1er juin 2017
Le gouvernement du Québec
adopte une loi spéciale pour briser
la grève des travailleurs de la construction
Intensifions la lutte à la
défense des
droits des travailleurs et des
droits de tous
PDF
Manifestation des travailleurs de la construction devant
l'Assemblée nationale
à Québec le 29 mai 2017 (FTQ)
Le gouvernement du
Québec adopte une loi spéciale pour briser la
grève des travailleurs de la construction
• Intensifions la lutte à la
défense des droits des travailleurs et des droits de tous
• Ingérence de l'État en faveur
des employeurs
• Trouver
des solutions pratiques, des mécanismes qui permettent aux
travailleurs
d'exercer leurs droits sans répression de l'État -
Richard
Goyette,
avocat
en droit social et ancien
directeur-général de la FTQ-Construction
Les
conséquences de la guerre commerciale pour l'industrie
forestière
• L'empire américain s'empare de Tembec
Inc.
• Concentration de la richesse sociale
et du contrôle dans le secteur forestier
Le gouvernement du Québec adopte
une loi spéciale pour briser
la grève des travailleurs de la construction
Intensifions la lutte à la défense des
droits des travailleurs et des droits de tous
À l'Assemblée nationale à Québec le 29 mai
2017
À trois heures du matin le 30 mai, le
gouvernement du Québec a
adopté une loi spéciale qui brise la juste grève
des travailleurs de la
construction. La loi 142, Loi assurant la reprise des travaux
dans
l'industrie de la construction ainsi que le règlement des
différends
pour le renouvellement des conventions collectives, a
été adoptée par un vote de 76-21. Les
députés du Parti libéral et de la
CAQ ont voté en sa faveur, alors que les députés
du Parti québécois,
qui a lui-même adopté une loi spéciale de retour au
travail contre les
travailleurs de la construction en 2013, et les
députés de Québec
solidaire ont voté contre.
Les travailleurs de la construction ont vivement
protesté contre
l'adoption de la loi le jour même de son dépôt
devant l'Assemblée
nationale avec des pancartes et slogans qui dénonçaient
la dictature
qui tient lieu de relations de travail. L'Alliance syndicale de la
construction a annoncé qu'elle étudie les recours pour
contester la loi
en cour
comme étant inconstitutionnelle. De nombreux syndicats ont
dénoncé la
loi, la déclarant une attaque inacceptable et illégale au
droit des
travailleurs de se battre pour leurs demandes et de négocier
leurs
conditions.
La loi a imposé le retour au travail de tous les
travailleurs de la
construction le 31 mai, sous peine d'amendes sévères
pour les
travailleurs individuels, représentants syndicaux et syndicats
qui
continueraient la grève ou feraient des ralentissements de
travail sur
les chantiers. Elle décrète une augmentation de salaire
de 1,8 % jusqu'à ce qu'une nouvelle convention
survienne, ce qui est
bien en dessous des demandes syndicales et même en dessous de la
dernière offre patronale. La loi créée un
frauduleux « espace de
négociation », qui est nié en essence
même par la loi briseur de grève
et le fait que les travailleurs se voient retirer la possibilité
légale de faire la grève et de mener toute action sur les
chantiers pour faire quelque pression que ce soit sur les employeurs.
L'«
espace de négociation » impose en fait la
médiation puis l'arbitrage où
la ministre se voit donner le pouvoir de déterminer
elle-même les
matières qui seront soumises à l'arbitre et où
elle fixe par la loi les
critères de la décision de l'arbitre. Ceux-ci
comprennent la
soi-disant « flexibilité de l'organisation du
travail », un euphémisme
pour la déstabilisation encore plus grande des horaires de
travail et
de la vie des travailleurs de la construction. La lutte contre cette
déstabilisation était au centre de la grève des
travailleurs de la
construction et
c'est ce que le gouvernement vient briser.
Les porte-paroles du gouvernement Couillard y sont
allés de toutes
les insultes possibles contre les travailleurs de la construction
pendant le soi-disant débat à l'Assemblée
nationale, déclarant que leur
grève à la défense de leurs droits cause un
« préjudice social » à la
population et même aux sinistrés des inondations qui
attendent leur
nouveau logement. Cette tentative méprisable de dresser la
population
contre les travailleurs de la construction luttant pour des conditions
qui répondent à leurs besoins en santé et
sécurité et tranquilité
d'esprit au travail et stabilité dans leur vie est inacceptable
et ne
doit pas passer. C'est aussi une façon méprisable de
détourner
l'attention de la
responsabilité gouvernementale dans ces sinistres par manque
notamment
d'actions préventives et par insistance sur la privatisation des
services gouvernementaux qui abandonne à eux-mêmes les
intervenants
d'urgence.
Ce frauduleux débat parlementaire a
été aussi l'occasion de
déclarer qu'il faut « réformer le régime de
négociation » des
travailleurs de la construction, ce qui veut dire préparer une
réforme
de la loi pour y incorporer l'interdiction de la grève dans la
construction en l'entourant d'un « espace de
négociation » sous la
conduite de
l'État qui la rend illégale ou impossible. Le
gouvernement utilise
cette loi spéciale comme loi de transition pour rendre à
toute fin
pratique illégale toute lutte effective des travailleurs de la
construction pour négocier leurs conditions et avoir leur mot
décisif à
dire et un contrôle sur leurs conditions de travail et leur vie.
Cela
ne doit pas passer.
Les attaques de l'État contre les droits des
travailleurs et les
droits de tous s'intensifient pour soumettre les travailleurs et le
peuple au diktat des oligopoles privés. La lutte pour les droits
des
travailleurs et de tous s'intensifie elle aussi en défendant
tous
ensemble ceux qui sont attaqués et en privant l'élite
dominante de son
pouvoir de priver le
peuple de ses droits.
Ingérence de l'État en faveur des
employeurs
Montréal le 24 mai 2017
Même avant que les travailleurs de la
construction débutent leur
grève le 24 mai, le gouvernement Couillard a dit qu'il
allait passer
une loi spéciale de retour au travail dès les premiers
jours de la
grève. Pourquoi les organisations qui représentent les
employeurs
négocieraient-elles quand elles savent que la grève va
être déclarée
illégale ? Si le pouvoir légal des travailleurs,
déjà fortement réglementé
par l'État, de retirer leur force de travail pour gagner leurs
demandes
ou faire échec à des concessions qu'ils jugent
inacceptables est
condamné à l'avance par la certitude d'une loi
spéciale, quelle
pression les travailleurs peuvent-ils exercer à la table de
négociation ?
Selon l'Alliance syndicale qui représente les
cinq syndicats de la
construction, l'Association de la construction du Québec avait
retiré
ses demandes de plages-horaires plus étendues et d'horaires
variables
et de samedis de travail à temps simple en échange de
retraits de la
part de l'Alliance de demandes importantes comme celle d'une mesure
de sécurité d'emploi dans la construction. Deux jours
avant le dépôt de
la loi, elle a tout de suite remis sa demande sur la table selon
l'Alliance.
La grève est censée dans le régime
actuel être un moment où les
travailleurs et les employeurs s'infligent un dommage économique
qui
les pousse à négocier pour en arriver à une
entente. Le gouvernement du
Québec a déjà décidé que les
travailleurs de la construction n'ont pas
le droit d'infliger le dommage économique prévu par la
loi parce
qu'ils travaillent pour le public, un argument qui est utilisé
uniquement pour attaquer les travailleurs et nier leurs
droits. La loi de criminalisation de la grève des travailleurs
devient
la seule option et les travailleurs se trouvent cernés de toutes
parts.
Pourquoi alors les organisations d'employeurs
négocieraient-elles avec
les travailleurs
de la construction ?
Trouver des solutions pratiques, des mécanismes
qui permettent aux
travailleurs d'exercer leurs
droits sans répression de l'État
- Richard Goyette, avocat en droit social
et ancien directeur-général
de la FTQ-Construction -
Piquetage des travailleurs de la construction à Montréal
le 24 mai 2017
Forum ouvrier reproduit ci-dessous des
extraits de
l'intervention qu'a faite Richard Goyette lors de la conférence
organisée par le Parti marxiste-léniniste du
Québec le 7 mai sur le
thème : « Pour une constitution moderne qui investit
le peuple et non
la couronne du pouvoir décisionnel ». Il y explique
comment
l'État utilise ses institutions pour s'assurer que les
travailleurs ne
puissent pas agir à la défense de leurs droits tels la
santé et la
sécurité sur les chantiers.
***
Dans la constitution, on le sait, cela date de
Montesquieu, la
division des pouvoirs, le législatif, le judiciaire,
l'exécutif, tout
le monde connaît cela. Mais de quelle façon cela agit, de
quelle façon
a-t-on l'idée que c'est moderne ? Prenons l'exemple des
chartes, très
rapidement, pour les syndicats. Les chartes garantissent le droit
d'association mais les grosses corporations se déguisent,
prennent des
cas de travailleurs et plaident du côté d'un individu qui
dit le droit
d'association cela comprend aussi le droit de la dissociation. Donc
parce que la liberté est grande au Canada et que chaque citoyen
peut
faire ce qu'il veut, il a donc le droit de détruire son syndicat
ou son
association. Or, d'idées qui semblent modernes,
égalitaires,
intéressantes, on s'en sert comme des armes au profit de
qui ? Pas
besoin de répondre.
Criminalisation du droit de refus
En santé-sécurité, on ne va pas
demander du salaire mais on va
demander à des gens de vivre. Alors récemment, on a fait
exercer des
droits de refus par des travailleurs de la construction. Vous savez
encore, avec 5 % de la main-d'oeuvre on a 25 % des
décès, le plus haut
taux d'accidents et on fait exercer un droit de
refus par des travailleurs sur un chantier parce que c'est dangereux.
La Commission de la construction intervient, qui est un
autre
appareil, parce que c'est une loi très répressive la loi
des relations
de travail dans la construction parce qu'il semblerait qu'on est des
méchants, et on n'a pas le droit selon cette loi de faire de
l'intimidation. On s'adresse à la CNESST (Commission des normes,
de
l'équité, de la
santé et de la sécurité du travail), qui est du
domaine de
l'administratif, mais découlant de l'exécutif, on
s'entend, parce
qu'elle relève du ministre du Travail. Même si on fait
affaire avec la
CNESST, la Commission de la construction du Québec envoie des
inspecteurs pour voir si nos gars ou nos filles qui ont fait leur droit
de refus, pour voir s'ils
n'ont pas fait de l'intimidation. Alors c'est dangereux pour toi de
travailler, tu veux arrêter de travailler et tu t'es
peut-être intimidé
toi-même, en te disant, faudrait que j'arrête de travailler
parce que
c'est dangereux. Et là il ne faut pas oublier, si on intimide,
c'est
des amendes et cela peut même être des plaintes
criminelles. Cela veut
dire
qu'aujourd'hui, tu ne peux pas dire à tes confrères de
travail, le
représentant syndical ne peut pas arriver et dire « c'est
dangereux, on
sauve nos vies, on fait attention et on arrête de
travailler ». Il y a
une enquête de la commission. On a pu les faire reculer, mais il
va
falloir s'assurer que vraiment les pouvoirs sont étanches et que
tout
cela
est pour le peuple, au niveau des décisions, et en
arrière de cela bien
sûr, est la question de qui cette constitution sert-elle, cette
structure-là, qu'est-ce qu'elle protège ? Donc, on
parle du droit de
rester en vie, et là on n'est pas dans le droit international et
dans
les gros débats : est-ce que je peux le matin me
lever ? Est-ce que je
peux finir ma journée sinon vivant, du moins pas invalide ?
Est-ce que
je demande quelque chose de compliqué ? Cela met donc en
cause la
question de l'exécutif et du législatif, de celui qui
fait la loi, qui
a mis des clauses de répression.
Criminalisation au nom de l'interdiction du placement
syndical
Je vais vous en donner une autre clause de
répression dans la loi.
C'est vrai qu'on est méchant nous, supposément. On
faisait le placement
sur les chantiers, il semble qu'on intimidait les patrons. J'ai
remarqué qu'aux États-Unis, ce sont les patrons qui font
cela. Ceux qui
sont allés en Californie récemment, il y a des gens qui
montent dans le
pick-up le matin puis qui choisissent les travailleurs, toi tu rentres,
toi tu rentres, toi non. C'est ce que les patrons ont voulu
réintégrer
dans l'industrie de la construction.
Il y a eu, dans la région de la Gaspésie,
pour aider les
travailleurs parce qu'il y a beaucoup de chômage régional,
et on
aimerait bien qu'en Gaspésie ce sont les gens de la
Gaspésie qui
travaillent minimalement. Ce serait comme bien. Or, le
représentant
syndical s'est rendu pour appuyer ses travailleurs de la région
afin
qu'ils rentrent sur le
chantier plutôt que ceux qui sont choisis par des multinationales
allemandes. Et on n'a pas le droit de faire le placement. Mais les
journalistes étaient là. Ils ont dit au
représentant syndical, oui mais
pour le spectacle, si tu en as des travailleurs de la région,
donne-nous la liste. Et le représentant syndical a pris un
papier et un
crayon, il a donné cela
aux travailleurs pour qu'ils écrivent leur nom, il a
donné cela au
maitre-d' oeuvre devant les journalistes. Il est poursuivi pour avoir
fait du placement illégal, alors que ce sont les journalistes
qui le
lui ont demandé. Il risque son emploi pour 5 ans.
Les codes d'éthique
Une autre bonne façon de rendre les syndicats
inutiles maintenant
c'est les codes d'éthique. Quand vous êtes sur le conseil
d'administration de la CNESST, de la Commission de la construction ou
que vous êtes appelé partout, cela vous prend un code
d'éthique. Et on
vous explique c'est quoi la moralité. Maintenant que vous
travaillez
pour un
organisme public, vous devez défendre les intérêts
de l'organisme. Mais
si je siège à la CNEEST est-ce que je protège la
caisse, qui dépense de
l'argent pour les travaillleurs qui n'ont pas d'allure, qui se blessent
et qui se tuent ? On ne se le cachera pas, aujourd'hui on a un
accident
et c'est toujours notre faute. On a tellement de bons
moyens de protection. Or, si je ne défends pas la caisse qui est
la
mission, on peut dire que tu ne peux pas représenter ton
organisme, tu
es un méchant représentant syndical, tu dois
défendre la caisse. C'est
tellement vrai que quelqu'un m'a appelé récemment au
sujet du nombre de
décès qui sont survenus par accidents mortels
en 2016. Et
imaginez-vous qu'on a reçu seulement la veille, le 27,
parce que le 28
c'est la journée de deuil pour les travailleurs -- on a eu la
veille le
nombre de décès. Pourquoi ? Parce que les membres du
conseil
d'administration sont tenus à la confidentialité. Il y en
a 80 de
morts. Ils ne peuvent même pas dire qu'il y en a
eu 80. C'est confidentiel. Ben voyons donc. Un mort, ce n'est pas
confidentiel. Les journalistes quand il y a un mort, ils en parlent.
Mais nous, c'est notre monde qu'on défend, pour lesquels on
lutte
devant les tribunaux pour qu'ils soient payés, on ne peut pas le
savoir !
Provocation de la violence
Encore une fois, la structure de l'État. Le
choix que je prends
dans l'organisation du pouvoir. Tu peux avoir de très beaux
textes,
mais cela ne veut rien dire si cela ne se traduit pas dans une pratique
réelle et je devrais savoir qui a le contrôle de la
pratique. On a
souvent dit, il y a une grande différence entre le pouvoir
d'État et
l'appareil ...
Je peux bien être au gouvernement mais cela ne veut pas dire que
je
contrôle l'appareil. Et j'en donnais des exemples. Construction
encore
une fois. On est le seul groupe qui ne bénéficie pas de
la Loi des
mesures anti briseurs de grève. Je vais vous dire pourquoi. Il y
a
présentement entre 150 000 et 160 000
travailleurs
de la construction qui bon an mal an travaillent au Québec. Ils
sont
tous dangereux, ils travaillent dans nos écoles, nos maisons,
nos
hôpitaux. Ils sont très dangereux. C'est tout simplement
que le
gouvernement sait très bien que quand tu vas brasser la cage de
la
construction, ça va sauter. Tu as juste à dire «
Ça prend une loi
spéciale, c'est une
gang de violents ! » comme si on pouvait
contenir 140 000
salariés, 30 000 employeurs, pas de loi anti-briseur
de grève, donc
tout le monde continue à travailler, tu es obligé de
vider les
chantiers carrément. Parce que pour le monde c'est leur pain et
leur
beurre. Cela n'est pas le condo je ne sais pas
où ! C'est le pain et le beurre de tous les jours. Donc,
ils savent.
Mais coïncidence, le gouvernement est 60 % payeur dans
l'industrie de
la construction : génie civil, institutionnel. Cela veut
dire que
lui-même est intéressé à ce que cela se
règle vite. C'est pour cela
aussi qu'on n'a pas droit à la rétroactivité.
Conclusion
Donc, pour me résumer, de la façon dont je
conçois cela,
constitution moderne qui investit le peuple et non la couronne du
pouvoir décisionnel, c'est quand on va se mettre à tenter
de trouver
des solutions pratiques à ce débat-là, afin de
s'assurer -- là je rêve
en couleur -- qu'il y ait des mécanismes qui empêchent de
vicier un
système. Cela, ça
veut dire que ce n'est pas juste la constitution mais qui
détient le
pouvoir. Et tant que ce sera n'importe qui qui détient le
pouvoir, tant
que c'est encore de plus en plus dans l'ombre, de plus en plus
délocalisé, de plus en plus international, et que nous
sommes de plus
en plus gérés par des pactes internationaux, d'être
capables
d'identifier le
pouvoir et de le localiser, c'est tout un contrat. Je voulais tout
simplement vous donner quelques réflexions sur de quelle
manière au
niveau du pouvoir ouvrier, on navigue présentement entre «
Le meilleur
des mondes » et « 1984 ». Et
même si on semble vivre dans un monde
doux, où on peut se permettre à peu près n'importe
quoi, il ne faut surtout pas que tu dépasses la ligne du
n'importe
quoi. Tant que tu consommes Mais même au niveau de la
pensée remarquez
encore plus le contrôle de l'État et on le vit de plus en
plus au
quotidien. Merci.
Les conséquences de la guerre
commerciale pour l'industrie forestière
L'empire américain s'empare de Tembec Inc.
Un argument irrationnel pathétique
en faveur
de l'édification d'empire
Tembec Inc., une enterprise forestière
basée au
Québec, a annoncé le 25
mai qu'elle va être achetée par le monopole
américain Rayonier Advanced
Materials dans une « prise de contôle » amicale
d'une valeur de 807
millions $US. Le
PDG James Lopez essaie de justifier la décision de vendre la
société
forestière canadienne Tembec à des intérêts
américains en disant que
l'entreprise n'était pas capable de prospérer en tant que
« producteur
autonome ». Il a dit que les nouveaux droits compensatoires
imposés par
les États-Unis sur les exportations de bois-d'oeuvre vont
forcer Tembec à payer des droits à l'avance pendant
plusieurs années
ce qui va le forcer à réduire ses investissements dans
ses 17 usines au
Québec et de l'Ontario. Comme « producteur
autonome », a dit le PDG,
Tembec n'est pas capable de se défendre contre
l'édification d'empire
américaine et n'a d'autre choix que d'être
absorbé encore plus dans la Forteresse Amérique du Nord.
Selon Lopez,
Tembec a besoin d'une compagnie américaine aux poches pleines
d'argent
pour affronter la tempête jusqu'à ce qu'un accord sur le
bois-d'oeuvre
soit conclu et que la vie reprenne son cours normal.
Est-ce vrai ? Est-ce que ses remarques
résistent à l'examen et sont
sensées ? Le PDG semble avoir abandonné toute
idée d'édification
nationale pour se jeter dans les bras de l'édification d'empire
comme
seule alternative. En fait, la soumission à l'édification
d'empire
américaine s'est produite il y a belle lurette et les actions de
Lopez le confirment alors que sa prétention d'être un
producteur
autonome est absurde. Aucune entreprise d'importance n'a
été un
producteur autonome depuis la fusion des secteurs financiers et
industriels au début du vingtième siècle lorsque
l'économie a été mise
sous la domination de l'oligarchie financière
impérialiste.
Le fait que Tembec dépende tellement des
exportations vers les
États-Unis et souffre chaque fois que l'Empire américain
attaque et
impose des droits compensatoires sur l'importation de bois d'oeuvre
canadien montre que la compagnie n'oeuvre pas au sein d'une
économie
indépendante et n'a rien d'une entreprise autonome. Tembec et le
secteur forestier sont dominés par l'oligarchie
financière et empêtrés
jusqu'au cou dans le système impérialiste d'État
des États-Unis.
Le PDG Lopez ne reconnaît pas l'alternative de
l'édification
nationale parce que depuis le début du 20e siècle toutes
les relations sociales dans le monde capitaliste sont dictées
par le système impérialiste d'États et leur
édification d'empire. Les intérêts et la nature de
classe des bâtisseurs d'empires ne leur permettent pas de voir
une alternative. Peut-être les grands capitalistes veulent-ils
obtenir une meilleure entente au sein de l'empire afin
de favoriser leurs intérêts privés mais cela n'a
rien à voir avec
l'édification nationale en opposition à
l'édification d'empire.
Il n'existe pas de producteur autonome au sein de
l'économie
moderne socialisée de production industrielle de masse. La
production,
la distribution et la consommation sont inter-reliées et ont
besoin que toutes les composantes de l'économie fonctionnent en
coopération
pour le bénéfice mutuel de l'ensemble et de toutes ses
parties.
L'édification nationale à l'ère moderne se doit
d'avoir un objectif
unifié consistant à servir l'ensemble et les producteurs
véritables, un
objectif qui est en contradiction avec l'édification d'empire
des
oligarques. Les oligarques s'engagent dans des conflits continuels et
des guerres afin de servir leurs intérêts privés et
ils écrasent sur leur
chemin leurs
rivaux et les travailleurs et causent des crises économiques
récurrentes.
À quel point Tembec est-il «
autonome » alors que l'oligarchie
financière détient 487 millions $ de la dette
de la compagnie ? Est-ce
que Tembec est autonome alors que sa propre propriété de
capital-actions est institutionnelle à 90 % et que le
holding bâtisseur
d'empire Fairfax Financial en
détient 20 % ? Comment Tembec peut-il être
autonome alors qu'il dépend
entièrement des matériaux, de la machinerie et de
l'infrastructure que
d'autres produisent et ne peut opérer sans une classe
ouvrière moderne
que la société reproduit, maintient et
éduque ? Le PDG Lopez profère un
tissu de propos irrationnels pour
excuser l'inexcusable.
Rayonier, la compagnie basée en Floride qui a
initié la prise de
contrôle, est plus petite que Tembec en ce qui a trait à
la production
et au nombre de travailleurs. Le fait qu'elle soit plus petite
n'empêche pas les détenteurs de la dette de détenir
un montant deux
fois plus grand chez Rayonier que chez Tembec. Son revenu brut annuel
est un
peu plus bas que celui de Tembec et se monte à un peu moins d'un
milliard de dollars. Rayonier a 1200 travailleurs qui produisent
de la
valeur dans deux usines, beaucoup moins que Tembec qui en
a 3 000
dans 19 usines. Cela veut dire que la valeur totale produite chez
Rayonier est en grande partie une valeur transférée
à partir de valeur déjà produite. Ses usines
de produits chimiques sont des usines
de pointe qui utilisent de grandes quantités de matériaux
déjà produits
et raffinés qui doivent être achetés et
raffinés davantage au moyen
d'une technique avancée et d'un équipement coûteux.
Cela signifie que
la pression à la baisse sur son taux de profit est forte car
l'investissement total de richesse sociale en matériaux et en
équipements est élevé comparativement au nombre de
travailleurs engagés.
Où Rayonier va-t-il trouver l'argent pour
financer l'achat d'une
compagnie de dimension comparable alors qu'il supporte
déjà une dette
de 800 millions $ et un capital-actions de 650
millions ? Il va le
trouver auprès de la même oligarchie financière de
Forteresse Amérique
du Nord qui possède et contrôle déjà
Tembec et Rayonier. Il est clair que les mêmes bâtisseurs
d'empires,
qui contrôlent déjà les deux compagnies, ont
décidé d'avance que
l'entente va servir leurs intérêts privés .
Le PDG Lopez cherche
à
jeter de la poudre aux yeux des travailleurs par
ses propos, à leur dire qu'il n'existe pas d'alternative
à
l'édification d'empire et que le contrôle sur leur travail
et leur vie va échapper encore plus à leurs
endroits de travail et à leurs communautés. En cette
ère
de
l'impérialisme, il prêche à la
classe ouvrière d'oublier tout ce qui concerne
l'édification nationale
et l'édification d'une économie viable qui subvient
à ses besoins et
est sous le contrôle et la direction des travailleurs au sein
d'un
Québec et d'un Canada indépendants. Ça ne peut pas
se faire, abandonnez
tout cela vous aussi comme l'a fait Lopez avec Tembec et d'autres bien
avant lui ! C'est justement là que le bât blesse
parce que dans cette
ère de l'impérialisme et de l'édification d'empire
la seule alternative
réelle viable n'est pas la capitulation mais
l'édification nationale
dirigée par la classe ouvrière visant à investir
le peuple de la
souveraineté et à placer l'économie
socialisée sous le contrôle des
producteurs
véritables.
L'édification nationale doit avoir son propre
objectif qui est de
servir le peuple et de garantir ses droits et son bien-être et
d'ouvrir
la voie à l'émancipation de la classe ouvrière.
L'édification nationale
ne peut fleurir qu'en opposition à l'édification d'empire
et en privant
les oligarques de leur pouvoir de priver le peuple de ses droits.
Le PDG Lopez veut que les travailleurs pensent de
façon
irrationnelle et gobent ses propos insensés à l'effet
qu'ils ne
pourront jamais contrôler leur travail et leur vie et fournir
à
l'économie une direction prosociale positive au sein d'un projet
d'édification nationale sous leur direction. Bien au contraire
M.
Lopez, l'édification nationale peut et
doit être accomplie pour le bien de l'humanité. Pas par
vous ou par
tout autre bourgeois impérialiste mais par la classe
ouvrière.
Concentration de la richesse sociale et du
contrôle dans le secteur forestier
L'oligarchie
financière consolide Tembec Inc. au
sein de Rayonier Advanced Materials
L'oligarchie financière a
orchestré un conflit
commercial dans le secteur du bois d'oeuvre. Le gouvernement des
États-Unis a répondu favorablement à la demande
d'une section puissante
de l'oligarchie qui contrôle la Forteresse Amérique du
Nord pour
imposer
une taxe sur les exportations de bois d'oeuvre canadien vers les
États-Unis. C'est la cinquième fois depuis les
années 1980 que
l'oligarchie financière utilise cette tactique pour faire
augmenter le
prix du bois, pousser les plus petits concurrents canadiens à
fermer
leurs portes, consolider le secteur entre un plus petit nombre de mains
et utiliser
son pouvoir et son contrôle élargis pour attaquer les
droits de la
classe ouvrière et ses communautés forestières.
Plus de 3 000
travailleurs de Tembec extraient le bois et
produisent de la cellulose de grande pureté, du bois d'oeuvre et
de la
pâte et papier dans 17 usines au Québec et en
Ontario. De plus,
Tembec possède une usine de produits chimiques aux
États-Unis et une
autre en France.
Les nouveaux tarifs douaniers imposés par les
États-Unis ont forcé
Tembec Inc à payer rétroactivement au 31
janvier 2017 une taxe
préliminaire de 19,88 % sur les exportations de bois
d'oeuvre vers les
États-Unis. En entrevue au Globe and Mail , le
président
directeur général de Tembec, James Lopez, a dit
que, pareillement aux autres entreprises forestières
canadiennes,
Tembec s'est vu imposer le mois dernier une taxe sur ses exportations
vers les États-Unis. Dans un tel scénario, a-t-il dit,
où son
entreprise demeurait un « producteur autonome » et
devait payer ses
tarifs pendant plusieurs années pendant que dure le conflit,
elle
allait devoir
freiner ses investissements dans ses usines. Lopez a ajouté que,
face à
une telle situation, l'exécutif et les dirigeants de
l'entreprise ont
accepté une prise de contrôle « amicale »
par Rayonier Advanced
Materials, basé en Floride. La prise de contrôle comprend
l'achat ou
l'échange de toutes les actions, se montant à 320
millions $, qui représentent le capital-actions des
propriétaires et la
prise en main de la dette d'une valeur de 487 millions $. [Note :
Tous
les
chiffres
sont en devises américaines.]
Le prix des actions de Tembec qui a été
convenu dans
cette prise de
contrôle représente une prime de 37 % du prix
des actions négociées avant l'annonce publique de la
vente. Tous ceux
qui détiennent des actions de Tembec recevront le prix le plus
élevé en
espèces ou en actions de Rayonier. Fairfax Financial, un
oligopole dont
le siège est à Toronto, est le principal
propriétaire institutionnel
des actions de Tembec dont il en détient 20 %. Fait
intéressant, Fairfax détient également des actions
de Rayonier, dont le
cours de l'action a bondi de 12 % lors de l'annonce de
l'acquisition de
Tembec. Les dirigeants de Fairfax Financial ont rapidement
annoncé
qu'ils appuient entièrement la concentration de la
propriété et du
contrôle de Tembec au sein de Rayonier.
Avec la prise de contrôle de Tembec, les revenus
bruts annuels de
Rayonier atteindront 2 milliards $, soit le double de ce
qu'ils sont
présentement. Comme c'est le cas des actions de Tembec dont
elles sont
propriétaires, les institutions de l'oligarchie
financière détiennent
plus de 90 % des actions de Rayonier évaluées
en
bourse à environ 650 millions $. Les dettes actuelles
de l'entreprise
se chiffrent à plus de 800 millions $. Rayonier a deux
usines dans le
sud des États-Unis comprenant 1 200 travailleurs qui
produisent une
variété de produits chimiques.
Comme on pense que Produits forestiers Résolu,
une entreprise
beaucoup plus grosse basée au Québec, pourrait être
la prochaine cible
d'acquisition sur la liste des prises de contrôle
forestières de
l'oligarchie, il semble selon les rapports qu'après l'annonce de
la
prise de contrôle de Tembec par Rayonier, les spéculateurs
se soient
immédiatement précipités pour acheter en bourse
des actions de Résolu,
ce qui a fait grimper le prix de ses actions de près
de 7 %. Fairfax
Financial est également le plus important détenteur
d'actions de
Produits forestiers Resolu dont il en contrôle plus
de 34 % sur le
marché des actions.
Le Globe and Mail fait remarquer que la prise
de contrôle
de Tembec dans le secteur forestier canadien laisse « aux
investisseurs
canadiens peu d'entreprises cotées en bourse, au-delà des
compagnies
géantes comme West Fraser Timber et Canfor Corp ». La
consolidation de
la propriété et du contrôle de Tembec au sein de
Rayonier et la relocalisation de son siège social vers le sud
des
États-Unis met fin à la saga d'édification
nationale des travailleurs
forestiers du XIXe et XXe siècles au Témiscaming et dans
de nombreuses
autres villes forestières du Québec et de l'Ontario
où les usines et
les installations originales de Tembec ont été
construites grâce au
labeur et
aux sacrifices des travailleurs. Le contrôle et la voix au
chapitre sur
la direction du secteur forestier ont échappé de plus en
plus aux
producteurs véritables et aux autres personnes de leurs
communautés, en
même temps que l'espoir de réinvestir dans
l'économie locale la valeur
ajoutée produite par les travailleurs.
L'édification d'empire mondiale des oligarques
prive la classe
ouvrière québécoise et canadienne de sa
capacité à mettre de l'avant
son propre projet d'édification nationale afin d'investir le
peuple de
la souveraineté et d'utiliser la valeur qu'elle produit pour
garantir
ses moyens de subsistance, ses droits et son bien-être de
même que les
intérêts
généraux de la société canadienne. Comment
priver les oligarques de la
Forteresse Amérique du Nord du pouvoir de priver la classe
ouvrière de
sa capacité à mettre de l'avant un projet moderne
d'édification nationale est un
problème que les travailleurs prennent en main pour le
résoudre.
Joignez-vous à ce travail !
NUMÉROS
PRÉCÉDENTS | ACCUEIL
Site web: www.pccml.ca
Email: forumouvrier@cpcml.ca
|