Colombie

Les Colombiens en action à la défense de leurs droits et contre la terreur d'État


Les jeunes dans les rues de Bogota pour manifester contre la terreur et l'impunité, le 11 septembre 2020

Le 7 septembre, après une pause de plusieurs mois et sous la menace encore très réelle de la pandémie – la Colombie étant le pays avec le sixième plus haut nombre de cas de COVID-19 dans le monde –, les membres de syndicats et d'autres mouvements sociaux ont circulé dans les rues de Bogota dans une caravane pour la vie. La caravane a été organisée pour s'opposer aux réformes antiouvrières des régimes de retraite et aux mesures brutales d'austérité du gouvernement Duque qui laissent à eux-mêmes des millions de personnes vulnérables sans ressources face aux conséquences de la pandémie et à la crise économique qui l'accompagne.

Les participants à la caravane ont aussi revendiqué que l'État agisse pour mettre fin aux massacres qui se produisent maintenant sur une base presque quotidienne de dirigeants sociaux et d'anciens membres de la guérilla qui sont impitoyablement abattus par des paramilitaires et parfois par des membres ou présumés membres connus des forces de sécurité du gouvernement, et que celui-ci commence à mettre en oeuvre les Accords de Paix plutôt que de les saboter. En date du 9 septembre, 218 personnes ont été tuées dans 55 massacres depuis le début de l'année. Le macabre bilan depuis la ratification de l'Accord de Paix entre les Forces armées révolutionnaires de la Colombie et l'État colombien en 2016 est que 240 anciens combattants non armés de la guérilla et 1 000 dirigeants sociaux ont été tués dans des assassinats ciblés.

La revendication que le gouvernement cesse les massacres a pris une tout autre allure deux jours après la caravane. Le matin du 9 septembre, Javier Ordonez, un ingénieur de 46 ans qui obtenait son diplôme en droit et chauffait un taxi pour subvenir aux besoins de sa famille, pour des raisons inconnues, a été attaqué au Taser à maintes reprises et retenu au sol par des policiers alors qu'il les suppléait « De grâce, arrêtez ! ». Tout a été pris en vidéo. M. Ordonez a ensuite été amené à un poste de police où il a été torturé à nouveau et battu à mort. Beaucoup ont comparé ce meurtre brutal à celui de George Floyd aux États-Unis. La réaction à cette mort a été semblable aussi. De nombreux jeunes en colère sont descendus dans la rue, exigeant que cesse la brutalité policière et que les assassins de Javier Ordonez soient traduits en justice. Des manifestations ont eu lieu à Bogota ainsi qu'à Medellin, Cali, Manizales, Armenia, Pereira et dans d'autres villes. Plusieurs autobus et postes de police connus comme étant des centres d'attention immédiate ont été incendiés à Bogota.

En moins de deux jours de manifestations, 13 personnes ont été tuées, la vaste majorité des adolescents ou des jeunes dans la vingtaine, abattus par balle par la police à Bogota et dans la municipalité voisine de Soacha. Plus de 200 personnes auraient été blessées, bien que certains disent que le nombre serait plutôt 400, plusieurs personnes ayant subi des blessures par balle. Plus de 100 personnes ont été détenues. Sur les plateformes des médias sociaux, les gens ont vite partagé des images de policiers tirant sur les manifestants, ainsi que de personnes non identifiées tirant aveuglément sur la foule. Par moments, on peut voir des hommes, certains portant un capuchon, tirant aux côtés des policiers et terrorisant le voisinage. Tandis que certains manifestants ont lancé des pierres aux policiers, ceux-ci en ont lancé pour briser les fenêtres des appartements des gens dans des quartiers ciblés.

À la lumière de ces récents événements, et en raison de la grave crise continue qui sévit au pays, il y a des appels à des mobilisations de masse. Tout indique qu'en dépit des conditions difficiles – la COVID-19 est loin d'être contrôlée, il y a une grave crise économique et une longue histoire de recours à la terreur de l'État pour noyer dans le sang les aspirations du peuple à la liberté, à la démocratie et à la paix – le peuple colombien répondra à l'appel. Les parents et les autres membres de la famille des personnes tuées et blessées, des personnalités et organisations politiques ont fait entendre leur voix pour dénoncer la police et exiger que les responsables dans les plus hautes instances soient tenus responsables. Les jeunes en particulier ont montré qu'ils ne sont pas d'humeur à se soumettre et continuent avec courage de manifester, sachant qu'ils le font au risque de leur vie.

Le 11 septembre, un grand groupe de jeunes a pris en charge et transformé l'espace autour d'un poste de police incendié dans un des quartiers en un espace d'art et de culture. Parmi les décombres du poste de police qui a été pour certains un centre de torture, les jeunes ont monté des spectacles et installé une « bibliothèque publique » remplie de livres. Ils disent l'avoir fait pour rendre hommage aux personnes qui ont perdu la vie au cours des deux jours précédents de terreur policière et pour montrer ce pour quoi se battent les jeunes, ceux que le président de la Colombie, son ministre de la Défense et d'autres qualifient de « vandales ».


Les jeunes transforment un poste de police incendié en lieu d'art et de culture.

(El Tiempo, teleSUR)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 57 - 12 septembre 2020

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Colombie: Les Colombiens en action à la défense de leurs droits et contre la terreur d'État


    

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