Numéro 11 - 28 février 2020
Les relations du Canada avec la CARICOM
Une définition intéressée de ce que veut
dire être un «partenaire essentiel»
- Tony Seed -
À la 31e réunion intersessionnelle de la
Conférence des chefs de gouvernement de la
Communauté caribéenne tenue à Bridgetown, Barbade,
les 18 et 19 février 2020 (CARICOM)
La réunion du Groupe de Lima organisée par le
Canada la semaine dernière suivait immédiatement
la réunion du ministre des Affaires étrangères
François-Philippe Champagne avec les dirigeants de
la Communauté des Caraïbes (CARICOM) à Bridgetown,
Barbade, le 18 février. Le ministre Champagne
a été envoyé comme remplaçant du premier ministre
Justin Trudeau.
Le regroupement de 15 pays[1] a été un bloc
efficace pour contrer les tentatives des
États-Unis et de leurs alliés d'utiliser la très
discréditée Organisation des États américains
(OÉA) comme arme politique contre le Venezuela. Il
les a privés du nombre de voix nécessaires pour
prendre des mesures contre le Venezuela au nom de
l'OÉA. Cela a conduit les États-Unis et le Canada
à créer en dehors de l'OÉA le regroupement
illégitime appelé Groupe de Lima pour faire
avancer leur projet criminel de changement de
régime.
En mars 2019, le périodique en ligne Misión
Verdad a dévoilé la manoeuvre maladroite du
gouvernement canadien qui avait envoyé un
représentant de niveau inférieur à une réunion de
l'Organisation des États des Caraïbes orientales
(OÉCO), tenue sur l'île de la Guadeloupe en
janvier 2019. L'objectif était de faciliter
un lien direct entre l'équipe de l'imposteur
vénézuélien Juan Guaido et les premiers ministres
dont les gouvernements constituent la CARICOM. Les
dirigeants ont rejeté la manoeuvre.
Premièrement, l'envoyé ne possédait pas le niveau
diplomatique nécessaire pour assister à une telle
réunion.
Deuxièmement, l'envoi d'un fonctionnaire de
niveau inférieur à une réunion ministérielle
montrait le mépris pour les Caraïbes.
Troisièmement, la CARICOM défend le dialogue et
la paix, pas l'agression.[2]
C'était la raison pour laquelle c'est le premier
ministre canadien qui devait initialement se
rendre à la Barbade, voyage qui devait être la
dernière escale de sa récente tournée africaine.
Trudeau n'a pas eu de mal à passer des vacances
dans des complexes hôteliers luxueux des Caraïbes
mais il n'a jamais officiellement visité la région
depuis son élection en 2015. Sa visite a été
annulée en raison de la crise au Canada due à la
résistance des défenseurs de la terre wet'suwet'en
dont le refus de permettre au Canada de bafouer la
Loi wet'suwet'en sur le territoire wet'suwet'en et
de permettre la construction d'un gazoduc sur
leurs terres sans leur consentement gagnent un
soutien national et international.
Un document confidentiel d'Affaires mondiales
Canada déposé à la réunion de 2019 en
Guadeloupe contenait également la proposition du
gouvernement Trudeau, qui a toujours agi en tant
que représentant de l'opposition vénézuélienne,
d'établir une organisation parallèle à
Petrocaribe, un partenariat énergétique
Venezuela-CARICOM, appelé « Accord de coopération
et de stabilité énergétique ».[3]
Les dirigeants des Caraïbes présents à cette
réunion ont rappelé à l'envoyé canadien leur
soutien total au dialogue entre les parties au
Venezuela. Ils ont rappelé au Canada que
Petro-Caribe est saboté par les sanctions
américaines et les pressions régionales contre le
Venezuela, soutenues à la fois par le gouvernement
Trudeau et par l'opposition vénézuélienne financée
et organisée par les États-Unis et dirigée par
Guaido.
À la conclusion de la récente réunion de la
Barbade, les dirigeants des Caraïbes ont rejeté le
blocus américain de la république insulaire
socialiste de Cuba. Ils ont réitéré leur
préoccupation face aux sanctions annoncées par
l'administration américaine en vertu du titre III
de la Loi Helms-Burton, qui intensifie le
blocus économique, commercial et financier contre
Cuba. Ils ont qualifié les sanctions de mesures
extraterritoriales contraires au droit
international.
Pour sa part, le Canada a tenté de cacher ses
manoeuvres contre le Venezuela, tout en soulignant
ouvertement ses prétendues motivations
humanitaires. Un communiqué de presse d'Affaires
mondiales Canada déclare :
« Ensemble, le ministre Champagne et les
dirigeants de la CARICOM ont convenu de lancer un
dialogue annuel entre le Canada et la CARICOM afin
de discuter de priorités en matière de politique,
de commerce, de développement et de sécurité
propres aux quelque 20 millions de personnes
qui habitent les îles des Caraïbes.
À Bridgetown, le ministre Champagne a mis en
relief la nouvelle contribution financière du
Canada visant à soutenir les efforts déployés par
la CARICOM pour contrer les effets dévastateurs
des changements climatiques, notamment en ce qui a
trait aux préparatifs et aux interventions
d'urgence, à l'agriculture adaptée au climat et à
l'économie bleue. Il a également proposé d'élargir
la portée de l'aide offerte par des experts
techniques canadiens dans les domaines
prioritaires des pays de la CARICOM.
Lors des discussions bilatérales et de groupe
tenues dans le cadre de la réunion
intersessionnelle de la CARICOM, le ministre
Champagne a aussi souligné que le Canada est un
partenaire essentiel pour la promotion d'intérêts
régionaux et mondiaux communs, alors qu'il
poursuit sa campagne pour siéger au Conseil de
sécurité des Nations unies en 2021-2022. »
Et c'est ça qui est ça, dit le partenaire
essentiel. Le chéquier est sorti - mais ni le
montant du financement ni les résultats honteux de
la prétendue protection du Canada contre les
effets dévastateurs du climat en Haïti, surtout
depuis le tremblement de terre il y a dix ans, ne
sont précisés.
Les « priorités en matière de sécurité » et
les « interventions d'urgence »
La façon dont le Canada définit les « priorités
en matière de sécurité » et les «
interventions d'urgence » est un sujet de
grave préoccupation. Premièrement, au lieu de
fournir une assistance internationaliste sur la
base de l'égalité et du respect et de l'avantage
réciproque pour la nation bénéficiaire, le
gouvernement Trudeau pense que les petits pays qui
souffrent de la crise mondiale du système
impérialiste et qui cherchent une voie vers
l'avant peuvent être simplement corrompus. Non
seulement est-ce une expression de mépris pour les
souffrances et difficultés qui leur sont imposées
par les pays mêmes qui offrent le pot-de-vin, mais
c'est aussi un déni de la corruption que cette
pratique encourage. Le point de vue du Canada sur
les Antilles est inacceptable. Il utilise un
langage et des techniques qui soutiennent les
intérêts américains, s'abaissant au point où, au
lieu de prendre une position indépendante comme le
fait la CARICOM, le Canada imagine que la région
fait partie de son « arrière-cour mondiale ».
Chrystia Freeland, lorsqu'elle était ministre des
Affaires étrangères du gouvernement Trudeau, a
fait cette déclaration tristement célèbre :
« La crise au Venezuela se déroule dans
l'arrière-cour du Canada. C'est notre voisinage.
Pour les Canadiens, nous avons un intérêt direct
sur ce qui se passe dans notre hémisphère. »
Deuxièmement, le Canada lie cette corruption à la
création d'un mécanisme institutionnel bilatéral
pour « discuter » des « priorités en matière
de sécurité » qui sont d'abord et avant tout
posées par les États-Unis et l'oligarchie
financière qui luttent pour l'hégémonie mondiale,
y compris sur les marchés, les ressources, etc.
Dans ce contexte, les « priorités en matière de
sécurité » et les « interventions
d'urgence » sont des mots codes pour
l'intégration, la formation et l'intervention
militaires.
La réalité objective du peuple haïtien illustre
la fraude lamentable des « interventions
d'urgence » et de « l'aide
humanitaire ». Yves Engler notait récemment
que « le Canada a décaissé 657 millions de
dollars 'pour Haïti' entre le moment du
séisme et septembre 2012, mais seulement
environ 2 % de cette somme est allé au
gouvernement haïtien. »
Parallèlement, 33 % de l'aide américaine
est allée à l'armée américaine qui occupe Haïti.
Tous les pays qui ont occupé militairement Haïti
dans le cadre de la MINUSTAH font aujourd'hui
partiè du tristement célèbre Groupe de Lima.
Rappelons que le Canada a envoyé des armes à
Trinidad en 1970 pour écraser une révolte
populaire et des troupes et des forces de la GRC
pour renverser le gouvernement de la République
dominicaine en 1965, le gouvernement de la
Grenade en 1983 et le gouvernement haïtien
en 2004. Chaque année, le Canada déploie des
navires de guerre pour participer à des exercices
militaires d'intimidation US Southcom (ex.
Panamax, Tradewinds, Op Caribbe), de concert avec
les autres membres du bloc de l'OTAN que sont la
France, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne,
exercices qui visent le Venezuela et ses alliés.
Les Forces canadiennes sont pleinement intégrées
au Northern Command et au Southern Command des
États-Unis et aux mécanismes de guerre
impérialiste américaine.
Il est à noter que depuis juin 2012, le
Canada exploite un centre militaire à Kingston, en
Jamaïque - essentiellement l'accès aux
installations d'un port, d'un aéroport et d'une
base militaire justifié à l'époque comme
fournissant une réponse d'urgence plus rapide en
cas d'ouragan. Pourtant, jamais les Forces
canadiennes au cours de l'ouragan Irma
de 2017 ne se sont servi de cette base pour
fournir une assistance aux Bahamas et à la
Martinique, possessions de pays membres de l'OTAN,
la Grande-Bretagne et de la France respectivement.
En outre, « l'agriculture adaptée au climat et à
l'économie bleue » est un code pour la
pénétration économique néolibérale sous couvert de
« contrer les effets dévastateurs des changements
climatiques ».
« Le banquier des Caraïbes »
L'oligarchie financière, par le biais du sommet
des grandes banques, s'est enrichie
considérablement depuis les années 1800 en
pillant les Caraïbes dans le cadre du système
colonial britannique et grâce à des banques telles
Barings, un bastion du capital financier
britannique et d'agents financiers du Canada à
Londres, et la Banque coloniale des Antilles. La
richesse de la Banque de la Nouvelle-Écosse et de
la Banque Royale – les deux ayant été fondées à
Halifax, en Nouvelle-Écosse – a d'abord été
générée par l'important commerce mercantile dans
les pêcheries de l'Atlantique pour approvisionner
en protéines les plantations basées sur
l'esclavage, et dans le commerce du sucre et les
aventures militaires. Jamais n'ont-elles investi
un seul sou dans le développement des immenses
forces productives humaines des nations des îles,
sauf ce qui était nécessaire aux besoins du
démarrage d'entreprises. Tous les profits ont été
rapatriés par le capital anglo-canadien. La plus
grande part des profits de Barings, qui s'est
enrichie à partir de l'esclavage et de la Loi
sur l'abolition de l'esclavage de 1833,
a été exportée à nouveau pour le financement de
l'expansion ferroviaire de l'État colonial
canadien.[4]
Aujourd'hui, les banques canadiennes contrôlent
plus de 60 % du secteur bancaire des
Caraïbes au détriment du développement économique
de ces îles, ce qui veut dire qu'elles contrôlent
plus de 60 % des transactions de la
région. Néanmoins, au cours de la dernière année,
la Banque de la Nouvelle-Écosse et la Banque
Royale cherchent à mettre en place de nouveaux
arrangements néocoloniaux afin de minimiser leurs
risques. Tout ce que cette oligarchie ne peut
contrôler, elle cherche à le détruire, notamment
les forces productives humaines et tout ce qui
représente pour eux un obstacle. La Banque de la
Nouvelle-Écosse, par exemple, détient plus
de 1 billion de dollars US en avoirs et a
annoncé un profit de 1,98 milliard de dollars
canadiens l'année dernière. Cette banque portait
jadis le nom de « Banquier des Caraïbes » et
opère actuellement 370 succursales
dans 23 pays de la région. Pour maximiser son
taux de profit, elle cherche maintenant à
transférer 20 milliards de dollars d'avoirs
qu'elle détient dans la région vers un nouveau
partenariat financier dont le siège social est à
Trinidad.
Les dirigeants des Caraïbes dénoncent ces
manigances menées dans leur dos sans même un
semblant de consultations avec les pays des
Caraïbes et les banques locales. C'est une source
de grande préoccupation. Sir Ronald Sanders,
l'ambassadeur d'Antigua-et-Barbuda aux États-Unis
et à l'Organisation des États américains,
demande : « Est-ce qu'il s'agit d'une autre
manifestation du comportement méprisant persistant
auquel sont confrontés les petits pays dans
l'arène internationale, la doctrine de 'la
loi du plus fort' ?[5]
Un vieux programme remis au goût du jour
Le programme de « sécurité » de Trudeau est
un vieux programme de l'ancien gouvernement de
Trudeau père auquel est ajouté un volet
environnemental.
Au début des années 1980, dans le cadre de
l'Initiative du Bassin des Caraïbes de
l'administration Reagan, le gouvernement canadien
a fait de la formation de « cadres » une
priorité – il s'agissait surtout de jeunes,
recrutés au Trinidad et Tobago, en Jamaïque et
dans les Bermudes, entre autres îles des Antilles
britanniques – dans le cadre de son programme d'«
assistance et coopération militaire » dans
cette région. En 1980, le cabinet fédéral a
approuvé un programme paramilitaire destiné à «
assister » les pays des Caraïbes en formant
des unités de police marine et de gardes côtières.
Ces recrues étaient formées pour diriger les
forces de police marines, établies et élargies le
long des zones côtières de ces pays, ainsi que
pour le contrôle douanier et les patrouilles de
gardes côtières. Le chef de la Garde côtière
canadienne était le contre-amiral Andrew Collier,
l'ancien chef du Commandement maritime.[6]
En 1983, le premier ministre Pierre Elliott
Trudeau, s'adressant dans l'île de Ste-Lucie aux
dirigeants de 16 pays des Caraïbes membres du
Commonwealth, a souligné, entre autres, que ce
programme serait renouvelé et élargi. Les jeunes
recrues de Trinidad et Tobago, après avoir été
formées dans une école secondaire de Toronto,
étaient ensuite formées au Collège militaire royal
de Kingston, en Ontario. Là, en plus d'apprendre
des compétences militaires, les jeunes ont appris
les méthodes utilisées pour le contrôle des
manifestations, dont la formations aux méthodes de
« commando », à la fois spécialisées et
inhumaines. Ayant complété leur formation au
Canada, ces jeunes retournaient dans les nations
des îles comme agents, des officiers de haut
niveau dans les forces armées des nations des
îles.[7]
À cette époque, le Quotidien du Canada
populaire publié par le Parti communiste du
Canada (marxiste-léniniste) soulignait : « L'
'aide' économique et militaire canadienne est tout
sauf 'sans conditions' puisqu'elle est de la
même nature et a les mêmes objectifs que ceux de
l'impérialisme américain lui-même. C'est afin de
se prêter à ces activités répréhensibles que le
gouvernement canadien et ses forces armées
intensifient leurs activités en Amérique centrale
et dans les Caraïbes ». Voilà les activités
auxquelles elles se livrent à nouveau, mais cette
fois avec le Groupe de Lima et d'autres fronts en
tant que prétendu « partenaire
indispensable ».
Notes
1. La Communauté des Caraïbes (CARICOM) est un
regroupement de 20 pays : 15 États membres et cinq
membres associés, qui représentent une région qui
abrite environ 16 millions de citoyens. Elle a été
créée le 4 juillet 1973, avec la signature du
traité de Chaguaramas, qui a transformé
l'Association de libre-échange des Caraïbes en un
marché commun. Elle comprend les pays considérés
comme « en développement », et tous les membres et
membres associés sont des États insulaires, à
l'exception du Belize en Amérique centrale et de
la Guyane et du Surinam en Amérique du Sud.
L'organisation affirme qu'elle est issue de 15 ans
d'efforts pour promouvoir l'intégration régionale
et qu'elle a été constituée avec les objectifs
fondamentaux d'élever le niveau de vie et les
conditions de travail dans les pays de la région ;
réduire le chômage ; accélérer, coordonner et
soutenir le développement économique ; et
promouvoir les relations commerciales et
économiques avec les pays tiers et les blocs de
nations.
Les principaux organes directeurs de la CARICOM
sont sa Conférence et son Conseil. La Conférence
est la plus haute autorité de l'organisation
régionale et comprend les chefs d'État et de
gouvernement des pays membres. Elle est chargée
d'établir la politique et d'autoriser la signature
de traités au sein de la Communauté des Caraïbes
et avec d'autres organisations d'intégration. Le
Conseil, pour sa part, est composé de ministres
des affaires étrangères et est responsable de la
mise en oeuvre des plans stratégiques, de la
coordination de l'intégration des différents
secteurs et de la promotion de la coopération
entre les membres.
La CARICOM souligne qu'il s'agit du plus ancien
mouvement d'intégration régionale du monde et,
bien que souvent méconnu, ses réalisations ont été
nombreuses, en particulier dans la coopération
concrète dans les domaines de l'éducation, de la
santé, de la culture et de la sécurité.
2. « CARICOM rejette la proposition du Canada de
saper Petrocaribe », Le Marxiste-Léniniste,
23 mars 2019.
3. Petro-Caribe est une alliance pétrolière qui
implique des États membres des Caraïbes.
L'alliance a été fondée le 29 juin 2005 à Puerto
La Cruz, au Venezuela. Le Venezuela a offert aux
autres États membres des approvisionnements en
pétrole à prix réduits sur la base d'un accord
financier offrant des concessions. Petro-Caribe,
que les impérialistes américains et le Canada
cherchent à détruire, fait partie de la tendance
en Amérique latine et dans les Caraïbes, qui vise
à réaliser un développement post-néolibéral dans
la région.
4. Baring, dont les origines remontent à 1720, a
été fondée en 1810 grâce aux investissements
qu'elle a reçus de la traite des êtres humains
dans la traite des esclaves transatlantique qui
lui a rapporté d'énormes profits. Baring possédait
de nombreuses plantations de canne à sucre à
Saint-Kitts et en Guyane britannique, et a reçu en
1839 quelque 10 millions de livres sterling sur
les 20 millions de livres sterling en «
dédommagements » de l'État britannique pour
l'émancipation de leur « propriété » - dans
l'ensemble, 655 780 êtres humains d'ascendance
africaine qui avaient été asservis, brutalisés et
exploités. Cela représente 76 milliards de livres
sterling (117 milliards de dollars US) à la valeur
actuelle. Aucun argent n'est allé aux Africains
réduits à l'esclavage, qui devaient encore faire
un travail non rémunéré pour leurs propriétaires
dans le cadre d'un « programme d'apprentis » sous
forme de servitude sous contrat qui a duré encore
quatre ans.
Barings est également à l'origine de l'union
forcée des deux Canadas en 1841. R.T. Naylor a
remarqué que les frères Baring étaient les vrais
Pères de la Confédération. Avec George Carr Glyn,
un gros investisseur dans les colonies, la banque
a agi en tant qu'agent financier exclusif pour la
Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le
Haut-Canada.[8] Au cours du
dernier quart du XIXe siècle, les frères Baring
finançaient un quart de la construction de tous
les chemins de fer américains, ainsi que les
chemins de fer Intercolonial, Grand Trunk et
Canadien Pacifique au Canada. Une ville
ferroviaire de la Colombie-Britannique a été
rebaptisée Revelstoke en l'honneur du principal
partenaire de la banque.
Les avantages de l'argent provenant du système des
esclaves existent toujours au Canada aujourd'hui.
Par exemple, en plus d'être le fondement de
banques canadiennes, cet argent constitue
également une base de richesse pour de nombreuses
familles canadiennes de premier plan, dont le «
père de la Confédération », Sir John A. Macdonald,
qui avait un lien familial direct avec
l'esclavage. Son beau-père, Thomas James Bernard,
possédait une plantation de canne à sucre en
Jamaïque et 96 esclaves africains. Il a reçu du
gouvernement 1 723 livres sterling en «
dédommagement », une somme considérable compte
tenu du salaire annuel d'un travailleur qualifié
en Grande-Bretagne qui était à l'époque d'environ
60 livres sterling. Macdonald a épousé en 1867
Agnes, la fille de Bernard. Macdonald a dû
démissionner en 1873 lorsque le scandale du
Canadien Pacifique a révélé qu'il recevait des
dons pour sa campagne du propriétaire du Canadien
Pacifique. D'autres familles basées à Halifax
incluent la famille Stairs (qui a fourni six
générations d'administrateurs de la Banque Royale
et le premier chef de cabinet de Harper) et la
famille Ritchie (avocats d'entreprise et
ambassadeur de Mulroney à Washington). La rue
principale d'Halifax, Spring Garden Road, porte le
nom d'une plantation de canne à sucre en Guyane
britannique qui appartenait à Francis Baring,
associé de la société entre 1823 et 1864, qui a
réclamé en vain un « dédommagement » de 3 421
livres sterling.
Plus tôt, dans les années 1820 et 1830, les
propriétaires d'esclaves basés à Londres ont joué
un rôle important dans le peuplement,
l'exploitation et l'expansion du Canada. La
Compagnie de la Baie d'Hudson, la Canadian Land
Company et la British American Land Company
comptaient toutes des propriétaires britanniques
d'esclaves au sein de leur conseil
d'administration.
5. Pour en savoir plus, se référer à Sir Ronald
Sanders, « Withdrawal
of Canadian banks : opportunity to remedy not
repeat mistakes » éditions du 12 décembre
2019 et « Scotiabank
: Is might, right ? » du 29 août 2019
À propos des manoeuvres de la Banque de
Nouvelle-Écosse, Sanders écrit :
« La décision de la Banque Scotia de ne pas
discuter de la vente de ses avoirs dans neuf
territoires des Caraïbes avec les gouvernements
concernés, avant de conclure une entente, était
extraordinaire, d'autant plus qu'au Canada, aucune
banque ou succursale bancaire ne peut exercer ses
activités sans obtenir l'approbation du ministre
des Finances et du Bureau du surintendant des
institutions financières. La banque semble croire
qu'elle pourrait contrevenir dans les Caraïbes à
ce qu'elle serait obligée de faire au Canada.
« En plus d'ignorer les lois d'Antigua-et-Barbuda
et d'ailleurs, pour obtenir d'abord l'accord des
gouvernements pour une vente afin d'obtenir une
'ordonnance de transfert de propriété', la
décision de la Banque Scotia a démontré un manque
de bon jugement de la part d'une entreprise. Ce
n'aurait pas été difficile d'engager les
gouvernements sur les projets de vente avant de
conclure un accord de vente avec RFH, à moins
qu'elle ne présume que son influence entraverait
l'acceptation de la vente.
« Un comportement tout aussi dédaigneux de la
Banque Scotia a été la manière dont elle a informé
les neuf juridictions des Caraïbes qu'elle avait
réglé l'accord de vente. Cette information a fait
l'objet d'une annonce publique, diffusée dans les
médias le 27 novembre 2018. Les gouvernements des
neuf juridictions et leurs banques centrales, les
organismes de réglementation des banques, ont été
informées de l'accord de vente en même temps que
le grand public.
« Pourquoi une institution financière canadienne
qui est présente et qui fait circuler l'argent
dans les Caraïbes depuis 1889 et qui a déclaré il
y a un an des profits de 1,98 milliard de dollars,
traiterait-elle la région des Caraïbes avec tant
de dénigrement ? Est-ce une autre démonstration du
comportement méprisant persistant auxquels sont
confrontés les petits pays sur la scène
internationale, la doctrine de la 'loi du
plus fort' ? »
6. En février 1998, Shunpiking Magazine a
découvert la présence au sein du personnel du
Collège de la Garde côtière du Cap-Breton
(Nouvelle-Écosse) d'un ancien collaborateur nazi
de Lettonie, sur la base d'informations fournies
par des cadets jamaïcains outragés qui ont signalé
des abus racistes au détachement de la GRC à
Sydney. Le jeune officier de la GRC qui a déposé
le rapport a été sommairement muté à un autre
détachement que celui de Sydney.
7. « Opposons-nous vigoureusement au rôle de la
bourgeoisie canadienne en Amérique centrale et
dans les Caraïbes » par Tony Seed, Quotidien
du Canada populaire, Volume 13, numéro 178,
le 26 août 1983.
8. Stewart, Andrew, British Businessmen and
Canadian Confederation : Constitution Making in
an Era of Anglo Globalization, 2008, McGill
University Press.
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
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