19 juin 2018
Postes Canada
espère
diviser les travailleurs des postes
L'arbitrage n'a pas résolu les
décennies d'injustices subies par les factrices et facteurs
ruraux et suburbains
- Louis Lang -
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Les travailleurs des
postes à l'extérieur de la Cour suprême de St-John,
Terre-Neuve,
le 24 mars 2018, réclamant l'équité
salariale.
Postes Canada
espère
diviser les travailleurs des postes
• L'arbitrage
n'a pas résolu les décennies d'injustices subies par les
factrices et facteurs ruraux et suburbains - Louis Lang
La Commission de la
construction du Québec déclare que les grutiers font une
grève illégale
• Tous avec les grutiers et les travailleurs
de la construction luttant pour leurs droits et les droits de tous!
- Pierre Chénier
• Entrevue avec Richard Goyette, avocat du
travail et ancien directeur général de la
FTQ-Construction
• À propos du Diplôme
d'études professionnelles (DEP) en formation de grutiers
Postes Canada
espère
diviser les travailleurs des postes
L'arbitrage n'a pas résolu les décennies
d'injustices subies par les FFRS
- Louis Lang -
La décision arbitrale publiée le 31
mai 2018 au sujet du processus d'examen de l'équité
salariale n'a pas corrigé le problème de discrimination
salariale que les factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS)
soulèvent contre Postes Canada depuis au moins 2004. Si la
décision reconnaît que le travail effectué par les
factrices et facteurs urbains et celui effectué par les FFRS est
aisément comparable et qu'un écart salarial clair
persiste, l'arbitre a rejeté les propositions du syndicat visant
à remédier à la situation.
Ce processus d'examen de l'équité
salariale a été amorcé après les
négociations de 2016 précisément pour mettre
fin à de nombreuses années d'échec des
négociations en raison de l'intransigeance de Postes Canada.
Année après année, la Société des
postes a refusé de reconnaître ses actions
discriminatoires contre les FFRS et sa violation
du principe qu'elle doit verser à tous les travailleurs un
salaire décent que leurs collectifs considèrent
acceptable.
Dans un retournement de situation troublant, l'arbitre
a accepté la plupart des éléments de preuve
présentés par le syndicat mais a finalement refusé
de prendre une décision et a renvoyé les questions aux
deux parties pour qu'elles les négocient une fois de plus. En
agissant ainsi, l'arbitre n'a pas assumé sa
responsabilité de régler les questions
pour lesquelles elle a été nommée. De plus, elle a
renvoyé la question du traitement injuste des FFRS aux
négociations qui ont été impossibles pendant des
années parce que Postes Canada a insisté pour maintenir
sa discrimination.
Le principe d'un salaire décent pour tous les
travailleurs et l'élimination de la discrimination salariale
fondée sur le sexe sont des droits qui appartiennent à
tous les travailleurs et ne doivent pas être
relégués au processus de négociation. Postes
Canada continue de s'attaquer à la dignité des
travailleurs et le refus de l'arbitre de soutenir les droits
permet à Postes Canada d'infliger un traitement inacceptable aux
FFRS sans avoir à rendre des comptes.
Renvoyer la question à la table des
négociations n'est pas seulement une autre tactique dilatoire
maladroite qui est la marque de commerce de ce gouvernement
libéral. Elle survient au moment où les
négociations sont en cours pour de nouvelles conventions
collectives pour les travailleurs urbains et suburbains. Elle vise
à diviser les groupes de
travailleurs pour miner l'unité des postiers qui se battent pour
rendre Postes Canada redevable de ses actes.
Les travailleurs des postes ne peuvent jamais oublier
qu'en 2004, lorsque les FFRS ont obtenu le droit d'adhérer
au syndicat et de négocier collectivement une convention, la
société a forcé les travailleurs urbains à
abandonner dans leur convention collective les dispositions relatives
à l'indemnité de départ. La Société
des postes a forcé
les travailleurs urbains à réduire leur
réclamation à la valeur qu'ils produisent en guise
de
« compensation » pour l'incorporation des FFRS comme
employés plutôt que comme entrepreneurs
indépendants à statut précaire. Cette fois-ci, les
travailleurs des postes sont déterminés à ne pas
permettre à Postes Canada d'utiliser la question de
l'équité salariale pour miner l'unité de tous les
travailleurs et travailleuses des postes dans la lutte pour leurs
droits.
Les négociations de 2016 et
l'équité salariale
Lors de la ronde de négociations
de 2016 entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et
travailleuses des postes, l'une des principales demandes du syndicat
visait l'équité salariale pour les factrices et facteurs
ruraux et suburbains (FFRS). Le syndicat a soutenu que les facteurs et
factrices urbains et les FFRS effectuent un
travail comparable et amènent les mêmes compétences
au travail qu'ils effectuent. Le syndicat a soutenu que la
Société des postes a manqué à son
obligation en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la
personne de fournir aux FFRS, qui sont principalement des femmes,
des salaires et des avantages sociaux comparables à ceux des
facteurs et factrices urbains.
|
Les négociations à ce moment-là
n'ont pas résolu le problème. Au lieu de cela, un
Protocole d'entente sur l'équité salariale a
été signé en septembre 2016. Avec la
signature du Protocole, la Société des postes et le
syndicat ont convenu d'établir un examen conjoint de
l'équité salariale des conditions des FFRS
conformément à la Loi
canadienne sur les droits de la personne et selon l'Ordonnance
sur
la
parité
salariale.
Le processus conjoint d'examen de
l'équité salariale exigeait que chacune des parties nomme
un consultant ou un expert pour produire des rapports décrivant
leurs positions respectives. Un comité mixte sur
l'équité salariale (CMES) a également
été créé pour fournir des commentaires sur
le travail des consultants.
Ce processus s'est poursuivi jusqu'au 27
janvier 2017, lorsque la ministre du Travail a nommé une
arbitre, Maureen Flynn, pour agir à titre de médiatrice
et arbitrer les questions sur lesquelles aucun accord n'avait
été conclu.
Les consultants et le CMES ont terminé leurs
rapports en octobre 2017 et une série de réunions de
pré-médiation a suivi en décembre 2017. Aucun
accord n'a pu être conclu et l'affaire a été
renvoyée en arbitrage avec des audiences qui devaient
débuter le 9 janvier 2018.
Pour ajouter aux retards, à la fin de
décembre 2017, la Société des postes a
demandé de réviser le rapport de son consultant et a
demandé que les audiences d'arbitrage soient reportées.
Les audiences d'arbitrage ont finalement
commencé le 18 février 2018 et quatorze jours
d'audiences ont été programmés jusqu'au
début de mai 2018. L'arbitre Flynn a publié son
rapport le 31 mai 2018.
Le volumineux rapport (176 pages) décrit de
nombreuses questions techniques liées aux clauses des
conventions collectives qui régissent les salaires et les
conditions de travail des FFRS et des factrices et facteurs urbains
ainsi que les exigences de la Loi sur les droits de la personne
et des règlements connexes.
Dans sa décision, l'arbitre a
évalué les rapports des consultants qui reposent sur des
points de vue opposés sur la façon dont les deux emplois
devraient être évalués et sur la
méthodologie à utiliser pour évaluer
l'écart salarial entre les deux classifications. Ce qui suit est
une citation du paragraphe 706 du rapport d'arbitrage :
[706] Outre leur
désaccord sur
la méthode d'évaluation de l'écart salarial, les
parties ont des points de vue différents sur certains aspects de
la rémunération des FFRS et des factrices et facteurs.
Plus précisément, les éléments suivants ont
été débattus ou traités
différemment : le taux d'emploi applicable, l'inclusion des
dépenses d'utilisation du véhicule dans le salaire des
FFRS, l'inclusion de l'allocation variable, l'inclusion des heures
supplémentaires et le rajustement des salaires de factrices et
facteurs pour tenir compte de la pause-repas et des pauses repos
payées.
Dans son rapport, l'arbitre a
préféré l'approche du syndicat sur de nombreuses
questions en litige.
En ce qui concerne l'évaluation des postes,
l'arbitre a conclu que le rapport du consultant du syndicat
reflète « fidèlement le contenu des
différents emplois et représente mieux les
particularités de chaque groupe de comparaison
potentiel ». Par conséquent, elle a conclu que le
travail effectué par les FFRS et celui effectué par les
factrices
et facteurs urbains peuvent être aisément comparés.
L'arbitre a également rejeté la
méthode proposée par la Société des postes
pour calculer le salaire des FFRS parce qu'elle reposait sur le
comptage des « points de remise » sur chaque route que
l'arbitre décrivait comme une approche fondée sur le
« coût de la main-d'oeuvre à l'entreprise » et
non sur
l'indemnisation à l'employé pour le
travail effectué. L'objectif de l'Examen de
l'équité salariale était d'évaluer s'il
existait « un écart salarial » entre les deux
groupes et non de sauver de l'argent en salaires à Postes Canada.
En dépit du fait que, dans la plupart des cas,
l'arbitre a préféré l'approche du syndicat pour
établir les données nécessaires pour pouvoir
évaluer correctement l'écart salarial, elle a
rejeté les conclusions du syndicat concernant les mesures que
doit prendre Postes Canada pour remédier à la
discrimination systématique à l'encontre des FFRS.
Le syndicat réclame une compensation
équivalant à 9,72 $ l'heure, soit la
différence calculée entre le taux horaire net des
factrices et facteurs urbains et le taux horaire obtenu pour les FFRS.
Il demande aussi des améliorations du système de mesure
des itinéraires. L'arbitre a rejeté ces justes
revendications. Plutôt que de statuer sur
les questions portées devant le tribunal qui ont
été analysées et discutées depuis au moins
septembre 2016, l'arbitre a refusé de prendre une
décision et a plutôt renvoyé les questions non
réglées aux parties. Voici quelques citations
tirées de sa décision :
[848] Il est évident,
compte
tenu des conclusions déjà tirées par la
soussignée, que la demande du Syndicat ne peut être
accordée.
[849] Étant
donné que les parties
doivent ajuster la méthode, tel qu'il est indiqué
ci-dessus, et inclure les éléments variables dans
l'évaluation de la rémunération directe et dans
l'évaluation des prestations de retraite, il ne convient pas de
rendre une décision sur les dommages-intérêts
à ce stade-ci du processus.
[850] Le temps qu'il faudra
aux parties pour
apporter les ajustements susmentionnés ne leur causera aucun
préjudice. Au contraire, ces efforts leur permettront de trouver
une meilleure solution, qui soit plus équitable pour les deux
parties. Il est dans leur intérêt de poursuivre le travail
suspendu prématurément afin de parvenir à de
meilleurs
résultats. »
Dans ses remarques finales, l'arbitre a dit :
Par conséquent, les
parties ont
jusqu'au 31 août 2018, à moins qu'elles ne
conviennent d'une prolongation, pour me soumettre leur entente. Si
elles ne parviennent pas à s'entendre, la soussignée,
après avoir
consulté les avocats des parties, réservera des dates
d'audience d'arbitrage à l'automne 2018. Si les parties le
souhaitent, le Tribunal réservera les dates nécessaires
pour la tenue de sessions de médiation.
Le rapport de l'arbitre est très
préoccupant pour les travailleurs des postes. Bien que la preuve
démontre clairement que le traitement des FFRS par Postes Canada
a entraîné une discrimination systémique en termes
de salaires directs et indirects et de conditions de travail pour
près de 8000 femmes qui effectuent le travail, le processus
de
négociation depuis 2004 et le dernier processus d'arbitrage
n'ont pas corrigé la situation. La discrimination flagrante qui
se poursuit à l'égard des FRRS, dont la majorité
sont des femmes, est incompréhensible. Plusieurs demandent
pourquoi Postes Canada n'a pas eu à répondre de ses actes
compte tenu de cette violation flagrante de la Loi canadienne sur
les droits de la personne. Est-ce que la discrimination contre les
femmes est quelque chose qui est matière à
négociations et non une violation des droits qui doit être
condamnée et renversée immédiatement ?
Après tout, nous sommes en 2018.
Pourtant, les tactiques dilatoires se poursuivent. En
refusant d'agir sur la base des éléments de preuve dont
elle disposait, l'arbitre a révélé que le
processus n'est pas conçu pour résoudre les
problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés. Les
manoeuvres pour faire traîner les choses, les délais et
les excuses sont des moyens pour faire
pression sur le syndicat et les travailleurs pour qu'ils abandonnent
leurs justes revendications.
Il est important de souligner que le rapport du
Tribunal d'arbitrage sur les FFRS qui refuse de demander des comptes
à la Société des postes est publié au
moment où le syndicat est en train de négocier avec
Postes Canada pour les deux conventions collectives des travailleurs
urbains et suburbains qui ont expiré au début de cette
année. La
décision de renvoyer cette importante question de
l'équité salariale aux parties après des
années d'impasse et le refus de la Société des
postes d'assumer ses responsabilités en éliminant la
discrimination salariale exercée principalement contre des
femmes n'est pas une coïncidence. Elle est conçue pour
permettre l'ingérence dans le processus de
négociation et pour forcer le syndicat à accepter
davantage de concessions et pour traiter les droits des travailleurs
comme des objets de marchandage qui peuvent être troqués
pour autre chose.
La Commission de la construction du
Québec déclare que les grutiers font
une grève
illégale
Tous avec les grutiers et les travailleurs
de la
construction luttant pour leurs droits
et les droits de tous!
- Pierre Chénier -
Manifestation le 5 mai 2018
à Montréal pour dénoncer les changements non
sécuritaires
à la réglementation sur la formation
des grutiers
La Commission de la construction du Québec (CCQ)
a déclaré que les grutiers du Québec mènent
en ce moment une grève illégale. Cette déclaration
a été faite lundi le 18 juin quand les grutiers ne
se sont pas présentés au travail à
l'échelle du Québec. La représentante de la CCQ a
dit à la presse que l'organisme est en train
d'amasser le plus d'informations possibles pour prouver que les
grutiers sont engagés dans une grève illégale afin
d'intenter des poursuites pénales contre eux aussitôt que
possible.
Les associations ou les représentants qui
seraient déclarés coupables d'avoir ordonné,
encouragé ou appuyé une grève ou d'y avoir
participé sont passibles d'une amende de 7 960 $
à 79 587 $ pour chaque jour ou partie de jour de
grève. Les travailleurs membres de ces associations sont
passibles d'une
amende qui peut atteindre 199 $ par jour. Comme c'est
l'habitude maintenant, la représentante de la CCQ a aussi dit
que des gestes d'intimidation ont été commis pour inciter
les travailleurs à la grève et que des poursuites
pénales pour intimidation seront aussi intentées.
Des accusations d'intimidation peuvent mener à
l'interdiction pour des travailleurs de diriger ou représenter
un syndicat pendant cinq ans. Cela fait maintenant quelques semaines
que la CCQ sillonne les chantiers à l'échelle du
Québec pour épier les travailleurs et les avertir des
poursuites qui vont s'abattre sur eux s'ils défendent leurs
droits de
manière concertée en refusant par exemple de faire des
heures supplémentaires ou en menant des activités qui
entravent, ralentissent ou interrompent les travaux.
Les faits sont que les grutiers travaillant sur la
construction du Pont Champlain jeudi le 14 juin ont quitté
le chantier quand les travaux ont été interrompus
à cause de la pluie et que le maître-d'oeuvre n'a pas
respecté la convention collective qui prévoit que les
grutiers doivent être payés un minimum de 5 heures
lorsque les
opérations sont arrêtées pour cause
d'intempéries.
Les grutiers ne sont pas revenus au travail sur le pont
Champlain vendredi et ne se sont pas présentés samedi non
plus pour le travail en temps supplémentaire. Lundi le 18
juin, les grutiers ne se sont pas présentés au travail
à l'échelle du Québec, ce qui fait que les
chantiers qui requéraient l'opération de grues ont
été pratiquement
paralysés dans tout le Québec.
Les grutiers s'opposent fermement à la nouvelle
réglementation mise de l'avant par la CCQ et
entérinée par le gouvernement du Québec qui
crée de sérieux dangers pour la vie et la
sécurité des grutiers, des autres travailleurs de la
construction et du public. La nouvelle réglementation
dégrade sérieusement en quantité et en
qualité la formation
requise des travailleurs pour devenir grutiers, Le gouvernement,
à la requête de la CCQ, a aboli le caractère
obligatoire du Diplôme d'études professionnelles (DEP)
de 870 heures de formation. Le DEP est maintenant facultatif et
une nouvelle formation de 150 heures fournie directement sur les
chantiers et sous la responsabilité des
entreprises a été introduite.
La CCQ et le gouvernement ont aussi créé
un cours de 80 heures pour les camions-flèches d'une
capacité maximale de 30 tonnes suite à quoi le
travailleur qui réussit la formation devient conducteur
qualifié de ces camions. C'est justement ce type de grues qui
versent le plus et qui causent le plus de dommages. Tel est le contexte
conflictuel dans lequel les actions des grutiers sont
organisées.
La CCQ et le gouvernement rejettent les efforts des
travailleurs de la construction pour défendre leur droit
à une formation adéquate. Ils ont refusé
d'entendre les représentations des travailleurs qui demandent
que la nouvelle réglementation ne soit pas mise en oeuvre et
qu'une table de toutes les parties soit créée pour
étudier la situation. La CCQ est
devenue une agence de police répressive de l'État qui
criminalise les travailleurs qui défendent leurs droits et
étouffe la voix de tous ceux qui sont préoccupés
de la détérioration des standards et des attaques aux
droits et à la sécurité dans le secteur de la
construction.
Pour sa part, la CNESST, la Commission des normes, de
l'équité, de la santé et de la
sécurité du travail, observe un silence honteux face
à cette dégradation des conditions de santé et de
sécurité. Le gouvernement du Québec, qui a
adopté la loi 152 de criminalisation plus poussée
des travailleurs de la construction, a entériné la
nouvelle
réglementation. Les institutions qui prétendent
être l'autorité publique et représenter
l'intérêt public refusent de le défendre. Elles ont
fermé leurs portes aux travailleurs, ceux-là mêmes
qui connaissent d'expérience les dangers qui existent et le
danger croissant qui est causé à tous lorsque les normes
de formation sont abaissées et que les droits sont
attaqués. Qu'est-ce que les travailleurs de la construction sont
censés faire quand toutes les avenues de discussion avec les
vieilles institutions sont bloquées ? Le problème
auquel les travailleurs de la construction font face est un
problème que tous les travailleurs et la société
doivent affronter de façon urgente et avec détermination.
La nouvelle réglementation et la loi 152 ne
sont rien d'autre que des instruments néolibéraux
d'abaissement des conditions de travail dans la construction et
d'attaques contre la lutte des travailleurs
organisés en syndicats. L'objectif visé est
l'augmentation des profits des entreprises de la construction au
détriment des travailleurs
et du public.
En abaissant les standards de formation des
travailleurs pour qu'ils deviennent grutiers et en mettant les
entreprises en charge de la formation, directement sur les chantiers,
on
accroît la concurrence entre les travailleurs pour le travail
disponible et le danger de blessures et de morts au travail. Les
travailleurs subiront une pression plus forte de la
part des employeurs pour accomplir des tâches dangereuses et
même illégales sous la menace de ne pas être
rappelés au travail lors du prochain contrat.
Tous savent que les compagnies qui vont maintenant
être responsables de la formation des grutiers vont
accroître la pression sur eux pour qu'ils travaillent au noir,
une pression qui est déjà omniprésente dans le
secteur de la construction. Selon les travailleurs de la construction,
les grutiers ont été parmi les rares travailleurs de la
construction
qui jusqu'à présent ont mis en échec ces
activités illégales des entreprises. La formation
professionnelle y était pour beaucoup car elle solidifiait les
connaissances des travailleurs et les rendait plus confiants à
agir selon leur conscience en refusant d'effectuer des travaux non
sécuritaires et en déclarant ouvertement et
légalement leurs heures de
travail, avec le plein appui organisé du syndicat. La nouvelle
réglementation est une déréglementation du
métier de grutier, dans le cadre de la
déréglementation progressive des métiers de la
construction et de l'abaissement des conditions de travail. Le seul
objectif de ces mesures est de servir ceux qui possèdent et
contrôlent les grandes entreprises
de construction et leur expropriation de la valeur que les travailleurs
produisent.
Cette campagne et ces attaques de la CCQ contre les
grutiers sont des actions socialement irresponsables qui violent les
droits et mettent le public en danger. Les grues sont souvent
utilisées dans des zones densément peuplées. Ces
activités régressives de la CCQ et du gouvernement
doivent être condamnées de façon très ferme
par tous les
travailleurs.
Entrevue avec Richard Goyette, avocat du travail et
ancien directeur général de la FTQ-Construction
Forum ouvier : Les
grutiers du québec luttent fermement contre la nouvelle
réglementation qui abaisse les exigences professionnelles
requises pour devenir grutier. Cette réglementation crée
un sérieux problème, en particulier en ce qui concerne la
santé et la sécurité des travailleurs de la
construction et du public.
Quels sont les traits essentiels de cette lutte selon toi ?
Richard Goyette : Le
débat peut se résumer à ceci. L'État agit
de maniere plus que méprisante à l'endroit des
travailleurs de la construction et du public. Il existait des
conditions à la fin des années 1990 relativement
à l'opération de grues qui tuaient des gens dans la
construction et parmi le public. On a remédié
à cela en instaurant une formation professionnelle obligatoire
de 870 heures sous la forme d'un Diplôme d'études
professionnelles (DEP) afin que chaque opération
effectuée par le grutier soit sécuritaire pour lui, les
autres travailleurs et le public. Cette réglementation a
été très efficace dans la réduction des
décès et des blessures dans ce
métier. Et voilà maintenant que le gouvernement, au nom
de la concurence, de l'accessibilité aux métiers de la
construction, ou je ne sais quoi, revient à ces
conditions-là qui tuaient et mutilaient des gens. Ils sont
prêts, au nom de l' « économie »,
à revenir à ces conditions.
Ce mépris est d'autant plus grand que les deux
chartes des droits et libertés, la fédérale et la
québécoise, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, le Code civil, la
Déclaration universelle des droits de l'homme, tout un stock
juridique, disent qu'il faut faire attention à la personne.
Qu'il faut permettre que les milieux de
travail soient sains et sécuritaires. [1]
Les gouvernements qui ont adopté ces lois et signé les
déclarations disent que le droit ne compte plus et que ce qu'ils
appellent « l'économie » passe par dessus tout.
Les travailleurs sont révoltés de cela.
Il y a déjà 50 morts par année dans le
secteur de la construction au Québec. Au lieu de sauver des
vies, on veut rajouter des décès. C'est cela le vrai
débat. Les travailleurs savent qu'ils ont raison. En droit ils
ont raison. Mais ils n'ont pas les moyens de faire respecter ce droit
à court terme.
Comment résoudre ce problème est le problème
auquel nous sommes confrontés.
Le gouvernement du Québec, dans ce
dossier-là, essaie de jouer la carte du corporatisme parce qu'il
n'a aucun appui sur rien pour passer ce règlement. Les
travailleurs sont blâmés de s'intéresser uniquement
à leur emploi à eux, avec l'appui des entreprises qui
sont des employeurs de locations de grues. Mais ce secteur-là a
été développé en
respectant les règles. Les opérateurs de grues sont ceux
qui déclarent le plus d'heures. Les grutiers ont même une
liste de rappel. Le secteur est lié à l'enseignement
professionnel. Selon le gouvernement, tout cela coûte trop cher,
et le gouvernement a même une étude d'impact de la
réglementation dans laquelle il est dit que l'abaissement de la
réglementation va faire baisser la masse salariale de 1,9
million $. Cela veut dire qu'on va faire appel au travail au noir
en permettant à n'importe qui de faire n'importe quoi. Les
grutiers ont publié sur leur site web plein de photos qui
montrent des camions-flèches qui ont versé
récemment. Et on veut libéraliser encore plus la conduite
de ces camions !
Alors, dans cet enjeu-là, on a la
désobéissance civile au nom de valeurs
supérieures, qui n'est même pas pour
l'intérêt pécunier immédiat , qui est
civilisée, face à un gouvernement qui ne l'est pas, qui
est rétrograde. Si les gens prennent en main leur destin et
celui de la collectivité contre ces politiques irresponsables et
dangereuses, qui a
raison ? On va leur donner des amendes ? On va casser leur
syndicat ? Ce sont eux les bandits ? C'est le monde à
l'envers. Le débat est là.
Note
1. À titre d'exemple, l'article 46 de la Charte
des
droits
et
libertés
de
la
personne du Québec
dit : « Toute personne qui travaille a droit,
conformément à la loi, à des conditions de travail
justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa
sécurité et son intégrité
physique. »
L'article 2087 du Code civil du
Québec dit : « L'employeur, outre qu'il est tenu de
permettre l'exécution de la prestation de travail convenue et de
payer la rémunération fixée, doit prendre les
mesures appropriées à la nature du travail, en vue de
protéger la santé, la sécurité et la
dignité du salarié. »
L'article 9 de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail dit : « Le
travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent
sa santé, sa sécurité et son
intégrité physique. »
À propos du Diplôme d'études
professionnelles (DEP) en formation de grutiers
Photo d'un camion-flèche
renversé à Montréal, le 19 avril 2018,
affichée sur la page Facebook des grutiers
En vertu du nouveau règlement mis en oeuvre
depuis le 14 mai dernier, la formation professionnelle obligatoire
des grutiers au moyen d'un DEP comprenant 870 heures de formation
a été abolie. Elle est devenue facultative et le
gouvernement et la Commission de la construction du Québec ont
instauré une formation
de 150 heures donnée directement sur le chantier par
l'entreprise.
Montage visuel sur la page Facebook de la
FTQ-construction illustrant la différence entre la formation
obtenue par le DEP et la formation sur le tas des grutiers
|
L'instauration de la formation professionnelle
obligatoire dans ce métier de la construction en 1997 ne
s'est pas faite par choix mais dans un contexte d'accidents mortels et
de blessures sérieuses liés à l'opération
de grues.
La FTQ-Construction rapporte qu'en 1994, devant le
nombre alarmant d'accidents impliquant des grues, une table de
concertation formée de la CSST (Commission de la santé et
de la sécurité du travail) de la CCQ (Commission de la
construction du Québec) du ministère de
l'Éducation et des associations patronales et syndicales avait
convenu d'imposer une formation obligatoire intitulée «
Utilisation sécuritaire des grues » aux travailleurs
actifs et aux nouveaux venus dans le métier.
Le contenu de cette mesure a été
incorporé dans le DEP quand il a été
créé en 1997. Depuis la création du DEP, on a
dénombré, selon la FTQ-Construction, une baisse
de 66 % du nombre de décès annuels impliquant
une grue. De 1973 à 1997, ce nombre s'élevait
en moyenne à 4,5 décès par année.
Depuis 1997 jusqu'à aujourd'hui, il est passé
à 1,5 par année, ce qui est encore inacceptable mais
néanmoins très inférieur et montre que la
formation doit être encore améliorée et
certainement pas réduite ou démantelée. Les
accidents non mortels impliquant l'utilisation d'une grue ont aussi
beaucoup diminué avec la formation
professionnelle.
Dans son mémoire présenté au
gouvernement du Québec le 1er février 2018
intitulé « Mémoire portant sur les projets de
règlements modifiant le Règlement sur la formation
professionnelle de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction
concernant le métiers de grutiers », le Collectif des
grutiers décrit ainsi le
contexte de l'époque.
Si nous résumons
l'état de la
situation qui prévalait à l'époque, nous retenons
les éléments suivants :
1. Un grand nombre
d'accidents s'est produit
sur les chantiers de construction impliquant des appareils de
levage ;
2. Ces accidents ont
causé des blessures et
des décès, et pour un moindre mal, des dommages à
du matériel, des
véhicules et des immeubles ;
3. Plusieurs de ces
accidents ont mis directement
en péril la vie de citoyens, qui en raison de leur travail ou de
leur loisir, se trouvaient aux
abords des chantiers de construction ;
4. En raison de ces
événements, la
Commission de la santé et la sécurité du travail
a, dans la mise en place de mesures pour remédier à cette
situation, interpellé la Commission de la construction du
Québec afin qu'une formation
dite « Utilisation sécuritaire des grues » soit
développée et dispensée
à tous les opérateurs qualifiés et aux apprentis
en exercice, et à tout nouveau candidat voulant
intégrer le métier de grutier ;
5. Suite à la
production du « Plan
d'action concernant l'utilisation sécuritaire des appareils de
levage » produit par la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, le
sous-comité professionnel des grutiers a adopté une
résolution à cet effet ;
6. En raison des
travaux déjà
entrepris par le sous-comité professionnel des grutiers, les
membres du comité font spécifiquement
référence au programme de formation professionnelle qui
sera prochainement mis sur
pied ;
7. Le cours «
Utilisation sécuritaire
des grues » n'était qu'une mesure temporaire afin de
pallier au plus urgent, jusqu'à ce qu'une
formation professionnelle soit disponible et obligatoire pour les
personnes voulant opérer un
appareil de levage ;
8. Le contenu de l'USG
et bien plus ont
été intégrés dans le contenu de la
formation du DEP, afin que chaque opération opérée
par le grutier soit sécuritaire pour lui, les autres
travailleurs et le public.
[...]une fois le cours USG
intégré dans
le programme de formation professionnelle du grutier, dispensé
par un centre de formation professionnelle, nul ne devait plus
détenir un certificat de compétence apprenti sans
être préalablement détenteur d'un DEP. C'est aussi
pourquoi le contenu du DEP contient tout au long de la formation
dispensée,
des éléments de sécurité et pour
cause.
C'est ce programme dont le caractère obligatoire
vient d'être aboli sous prétexte qu'il est trop rigide,
qu'il limite l'accès des travailleurs à tous les
métiers de la construction ( c'est-à-dire qu'il
réduit la concurrence entre les travailleurs) et qu'il est
inefficace dans la lutte à la soi-disant pénurie de
main-d'oeuvre, laquelle est une fraude qui vise à
abaisser les conditions de travail des travailleurs de la
construction.
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