15 août 1947
Le legs de l'indépendance de l'Inde il y a 75 ans
Morcha des agriculteurs dans l'Haryana, au Pendjab, le 9 août 2022, contre le programme d'acquisition de terres du gouvernement Modi. Les agriculteurs affirment qu'ils ne permettront pas au gouvernement d'arracher les terres aux agriculteurs qui les ont rendues fertiles avant 1947.
À l'occasion du 75e anniversaire de l'indépendance de l'Inde, des centaines de millions de 'fermiers montent les barricades à la défense de leur existence même et de leur droit d'être. Ils tiennent aujourd'hui des manifestations dans toute l'Inde contre les politiques et les lois antipopulaires du gouvernement. Des kisan mahapanchayats (réunions de masse locales) ont lieu. Les slogans du Kisan Mazdoor Ekta (unité fermiers-ouvriers) résonnent : Faslan ke faisale kisan karega (les fermiers décideront des cultures), Awaz do hum ek hain (nous sommes une seule voix). Lors d'un mahapanchayat à Bijnor, dans l'Uttar Pradesh, les fermiers ont déclaré qu'ils poursuivraient leurs luttes sous toutes les formes jusqu'à ce que leurs demandes soient satisfaites. Ils disent que c'est une bataille pour leurs produits et les générations futures. C'est une bataille pour la terre et la vie. Une fois de plus, les tracteurs et les chariots sont de sortie.
Les promesses de Nehru et de tous les partis de l'élite faites dans un appel au destin à minuit le 14 août 1947 ont été sans lendemain. Les peuples de l'Inde ont versé des torrents de sang pour renverser le régime colonial, mais le transfert de pouvoir de 1947 a maintenu toutes les institutions coloniales au service d'une infime minorité de collaborateurs du régime britannique, qui ont préféré maximiser les profits et les intérêts des élites dirigeantes, y compris les anciens maîtres coloniaux. Partout, les Indiens disent que ce n'est pas l'Inde pour laquelle nous nous sommes battus. La domination coloniale se poursuit sans les colonialistes, imposée par un carnage communautaire qui a fait des millions de victimes et déplacé de force plus de 20 millions de personnes.
Toutes les concessions que l'élite dirigeante a été forcée de faire en 1947 en raison des luttes des femmes, des hommes, des travailleurs, des fermiers, des dalits, des tribus, des nations et des nationalités sont attaquées. Par exemple, tous les acquis dans le domaine des moyens de subsistance, du droit de vote, de l'éducation, du droit du travail, de la santé, de la structure fédérale, du bien-être, de la justice sociale, des réformes agraires, de la liberté d'expression, aussi piètres soient-ils, ont été érodés et mis en pièces par les élites dirigeantes. Au cours des quarante dernières années, l'offensive néolibérale lancée par le Congrès, intensifiée et accélérée par le Parti Bharatiya Janata (BJP), a anéanti tous les acquis du mouvement d'indépendance du peuple. Les maisons et les familles industrielles telles que les Adanis, Ambanis, Tatas, Birlas, etc. ont décuplé leurs richesses alors que 99 % de la population a du mal à se nourrir.
Selon les données présentées récemment au Parlement, plus de 80 % des Indiens sont susceptibles de boire de « l'eau empoisonnée ». En effet, la plupart des districts de presque tous les États ont des eaux souterraines surchargées de métaux toxiques et de métalloïdes. Dans certaines parties des 209 districts de 25 États, il y a plus de 0,01 mg d'arsenic par litre d'eau souterraine. Dans certaines parties de 491 districts de 29 États, la teneur en fer des eaux souterraines est supérieure à 1 mg par litre. Dans certaines parties de 29 districts de 11 États, la teneur en cadmium des eaux souterraines est supérieure à 0,003 mg par litre. Dans certaines parties de 62 districts de 16 États, on trouve plus de 0,05 mg de chrome par litre d'eau souterraine. Plus de 0,03 mg par litre d'uranium a été trouvé dans les eaux souterraines de 152 districts de 18 États. C'est une indication de l'ampleur des crimes que l'élite dirigeant ont continué de commettre contre les peuples et la nature au cours des 75 dernières années.
Les données fournies par le gouvernement indiquent que chaque année, 2,5 millions de personnes meurent de faim et qu'au cours des 40 dernières années, l'élite dirigeante a tué 100 millions de personnes les laissant mourir de faim, quel que soit le parti au pouvoir, quels que soient les slogans lancés au nom de l'élimination de la pauvreté et de la garantie de la prospérité pour tous. Plus de 50 % des populations tribales ont été déplacées et dépossédées de leurs forêts, de leur eau, de leurs terres et de leur habitat. L'oppression des castes se poursuit sans relâche.
Les Pendjabis se souviennent encore de la partition comme d'un ujara, la dévastation. Plus de sept millions de personnes ont été forcées de quitter leurs foyers à cause de la terreur déclenchée par les élites au pouvoir, les Britanniques, leurs hommes de main et la police. Des études menées par Jennifer Leaning, universitaire de Harvard, et d'autres, indiquent que plus de trois millions de personnes ont été massacrées. L'éminent politologue Ishtiaq Ahmed, dans son livre Punjab Bloodied, Partitioned and Cleansed, l'a méticuleusement documenté. Les projets sur la partition menés dans de nombreuses universités et les recherches d'un nombre croissant de professeurs ont mis en lumière les crimes des élites au pouvoir et de leurs représentants. Par exemple, Jinnah a impitoyablement qualifié ce bain de sang de qurbani (sacrifice) nécessaire à la création du Pakistan. De même, les dirigeants du Congrès dit de la partition que c'était le prix de la liberté. Cela révèle la nature criminelle des dirigeants du Congrès, de la Ligue musulmane et des Britanniques.
Dans Lahore et Amritsar, les bandes armées affiliées aux Akalis, la Ligue musulmane et le Mahasabha hindou n'ont cessé de terroriser le peuple. Les rajas, maharajas, wadheras ont lâché leurs soldats contre des personnes désarmées et innocentes. Aujourd'hui, les Pendjabis de l'est et de l'ouest du Pendjab partagent leurs expériences et leurs traumatismes sur les médias sociaux. Le 16 août, des ardas (prières) spéciales au Akal Takht ont été dédiées à ceux qui ont été massacrés et sont morts pendant la partition. Les gourdouaras du monde entier vont tenir des ardas. Les Punjabis du monde entier apprécient cette initiative et poursuivent leurs luttes pour l'affirmation de leurs droits nationaux, culturels et linguistiques, leur droit d'être.
Le président Modi sert le « nectar de la liberté » depuis le Fort Rouge de Delhi, tout en attaquant les droits de tous les peuples de l'Inde, tout comme Nehru, à minuit le 14 août 1947, parlait d'« essuyer les larmes de tous les yeux » alors que l'élite dirigeante se livrait à un carnage sur le modèle d'un nettoyage religieux et ethnique. On rapporte que le « laïc » Nehru a pris un bain dans de la poussière d'or, comme le lui avait conseillé son astrologue, parce qu'il passait du statut de brahmane à celui de kshatriya pour devenir premier ministre et que la cérémonie a eu lieu à minuit pour convenir aux astrologues.
Ce que l'on ne peut pas oublier dans l'histoire de la partition, c'est que depuis le 14 août 1947 à minuit jusqu'à aujourd'hui, la démagogie honteuse des représentants des élites au pouvoir, de leurs partis, des assemblées législatives, quel que soit le parti au pouvoir au niveau central ou au niveau des États, s'est heurtée à une histoire glorieuse de luttes populaires.
Les fermiers de l'Inde, ainsi que d'autres travailleurs et opprimés, ont lancé un appel clair au renouveau et au renouvellement des relations entre les humains et entre les humains et la nature, afin d'affirmer les droits de tous. La sécurité des peuples ne réside que dans leur lutte contre l'élite dirigeante et leur État. Les fermiers ont déclaré que, quoi que dise Modi depuis les parapets du Fort Rouge, comme beaucoup d'autres avant lui pour tromper le peuple, ils marcheront et continueront jusqu'à ce que les droits de tous et toutes soient affirmés. C'est au peuple qu'il appartient de créer des perspectives d'avenir. Les femmes, les fermiers, les travailleurs, les jeunes, les dalits, les adivasis et les opprimés sont les créateurs de l'histoire qui se déroule en Inde.
En cette occasion, je pense à Bhagat Singh qui avait prophétisé que cette lutte se poursuivrait si des sahibs bruns remplaçaient les sahibs blancs et si aucune transformation n'avait lieu. Je pense à Baba Sohan Singh Bhakhna, président fondateur du parti Ghadar, qui nous a dit en 1967 qu'il avait été plus torturé par le gouvernement de Nehru que par les Britanniques. Je pense à mon grand-père qui avait prédit cette trajectoire parce que les dirigeants du Parti du Congrès, du Parti communiste indien et du Parti communiste indien (marxiste) avaient trahi les aspirations du peuple, et il avait du mépris pour eux. Je pense particulièrement à Hardial Bains, mon ami et mentor, qui est resté fidèle aux aspirations de notre peuple jusqu'à son dernier jour. Son article intitulé « Rompre avec le passé — la dernière réforme » a été prononcé lors d'une réunion à Delhi en son nom, le 15 août 1997, à l'occasion du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Inde. Ce document indique encore aujourd'hui la voie à suivre pour réaliser les transformations dont ont besoin les peuples de l'Inde et de l'Asie du Sud.
Enfin, je pense au poète Varvara Rao, 82 ans, qui a été incarcéré sur la base de fausses accusations pour avoir dit ce qu'il pensait, mais qui garde la tête haute et le torse bombé, inspirant les jeunes. Il vient d'être libéré sous caution pour raisons médicales. Je pense aussi aux guerriers de Facebook, Twitter et autres médias sociaux qui amplifient les luttes des Indiens pour la dignité.
Une grande bataille d'idées pour le renouvellement du matériel de pensée des peuples du sous-continent indien ainsi que des peuples du monde a éclaté pour créer une nouvelle société qui harmonise l'ensemble des relations humaines, celles entre humains et celles entre les humains et la nature. Tout est à saisir. Le vieux matériel de pensée, ses phrases et ses platitudes sur la « gauche » ou la « droite », le « Rashtra hindou » ou la « laïcité » ne suffisent plus. Leur répétition est une diversion organisée par l'élite dirigeante. Les gens se rassemblent pour surmonter la crise d'imagination sur ce que la société engendre et qui peut servir le peuple. Les morchas des fermiers l'ont montré au monde entier. Ils ont souligné, au cours de leurs 14 mois de délibérations, que la démocratie libérale est un système de parti pour choisir les représentants d'une personne fictive de l'État où la souveraineté est acquise. Elle n'est pas conférée au peuple, comme on le lui fait croire, mais à un pouvoir caché au-dessus du peuple. La démocratie fondée sur cette théorie et les arrangements qui ont été mis en place sur sa base sont devenus historiquement obsolètes, indépendants de la volonté de quiconque. Cela est dû au fait que les forces productives ont échappé au contrôle des dirigeants et des travailleurs. L'heure est venue pour les travailleurs d'ouvrir la voie du progrès de la société en harnachant ces forces productives sur la base de définitions modernes de la démocratie, pour une démocratie de masse dans laquelle le peuple est le décideur et décide de la ligne de marche qui ouvre la voie du progrès.
Les partis du cartel ne sont plus politiques car ils ne servent pas le corps politique. Ils ont formé un cartel mafieux maintenu en place par des intérêts privés étroits pour priver le peuple et déresponsabiliser tout le monde sauf eux-mêmes. C'est pourquoi, pendant les morchas, les fermiers n'ont pas permis aux leaders des partis du cartel de monter sur scène. Ils ont formulé une vision de la démocratie de masse dans laquelle les citoyens participent directement à la prise des décisions qui affectent leur vie. Les idées de contrôle communautaire des ressources naturelles et la manière d'exécuter la démocratie en action ont été discutées en détail. Les fermiers ont déclaré qu'ils mettaient en place leurs organisations dans 600 000 villages de l'Inde afin de sensibiliser la population à la manière dont une nouvelle société peut être mise en place.
Une partie de cette grande bataille d'idées est le travail des universitaires dalits, qui se sont éduqués contre vents et marées, pour régler leurs comptes avec la déshumanisation et l'oppression des castes. Ils travaillent d'arrache-pied pour mettre en lumière l'histoire et les conditions non racontées des travailleurs, des artisans et des intouchables. De nombreux jeunes spécialistes du pali ont publié un grand nombre d'ouvrages pour mettre en lumière l'histoire « oubliée » et rendre leur dignité aux femmes et aux hommes opprimés et exploités. Leur travail a brisé le monopole des écrivains coloniaux et brahmaniques et trace la voie de l'histoire telle qu'elle a été créée par le peuple, dans le passé, le présent et le futur.
Afin de noyer dans le sang les luttes pour le renouveau et la rénovation, la dignité et la justice des fermiers, des travailleurs, des dalits et autres, l'élite dirigeante utilise ses armes favorites, la violence communautaire et la terreur d'État, pour détourner et distraire le peuple. Les représentants de l'élite dirigeante incitent les gens à s'en prendre aux musulmans en prétendant qu'ils sont la cause des problèmes des fermiers, des travailleurs, des femmes, des dalits et autres. Des bandes armées protégées par la police menacent et intimident les gens.
Cette attaque contre les musulmans et les autres est une attaque contre les droits de tous les peuples de l'Inde. Les fermiers l'ont compris et ont déclaré avec audace qu'il s'agissait d'un stratagème pour attaquer l'unité du peuple. Ils ont formé des comités de défense, des comités de sadbhavna (bonne volonté) et des comités de paix pour s'opposer à ces attaques. Les travailleurs, les jeunes, les étudiants, les femmes sont également en action pour contrer ces attaques. Des comités de solidarité sont formés dans les villes et les villages.
D'un point de vue philosophique, une grande dialectique se déploie qui arrache le voile de l'anti-conscience.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 14 - 15 août 2022
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2022/Articles/L520143.HTM
Site web : www.pccml.ca Courriel : redaction@cpcml.ca