UCB qui avait immigré quatre ans pls tôt du Pendjab pour étudier la microbiologie au Canada. Au Pendjab, Hardial avait acquis une très bonne réputation de militant communiste et de scientifique avec une pensée solide et on disait que son militantisme politique et son investigation scientifique avaient commencé dès le jeune âge. Mais que faire de ce monde dans la forteresse impérialiste et à l'étranger, dans des conditions aussi complexes, où la notion même d'un front prolétarien de la révolution avait été déclarée chose du passé par la plupart des partis communistes ?
Hardial Bains devant la Maison internationale en 1962, un an avant la fondation des Internationalistes |
« La guerre froide suffoquait tout le monde au point où le droit de conscience était interdit. Hardial Bains s'est insurgé contre le blocage de la pensée et a lancé l'appel aux étudiants et aux professeurs de se défendre et d'exprimer leur droit de conscience par des actions avec analyse. Un de ses premiers actes publics a été de s'opposer courageusement au terrorisme psychologique de l'anticommunisme maccarthyste qui avait pour slogan 'Better Dead Than Red' ('Mieux vaut être mort qu'être rouge'). À une assemblée de démocratie de masse, debout sur une caisse sur l'esplanade devant la bibliothèque de l'UCB, Hardial a répondu à l'individu hystérique en arrière qui hurlait : 'C'est un communiste !' en rétorquant : 'Et fier de l'être !'
« Se remémorant cet incident plus tard, Hardial a dit que cette réponse avait été un tournant historique, dans le sens que 'c'en était fait de la lâcheté des communistes de l'époque'. Le refus de défendre son droit de conscience était chose du passé. Les communistes devaient être ouverts et fiers de leurs points de vue et des réalisations du mouvement communiste. 'C'est le début du nouveau. Plus personne ne peut arrêter ce mouvement', fut sa conclusion de cette expérience. Mais le nouveau était petit, comme la cellule d'un organisme qui s'éveille à la vie. »
Hardial avait la capacité d'entendre et de répondre à l'appel de l'histoire d'organiser pour réaliser les changements nécessaires pour ouvrir la voie au progrès de la société en ciblant toujours l'obstacle principal à l'avancement. Il a fondé son action sur ce que révélait la situation dans les conditions et les circonstances particulières en veillant toujours à mettre sur pied l'organisation pouvant rassembler tous ceux qui ont intérêt à apporter les changements nécessaires. Il a toujours suivi en cela le principe d'unir la force avancée pour mobiliser le milieu et isoler l'arrière. Il s'assurait que le conflit entre les conditions et l'autorité soit résolu de manière à favoriser les intérêts des travailleurs ici et à l'étranger et la cause des peuples et des nations en lutte pour la paix, la liberté et la démocratie.
Hardial Bains a répondu à l'appel de Engels qui disait que le marxisme n'est pas un dogme mais un guide pour l'action. Il a adopté dans toute la profondeur du sens le principe Pas d'enquête, pas droit à la parole pour insister sur la nécessité d'aller au fond des choses en tout temps afin de bien identifier la marche à suivre et de concevoir, comme partie intégrante de la marche à suivre, la tactique nécessaire pour atteindre le but visé. Il donnait ainsi l'exemple de ce que signifie s'opposer au rôle désinformateur de l'État, qui est de priver le peuple de sa propre conception du monde et de sa capacité d'établir les points de vue qui lui donnent l'avantage et d'agir d'une manière à favoriser ses intérêts.
De tous les écrits et documents que Hardial Bains a produits durant sa vie, le plus significatif est l'analyse de la nécessité de changement. Celle-ci tirait les conclusions qui s'imposaient de la dégénérescence culturelle et des conditions imposées à la jeunesse par l'influence impérialiste anglo-américaine des années soixante et la campagne anticommuniste. Sur la force de cette analyse, Hardial a tiré la conclusion que la compréhension nécessite un acte de participation conscience de l'individu, l'acte de découvrir.
Pour reprendre la phrase célèbre de la brochure Nécessité de changement, qui s'est vendue à des milliers d'exemplaires parmi la jeunesse, les étudiants et les forces révolutionnaires des années soixante, cet appel place l'action révolutionnaire au centre de tout ce que nous entreprenons. Ce n'est que lorsque l'individu est dans le feu de l'action, engagé dans la bataille, et qu'il a pour but d'humaniser l'environnement social et naturel dans les circonstances données, que la ligne de marche se révèle. Ce n'est que sur cette base, qui consiste à placer l'action révolutionnaire au centre de nos préoccupations, que l'on peut se dire digne de s'appeler marxiste-léniniste, a souligné Hardial.
En portant attention à ce qui est continuellement en train de naître et en voie de disparaître, ce que nous appelons l'ensemble des relations entre humains et entre les humains et la nature, la nécessité de changement se révèle comme étant la nécessité pour les peuples d'établir leur propre pouvoir politique en réglant leurs comptes avec la vieille conscience de la société. Alors seulement, écrit Hardial Bains, la préhistoire de l'humanité fera-t-elle place à l'histoire. Les êtres humains deviendront les créateurs de l'histoire. Rompant avec l'ancien, ils parleront enfin en leur propre nom et de leur propre voix au lieu de laisser d'autres agir en leur nom et utiliser leur voix.
De nombreuses réalisations importantes ont été accomplies à chaque étape sous la direction du camarade Bains, y compris :
— l'unification des marxistes-léninistes en une seule organisation basée sur le marxisme-léninisme et le centralisme démocratique à la fin des années 1960 ;
— la fondation du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) en 1970 en tant qu'instrument nécessaire pour forger l'unité de la classe ouvrière et lui permettre d'accomplir sa mission de bâtisseuse de la nation qui investit le peuple du pouvoir souverain ;
— la prise de positions audacieuses à la défense de tous quand l'État a lancé des attaques racistes contre les étudiants afro-canadiens ainsi que les autochtones et les gens d'origine sud-asiatique et antillaise à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix ; et
— l'établissement d'une base profondément anti-impérialiste pour le mouvement de solidarité au Canada avec les peuples d'Asie, d'Afrique, d'Amérique latine et des Caraïbes dans leur lutte de libération.
Cela comprend le soutien militant qu'il a organisé pour l'indépendance de Cuba contre l'invasion de la baie des Cochons et lors de la soi-disant crise des missiles et pour la libération nationale du Vietnam et des autres pays de la péninsule indochinoise contre l'agression impérialiste américaine.
Il a également dirigé la réorganisation du Parti hindustani ghadar à l'étranger en 1969, sur la base du centralisme démocratique, pour perpétuer les traditions des Ghadri Babas et pour les luttes de libération en Inde.
Les autres contributions importantes de Hardial comprennent la
défense du marxisme-léninisme et l'élaboration de la pensée
marxiste-léniniste contemporaine. Son travail dans les domaines
de la philosophie et des sciences sociales comprend notamment
l'attention de premier plan portée à la relation
cruciale entre la forme et le contenu et à l'étude du
marxisme-léninisme parmi les jeunes et l'avancement du mouvement
pour les idées éclairées. Il a dirigé la construction de la
presse du Parti et de la presse sans parti ainsi que de la base
technique du travail du Parti sur tous les fronts. Sa
contribution à l'étude de la constitution des États-nations
européens et de la manière dont on a investi une personne
fictive de l'État de la souveraineté pour priver le peuple du
pouvoir décisionnel a conduit à l'important programme
d'opposition à l'eurocentrisme, d'appui de chaque peuple sur son
propre matériel de pensée et du renouveau démocratique et à son
appel à rompre avec ce passé et à aller vers d'autres sommets.
Hardial Bains prend la parole lors de la célébration des succès de la construction de la presse de masse du Parti le 31 août 1986.
Les exploits de Hardial Bains sont en effet légendaires par leur audace. Il était intrépide face aux conséquences que lui vaudrait son défi de l'autorité anglo-américaine qui, au nom des libertés démocratiques, permet toute activité mais seulement dans la mesure où elle peut imposer ce que l'élite dirigeante appelle des « limites raisonnables ». Nos camarades ont passé beaucoup de temps en prison et beaucoup ont perdu leur emploi et ont vu leur carrière ruinée parce que des forces qui existent au-dessus du peuple décident de ce qui est « raisonnable ».
De même, les peuples autochtones, les travailleurs et les minorités et toutes les forces combattantes subissent les répercussions de la division de la société entre ceux qui dirigent et ceux qui doivent se soumettre. Ceux qui gouvernent tolèrent tout sauf la remise en cause de leur pouvoir. Sur cette base, ils définissent ce qui est acceptable et inclusif et ce qui est marginal et extrémiste et par conséquent inacceptable sous leur domination.
Les positions audacieuses du camarade Bains ont fait ressortir le véritable visage des institutions libérales dites démocratiques que les cercles dirigeants s'efforcent désespérément de préserver et de perpétuer. Ce désespoir devient de plus en plus hystérique et irrationnel avec toutes les preuves montrant que les conditions qui ont donné naissance aux États-nations créés depuis la guerre civile anglaise du XVIIe siècle n'existent plus et que les institutions démocratiques libérales établies pour résoudre les contradictions au sein des cercles dirigeants et entre les cercles dirigeants et le peuple afin d'éviter la guerre civile ne fonctionnent plus.
Or, l'importance de l'oeuvre de Hardial Bains ne peut être établie en additionnant les contributions ou en décidant laquelle de ces contributions est la plus importante. Lorsque nous parlons d'importance et de signification, nous parlons de choses qui importent ou qui sont signifiées par les événements qui se déroulent et se révèlent. En français, nous disons, « l'importance de l'oeuvre de Hardial Bains », ce qui est la même chose que la signification de son oeuvre. Autrement dit, nous voulons parler de comment son oeuvre « nous importe », en quoi c'est pertinent pour nous. Dans ce sens, l'oeuvre de Hardial Bains nous importe parce que c'est une base pour nous attaquer au monde aujourd'hui et à ce que veut dire être révolutionnaire.
Par exemple, l'importance de la fidélité à l'ensemble des relations humaines réside dans le fait qu'au coeur de la société moderne se trouve un pouvoir qui sert de médiateur entre les forces productives humaines et l'association politique existante. Guidés par la fidélité à l'ensemble des relations humaines, nous nous intéressons à la structure sociale, à l'ordre et à la mesure de la structure sociale, pour pouvoir faire des prédictions.
Il ne s'agit pas de prédire des événements, comme la date de la fonte de l'Arctique ou combien d'années il reste avant l'avènement d'une catastrophe climatique irréversible ou la fin du monde. L'importance de la fidélité, non pas à la personne de l'État et à la mythologie politique, mais à l'ensemble des relations humaines, est que vous pouvez faire des prédictions qui permettent d'établir le plan d'action, la tactique et l'organisation nécessaires pour aborder les problèmes auxquels vous êtes confrontés. Vous ne pouvez pas le faire sans être guidés par le rapport entre les parties et le tout.
Réfléchissant à l'état du mouvement communiste après l'effondrement de l'Union soviétique, qui a marqué le début du repli de la révolution que nous vivons aujourd'hui caractérisé par une multiplication des crimes contre l'humanité, le camarade Bains a dit : « Si vous êtes révolutionnaires mais non marxistes-léninistes, vous pouvez devenir marxistes-léninistes. Mais si vous êtes marxistes-léninistes mais non révolutionnaires, là il y a un problème. »
Suivant l'exemple que nous a donné le camarade Bains, que signifie alors être révolutionnaire ?
Selon le PCC(M-L), être révolutionnaire, c'est assumer à chaque
période les tâches dont la réalisation va réellement changer ou
révolutionner la situation. Cela s'oppose à donner de bonnes
descriptions de la situation ou à se cacher derrière des phrases
« correctes ».
(D'abord publié le 25 août 1929 à l'occasion du 80e anniversaire de naissance de Hardial Bains. Centre de ressources Hardial Bains)
Une esquisse biographique
Hardial Bains est né en Inde en 1939 à Chak 6, qui se trouve aujourd'hui au Pakistan. Son père était un communiste bien connu qui a été persécuté sans relâche, travaillant dans la clandestinité ou emprisonné pour ses activités anticoloniales et progressistes et sa résistance aux atrocités commises par le Raj britannique. Hardial a grandi à Mahilpur, dans le district de Hoshiarpur. La famille de sept frères et soeurs a souffert de la persécution aux mains des Britanniques. Hardial a pu enfin rencontrer son père pour la première fois à l'âge de neuf ans. Sa mère, qui a dû porter le lourd fardeau d'élever une famille sans source de revenus, n'a jamais failli à la tâche ; au contraire, a veillé à ce que tous ses enfants reçoivent une éducation. Les frères et soeurs aînés d'Hardial ont ainsi pu subvenir aux besoins de la famille lorsqu'ils étaient assez âgés et ses soeurs ont été les premières femmes admises au collège de Mahilpur.
D'aussi loin qu'il se souvienne, Hardial était actif en politique. À l'âge de huit ou neuf ans, il s'est joint au mouvement communiste et s'est battu pour la libération de l'Inde de la domination britannique.
Hardial a rejoint l'aile étudiante du Parti communiste indien en quatrième année, devenant ainsi le plus jeune membre de tout le pays, et il l'est resté longtemps. Se remémorant cette période tumultueuse, Hardial a écrit : « Il y avait une condition d'âge pour les membres mais, étant relativement grand pour mon âge et généralement exubérant et énergique, personne ne m'a demandé mon âge. Plus tard, j'ai été le plus jeune secrétaire au niveau du district. »
Hardial a voyagé à travers l'Inde en accomplissant de nombreux exploits pour organiser le peuple contre le pouvoir oppresseur du Raj. Très tôt, il a acquis le surnom « Leader », un titre qui lui a convenu toute sa vie. Par ses écrits et son exemple, Hardial a enseigné qu'un leader est la personne qui fait tout ce qui est nécessaire pour que les autres puissent apporter leur contribution à la cause de la paix, de la liberté, de la démocratie et de l'émancipation de l'humanité. Il a toujours accordé une attention première à son travail au prix de sacrifices personnels et au détriment de sa carrière de scientifique, de professeur et de chercheur. Sa famille, tant en Inde qu'au Canada, l'a soutenu dans toute son activité, tout comme le Parti qu'il a créé et les partis fraternels avec qui il a consacré beaucoup de temps à trouver des solutions communes aux problèmes communs. Il a toujours été très reconnaissant du soutien de sa famille, de ses pairs et de gens partout dans le monde.
Hardial a commencé son travail politique au Canada peu après
avoir émigré en 1959. Arrivé à Victoria, en
Colombie-Britannique, il a immédiatement commencé à se
familiariser avec la vie au Canada et avec l'économie et
l'histoire du Canada. Il s'est intégré aux travailleurs de
l'industrie du bois
et a appris des Ghadri Babas qui se sont battus pour la liberté
des Indiens et contre les lois d'exclusion racistes imposées par
les Britanniques au Canada et ailleurs. Après avoir déménagé à
Vancouver, il a poursuivi des études supérieures en
microbiologie à l'Université de la Colombie-Britannique
de 1960 à 1965 et a travaillé comme technicien de laboratoire
pour le gouvernement de la Colombie-Britannique de 1960 à 1961.
Il s'est plongé dans le mouvement politique de la jeunesse et
des étudiants en plein essor et a été élu président de la
Fédération des étudiantes et étudiants de la
Colombie-Britannique en 1964.
Hardial Bains peu après son arrivée au Canada en 1960 (à gauche) ; travaillant au laboratoire ; et devant la Maison internationale de l'Université de la Colombie-Britannique en 1962.
Le travail qu'il a accompli durant cette période se caractérise par la construction de l'organisation qui regroupe les forces sociales ayant intérêt à apporter le changement exigé par l'époque. En 1963, il a rassemblé des jeunes tournés vers l'avenir dans les Internationalistes. Les Internationalistes ont lutté pour établir un climat de discussion académique sur le campus de l'Université de la Colombie-Britannique, contre le sectarisme dégénéré de la politique de factions et la collaboration idéologique avec la classe dominante, qu'Hardial identifiera plus tard comme les trois « i » : impérialisme, ignorance et impuissance.
Hardial a enseigné au Trinity College de Dublin, en Irlande, de 1965 à 1967 dans le cadre d'un programme d'échange. Son manuel d'enseignement était encore utilisé par le département lorsqu'il a visité l'université 25 ans plus tard.
Pendant son séjour en Irlande, Hardial a introduit la méthode
consistant à organiser des réunions de démocratie de masse en
plein air, auxquelles un grand nombre d'étudiants assistaient
pour discuter des affaires courantes et prendre position d'une
manière qui favorisait leurs intérêts et
répondait à leurs préoccupations. Il a fondé les
Internationalistes d'Irlande à Dublin pour diriger ce travail et
a organisé le programme d'étude Nécessité de changement afin
d'impliquer les jeunes dans l'analyse de leurs conditions pour
tirer les conclusions qui s'imposent. La série de conférences
qu'il a données dans le cadre de ce programme a conduit à la
tenue de l'importante conférence Nécessité de changement à
Londres, en Angleterre, du 1er au 10 août 1967. L'analyse
Nécessité de changement adoptée par la conférence est résumée
dans la célèbre brochure portant le même titre qui s'est
vendue à des milliers d'exemplaires à l'époque. Elle a été
rééditée en 1998 avec une préface de l'auteur et demeure très en
demande à ce jour.
Hardial Bains dirige la discussion lors de la conférence Nécessité de changement à Londres, en Angleterre, en août 1967.
Hardial est ensuite retourné au Canada, arrivant à Montréal le
1er mai 1968. De nombreux jeunes révolutionnaires de la
Colombie-Britannique et de tout le pays l'ont rejoint à Montréal
et ensemble, sous la direction d'Hardial, ils ont effectué un
travail d'organisation révolutionnaire tous
azimuts. Le 7 mai, les Internationalistes, fondés à l'Université
de la Colombie-Britannique en 1963, étaient réorganisés en un
mouvement marxiste-léniniste de la jeunesse et des étudiants,
conformément aux conclusions de l'analyse Nécessité de
changement qui révélait le besoin d'une force organisée
basée sur le centralisme démocratique. Hardial a continué
d'élaborer et d'enrichir l'analyse sur la base de l'expérience
acquise au cours de ce travail. L'Institut d'études idéologiques
Nécessité de changement, créé en 1967, a ensuite été enregistré
sous le nom de Centre d'études idéologiques pour
lequel Hardial a travaillé professionnellement en tant que
directeur pour le reste de sa vie. Jusqu'à ce jour, l'institut
continue d'élaborer l'analyse de Nécessité de changement et la
théorie révolutionnaire requise par le mouvement
révolutionnaire.
Au cours de cette période, Hardial Bains a également été le fer
de lance de la fondation de nombreuses organisations qui ont
lutté pour les droits démocratiques du peuple, notamment la
défense des droits de tous les travailleurs, du droit du peuple
québécois à l'autodétermination et des droits
ancestraux des peuples autochtones. Son travail de soutien aux
luttes de libération des peuples de l'Inde, de la Corée, du
Vietnam et de la péninsule indochinoise, de Cuba, de la Grèce et
de tous les peuples du monde a permis d'avancer leur contenu
anti-impérialiste. Son travail a permis de régler
les comptes avec le chauvinisme anglo-canadien,
l'anticommunisme, le révisionnisme moderne et l'opportunisme de
tout acabit, ainsi que l'exceptionnalisme américain. Plus
important encore, Hardial a été le fer de lance de la fondation
du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) en 1970 et en
est resté le dirigeant national jusqu'à sa mort en 1997.
Manifestation à l'Université de Colombie-Britannique le 24
octobre 1962 pendant la « crise des missiles de Cuba », quelques
mois avant la fondation des Internationalistes
Hardial Bains au VIe Congrès du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) en octobre 1993
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Les organisations qu'il a fondées ont toujours joué un rôle
crucial dans l'organisation des travailleurs, des femmes et des
jeunes, de manière à contribuer de façon décisive à la solution
des problèmes auxquels le peuple est confronté à tout moment. En
1969, il a fondé à Montréal le Comité pour
la défense des droits démocratiques du peuple et en 1968-1969
les mouvements étudiants révolutionnaires et les Intellectuels
et Ouvriers patriotes du Québec, tout en construisant les
instruments de la presse du Parti qui paraissait quotidiennement
en deux langues depuis le début. Hardial a également
regroupé les Indiens résidant à l'étranger et a réorganisé le
Parti hindustani ghadar en 1969 sur la base du centralisme
démocratique et des principes révolutionnaires suivant l'appel
des martyrs indiens à transformer en victoire les sacrifices
consentis dans la lutte pour la libération de l'Inde.
Parmi les organisations fondées partout au Canada sous sa
direction, citons le Comité de défense indien en 1973, le Front
du peuple contre la violence raciste et fasciste en 1980 et
l'Organisation des peuples antillais. Il a également travaillé
en étroite collaboration avec les femmes et les jeunes
pour la défense de leurs droits. Ce qui lui tenait le plus à
coeur était le travail parmi les travailleurs pour développer
l'opposition ouvrière sur la base de la politique indépendante
de la classe ouvrière, afin qu'ils puissent résoudre à leur
avantage les problèmes auxquels le mouvement ouvrier
et communiste et la société sont confrontés.
Hardial Bains prend la parole à la troisième
convention annuelle du Comité de défense indien en 1977 (à
gauche) et lors d'un rassemblement organisé à l'occasion de la
fondation du Front du peuple à Vancouver le 22 novembre 1980.
Hardial Bains lors d'une marche à l'occasion du congrès de fondation de l'Union des femmes démocratiques à Vancouver, le 8 mars 1981 (à gauche) et en conversation avec les jeunes, le 30 août 1992
Hardial accordait une grande attention aux questions
culturelles, notamment aux festivals sportifs, à la musique et à
la littérature. Il a aidé les organisations de travailleurs
culturels au Canada et en Grande-Bretagne et a lui-même
contribué à des chansons et des poèmes qui ont inspiré tous
ceux qui luttaient à se battre, sans se décourager. Comme le
souligne une phrase de l'un de ses poèmes gravée sur le monument
du Parti au cimetière Beechwood : « Que la marche continue car
la route est claire. Que l'être humain moderne fasse l'histoire.
Quelque chose nous appelle, allons de l'avant.
»
Hardial Bains au 2e Festival national pan-canadien de la
jeunesse en 1979
La lutte idéologique contre la révision ou l'interprétation dogmatique des principes communistes est comme un fil rouge qui traverse toute la vie politique d'Hardial Bains. Nombre de ses écrits traitent de l'abandon des idéaux progressistes et du socialisme au coeur du conflit dans l'ancienne Union soviétique et en Europe de l'Est et de la trahison de la cause des peuples dans divers pays du monde. La lutte contre cet abandon a été un trait saillant de ses activités depuis les années 1960.
Dans ce contexte, Hardial a également joué un rôle important en aidant les partis et organisations communistes qui ont vu le jour dans le monde entier dans les années 1960, 1970 et par après. Son internationalisme était tel qu'il ne s'ingérait jamais dans les affaires intérieures des autres, tout en encourageant les habitants de chaque pays à être leurs propres modèles et à se tenir debout. Dans les années 1990, il a aidé à organiser des séminaires internationaux sur des problèmes communs. Ils ont porté sur des sujets comme le repli de la révolution, la nécessité de définitions modernes, la définition de la personnalité démocratique moderne, l'eurocentrisme, les droits des minorités, le communisme et les droits humains. Il a grandement contribué à renforcer les relations de travail afin d'analyser et d'évaluer les développements mondiaux et de veiller à ce que la discussion politique nécessaire à tous soit organisée.
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Hardial Bains était très admiré parmi ses collègues et ceux qu'il rencontrait au cours de ses activités politiques pour son dévouement au progrès de l'humanité et son adhésion aux principes les plus avancés. L'élite dirigeante canadienne détestait sa politique et l'a pris pour cible dans le cadre de la fameuse Opération Chaos menée par la CIA américaine. Il a été continuellement calomnié et diffamé. Il a dû se battre contre plusieurs poursuites frauduleuses visant à le criminaliser et à le discréditer et a déjoué plusieurs tentatives d'assassinat, notamment des sorties de route forcées de la voiture dans laquelle il se trouvait ou le feu mis au réservoir d'essence de sa voiture et d'autres mesures désespérées. Il a fait l'objet d'un mandat d'Interpol lors de la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre en 1970 et s'est vu refuser la citoyenneté canadienne jusqu'en 1988, ce qui a entraîné le déni des droits pour son épouse et ses enfants. Il a également été privé de son passeport par le gouvernement indien de 1975 à 1977, pendant l'état d'urgence déclaré par Indira Gandhi. Il était sous la surveillance constante du FBI et s'est vu refuser l'entrée aux États-Unis.
Avec l'effondrement de l'Union soviétique en 1989-1990 et la
fin de la division bipolaire du monde, Hardial s'est lancé dans
un travail audacieux pour créer les conditions pour que le
peuple s'investisse du pouvoir de décider et puisse résoudre en
sa faveur la crise globale, avec la crise
économique à la base. Son travail pour le renouveau démocratique
du processus politique donne la direction dont le corps
politique a besoin aujourd'hui. Il a présenté un mémoire au nom
du PCC(M-L) à la Commission royale sur la réforme électorale et
le financement des partis en 1990. Plus tard, en
1992, il a dirigé le Comité « Votez Non le 26 octobre », qui a
été le fer de lance de l'effort pour faire échouer le référendum
réactionnaire sur l'Accord de Charlottetown, par lequel la
classe dirigeante a tenté de réformer la Constitution du Canada
tout en maintenant le corps politique divisé, les
travailleurs dans une position inférieure, les peuples
autochtones opprimés et les droits de la nation québécoise niés.
Le Non ! l'a emporté face à l'ensemble des forces de
l'establishment qui incitaient le peuple à voter oui. Pour aider
la campagne du Non, Hardial a publié deux livres traitant du
problème constitutionnel au Canada : La substance du Rapport du
consensus sur la constitution et Pour faire face à l'avenir. Il
a ensuite publié un troisième livre, Un pouvoir à partager, en
1993, pour tracer une voie vers l'avant. Un pouvoir à partager
met l'accent sur la nécessité de procéder à un
renouveau démocratique du processus politique. Grâce à l'élan et
à l'unité acquis lors de la campagne réussie pour rejeter
l'Accord de Charlottetown, Hardial a été le fer de lance de la
fondation du Conseil national du renouveau, qui a mené à la
création du Parti du renouveau canadien en tant
qu'association politique non partisane pour poursuivre le
travail d'investir les Canadiens du pouvoir de décider de leurs
affaires.
Hardial Bains prend la parole lors de
réunions à Toronto et à Ottawa dans le cadre du travail effectué
en 1992 pour le Renouveau démocratique et pour un vote pour le
Non ! à l'Accord de Charlottetown.
Hardial Bains prend la parole lors de la conférence constitutionnelle du Parti canadien du renouveau tenue à Ottawa les 11 et 12 septembre 1993.
En 1995, Hardial Bains a lancé l'Initiative historique, un
projet d'édification nationale qui appelle la classe ouvrière à
se constituer en la nation et à investir le peuple du pouvoir
souverain. Son travail théorique se concentre sur la nécessité
de régler les comptes avec la vieille conscience
de la société de manière à permettre l'émergence de la
personnalité démocratique moderne. Sa vie a été écourtée en 1997
lorsqu'il est décédé d'un cancer. Hardial incarnait cette
personnalité démocratique, avec son amour social et sa lutte
pour une société humanisée adaptée aux êtres humains et à la
nature. Bien que sa vie ait été écourtée par un cancer en 1997,
sa vie et son oeuvre se perpétuent dans le travail du Parti
communiste du Canada (marxiste-léniniste) et dans le coeur et
l'esprit des jeunes générations qui suivent sur ses pas.
Hardial Bains lance l'Initiative historique du PCC(M-L) à Ottawa le 1er janvier 1995.
(Centre de
ressources Hardial Bains)
15 août 1947
Le legs de l'indépendance de l'Inde il y a 75 ans
Morcha des agriculteurs dans l'Haryana, au Pendjab, le 9 août 2022,
contre le programme d'acquisition de terres du gouvernement Modi. Les
agriculteurs affirment qu'ils ne permettront pas au gouvernement
d'arracher les terres aux agriculteurs qui les ont rendues fertiles
avant 1947.
À l'occasion du 75e anniversaire de l'indépendance de l'Inde, des centaines de millions de 'fermiers montent les barricades à la défense de leur existence même et de leur droit d'être. Ils tiennent aujourd'hui des manifestations dans toute l'Inde contre les politiques et les lois antipopulaires du gouvernement. Des kisan mahapanchayats (réunions de masse locales) ont lieu. Les slogans du Kisan Mazdoor Ekta (unité fermiers-ouvriers) résonnent : Faslan ke faisale kisan karega (les fermiers décideront des cultures), Awaz do hum ek hain (nous sommes une seule voix). Lors d'un mahapanchayat à Bijnor, dans l'Uttar Pradesh, les fermiers ont déclaré qu'ils poursuivraient leurs luttes sous toutes les formes jusqu'à ce que leurs demandes soient satisfaites. Ils disent que c'est une bataille pour leurs produits et les générations futures. C'est une bataille pour la terre et la vie. Une fois de plus, les tracteurs et les chariots sont de sortie.
Les promesses de Nehru et de tous les partis de l'élite faites dans un appel au destin à minuit le 14 août 1947 ont été sans lendemain. Les peuples de l'Inde ont versé des torrents de sang pour renverser le régime colonial, mais le transfert de pouvoir de 1947 a maintenu toutes les institutions coloniales au service d'une infime minorité de collaborateurs du régime britannique, qui ont préféré maximiser les profits et les intérêts des élites dirigeantes, y compris les anciens maîtres coloniaux. Partout, les Indiens disent que ce n'est pas l'Inde pour laquelle nous nous sommes battus. La domination coloniale se poursuit sans les colonialistes, imposée par un carnage communautaire qui a fait des millions de victimes et déplacé de force plus de 20 millions de personnes.
Toutes les concessions que l'élite dirigeante a été forcée de faire en 1947 en raison des luttes des femmes, des hommes, des travailleurs, des fermiers, des dalits, des tribus, des nations et des nationalités sont attaquées. Par exemple, tous les acquis dans le domaine des moyens de subsistance, du droit de vote, de l'éducation, du droit du travail, de la santé, de la structure fédérale, du bien-être, de la justice sociale, des réformes agraires, de la liberté d'expression, aussi piètres soient-ils, ont été érodés et mis en pièces par les élites dirigeantes. Au cours des quarante dernières années, l'offensive néolibérale lancée par le Congrès, intensifiée et accélérée par le Parti Bharatiya Janata (BJP), a anéanti tous les acquis du mouvement d'indépendance du peuple. Les maisons et les familles industrielles telles que les Adanis, Ambanis, Tatas, Birlas, etc. ont décuplé leurs richesses alors que 99 % de la population a du mal à se nourrir.
Selon les données présentées récemment au Parlement, plus de 80 % des Indiens sont susceptibles de boire de « l'eau empoisonnée ». En effet, la plupart des districts de presque tous les États ont des eaux souterraines surchargées de métaux toxiques et de métalloïdes. Dans certaines parties des 209 districts de 25 États, il y a plus de 0,01 mg d'arsenic par litre d'eau souterraine. Dans certaines parties de 491 districts de 29 États, la teneur en fer des eaux souterraines est supérieure à 1 mg par litre. Dans certaines parties de 29 districts de 11 États, la teneur en cadmium des eaux souterraines est supérieure à 0,003 mg par litre. Dans certaines parties de 62 districts de 16 États, on trouve plus de 0,05 mg de chrome par litre d'eau souterraine. Plus de 0,03 mg par litre d'uranium a été trouvé dans les eaux souterraines de 152 districts de 18 États. C'est une indication de l'ampleur des crimes que l'élite dirigeant ont continué de commettre contre les peuples et la nature au cours des 75 dernières années.
Les données fournies par le gouvernement indiquent que chaque année, 2,5 millions de personnes meurent de faim et qu'au cours des 40 dernières années, l'élite dirigeante a tué 100 millions de personnes les laissant mourir de faim, quel que soit le parti au pouvoir, quels que soient les slogans lancés au nom de l'élimination de la pauvreté et de la garantie de la prospérité pour tous. Plus de 50 % des populations tribales ont été déplacées et dépossédées de leurs forêts, de leur eau, de leurs terres et de leur habitat. L'oppression des castes se poursuit sans relâche.
Les Pendjabis se souviennent encore de la partition comme d'un ujara, la dévastation. Plus de sept millions de personnes ont été forcées de quitter leurs foyers à cause de la terreur déclenchée par les élites au pouvoir, les Britanniques, leurs hommes de main et la police. Des études menées par Jennifer Leaning, universitaire de Harvard, et d'autres, indiquent que plus de trois millions de personnes ont été massacrées. L'éminent politologue Ishtiaq Ahmed, dans son livre Punjab Bloodied, Partitioned and Cleansed, l'a méticuleusement documenté. Les projets sur la partition menés dans de nombreuses universités et les recherches d'un nombre croissant de professeurs ont mis en lumière les crimes des élites au pouvoir et de leurs représentants. Par exemple, Jinnah a impitoyablement qualifié ce bain de sang de qurbani (sacrifice) nécessaire à la création du Pakistan. De même, les dirigeants du Congrès dit de la partition que c'était le prix de la liberté. Cela révèle la nature criminelle des dirigeants du Congrès, de la Ligue musulmane et des Britanniques.
Dans Lahore et Amritsar, les bandes armées affiliées aux Akalis, la Ligue musulmane et le Mahasabha hindou n'ont cessé de terroriser le peuple. Les rajas, maharajas, wadheras ont lâché leurs soldats contre des personnes désarmées et innocentes. Aujourd'hui, les Pendjabis de l'est et de l'ouest du Pendjab partagent leurs expériences et leurs traumatismes sur les médias sociaux. Le 16 août, des ardas (prières) spéciales au Akal Takht ont été dédiées à ceux qui ont été massacrés et sont morts pendant la partition. Les gourdouaras du monde entier vont tenir des ardas. Les Punjabis du monde entier apprécient cette initiative et poursuivent leurs luttes pour l'affirmation de leurs droits nationaux, culturels et linguistiques, leur droit d'être.
Le président Modi sert le « nectar de la liberté » depuis le Fort Rouge de Delhi, tout en attaquant les droits de tous les peuples de l'Inde, tout comme Nehru, à minuit le 14 août 1947, parlait d'« essuyer les larmes de tous les yeux » alors que l'élite dirigeante se livrait à un carnage sur le modèle d'un nettoyage religieux et ethnique. On rapporte que le « laïc » Nehru a pris un bain dans de la poussière d'or, comme le lui avait conseillé son astrologue, parce qu'il passait du statut de brahmane à celui de kshatriya pour devenir premier ministre et que la cérémonie a eu lieu à minuit pour convenir aux astrologues.
Ce que l'on ne peut pas oublier dans l'histoire de la partition, c'est que depuis le 14 août 1947 à minuit jusqu'à aujourd'hui, la démagogie honteuse des représentants des élites au pouvoir, de leurs partis, des assemblées législatives, quel que soit le parti au pouvoir au niveau central ou au niveau des États, s'est heurtée à une histoire glorieuse de luttes populaires.
Les fermiers de l'Inde, ainsi que d'autres travailleurs et opprimés, ont lancé un appel clair au renouveau et au renouvellement des relations entre les humains et entre les humains et la nature, afin d'affirmer les droits de tous. La sécurité des peuples ne réside que dans leur lutte contre l'élite dirigeante et leur État. Les fermiers ont déclaré que, quoi que dise Modi depuis les parapets du Fort Rouge, comme beaucoup d'autres avant lui pour tromper le peuple, ils marcheront et continueront jusqu'à ce que les droits de tous et toutes soient affirmés. C'est au peuple qu'il appartient de créer des perspectives d'avenir. Les femmes, les fermiers, les travailleurs, les jeunes, les dalits, les adivasis et les opprimés sont les créateurs de l'histoire qui se déroule en Inde.
En cette occasion, je pense à Bhagat Singh qui avait prophétisé que cette lutte se poursuivrait si des sahibs bruns remplaçaient les sahibs blancs et si aucune transformation n'avait lieu. Je pense à Baba Sohan Singh Bhakhna, président fondateur du parti Ghadar, qui nous a dit en 1967 qu'il avait été plus torturé par le gouvernement de Nehru que par les Britanniques. Je pense à mon grand-père qui avait prédit cette trajectoire parce que les dirigeants du Parti du Congrès, du Parti communiste indien et du Parti communiste indien (marxiste) avaient trahi les aspirations du peuple, et il avait du mépris pour eux. Je pense particulièrement à Hardial Bains, mon ami et mentor, qui est resté fidèle aux aspirations de notre peuple jusqu'à son dernier jour. Son article intitulé « Rompre avec le passé — la dernière réforme » a été prononcé lors d'une réunion à Delhi en son nom, le 15 août 1997, à l'occasion du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Inde. Ce document indique encore aujourd'hui la voie à suivre pour réaliser les transformations dont ont besoin les peuples de l'Inde et de l'Asie du Sud.
Enfin, je pense au poète Varvara Rao, 82 ans, qui a été incarcéré sur la base de fausses accusations pour avoir dit ce qu'il pensait, mais qui garde la tête haute et le torse bombé, inspirant les jeunes. Il vient d'être libéré sous caution pour raisons médicales. Je pense aussi aux guerriers de Facebook, Twitter et autres médias sociaux qui amplifient les luttes des Indiens pour la dignité.
Une grande bataille d'idées pour le renouvellement du matériel de pensée des peuples du sous-continent indien ainsi que des peuples du monde a éclaté pour créer une nouvelle société qui harmonise l'ensemble des relations humaines, celles entre humains et celles entre les humains et la nature. Tout est à saisir. Le vieux matériel de pensée, ses phrases et ses platitudes sur la « gauche » ou la « droite », le « Rashtra hindou » ou la « laïcité » ne suffisent plus. Leur répétition est une diversion organisée par l'élite dirigeante. Les gens se rassemblent pour surmonter la crise d'imagination sur ce que la société engendre et qui peut servir le peuple. Les morchas des fermiers l'ont montré au monde entier. Ils ont souligné, au cours de leurs 14 mois de délibérations, que la démocratie libérale est un système de parti pour choisir les représentants d'une personne fictive de l'État où la souveraineté est acquise. Elle n'est pas conférée au peuple, comme on le lui fait croire, mais à un pouvoir caché au-dessus du peuple. La démocratie fondée sur cette théorie et les arrangements qui ont été mis en place sur sa base sont devenus historiquement obsolètes, indépendants de la volonté de quiconque. Cela est dû au fait que les forces productives ont échappé au contrôle des dirigeants et des travailleurs. L'heure est venue pour les travailleurs d'ouvrir la voie du progrès de la société en harnachant ces forces productives sur la base de définitions modernes de la démocratie, pour une démocratie de masse dans laquelle le peuple est le décideur et décide de la ligne de marche qui ouvre la voie du progrès.
Les partis du cartel ne sont plus politiques car ils ne servent pas le corps politique. Ils ont formé un cartel mafieux maintenu en place par des intérêts privés étroits pour priver le peuple et déresponsabiliser tout le monde sauf eux-mêmes. C'est pourquoi, pendant les morchas, les fermiers n'ont pas permis aux leaders des partis du cartel de monter sur scène. Ils ont formulé une vision de la démocratie de masse dans laquelle les citoyens participent directement à la prise des décisions qui affectent leur vie. Les idées de contrôle communautaire des ressources naturelles et la manière d'exécuter la démocratie en action ont été discutées en détail. Les fermiers ont déclaré qu'ils mettaient en place leurs organisations dans 600 000 villages de l'Inde afin de sensibiliser la population à la manière dont une nouvelle société peut être mise en place.
Une partie de cette grande bataille d'idées est le travail des universitaires dalits, qui se sont éduqués contre vents et marées, pour régler leurs comptes avec la déshumanisation et l'oppression des castes. Ils travaillent d'arrache-pied pour mettre en lumière l'histoire et les conditions non racontées des travailleurs, des artisans et des intouchables. De nombreux jeunes spécialistes du pali ont publié un grand nombre d'ouvrages pour mettre en lumière l'histoire « oubliée » et rendre leur dignité aux femmes et aux hommes opprimés et exploités. Leur travail a brisé le monopole des écrivains coloniaux et brahmaniques et trace la voie de l'histoire telle qu'elle a été créée par le peuple, dans le passé, le présent et le futur.
Afin de noyer dans le sang les luttes pour le renouveau et la rénovation, la dignité et la justice des fermiers, des travailleurs, des dalits et autres, l'élite dirigeante utilise ses armes favorites, la violence communautaire et la terreur d'État, pour détourner et distraire le peuple. Les représentants de l'élite dirigeante incitent les gens à s'en prendre aux musulmans en prétendant qu'ils sont la cause des problèmes des fermiers, des travailleurs, des femmes, des dalits et autres. Des bandes armées protégées par la police menacent et intimident les gens.
Cette attaque contre les musulmans et les autres est une attaque contre les droits de tous les peuples de l'Inde. Les fermiers l'ont compris et ont déclaré avec audace qu'il s'agissait d'un stratagème pour attaquer l'unité du peuple. Ils ont formé des comités de défense, des comités de sadbhavna (bonne volonté) et des comités de paix pour s'opposer à ces attaques. Les travailleurs, les jeunes, les étudiants, les femmes sont également en action pour contrer ces attaques. Des comités de solidarité sont formés dans les villes et les villages.
D'un point de vue philosophique, une grande dialectique se déploie qui arrache le voile de l'anti-conscience.
Zindabad !
La dernière réforme: rompre avec le passé
Des fermiers de Mukerian, au Pendjab, remettent au magistrat de
la sous-division une lettre de revendication concernant les
demandes des agriculteurs et des copies brûlées de la facture
d'amendement de l'électricité, le 9 août 2022.
L'article « La dernière réforme
: rompre avec le passé » de Hardial Bains a été
présenté à la conférence Bâtir l'avenir tenue par le
Committee for People's Empowerment à Delhi, Inde, du
13 au 15 août 1997, pour marquer le 50e anniversaire
de l'indépendance officielle de l'Inde, du Pakistan et
d'autres pays d'Asie du Sud le 15 août 1947. |
Introduction
Hardial Bains souligne dès le début de son article : « La thèse principale de cet article concerne le fait que toutes les théories économiques et politiques ainsi que la philosophie et la conception du monde qui existent à l'heure actuelle, tous les systèmes et institutions ont besoin d'un renouvellement immédiat. Le renouvellement signifie soit un nouveau départ - le moyen sûr de créer le présent et le futur -, soit une restructuration de ce qui a déjà été - le renouvellement du passé afin d'assurer sa continuation. Tous les pays d'Asie du Sud ont besoin d'un renouvellement du premier type, d'un nouveau départ, car tous leurs problèmes tiennent à l'échec à rompre avec le passé il y a cinquante ans, au fait qu'il n'y a pas eu de nouveau départ il y a cinquante ans. »
Parlant de la constitution indienne, de son histoire et de sa pratique, l'auteur en vient à la question centrale : la constitution indienne n'est pas fondée sur les luttes des peuples d'Asie du Sud et ne codifie donc pas les dispositions pour lesquelles ils ont versé des torrents de sang pour conquérir leur libération.
« Une Constitution qui ne consacre pas les principes fondamentaux pour lesquels un peuple s'est battu dans la pratique, qui ne codifie pas les nouveaux arrangements que les peuples ont fait naître par leurs luttes, ne consacrera pas la souveraineté du peuple. C'est un peuple insurgé qui établit son pouvoir, qui établit son État et qui écrit sa constitution. Dans le cas de l'Inde, ce ne sont pas les principes pour lesquels le peuple indien a lutté et versé son sang qui ont été inscrits dans la Constitution. La source première du principe constitutionnel n'était pas les luttes des peuples eux-mêmes. Ce n'est pas pour rien que les luttes du peuple indien pour l'indépendance ne sont même pas mentionnées par les historiens comme une source ayant inspiré la Constitution lors de sa rédaction. »
Hardial Bains propose que les peuples d'Asie du Sud doivent défaire cette structure de base du pouvoir qui les écarte complètement de la prise de décision. Ils doivent créer un nouveau pouvoir politique basé sur leurs luttes et leur pensée et sur l'expérience des peuples du monde pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés. C'est la réforme fondamentale dont ils ont besoin pour se débarrasser de la pauvreté, de la misère et de l'exploitation qui les accablent et mener une vie de dignité et de justice.
Se référant aux critères introduits par Elizabeth I lorsqu'elle a émis la Charte de la Compagnie des Indes orientales en 1600, selon lesquels l'arrangement doit être « bénéfique », Hardial Bains souligne : « La question qui se pose est la suivante : les peuples d'Asie du Sud ne devraient-ils pas éteindre ce pouvoir que les Britanniques ont transféré à leurs homologues indiens en 1947 afin d'établir leur propre pouvoir qui non seulement leur sera 'bénéfique' mais avec lequel ils établiront également des relations avec les peuples et les pays du monde sur la base d'un 'bénéfice mutuel' ? »
Il fait remarquer : « Lorsqu'Elisabeth Ier a consacré la Charte à la Compagnie des Indes orientales en 1600, elle a menacé de la retirer si elle n'était pas 'jugée bénéfique', mais elle n'a jamais parlé d'établir des relations d'échange, de commerce et de culture sur la base du 'bénéfice mutuel'. Toutes les mesures prises en Asie du Sud, qui ont finalement conduit à sa prise de contrôle totale par le colonialisme britannique, n'ont été 'bénéfiques' que pour les Britanniques, leurs alliés et les classes qu'ils créaient et dont l'intérêt était de défendre ce système par la suite. Un tel système peut être renversé et un nouveau peut être établi si le pouvoir passé est éteint et un nouveau pouvoir est construit. Telle est la question qui se pose aujourd'hui aux peuples d'Asie du Sud. »
Plusieurs thèmes traversent ce document que les jeunes d'aujourd'hui peuvent développer :
1. Pourquoi l'indépendance formelle de 1947 a-t-elle été une défaite pour les peuples d'Asie du Sud ? Quelle est la nature des institutions politiques actuelles en Asie du Sud - en paroles et en actes ?
2. À quoi ont servi les luttes des peuples d'Asie du Sud ? Quel était leur objectif et comment ont-elles été détournées ?
3. Comment la prérogative royale fonctionne-t-elle dans la constitution indienne à travers la notion de tutelle ? Quelle était la nature de la Loi sur le transfert du pouvoir ?
4. Comment la théorie du fardeau de l'homme blanc fonctionne-t-elle aujourd'hui dans la démocratie indienne ?
5. Quels mécanismes doivent être mis en place aujourd'hui pour garantir et consacrer le Sukh et le Raksha du peuple ?
6. Comment Praja plutôt que l'Intentant peut-il être à nouveau souverain ?
Thèse
Une des plus grandes défaites des peuples d'Asie du Sud en 1947 est que leur indépendance formelle avait pour base l'acceptation totale des institutions coloniales britanniques, de leur système économique, de leurs théories et pratiques, ainsi que de la division formelle du sous-continent sur la base de la religion. Cinquante ans plus tard, ce revers est à l'origine de toutes les tragédies que vivent les peuples d'Asie du Sud, y compris le danger d'une guerre mondiale que les superpuissances lanceront pour conquérir l'océan Indien comme partie intégrante de la conquête de l'Atlantique et du Pacifique.
Le titre de cet article « La dernière réforme : rompre avec le passé », a été choisi pour des raisons bien précises. La raison la plus importante est que les gens veulent savoir ce qui doit être fait à l'heure actuelle pour ouvrir la voie au progrès des sociétés d'Asie du Sud. C'est une question qui ne concerne pas seulement les experts, elle concerne des millions d'opprimés, plus de cinquante pour cent qui sont en marge de la vie, des travailleurs, des paysans, des femmes, des jeunes et de l'intelligentsia, et plus particulièrement la classe ouvrière, la paysannerie et tous les travailleurs des terres d'Asie du Sud. Ils veulent tous donner à leur pays, pour les cinquante prochaines années et plus, une orientation qui garantisse leurs intérêts. Que doivent-ils faire pour surmonter la pauvreté extrême, briser le cycle de l'exploitation et de l'oppression qui s'aggrave de jour en jour ? Que doivent-ils faire pour que l'histoire ne se répète pas ? Que doivent-ils faire pour rompre avec le passé, car leur passé est celui d'un peuple marginalisé, sous l'emprise de systèmes et d'institutions étrangers, et ce n'est qu'en rompant avec ce passé qu'ils pourront se créer un présent et un avenir.
La thèse principale de cet article concerne le fait que toutes les théories économiques et politiques ainsi que la philosophie et la conception du monde qui existent à l'heure actuelle, tous les systèmes et institutions ont besoin d'un renouvellement immédiat. Le renouvellement signifie soit un nouveau départ - le moyen sûr de créer le présent et l'avenir -, soit une restructuration de ce qui a déjà été - le renouvellement du passé afin d'assurer sa continuation. Tous les pays d'Asie du Sud ont besoin d'un renouvellement du premier type, d'un nouveau départ, car tous leurs problèmes proviennent du fait que la rupture avec le passé n'a pas été faite il y a cinquante ans, qu'un nouveau départ n'a pas été entrepris.
Dans son livre Our Constitution (1995), Subhash C. Kashyap, qui a beaucoup écrit sur la Constitution indienne, qui a été secrétaire général du Lok Sabha de 1984 à 1990 et qui est « avocat et consultant en droit constitutionnel, en affaires parlementaires et en gestion politique », relatant des faits bien connus, confirme que les « pères fondateurs » ont pris la décision consciente de ne pas rompre complètement avec le passé ». Il écrit : « En fait, les sources de certaines des dispositions de la Constitution peuvent être retracées jusqu'aux débuts de la Compagnie des Indes orientales et de la domination britannique en Inde. [...] on peut dire que près de 75 % de la Constitution est une reproduction de la Loi sur le gouvernement de l'Inde de 1935. La structure de base de la politique et les dispositions régissant les relations entre l'Union et l'État, la déclaration de la Loi d'urgence, etc. étaient largement basées sur la loi de 1935 [...] le concept des principes directeurs a été emprunté à la Constitution irlandaise. Le système parlementaire avec la responsabilité ministérielle devant le corps législatif venait des Britanniques et les dispositions faisant du président le chef exécutif de l'État et le commandant suprême des forces armées et du vice-président le président ex-officio du Conseil des États étaient basées sur le modèle américain. On peut également dire que la Déclaration des droits inscrite dans la Constitution américaine a inspiré nos droits fondamentaux. »
Il poursuit : « La Constitution canadienne a notamment influencé la structure fédérale et les dispositions relatives aux relations entre l'Union et les États et à la répartition des pouvoirs entre l'Union et les États. La liste concurrente de la septième annexe, les dispositions relatives au commerce et aux échanges ainsi que les privilèges parlementaires se sont vraisemblablement inspirés de la Constitution australienne. Les dispositions d'urgence ont été influencées, entre autres, par la Constitution du Reich allemand. Pour comprendre l'étendue et la portée de dispositions telles que celles relatives à l'émission de brefs et aux privilèges parlementaires, il faut encore se référer à la Constitution britannique. »
L'auteur omet de mentionner que le système britannique actuel tire son origine et son pouvoir du « droit divin des rois » avec sa puissante expression en la « prérogative royale ». En conséquence, et afin de s'assurer que cette présomption de base ne soit ni remise en question ni jetée par-dessus bord, les Britanniques n'ont pas de constitution écrite. Ils modifient leur loi fondamentale aux vicissitudes de la vie, en gardant toutefois la prérogative royale comme constante, la caractéristique fondamentale pour garantir que la souveraineté appartient à la « reine en Parlement », et non au peuple d'Angleterre, et encore moins à ses « possessions ». Elle permet à l'impérialisme britannique et aux classes possédantes d'assurer la perpétuation de leur système et de se maintenir au pouvoir.
Dans la préface du livre Constitutional History of India de V. D. Mahajan, historien réputé et spécialiste de la constitution indienne et de l'histoire constitutionnelle de l'Inde, Bisheshwar Prasad de l'Université de Delhi écrit en 1960 : « Il est remarquable qu'en Inde, malgré le caractère révolutionnaire du mouvement politique national qui a annoncé l'aube de la liberté, la structure du gouvernement se soit si peu écartée, dans ses grandes lignes et ses formes juridiques, du cadre de la constitution sous l'emprise britannique. Les Britanniques eux-mêmes avaient adopté la conception de l'administration des gouvernements précédents ; et si l'esprit sur lequel le système fonctionnait peut changer, la forme dans l'essentiel reste la même. Cela reflète le génie du peuple qui a assimilé les révolutions sans rompre avec la tradition. La présente constitution en est un exemple. »
Bisheshwar Prasad, par ce petit paragraphe, soulève la question la plus importante, à savoir que « la structure du gouvernement a montré si peu d'écart dans ses grandes lignes et ses formes juridiques par rapport au cadre de la Constitution sous l'emprise britannique ». Il commet une grave erreur en déclarant que « les Britanniques eux-mêmes avaient adopté la conception de l'administration des gouvernements précédents... ». Il commet également une erreur lorsqu'il conclut que « bien que l'esprit sur lequel le système a fonctionné puisse changer, la forme dans l'essentiel reste la même ».
Toute la période de la Compagnie des Indes orientales et du Raj britannique coïncide avec la période de transition en Europe de l'absolutisme féodal au « roi en parlement » capitaliste, c'est-à-dire la période d'établissement du système capitaliste et de la démocratie capitaliste avec la démocratie représentative comme forme. Au fur et à mesure que les institutions capitalistes se développaient en Angleterre et plus tard en Grande-Bretagne, les mêmes institutions avec leurs modifications aux conditions concrètes du sous-continent indien y étaient établies. Le point culminant a été la proclamation de la constitution indienne qui, comme le détaille Mahajan dans l'Histoire constitutionnelle de l'Inde, résume bien toute l'expérience de la Compagnie des Indes orientales et du Raj britannique en Inde.
La question qui mérite une réponse dans ces discussions sur la Constitution indienne est la suivante : quelle a été la contribution des « pères fondateurs » à la Constitution de l'Inde ? Ceux qui se sont battus pour l'indépendance du sous-continent de l'Asie du Sud ont dû recevoir un peu de ce qu'ils voulaient, même si ce n'était que dans le sens formel. La loi fondamentale du pays, une Constitution, est soit un instrument pour consolider le système socio-économique tel qu'il existe à ce moment-là, soit un instrument pour faire table rase et créer le nouveau. Les lois fondamentales précèdent néanmoins le système socio-économique. La Constitution indienne et les constitutions des autres pays d'Asie du Sud visent à renforcer le système socio-économique tel qu'il existait au moment de la partition du sous-continent en 1947. Les « pères fondateurs » étaient en fait des admirateurs du système britannique. Non seulement ils admiraient ce qui existait en Asie du Sud à l'époque, le système et les institutions mis en place par les Britanniques, mais ils en étaient intellectuellement fiers, ayant reçu leur éducation formelle en Grande-Bretagne et ayant été exposés à la conception britannique de la civilisation et à toutes les valeurs qui l'accompagnent.
Une Constitution qui ne consacre pas les principes fondamentaux pour lesquels un peuple s'est battu dans la pratique, qui ne codifie pas les nouveaux arrangements que le peuple a fait naître par ses luttes, ne consacrera pas la souveraineté du peuple. C'est un peuple insurgé qui établit son pouvoir, qui établit son État et qui écrit sa constitution. Dans le cas de l'Inde, ce ne sont pas les principes pour lesquels le peuple indien a lutté et versé son sang qui ont été inscrits dans la Constitution. La source première du principe constitutionnel n'était pas les luttes des peuples eux-mêmes. Ce n'est pas pour rien que les luttes du peuple indien pour l'indépendance ne sont même pas mentionnées par les historiens comme une source ayant inspiré la Constitution lors de sa rédaction.
Il est reconnu que l'Asie du Sud a une riche histoire de domination et de gouvernement, d'établissement de systèmes économiques et politiques qui peut être retracée jusqu'à l'époque des Vedas. Mais il n'y a aucune trace d'une quelconque clause de cette époque dans la Constitution indienne, ni de leur riche expérience de plus de cinq millénaires. Les « pères fondateurs » n'ont pas analysé et résumé l'expérience des peuples d'Asie du Sud. Au contraire, ils ont rationalisé et sophistiqué l'expérience du colonialisme britannique en Inde. Ils ont repris là où les Britanniques s'étaient arrêtés lors du « transfert de pouvoir » en 1947. Le pouvoir britannique ne s'est pas éteint avec l'enroulement de l'Union Jack et le déploiement du drapeau tricolore le 15 août 1947. Au contraire, elle a été transmise à leurs « représentants » d'Asie du Sud qui l'ont depuis défendue et utilisée à leurs propres fins et à celles de leurs amis étrangers. Depuis lors, non seulement les intérêts britanniques en Asie du Sud se sont-ils multipliés, mais aussi ceux des États-Unis, du Japon et d'autres pays.
Le problème ici n'est pas que la Constitution indienne ait été écrite par les Britanniques ou des personnes éduquées par les Britanniques selon ce qui leur convenait. Ce n'est pas non plus un problème que les Britanniques aient rédigé une loi fondamentale lorsqu'ils ont établi leurs dominions. Ils ont rédigé l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, fondant le dominion du Canada en 1867, la Constitution australienne lorsqu'ils ont établi le dominion de l'Australie ou lorsque l'État libre d'Irlande a été créé à partir de l'île divisée de l'Irlande. Le problème est que les peuples de l'Inde, du Pakistan, du Bangladesh et d'autres pays d'Asie du Sud ont maintenant près de cinquante ans d'expérience de leur système et de ces constitutions. Ne devraient-ils pas réfléchir à leur expérience de ce système et aux réformes profondes qu'ils doivent mettre en place afin de servir leurs propres intérêts ?
Les défis de la pensée politique indienne
Deux choses ressortent de la synthèse de l'expérience de la politique au cours des cinquante dernières années et en gardant à l'esprit l'expérience de la période du Veda, des périodes du Vedanta, du Mahabharta, des Shastras, de Ain-i-Akbari et de Bahadur Shah Zafar et de la période de la première guerre d'indépendance : 1. cette expérience est unique et repose sur une rupture totale avec toutes les expériences de l'art de l'État indien depuis des temps immémoriaux jusqu'à la première guerre d'indépendance en 1857 et 2. la notion d'État depuis des temps immémoriaux jusqu'à aujourd'hui est diamétralement opposée à ce que sont les États actuels en Asie du Sud en théorie et en pratique.
Si la crise de la démocratie parlementaire et du système socio-économique doit être surmontée, même une étude superficielle montrera que la pensée politique indienne, telle qu'elle a été résumée de temps immémorial à nos jours, est très bien développée et indispensable. Les idées concernant la politique de l'État et la gestion de l'État abondent dans la pensée indienne à travers tous les âges. On constate que les idéaux qui ont émergé de ces expériences et de la synthèse effectuée à travers les débats au cours des différentes périodes historiques ont été maintenus à travers les siècles et modifiés en fonction des circonstances et des besoins de l'époque. Leur modernisation et leur renouvellement en fonction des exigences de la période actuelle contribueront également à surmonter la crise tous azimuts avec la crise économique à la base.
Selon ces idées qui ont traversé les siècles, le contenu ou le but principal de l'État est d'assurer la Protection - Raksha - et la Prospérité - Sukh. Il semble que des formes spécifiques d'État aient été établies par les Indiens eux-mêmes afin de se protéger et de s'assurer une vie de prospérité. Les idées à l'origine de ces États n'étaient pas seulement générales ; elles étaient la manifestation de situations concrètes.
Le fait que toutes les activités de l'État doivent viser à fournir la Rakhsha et la Sukh indique également qu'il s'agissait de sociétés fondées sur la division entre les classes ou sur la base tribale. Il doit y avoir des personnes dans ces sociétés qui ont dû menacer le peuple de Praja. À toutes fins utiles, il semble que les citoyens dans ces États étaient souverains et qu'ils ne se privaient jamais de cette souveraineté et la remettaient volontiers à leurs « représentants ». Leur propre pouvoir était tel que si l'État ne garantissait pas Rakhsha et Sukh, ils utilisaient le pouvoir entre leurs mains pour changer un état de fait aussi inhabituel.
La fonction d'un tel État était de fournir une protection - Raksha. Cette fonction est pleinement définie comme Raksha contre : 1. les forces de la nature, 2. les envahisseurs externes et 3. les intérêts internes. Les intérêts particuliers internes. Chacun de ces éléments contre lesquels la Raksha est recherchée est défini plus précisément comme suit :
1. La Raksha contre les forces de la nature : L'État doit prendre des mesures pour humaniser la nature, afin que les éléments et les forces de la nature puissent produire ce dont les citoyens et la société ont besoin pour satisfaire leurs besoins.
2. La Raksha contre les envahisseurs extérieurs : Il est du devoir de l'État de protéger les acquis du peuple et de la société contre le pillage des envahisseurs extérieurs.
3. La Raksha contre les intérêts particuliers internes : L'État doit prendre des mesures pour que les intérêts particuliers sans scrupules ne mettent pas en danger la prospérité et la sécurité des citoyens et de la société.
Par exemple, le Rig Veda, le Mahabharata, l'Arthashastra, entre autres, parlent tous de prendre des mesures contre les marchands et les commerçants qui trompent les citoyens et facturent ce qu'ils veulent pour les biens et les services, contre ceux qui mettent en danger la vie et la liberté.
La fonction de l'État consistant à assurer la prospérité - Sukh - est définie comme suit : La protection (Raksha) sans la prospérité (Sukh) n'a aucun sens. Raksha et Sukh constituent une unité dialectique d'opposés. Alors que l'essence même de la Raksha est la création de la condition de la Sukh, la Sukh est la condition préalable à la Raksha. Le but de l'un est matérialisé dans la fonction de l'autre. Il est donc du devoir de l'État de mener à bien toutes ces activités dans tous les domaines pour assurer la prospérité du peuple. L'État doit construire des ouvrages d'irrigation et des routes, planter des arbres, s'occuper des forêts, du bétail, de l'éducation, de la médecine, etc. En bref, comme la plus importante des entreprises humaines, toutes les activités nécessaires à l'ennoblissement de la Sukh. L'État doit créer un environnement où tous les citoyens s'actualisent et accomplissent leur Svadharma.
Dans le cadre de ces idéaux de Raksha et Sukh, un gouvernement sera considéré comme bon s'il crée les conditions permettant aux citoyens de satisfaire leurs besoins globaux. Un mauvais gouvernement sera celui qui échoue dans cet acte d'ennoblissement, et mérite d'être renversé et remplacé par un nouveau.
On peut dire que les principes directeurs inscrits dans la Constitution indienne approuvée par l'Assemblée constituante le 26 novembre 1949, puis proclamée le 26 janvier 1950, ressemblent à ce qu'un État doit faire dans le cadre des idées développées dans la pensée politique indienne au cours des siècles, même si ces principes ont été empruntés à la Constitution irlandaise. Cependant, il ne s'agissait que de principes directifs, d'objectifs politiques qui pouvaient ou non être atteints. Il leur manquait l'aspect essentiel, le pouvoir d'un peuple souverain qui pourrait exiger que si tel ou tel gouvernement ne traduit pas ces principes en actes, ce gouvernement serait renversé.
Comment se fait-il que la Raksha et la Sukh des peuples d'Asie du Sud n'aient pas trouvé de garantie constitutionnelle ?
Considérations sur la domination britannique en Asie du Sud
Lorsqu'Elizabeth I a émis la charte autorisant la fondation de la Compagnie des Indes orientales le 31 décembre 1600, elle a clairement déclaré : « Si ce privilège s'avère non rentable pour le royaume, aucun préavis de deux ans donné sous l'échelle privée ne sera accordé. Si ce privilège s'avère bénéfique, il sera rendu avec quelques ajouts. »
Il faut présupposer que toutes les mesures proposées et prises par les Britanniques depuis la fin de 1600 jusqu'à la promulgation de la Constitution indienne le 26 janvier 1950 doivent leur être « bénéfiques » dans le sens général du terme. S'il en avait été autrement, les Britanniques ne les auraient pas poursuivies. De toute évidence, ils n'avaient aucune raison de prendre ces mesures, au sens général, si ces mesures allaient à l'encontre de leurs propres intérêts.
La question qui se pose est la suivante : les « pères fondateurs » ont-ils emprunté tout ce qui est mentionné ci-dessus aux constitutions britanniques et imposées par les Britanniques au Canada, en Irlande et en Australie parce que cela « sera jugé bénéfique » pour les peuples de l'Inde ? Quel est le verdict maintenant, après cinquante ans d'indépendance formelle et cinq décennies de République indienne ? La République de l'Inde, en tant qu'État et système économique, telle qu'elle a existé pendant cette période, a-t-elle été « jugée bénéfique » pour les peuples de l'Inde ou de l'Asie du Sud ? Cette question est restée présente à l'esprit de tous les peuples d'Asie du Sud depuis 1947 et avant, et il convient d'y répondre aujourd'hui. Il faut y répondre en tenant compte des défis posés à la pensée politique indienne.
Les Britanniques ont établi leur pensée politique pour l'Inde conformément à la Charte de la Compagnie des Indes orientales de 1600 et ont créé leur État et les gouvernements successifs pour y parvenir. Les Britanniques avaient pour objectif de piller les ressources naturelles et humaines. En conséquence, ils ont établi un État qui, au lieu de fournir au peuple un instrument de Raksha et Sukh, le terrorisait. Cet État terroriste, qui a institutionnalisé le viol et le pillage de la terre et des peuples d'Asie du Sud, a procédé à un « transfert de pouvoir » en 1947. Mais il ne s'est pas dissous. Les principaux piliers de cet État, l'armée, les forces de police et les prisons, ainsi que la même loi fondamentale, le même système judiciaire et les mêmes considérations sur lesquelles reposait la domination britannique, sont restés. Il est de notoriété publique que toutes les institutions du Raj britannique, telles que l'armée, la police, le système judiciaire, la bureaucratie, les institutions éducatives, l'église et les autres organismes religieux, ont facilité l'asservissement et le pillage des peuples d'Asie du Sud. Hélas, après le « transfert de pouvoir », après l'indépendance formelle, toutes les mêmes institutions du Raj britannique ont été remises à l'honneur. C'est pourquoi, même si la Constitution indienne contient des principes directeurs, les peuples de l'Inde n'ont aucun pouvoir, au sens constitutionnel du terme, pour veiller à ce qu'ils soient appliqués. Il en va de même pour les autres peuples d'Asie du Sud dans leurs pays respectifs.
Le Raj britannique s'est vanté d'avoir apporté un État central et un État de droit en Asie du Sud, ce qui a été applaudi par de nombreux politiciens et universitaires. Mais le but de cet État de droit était de s'assurer que leur Raj leur soit « bénéfique ». Au fur et à mesure de l'évolution de leur système politique en Grande-Bretagne, appuyée par diverses théories politiques, ces justifications ont été transportées en Asie du Sud. Elles ont été implantées dans l'esprit de ceux dont l'intérêt était de défendre le système britannique et toutes ses institutions en Inde. À l'heure actuelle, outre le libéralisme, la démocratie libérale, le conservatisme, la social-démocratie, tels que représentés par le parti travailliste britannique, nous assistons à la promotion du néo-conservatisme, toute la justification de la « libéralisation » et de la « privatisation », les notions d'« unité de la gauche avec le centre », comme dans le cas du gouvernement indien du Front uni, qui comprenait plus de quatorze partis politiques, etc.
Démocratie « directe » ou « représentative »
Selon Kashyap, « dans une démocratie, la souveraineté appartient au peuple et, idéalement, le peuple se gouverne lui-même. Mais [...] la démocratie directe n'est pas plus réalisable. » Il laisse entendre qu'à défaut de pouvoir se gouverner par la démocratie directe, le « droit inaliénable » donné par la Constitution indienne au peuple indien est de « décider par qui il doit être gouverné ».
La question qui se pose est la suivante : après cinquante ans et plus, pendant lesquels les peuples d'Asie du Sud ont cherché par qui ils devaient être gouvernés, ne devraient-ils pas se pencher à nouveau sur cette question ? Il y a peut-être une faille dans la logique sur laquelle repose cet arrangement et dans le droit constitutionnel qui en découle, qui doit être corrigée. Au lieu de chercher « par qui il doit être gouverné », le peuple peut établir une loi fondamentale, un processus politique et une législation d'habilitation de manière à ce qu'il puisse se gouverner lui-même.
Parler de démocratie en général est à la fois inacceptable et répréhensible. La démocratie est une caractéristique de toutes les sociétés fondées sur des divisions de classe. Toutes les sociétés d'Asie du Sud sont fondées sur des divisions de classe. Le XXe siècle a vu deux démocraties distinctes – la démocratie socialiste avec la démocratie directe comme processus politique et méthode de gouvernance et la démocratie capitaliste avec la démocratie représentative comme processus politique et méthode de gouvernance. Tous les pays d'Asie du Sud ont des démocraties capitalistes avec la démocratie représentative comme processus politique et méthode de gouvernance.
Peter Hennessy, journaliste et professeur britannique qui a écrit de nombreux ouvrages sur les problèmes de la constitution non écrite de la Grande-Bretagne, écrit : « Comme David Judge, je suis convaincu que notre pratique parlementaire est "représentative" plutôt que "démocratique" et qu'elle l'est restée depuis 1950, la première élection générale au cours de laquelle les Britanniques a voté suivant le principe une personne, une voix. » Hennessy cite Judge :
« Les caractéristiques durables de la tradition parlementaire en Angleterre, et plus tard au Royaume-Uni, ont découlé des exigences et des conséquences pratiques du processus de représentation, et non de la participation populaire. La tradition parlementaire a donc été une tradition de transmission de l'opinion entre la « nation politique » – diversement définie au cours de l'histoire – et l'exécutif. Grâce à ce simple processus de transmission, les gouvernements ont été contrôlés, les actions de l'exécutif ont été approuvées par les représentants de la « nation politique » et les changements de gouverneurs ont été légitimés[1]. »
Cette admission ouverte par Hennessy que la Grande-Bretagne n'a pas de démocratie, le place dans la même position inacceptable et répréhensible que celle mentionnée ci-dessus. En fait, ce qu'il cache, c'est que les Britanniques ont une démocratie qui est capitaliste, dont le processus politique et la méthode de gouvernance sont la démocratie représentative. Hennessy prétend être en faveur d'une démocratie dans laquelle, selon Kashyap, « la souveraineté appartient au peuple et, idéalement, le peuple se gouverne lui-même ». Si l'on accepte la définition de Kashyap, la conclusion justifiée devrait peut-être alors être tirée que la Grande-Bretagne n'est pas démocratique. Si l'on adhère à cette définition, on pourrait conclure qu'il a dû être « jugé bénéfique » que la Grande-Bretagne ne soit pas démocratique. Peut-on en conclure que si une telle démocratie n'a pas été « jugée bénéfique » pour la Grande-Bretagne, elle ne l'est pas non plus pour les peuples d'Asie du Sud ? Ce n'est pas le cas. Ce qui est certainement le cas, c'est que la démocratie qui n'est pas « jugée bénéfique » pour la Grande-Bretagne sera « jugée bénéfique » pour les pays d'Asie du Sud. Est-il « bénéfique » pour les peuples de ces pays d'avoir un tel état de fait dans lequel ils « élisent » ceux qui les gouvernent tous les quelques années et les maudissent parce qu'ils sont corrompus, dictatoriaux et qu'ils protègent un système d'exploitation et d'oppression entre les élections ?
Peter Hennessy, dans son autre livre Muddling Through (1996) cite Enoch Powell qui laisse entendre que la « confiance » et la « représentation » « sont les deux piliers sur lesquels notre système repose ». Powell affirme que « la Constitution britannique comporte le dispositif de confiance... c'est l'une de nos principales découvertes politiques, car elle nous permet de combiner l'exercice effectif des fonctions gouvernementales, lorsque cet exercice dépend d'une modification de la position au jour le jour et d'heure en heure, avec la suprématie finale et le pouvoir de décision de l'électorat à travers la Chambre des communes. »
Quelles sont ces découvertes au sujet de la « confiance » et de la « représentation » ? La « confiance » se découvre en utilisant la force brute pour priver le peuple de l'exercice de la souveraineté qui lui appartient. La « représentation » est le dispositif avec lequel on prive l'électorat du droit d'élire et d'être élu et de gouverner. Le système en Inde aujourd'hui est également basé sur ces mêmes « découvertes », même si la pensée politique indienne s'insurge contre elles.
Hennessy cite encore Powell selon qui « Nous avons considéré le pouvoir : non pas comment il est exercé en détail, mais qui le détient, où il l'a obtenu, à qui il doit rendre des comptes et comment il peut être destitué. » Hennessy écrit que « Tony Benn et Enoch Powell pensent tous deux qu'ils obtiennent ce pouvoir au même endroit, en persuadant leurs compatriotes ; et c'est l'affaire de leur vie. » Mais Hennessy, journaliste et professeur britannique, Tony Benn, membre de gauche du Parti travailliste de Grande-Bretagne et député de longue date au Parlement britannique, et Enoch Powell, membre de droite du Parti conservateur de Grande-Bretagne et député de longue date au Parlement britannique, n'observent pas l'évidence. Si le « pouvoir » appartient réellement à leurs « compatriotes », ce sont ces mêmes compatriotes qui exerceront la « prérogative royale ». La souveraineté leur serait dévolue et ils « se gouverneraient idéalement eux-mêmes ». La prérogative royale, au contraire, appartient à la « reine en Parlement » et les « compatriotes » en sont réduits à exercer « leur droit inaliénable de décider... par qui ils doivent être gouvernés » à tous les quatre ans.
Les « représentants » dans un tel système de « démocratie représentative » agissent au nom du « souverain ». Ils s'organisent en partis politiques, se livrent à une rivalité pernicieuse pour les postes de pouvoir et vont voir leurs « compatriotes » tous les deux ans pour se donner une crédibilité sous la forme d'un mandat qu'ils ont le droit de continuer. D'où viennent ces « représentants » ? Dans le système britannique, ils provenaient des classes possédantes, celles qui se sont octroyées le droit de vote au moment où le système de « démocratie représentative » a été mis en place. Aujourd'hui encore, même si le droit de vote a été élargi sur la base du principe d'universalité, ce sont les classes possédantes qui ont les moyens, les ressources financières et les relations de participer aux élections, d'élire et d'être élu. Ces « représentants » s'adressent au peuple, ils lui demandent de se diviser en fonction des partis et de décider lequel de ces partis gouvernera pendant la période allant jusqu'aux prochaines élections. À l'époque où ce système de « démocratie représentative » a été conçu, la demande populaire de démocratie dans laquelle « la souveraineté appartient au peuple et, idéalement, le peuple se gouverne lui-même » était telle que les classes possédantes britanniques lui ont substitué une formalité – le droit de vote. Elles ont établi un processus politique appelé « démocratie représentative » comme méthode de gouvernance de leur démocratie capitaliste. C'est la substitution de la « démocratie directe » par la « démocratie représentative » qui est à l'origine de la crise constitutionnelle et politique en Grande-Bretagne et dans de nombreux autres pays, y compris les pays d'Asie du Sud.
Rompre avec le passé
Le contenu principal de la thèse « La dernière réforme : rompre avec le passé » est que tant que tous les liens avec le passé ne sont pas rompus en termes d'économie, de politique et de culture, ne sont pas rompus au moment de la formation d'un pays, comme cela s'est produit en Inde, au Pakistan, au Bangladesh et dans d'autres pays issus de l'Asie du Sud, il n'est pas possible de parler du présent. Il n'est pas possible de parler d'indépendance au sens profond du terme. Le présent, en l'occurrence la situation telle qu'elle se présente en Asie du Sud après cinquante ans, n'est que le prolongement et la continuation du passé. C'est le cas en Grande-Bretagne, au Canada, en Australie et dans de nombreux autres pays du monde également. Il y a eu des changements quantitatifs dans ces pays, mais aucun changement qualitatif n'a eu lieu. En outre, ces changements quantitatifs ont été, dans de nombreux aspects importants tels que le processus politique et le système économique, négatifs. Ces changements quantitatifs ont maintenant créé les conditions d'un saut qualitatif. Un tel saut ne peut avoir lieu qu'à travers une réforme profonde qui assurera la rupture avec le passé.
Après avoir reconnu que le présent de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh et d'autres pays d'Asie du Sud n'est que le prolongement et la continuation du passé, un passé qui s'est retranché et a bloqué le présent et l'avenir, il faut comprendre qu'aucun problème ne peut être résolu dans ces pays sans une rupture radicale avec ce passé. Par ce passé, on entend le système économique et politique tel qu'il existait avant la partition de 1947, le passé qui commence avec l'édit de la reine Elizabeth I du 31 décembre 1600, accordant la Charte de l'East Indian Company, le passé qui a été transformé en la Constitution indienne qui n'a rien emprunté aux dirigeants de la première guerre d'indépendance, à Bahadur Shah Zafar et à d'autres, ni à ce que défendaient des personnalités telles que les martyrs Shaheed Bhagat Singh, Rajguru et Sukhdev qui ont donné leur vie dans la lutte contre le colonialisme et pour la libération sociale.
Rien ne prouve que le « transfert de pouvoir » devait être « bénéfique » pour les peuples de l'Inde. Il a été « bénéfique » pour « certaine s » personnes de l'Inde, les nouvelles classes de capitalistes et de propriétaires terriens, les classes créées au cours de la période allant de l'année 1600, lorsque Elizabeth I a émis la Charte fondant la Compagnie des Indes orientales et que son premier émissaire, John Mildenhall, est arrivé à la cour d'Akbar et a reçu un firman d'Akbar pour faire du commerce en 1605, à l'année 1947, lorsque l'Inde a reçu son indépendance officielle. Il était dans l'intérêt de ces classes ainsi que dans celui de leurs homologues en Grande-Bretagne et ailleurs de ne pas laisser s'éteindre le pouvoir du colonialisme britannique en Asie du Sud. Il s'agit du pouvoir qui résidait dans le « droit divin des rois » et se poursuit sous la forme de la « prérogative royale », le pouvoir qui a privé les peuples de l'Inde de leur pouvoir et lui a substitué « le droit inaliénable de décider ... par qui ils doivent être gouvernés ». Ce pouvoir a été transféré à ses représentants en Inde et ils ont prospéré pendant cette période d'indépendance formelle, la période des cinquante dernières années.
La question qui se pose est la suivante : les peuples d'Asie du Sud ne devraient-ils pas éteindre ce pouvoir que les Britanniques ont transféré à leurs homologues en Inde en 1947 afin d'établir leur propre pouvoir qui non seulement leur sera « bénéfique » mais avec lequel ils établiront également des relations avec les peuples et les pays du monde sur la base du « bénéfice mutuel » ? Lorsqu'Elisabeth I a consacré la Charte de la Compagnie des Indes orientales en 1600, elle a menacé de la retirer si elle n'était pas « jugée bénéfique », mais elle n'a jamais parlé d'établir des relations d'échange, de commerce et de culture sur la base du « bénéfice mutuel ». Toutes les mesures prises en Asie du Sud qui ont finalement conduit à sa prise de contrôle totale par le colonialisme britannique n'ont été « jugées bénéfiques » que pour les Britanniques, leurs alliés et les classes qu'ils créaient et dont l'intérêt était de défendre ce système par la suite. Un tel système peut être renversé et un nouveau peut être établi si le pouvoir passé est éteint et un nouveau pouvoir est construit. Telle est la question qui se pose aujourd'hui aux peuples de l'Asie du Sud.
Il se trouve que la Compagnie des Indes orientales a été « jugée bénéfique » jusqu'en 1858, date à laquelle ce qui a été « jugé bénéfique » a été le remplacement de la compagnie par l'annexion directe du sous-continent indien par l'État britannique. Cette période a marqué le zénith du capitalisme industriel en Grande-Bretagne. C'était une époque où la Grande-Bretagne faisait le bilan de son expérience des développements économiques et politiques et consolidait ses institutions. C'est à cette époque, en 1867, que le très célèbre journaliste britannique Walter Bagehot a rassemblé ses essais sous la forme d'un livre intitulé The English Constitution. Depuis lors, non seulement les pays d'Asie du Sud ont acquis une indépendance formelle, mais cette Constitution anglaise non écrite et le système politique qui la sous-tend sont devenus anachroniques. Le système politique ne fonctionne pas pour la Grande-Bretagne ni pour aucun autre pays dont le système est calqué sur le sien, ce qui rend extrêmement difficile la poursuite du passé et donne lieu à une crise politique et constitutionnelle généralisée, avec une crise économique à la base.
Ce passé, qui fait face à des difficultés extrêmes pour se perpétuer, expose des théories économiques, politiques et philosophiques pour justifier la poursuite d'une pratique dont il a déjà été prouvé qu'elle était hors du temps et de l'espace. Ces théories, qu'il s'agisse du « système multipartite » en lieu de la « démocratie parlementaire avec un parti au pouvoir et un parti dans l'opposition » ou des théories de coalitions avec « l'unité de la gauche avec le centre » ou « l'unité de la droite avec le centre » ou d'une « troisième voie », sont maintenant présentées comme si elles étaient nouvelles et applicables aux conditions concrètes existantes. Le libéralisme britannique a créé la théorie du « fardeau de l'homme blanc » à l'époque du développement considérable du capitalisme industriel. Selon la théorie du « fardeau de l'homme blanc », les libéraux prétendaient qu'ils souhaitaient que les peuples coloniaux bénéficient des mêmes avantages des progrès qu'ils avaient réalisés dans divers domaines, en particulier dans les domaines économique et politique. L'objectif caché dans cette revendication des libéraux était que le capitalisme industriel britannique ne pouvait se développer sans rationaliser les colonies en fonction de ses propres intérêts. Le capitalisme industriel britannique et, plus tard, le capitalisme monopolistique britannique avaient besoin des colonies pour se développer, comme l'avait stipulé la reine Elizabeth I en accordant la charte de la Compagnie des Indes orientales, en précisant qu'elle serait maintenue aussi longtemps qu'elle serait « jugée bénéfique ». Ils avaient besoin de colonies pour écouler leurs marchandises, exporter des capitaux et capter des sources de matières premières.
Le « fardeau de l'homme blanc » et la tutelle
Une version du concept colonial du « fardeau de l'homme blanc » est toujours en place à l'heure actuelle. Le développement économique de l'Asie du Sud est aujourd'hui ouvertement lié « à la privatisation et à la libéralisation », à l'importation de capitaux et à l'exportation de matières premières et de certains produits manufacturés, le tout au profit des oligarques financiers nationaux et étrangers. Même le gouvernement dirigé par le Parti communiste indien (marxiste) au Bengale occidental a avancé la thèse de la construction d'infrastructures sur la base de capitaux étrangers comme prélude au développement économique, un euphémisme pour faciliter l'exportation de matières premières et de produits manufacturés.
Dans la sphère politique, toutes les institutions modernes doivent leurs origines à avant 1947 et ont connu leur plein développement depuis 1947. Ce système politique indien est actuellement en pleine crise. Pourquoi en est-il ainsi ? Est-ce parce que le système est bon, sauf que certaines personnes malhonnêtes et corrompues l'utilisent à mauvais escient ? Il ne fait aucun doute qu'il existe des personnes malhonnêtes et corrompues en Inde, mais cela n'explique pas pourquoi le système politique est en crise. En fait, le système politique au Canada est également en crise profonde, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, aux États-Unis et partout dans le monde. Y a-t-il quelque chose que ces systèmes ont en commun et qui est à l'origine du problème ?
On dit souvent que la loi fondamentale du pays et le processus politique sont bons en soi, mais qu'ils ne sont pas correctement suivis par les personnes au pouvoir. On suggère que c'est la raison pour laquelle ils ne fonctionnent pas pour le peuple et on crée l'illusion qu'ils pourraient fonctionner moyennant certaines corrections. Cela n'explique pas et ne peut pas non plus expliquer les raisons de la crise. Les peuples ne formulent pas des lois fondamentales juste pour le plaisir de le faire. Ils ne créent pas non plus des processus politiques qui sont inapplicables. La loi fondamentale et le processus politique qui ont été consacrés en 1947, puis codifiés en 1950, étaient adaptés au transfert du pouvoir à l'époque et tant ceux qui ont transféré le pouvoir que ceux à qui il a été transféré l'ont trouvé « bénéfique ». Les conditions de ces arrangements n'existent plus. Il est connu que si les conditions pour quelque chose n'existent pas, même si la chose est bien en soi, la chose ne peut pas devenir opérationnelle. En l'absence d'un habitat convenable, une espèce peut s'éteindre. En présence de nouvelles conditions, les anciennes cohérences, les anciennes considérations, les anciennes lois fondamentales et les processus politiques s'éteignent également.
Il existe certains faits politiques concernant l'Asie du Sud qu'il faut toujours garder à l'esprit pour apprécier pleinement à quel point ce passé a bloqué le présent et l'avenir. En 1947, lorsque la partition a eu lieu, ou depuis 1950, lorsque divers pays d'Asie du Sud ont obtenu leur indépendance formelle ou sont devenus des républiques, aucun gouvernement n'a mis à l'ordre du jour de profondes réformes économiques et politiques nécessaire pour adapter le système aux conditions modernes. Pourquoi les vieux arrangements et les vieilles considérations ont-ils été conservés comme l'or auquel s'accroche l'avare ? Pourquoi aucun gouvernement n'a-t-il entrepris de telles réformes qui auraient pu permettre de rompre définitivement avec le passé, d'inaugurer le présent et de préparer l'avenir ?
Les structures politiques indiennes actuelles comprennent le président, le premier ministre, le Cabinet, la fonction publique et le Parlement – le Lok Sabha et le Rajya Sabha. Il s'agit de la plus haute évolution de la structure qui a été créée par la reine Elizabeth I à la fin de 1600, juste avant sa mort, et qui s'est métamorphosée sur une période de quelque 400 ans pour devenir ce qui existe actuellement en Inde. Toutes les réformes entreprises à partir de cette époque avaient un fil conducteur : la condition posée par Elizabeth I à la charte, à savoir qu'elle devait être « bénéfique » pour les Britanniques. Si, depuis cette époque, une mesure prise s'était avérée ne pas être « bénéfique », ne pas être rentable et ne pas leur profiter, elle aurait été rejetée par les Britanniques et les autres. Que l'on remonte à 1605, lorsque John Mildenhall s'est vu accorder un firman (un mandat) par Akbar, ou à 1609, lorsqu'il a été accordé au capitaine William Hawkins par Jehangir, ou à la prise du Bengale en 1757, ou à la proclamation de la reine Victoria annexant l'Inde en 1857, ou à toute autre mesure prise à ce jour, on constate qu'aucun arrangement n'est allé à l'encontre de l'esprit et de la lettre de la Charte émise par Elizabeth I. Au contraire, c'est cet esprit qui a été vigoureusement maintenu par ses descendants jusqu'à nos jours. Mais là encore, la question centrale qui se pose est la suivante : ces développements se sont-ils avérés « bénéfiques » pour les peuples d'Asie du Sud, un sous-continent où de nombreuses nations et nationalités ont été divisées de manière à tenir en échec les nations, nationalités et peuples tribaux sous le bâton de « l'unité nationale et de l'intégrité territoriale » ? Que l'on parle de l'Inde, du Pakistan, du Bangladesh ou d'autres pays, cette question se pose.
L'État central indien et ses institutions ont accès à tous les pouvoirs résiduels prévus par la Constitution, faisant de la structure de l'État (ou de la province) une simple méthode pour contrôler les peuples de l'Inde. Grâce à ces mécanismes, les cercles dirigeants se rendent mutuellement service tout en restant totalement loyaux à l'État central. La permanence de l'État central et des institutions que sont le président, le premier ministre, le Cabinet, la fonction publique et le Parlement bloque le présent et l'avenir. Ce à quoi nous assistons, c'est une compétition entre les classes possédantes pour s'emparer de ces postes alors que la forme et le contenu de ces institutions restent les mêmes. La forme et le contenu de ces institutions sont développés pour contrôler le peuple, lui soutirer de l'argent sous forme de taxes diverses, pour protéger les institutions, défendre les lois et les procédures et s'assurer qu'aucun danger ne les atteigne jamais. L'argument avancé, si l'on peut appeler cela un argument, est que s'il n'y avait pas de poste de président ou de premier ministre, s'il n'y avait pas de cabinet, de fonction publique ou de parlement, l'ensemble du système politique sombrerait dans l'anarchie. En réalité, s'il n'y avait pas de telles institutions, rien n'empêcherait le peuple de se placer en position de pouvoir, de s'attribuer la souveraineté et de se gouverner lui-même.
Loin de reconnaître que le président est le « chef de l'État », une enquête approfondie sur la position du président montrera que celui-ci est présenté comme un « administrateur » qui dirige l'État et exerce ses fonctions en tant qu'administrateur du peuple. Il y a eu des chefs d'État en Inde sous le nom de Rajas, Maharajas, rois et empereurs depuis des temps immémoriaux. Mais le contenu de cette forme présidentielle particulière est d'usurper la position de fiduciaire au nom du peuple afin de le priver de tout son pouvoir. Comme le souligne avec raison Kashyap : « ... avec la complexité croissante de l'administration et la taille des États-nations, la démocratie directe n'est plus réalisable. » C'est comme affirmer que le monde doit retourner à la période du « droit divin des rois », à la période du médiévalisme, car « les complexités croissantes de l'administration et la taille des États-nations » rendent impossible tout progrès de la société. De tels « arguments » ont été donnés par les classes assassines depuis l'époque du système esclavagiste. Le peuple a toujours été condamné comme la « foule » et le gouvernement du peuple qualifié de « gouvernement populaire », tandis que le gouvernement de la slavocratie était présenté comme le « plus haut développement » de la « démocratie ».
Qui a donné au président cette forme et ce contenu fiduciaire ? Le Mahatma Gandhi est celui qui a utilisé le mot fiduciaire (« trustee ») pour décrire le président. Selon C. Rajgopalachari, « la théorie de la tutelle de Gandhi est une contribution précieuse à la théorie sociale. L'homme riche sera laissé en possession de sa richesse dont il utilisera ce dont il a raisonnablement besoin pour ses besoins personnels et agira en tant que fiduciaire pour le reste qui sera utilisé au profit de la société. »
On nous a dit que « C. Rajgopalachari, dans une analyse réfléchie de la tutelle écrite en 1959, a étendu le sens que lui donnait Gandhi pour y inclure l'idée que toute personne qui occupe une position et toute personne qui possède des biens doit les détenir en tant que fiduciaire pour tous ceux qui ont affaire à elle et pour la communauté dans son ensemble. Si vous êtes un commerçant, vous êtes un administrateur pour vos clients ; si vous êtes propriétaire d'un terrain, vous êtes un administrateur pour votre famille, pour votre locataire et pour la communauté, et ainsi de suite dans tous les cas. »
Notre enquête montre que la forme et le contenu du « trustee » conférés à la position du président sont donnés par « l'acte de transfert de pouvoir » des Britanniques, par l'intermédiaire de leur vice-roi et de leur gouverneur général, à la proclamation de l'Inde comme République et à l'élection du président. De la même manière, la forme et le contenu de la fonction de premier ministre, du Cabinet, de la fonction publique et du Parlement doivent tous leur origine à « l'acte de transfert de pouvoir ».
En d'autres termes, le régime colonial britannique a fait ce qui ne lui appartenait pas de faire – il a établi ce qui se passerait après son départ de l'Asie du Sud. Selon la théorie politique avancée par Bahadur Shah Zafar, l'un des grands combattants de la première guerre d'indépendance, c'est le peuple indien qui doit déterminer le type de système qu'il souhaite avoir. Mais en 1947 « l'acte de transfert de pouvoir » a décidé du type de système que l'Asie du Sud aurait pendant cette période d'indépendance formelle. Cette usurpation du pouvoir qui n'appartient qu'au peuple indien a transféré ce droit au président qui a commencé à s'appeler le « trustee » du peuple, le chef de l'État, le commandant en chef des forces armées, etc.
Ce n'est pas le peuple indien qui lui a remis ce droit de tutelle, car il n'y a pas de démocratie directe en Inde à l'heure actuelle. S'il y avait eu une démocratie directe, le peuple aurait pu installer qui il voulait comme président et il lui aurait attribué ses devoirs et ses droits et aurait gardé le pouvoir de le révoquer si ces devoirs n'étaient pas accomplis d'une manière qui lui soit bénéfique. Ce n'est pas le cas pendant cette période de règne et de gouvernance des « représentants ». En fait, ce qui appartient légitimement au peuple indien a été usurpé par cette tutelle. Si cette tutelle est supprimée par une réforme profonde et que le pouvoir appartenant aux « représentants » est accaparé par le peuple lui-même, alors tous les liens avec le passé seront rompus. Ce sera la dernière réforme qui sera le prélude à l'avènement du présent et à la continuation du présent dans l'avenir. En l'absence de cette réforme, en l'absence de rupture avec le passé, l'histoire se répétera. La crise politique continuera de s'approfondir et de prendre de l'ampleur jusqu'à ce qu'à la rupture.
Cette notion de tutelle est un autre nom pour « le fardeau de l'homme blanc ». Elle présuppose que le peuple n'est pas capable d'exercer sa souveraineté, qu'il ne peut exercer lui-même le contrôle de ses affaires et qu'il est nécessaire qu'un pouvoir se tienne au-dessus de lui, usurpe tout ce qui lui appartient et ne lui donne rien en retour. C'est la notion de « dictateur bienveillant » ou du « droit divin des rois », notions nécessaires à la ploutocratie, à ceux qui se disent destinés à être les « dépositaires » du pouvoir du peuple, parce qu'ils sont les seuls à se croire capables de le dominer.
Il faut bien comprendre que le contenu de la dernière réforme qu'il incombe aux peuples d'Asie du Sud de réaliser est de rompre avec le passé. La dernière réforme a été « le transfert du pouvoir » en 1947, ce qui signifie que ce n'était pas du tout une réforme. Il s'agissait de la plus sinistre des manoeuvres pour actualiser et imposer tout ce que le système colonial britannique avait mis en place afin de s'assurer que l'indépendance de l'Asie du Sud ne reste que formelle. Il est important de qualifier le « transfert de pouvoir » en 1947 de « dernière réforme » qui a bloqué les possibilités d'ouvrir la voie au progrès de la société. L'expression « la dernière réforme » doit faire référence à la réforme qui tarde, la réforme qui sera la dernière sur la base de laquelle la voie du progrès de la société sera ouverte.
Pendant cinquante ans, les peuples d'Asie du Sud ont lutté pour faire passer toute la région de ce stade d'indépendance et de division formelles à un stade où tous les peuples d'Asie du Sud deviendront véritablement indépendants, où ils seront les seuls à déterminer le type de systèmes économiques et politiques qu'ils veulent. Cette lutte pour leur véritable expression n'est pas dirigée contre telle ou telle institution, telle ou telle théorie ou pratique, simplement parce qu'elle est étrangère. La lutte est dirigée contre tout ce qui est devenu anachronique, tout ce qui est dépassé. Elle est dirigée contre l'attitude suffisante envers ce qui existe à l'heure actuelle, l'attitude de celui qui dit que ce que nous avons est le mieux que nous puissions avoir. Loin de s'accommoder de la situation, les peuples doivent réaliser leurs aspirations, leur taangh, et parvenir à la nouvelle étape où le bien-être d'un peuple de la région sera conditionné par le bien-être de tous les peuples. Pour y parvenir, les peuples d'Asie du Sud devront faire preuve d'une grande ouverture d'esprit. D'une part, ils devront s'intéresser à toutes les expériences vécues dans tous les domaines dans le monde entier et ne choisir que celles qui sont les plus avancées et les plus bénéfiques pour tous. D'autre part, ils devront garder à l'esprit l'objectif de renverser la situation actuelle.
Tous les pays du monde ont besoin de renouveau. Tous les pays d'Asie du Sud ont les mêmes besoins. En se renouvelant eux-mêmes, c'est-à-dire en prenant un nouveau départ sur la base de l'expérience du monde entier et plus particulièrement de la leur, ils apporteront leur propre contribution au renouvellement du monde.
Note
1. Peter Hennessy, The Hidden Wiring, Unearthing the British Constitution, publié pour la première fois par Victor Gollancz, Londres, 1995, p. 147
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