Ne touchez pas à la nation Mi'kmaq!

Depuis plus d'un mois, les pêcheurs Mi'kmaq de la Première Nation Sipekne'katik de Saulnierville, en Nouvelle-Écosse, font face à de la violence brutale, à des incendies criminels et à la destruction de biens pour avoir osé affirmer leurs droits ancestraux et issus de traités. Les représentants du gouvernement, de Justin Trudeau au ministre des Services aux Autochtones Marc Miller, en passant par le ministre de la Sécurité publique Bill Blair et la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière Bernadette Jordan et d'autres : tous blâment tout le monde sauf eux-mêmes. Ils « condamnent » la violence, se tiennent à l'écart pendant qu'elle se produit et se plaignent des Canadiens qu'ils disent « racistes » alors qu'en fait c'est l'État canadien qui est responsable et doit rendre des comptes !

Les Sipekne'katik ont affirmé leurs droits ancestraux et issus de traités en lançant le 17 septembre une entreprise de pêche au homard autoréglementée et durable. Onze pêcheurs autochtones ont obtenu des permis de la Première Nation. Le jour de l'ouverture de leur entreprise, la ministre fédérale des Pêches, Bernadette Jordan, a déclaré les Mi'kmaq des hors-la-loi.

La ministre a bien sûr reconnu la décision Marshall de la Cour suprême, selon laquelle « les Premières Nations ont un droit de traité affirmé de chasser, pêcher et cueillir dans la poursuite d'un ‘moyen de subsistance convenable'. » Mais elle n'a pas dit si le Canada se conformerait à la décision de la Cour. Elle a plutôt appelé les Mi'kmaq « à trouver une voie de collaboration pour retourner à la table des négociations ».

En attendant, elle a dit : « il ne peut y avoir de pêche commerciale en dehors de la saison commerciale. (...) La pêche sans permis est une violation de la Loi sur les pêches et quiconque pêche en dehors des activités autorisées en vertu d'un permis peut faire l'objet de mesures coercitives. »

En d'autres termes, la pêche au homard de la Première Nation de Sipekne'katik est illégale parce que l'État colonial raciste ne l'a pas autorisée. L'État fait des Mi'kmaq des hors-la-loi, une proie pour la violence contre eux.

C'est le modus operandi de l'État canadien : violer les droits ancestraux et issus de traités et lorsque les peuples autochtones affirment leurs droits, ils sont confrontés à la violence. Ne serait-ce que depuis 1990, la police et l'armée ont attaqué les Mohawk de Kahnesetà :ke à Oka en 1990 ; les Shuswap à Gustafsen Lake en 1995, les Ojibway de Stoney Point en Ontario en 1995 en Ontario et plus tôt cette année les Wet'suwet'en lorsqu'ils ont affirmé leur souveraineté et se sont opposés à la construction du gazoduc Coastal GasLink sur leur territoire.

Des agents de Pêches et Océans foncent sur un bateau de pêcheurs Mi'kmaq à Burnt Church, Nouveau-Brunswick, en 1999.

Les Mi'kmaq connaissent bien la violence et le racisme organisés par cet État. À la suite de l'arrêt Marshall en 1999, les pêcheurs Mi'kmaq de la Première Nation Esgenoopetitj (Burnt Church) au Nouveau-Brunswick ont fait face à trois ans de menaces, de violence et d'arrestations pour avoir affirmé leurs droits de pêche ancestraux et issus de traités. À ce moment-là, les Canadiens étaient scandalisés de voir des séquences vidéo d'agents de la GRC et du ministère des Pêches et Océans qui fonçaient sur les bateaux de pêcheurs Mi'kmaq et mettaient leur vie en danger pour « faire respecter la loi ».

Il y a un mois, face aux attaques, l'Assemblée des chefs Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse a déclaré l'état d'urgence. Le gouvernement Trudeau n'a pas agi pour mettre fin à la violence. Les agents de la GRC sont restés là, ont observé et filmé. Étaient-ils prêts à intervenir si la résistance des Mi'kmaq « devenait violente » ? Il semble bien que ce soit le cas. Le contraste avec l'intervention de la GRC en territoire des Wet'suwet'en n'a pas échappé à l'attention des Canadiens.

Les Mi'kmaq ne sont pas intimidés. Le chef Mike Sack de la Première Nation Sipekne'katik et les pêcheurs de cette communauté déclarent qu'ils continueront de faire valoir leurs droits. Ils disent que le Canada doit non seulement reconnaître leurs droits, mais les défendre. La résistance de la Première Nation Sipekne'katik a inspiré d'autres, comme la Première Nation Membertou du Cap-Breton, à faire de même.

L'affirmation de leurs droits par les peuples autochtones jouit d'un large soutien des peuples du Canada et du Québec.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 65 - 24 octobre 2020

Lien de l'article:
Ne touchez pas à la nation Mi'kmaq! - Philip Fernandez


    

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