Le service postal est voué au service public et non aux profits commerciaux

Alors que les travailleurs héroïques du Service postal des États-Unis (USPS) bravent l'infection pour servir le pays dans le contexte d'une crise nationale sans précédent, il est urgent que les représentants du gouvernement fédéral à tous les niveaux saisissent bien la valeur du service postal, la cause de la situation financière actuelle et les solutions qui s'imposent, ainsi que les dangers qui menacent l'économie américaine et l'équilibre des régions rurales advenant l'insolvabilité de l'USPS.

Lors d'une conférence de presse tenue le 24 avril, le président Trump a été interrogé au sujet d'un article du Washington Post selon lequel le département du Trésor voulait prendre le contrôle de la négociation collective, fixer la politique de tarification et décider des nominations des cadres de direction, et qu'en contrepartie le service postal aurait accès à une ligne de crédit de 10 milliards de dollars en vertu de la Loi CARES. Lors du point de presse quotidien du 7 avril sur la pandémie, le président Trump a été interrogé au sujet de l'opposition de son administration à l'aide financière pour le service postal en vertu de la Loi CARES adoptée depuis peu, tel que rapporté par le représentant Gerry Connolly (démocrate-Virginie) à un réseau de télévision de Washington. Le membre du Congrès, Connolly, a sonné l'alarme. Le service postal pourrait manquer d'argent si nous n'agissons pas. La réponse du président mérite qu'on apporte certaines mises au point concernant l'état du service postal :

1) Personne ne blâme le président pour la crise actuelle qui menace le service postal. Cependant, la pandémie de la COVID-19 menace sa survie.

La fermeture de l'économie américaine pour combattre le virus de la COVID-19 a engendré une chute colossale des revenus postaux – tout comme nous l'avons vu dans les industries aériennes et de l'hôtellerie, lesquelles ont bénéficié d'une aide massive. L'USPS a besoin de cette même aide parce qu'il doit continuer de faire ses livraisons. Quotidiennement, il livre des dizaines de millions de médicaments sur ordonnance, de factures, de paiements, de journaux, de livraisons de cybercommerce, et bientôt, il sera appelé à livrer les chèques du programme de stimulation de l'économie, les tests à domicile pour dépister le virus et d'autres produits et informations liés à la pandémie.

2) Le président a souligné que le service postal perd de l'argent depuis de nombreuses années. C'est vrai, mais non pas en raison de la tarification des services de livraison de colis. La vraie raison est que le Congrès a imposé un mandat intenable au service postal en 2006, lui imposant un prépaiement pour plusieurs décennies à venir de primes d'assurance-maladie pour les employés des postes à la retraite. Ce mandat de constituer un fonds de prévoyance, qu'aucune autre entreprise au pays n'est obligée de respecter, coûte en moyenne 5,4 milliards de dollars annuellement depuis 2007, et représente près de 90 % des pertes de l'agence. Entre 2013 et 2018, cela a représenté 100 % des pertes. Sur une base opérationnelle, le service postal a été profitable pour une grande partie de la dernière décennie.

Le sénateur Ron Johnson, qui préside le comité sénatorial de la Sécurité intérieure et des Affaires gouvernementales, a dit de ce mandat de prépaiement qu'il est une erreur. En février, le Congrès a adopté le USPS Fairness Act (H.R. 2382) [Loi sur l'équité de l'USPS] par un vote majoritaire de 309-106, y compris 87 républicains qui ont voté en faveur de la Loi. Le président Trump devrait exhorter le Sénat à adopter le pendant du Fairness Act (S. 2965), un projet de loi bipartisan, déposé par le sénateur Steve Daines [ce qui n'a pas encore été fait] et le promulguer.

3) Le président s'est fait dire par des expéditeurs privés et d'autres que le service postal a sous-évalué le tarif de ses services de livraison de colis obtenus par cybercommerce d'Amazon et d'autres compagnies de l'Internet. C'est faux. En vertu de la loi, chacun des produits compétitifs du service postal doit rapporter des « profits » pour couvrir le coût du service universel. En 2019, le surplus de l'USPS provenant des services de livraison de colis était de 8,3 milliards de dollars, montant qui a été approuvé par sa vérificatrice, la Commission régulatrice des services postaux.

Le président reçoit des informations qui sont fausses, souvent de la part de compagnies d'expédition privées qui veulent en découdre sur le plan commercial avec le service postal, qui, lui, est tourné vers le service public et non vers les profits commerciaux.

Les services d'expédition du service postal sont abordables parce que celui-ci possède le meilleur et le plus efficace réseau de livraison rapide au pays, reliant 160 millions de ménages et d'entreprises chaque jour de la semaine. Le président a raison de dire que le service postal a établi des routes dans chaque racoin de l'Amérique, et parce qu'il livre du courrier, des circulaires, des journaux et des ordonnances à chaque porte à chaque jour, il peut livrer des colis à des coûts bien moindres. Ainsi, chaque Américain en bénéficie, mais aussi les compagnies privées (UPS, FedEx et Amazon), qui comptent sur le  pour que les colis se rendent à destination.

4) Le président a dit que le service postal devrait augmenter sa tarification de livraison de colis, suggérant même de quadrupler les taux. Bien que revoir les revenus à la hausse pourrait être bien intentionné, une telle politique engendrerait vraisemblablement une perte de volume concurrentiel et une hausse des prix pour l'Américain moyen. Un tel scénario serait néfaste pour tous les consommateurs américains et les millions de petites entreprises qui comptent sur le bureau de poste, en particulier ceux et celles qui vivent et font affaire dans les États ruraux et les quartiers urbains plus défavorisés qui ne sont pas bien servis par les compagnies privées d'expédition comme Amazon.

Non sans ironie, le fait de provoquer l'échec du service postal détournerait les affaires vers Amazon et d'autres compagnies privées à des prix plus élevés, alors qu'aucune d'entre elles ne peut rivaliser avec le réseau universel de livraison du service postal, du point de départ au point d'arrivée. Contrairement aux compagnies privées, le service postal livre à chaque maison et à chaque entreprise à des prix abordables.

Il est important de noter que la projection des pertes actuelle en termes de volume et de revenu du service postal n'a rien à voir avec les colis, mais plutôt avec le ralentissement des livraisons de lettres en raison du ralentissement marqué de l'économie. Aussi, le peuple américain, qui lui-même fait face à l'insécurité financière, a besoin d'une livraison de colis abordable, surtout en ce moment. Dans un contexte de pandémie, ce n'est vraiment pas le temps d'augmenter de façon importante le tarif des envois de colis.

La pandémie menace le service postal alors que son rayonnement abordable et universel est plus nécessaire que jamais. La semaine dernière, l'USPS a livré les directives du président Trump pour la distanciation sociale à tous les ménages américains. Tandis que le volume du courrier a chuté ces dernières semaines, la livraison de colis a augmenté en flèche alors que des millions d'Américains, restant bien à l'abri pour arrêter la propagation du virus mortel de la COVID-19, commandent en ligne. Le service postal doit aussi être là pour nous lorsque des tests de dépistage autoadministrés et des médicaments thérapeutiques seront développés pour combattre le virus.

Le service postal, qui au coeur de l'industrie du traitement de courrier de 1,6 billion de dollars et fait travailler 7 millions d'Américains, sera aussi indispensable pour la reprise économique. Il livrera des chèques visant à stimuler l'économie aux dizaines de millions de personnes qui n'ont pas de compte bancaire ou qui n'ont pas divulgué leur information bancaire au Service de revenu interne (IRS). Dès que la crise aura pris fin, le pays et les entreprises auront besoin du service postal pour rétablir l'économie. En effet, en temps normal, l'USPS livre 4 millions d'ordonnances aux ménages américains. Le tiers des factures des ménages sont encore payées par courrier, et des millions de petites entreprises et de marchands à domicile comptent sur le service postal pour la livraison de colis, de factures et de paiements.

Le service postal n'est pas une institution partisane. Il est actif aux quatre coins de ce pays et il engage des centaines de milliers de travailleurs – des démocrates, des républicains et des indépendants – qui se mettent au service du peuple américain dans son ensemble et de ses entreprises. Il est le plus grand employeur dans plusieurs États et profondément enraciné dans virtuellement chaque communauté américaine.

Le service postal est de loin l'agence fédérale la plus fiable et la plus aimée. Il a un taux d'approbation de 90 %, selon un récent sondage Pew Trust. Le Congrès et le président doivent agir pour préserver ce trésor national.

Bien que le service postal n'ait jamais eu besoin de subventions des contribuables depuis le début des années 1980, il en a besoin aujourd'hui. Le Congrès doit injecter immédiatement de l'argent et s'engager à couvrir les pertes du service postal au cours des prochaines années fiscales, s'appropriant le manque à gagner entre les revenus et les coûts jusqu'à ce que la crise s'essouffle. Pour la plus grande partie de son histoire (à partir de 1775, lorsque Benjamin Franklin a été le directeur général des Postes, jusque dans les années 1970), le service postal était financé par les contribuables et la tarification du courrier. Un retour provisoire à cette structure de double financement est crucial en ce moment. Ce serait tragique que cette pandémie réussisse à tuer une institution américaine si essentielle et d'une telle importance.

Ce serait une insulte pour les 600 employés des postes qui ont déjà contracté le virus en accomplissant leur devoir essentiel – et pour les 6 000 qui sont présentement en quarantaine ainsi que pour ceux qui ont perdu la vie au virus de la COVID-19. Nous exhortons le président Trump et le Congrès à travailler ensemble à des politiques du gros bon sens afin de veiller à ce que les activités du Service postal des États-Unis se poursuivent au cours de cette crise.

(25 avril 2020)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 57 - 12 septembre 2020

Lien de l'article:
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