Ne touchez pas à la nation Mi'kmaq!
- Philip Fernandez -
Depuis plus d'un mois, les pêcheurs Mi'kmaq de
la Première Nation Sipekne'katik de Saulnierville,
en Nouvelle-Écosse, font face à de la violence
brutale, à des incendies criminels et à la
destruction de biens pour avoir osé affirmer leurs
droits ancestraux et issus de traités. Les
représentants du gouvernement, de Justin Trudeau
au ministre des Services aux Autochtones Marc
Miller, en passant par le ministre de la Sécurité
publique Bill Blair et la ministre des
Pêches, des Océans et de la Garde côtière
Bernadette Jordan et d'autres : tous blâment tout
le monde sauf eux-mêmes. Ils « condamnent »
la violence, se tiennent à l'écart pendant qu'elle
se produit et se plaignent des Canadiens qu'ils
disent « racistes » alors qu'en fait c'est
l'État canadien qui est responsable et doit rendre
des comptes !
Les Sipekne'katik
ont affirmé leurs droits ancestraux et issus de
traités en lançant le 17 septembre une entreprise
de pêche au homard autoréglementée et durable.
Onze pêcheurs autochtones ont obtenu des permis de
la Première Nation. Le jour de l'ouverture de leur
entreprise, la ministre fédérale des Pêches,
Bernadette Jordan, a déclaré les Mi'kmaq des
hors-la-loi.
La ministre a bien sûr reconnu la décision
Marshall de la Cour suprême, selon laquelle « les
Premières Nations ont un droit de traité affirmé
de chasser, pêcher et cueillir dans la poursuite
d'un ‘moyen de subsistance convenable'. »
Mais elle n'a pas dit si le Canada se conformerait
à la décision de la Cour. Elle a plutôt appelé les
Mi'kmaq « à trouver une voie de collaboration pour
retourner à la table des négociations ».
En attendant, elle a dit : « il ne peut y
avoir de pêche commerciale en dehors de la saison
commerciale. (...) La pêche sans permis est une
violation de la Loi sur les pêches et
quiconque pêche en dehors des activités autorisées
en vertu d'un permis peut faire l'objet de mesures
coercitives. »
En d'autres termes, la pêche au homard de la
Première Nation de Sipekne'katik est illégale
parce que l'État colonial raciste ne l'a pas
autorisée. L'État fait des Mi'kmaq des
hors-la-loi, une proie pour la violence contre
eux.
C'est le modus operandi de l'État
canadien : violer les droits ancestraux et
issus de traités et lorsque les peuples
autochtones affirment leurs droits, ils sont
confrontés à la violence. Ne serait-ce que depuis
1990, la police et l'armée ont attaqué les Mohawk
de Kahnesetà :ke à Oka en 1990 ;
les Shuswap à Gustafsen Lake en 1995, les
Ojibway de Stoney Point en Ontario en 1995 en
Ontario et plus tôt cette année les Wet'suwet'en
lorsqu'ils ont affirmé leur souveraineté et se
sont opposés à la construction du gazoduc Coastal
GasLink sur leur territoire.
Des agents de Pêches et Océans foncent
sur un bateau de pêcheurs Mi'kmaq à Burnt
Church, Nouveau-Brunswick, en 1999.
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Les Mi'kmaq connaissent bien la violence et le
racisme organisés par cet État. À la suite de
l'arrêt Marshall en 1999, les pêcheurs
Mi'kmaq de la Première Nation Esgenoopetitj (Burnt
Church) au Nouveau-Brunswick ont fait face à trois
ans de menaces, de violence et d'arrestations pour
avoir affirmé leurs droits de pêche ancestraux et
issus de traités. À ce moment-là, les Canadiens
étaient scandalisés de voir des séquences vidéo
d'agents de la GRC et du ministère des Pêches et
Océans qui fonçaient sur les bateaux de pêcheurs
Mi'kmaq et mettaient leur vie en danger pour «
faire respecter la loi ».
Il y a un mois, face aux attaques, l'Assemblée
des chefs Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse a déclaré
l'état d'urgence. Le gouvernement Trudeau n'a pas
agi pour mettre fin à la violence. Les agents de
la GRC sont restés là, ont observé et filmé.
Étaient-ils prêts à intervenir si la résistance
des Mi'kmaq « devenait violente » ? Il
semble bien que ce soit le cas. Le contraste avec
l'intervention de la GRC en territoire des
Wet'suwet'en n'a pas échappé à l'attention des
Canadiens.
Les Mi'kmaq ne sont pas intimidés. Le chef Mike
Sack de la Première Nation Sipekne'katik et les
pêcheurs de cette communauté déclarent qu'ils
continueront de faire valoir leurs droits. Ils
disent que le Canada doit non seulement
reconnaître leurs droits, mais les défendre. La
résistance de la Première Nation Sipekne'katik a
inspiré d'autres, comme la Première Nation
Membertou du Cap-Breton, à faire de même.
L'affirmation de leurs droits par les peuples
autochtones jouit d'un large soutien des peuples
du Canada et du Québec.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 65 - 24 octobre 2020
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