Le plus récent plan économique du
premier ministre de l'Alberta
Transfert massif de fonds publics vers les investisseurs les plus riches
- Dougal MacDonald -
Manifestation devant le congrès du Parti
conservateur uni à Calgary le 30 novembre 2019
pour dénoncer les compressions néolibérales du
gouvernement Kenney dans les programmes sociaux
Le 29 juin, le premier ministre de
l'Alberta, Jason Kenney, a annoncé les éléments de
son dernier « plan de relance économique ».
Le plan est censé être basé sur les conclusions du
Conseil de relance économique du premier ministre,
composé de divers hommes de main d'entreprises, y
compris l'ancien premier ministre Stephen Harper.
Il n'y a rien de nouveau dans le plan ; c'est
la même vieille sottise néolibérale que le Parti
conservateur uni et des gouvernements similaires
partout dans le monde colportent depuis des
décennies. Essentiellement, il s'agit d'une
économie de « retombées », l'idée que
l'augmentation des profits des entreprises se
traduira d'une manière ou d'une autre par une plus
grande richesse qui finira par atteindre les
travailleurs ordinaires. Ce mensonge total a
depuis longtemps été exposé, mais les Kenney de ce
monde continuent de le promouvoir comme la
solution à nos maux économiques.
Assurément un plan
économique global est nécessaire en Alberta, mais
le dernier méli-mélo proposé par Kenney ne fera
tout simplement pas l'affaire. Il ne s'agit là que
d'un autre stratagème pour payer les riches qui
portera davantage préjudice à l'économie au lieu
de commencer à la reconstruire. Cela n'a rien à
voir avec une consultation auprès des résidents de
l'Alberta ou leur participation aux décisions
importantes, mais tout à voir avec l'augmentation
des profits des entreprises étrangères privées qui
contrôlent l'économie de l'Alberta et le
gouvernement Kenney. Le fait est que c'est le même
vieux plan, et on peut le voir par ses deux
composantes principales et usées à la corde : les
réductions d'impôt des entreprises et les dépenses
en infrastructure.
La partie du plan de Kenney consacrée aux
réductions d'impôt est une nouvelle réduction des
impôts des entreprises, cette fois de 10
à 8 %. Cela fait suite à la réduction
initiale de Kenney de 12 %
à 10 %. À noter que sous le conservateur
Ralph Klein, le taux était de 15,5 %,
soit presque le double de ce que Kenney a
maintenant établi ! De plus, Kenney semble
être la seule personne qui reste au monde à
toujours colporter le mythe selon lequel les
réductions d'impôt des entreprises attirent les
investissements et créent des emplois. En
revanche, le consensus général parmi les experts
financiers est que les réductions d'impôt des
entreprises rendent les entreprises plus riches en
augmentant l'énorme quantité de liquidités sur
laquelle elles s'assoient. De plus, ne vous y
trompez pas, les entreprises énergétiques ont
encore beaucoup de liquidités. Par exemple, la
société pétrolière l'Impériale rapporte qu'elle
avait un solde de trésorerie de 1,4 milliard
de dollars à la fin du premier trimestre
de 2020 et, selon ses propres termes, « de
fortes liquidités ».
L'expérience montre que les entreprises
utiliseront l'argent qu'elles épargnent grâce à la
réduction d'impôt, non pas pour créer des emplois,
mais principalement pour racheter leurs propres
actions, ce qui enrichira considérablement les
actionnaires, y compris la haute direction qui
détient souvent de grandes participations. Par
exemple, en janvier 2019, Murray Edwards, PDG
et fondateur du géant des sables bitumineux CNRL,
détenait près de 22 millions d'actions de
l'entreprise d'une valeur actuelle d'environ un
demi-milliard de dollars. L'enrichissement des
actionnaires est ce qui s'est produit aux
États-Unis après la réduction des impôts de Trump
en 2017. CNN a rapporté le 22
août 2019 que « La réduction de l'impôt sur
les sociétés de 2017 a laissé les entreprises
américaines inondées de liquidités. Les 500
plus riches entreprises selon Standard & Poors
ont réagi en récompensant en 2018 leurs
actionnaires avec des montants records de rachats,
chaque trimestre établissant un niveau
record. » Au lieu d'enrichir les
travailleurs, les réductions d'impôt sur les
sociétés ne feront qu'enrichir davantage les
propriétaires de capital.
Il est également bien connu que de nombreuses
entreprises paient déjà peu ou pas d'impôt de
toute façon grâce à des stratégies d'évasion
fiscale telles que le transfert de profits vers
des filiales étrangères, l'amortissement accéléré
et l'octroi d'options d'achat d'actions aux
employés. De plus, les entreprises profitent de
toutes les échappatoires « légales » de la
législation sur la fiscalité pour utiliser des
stratégies telles que mettre leur argent à l'abri
dans des comptes à l'étranger, comme l'ont
récemment révélé les « Panama Papers ». Selon
Revenu Canada, en 2014 (derniers chiffres
disponibles), les entreprises canadiennes ont
réussi à éviter de payer jusqu'à 11,4
milliards de dollars d'impôt qu'elles auraient dû
payer au cours de cette seule année d'imposition.
Et quand tout le reste échoue, une entreprise peut
simplement déclarer faillite et se soustraire à
toutes ses responsabilités financières, par
exemple, en refusant de payer les montants dus aux
propriétaires des terrains et en laissant les
puits orphelins dans un état lamentable.
L'autre composante principale du plus récent
stratagème de Kenney sont les dépenses en
infrastructure. Kenney se vante que cette année,
l'Alberta dépensera 10 milliards de dollars
pour de tels projets, créant soi-disant
entre 32 000 et 50 000
emplois. Aucune preuve n'est fournie pour cette
affirmation d'emplois et aucune mention n'est
faite des milliers d'emplois que le gouvernement
Kenney a déjà détruits ni du fait que les emplois
dans la construction d'infrastructures sont
temporaires. Il n'est pas non plus fait mention de
ce que signifient réellement les dépenses en
infrastructure: c'est l'oligarchie financière qui
prête de l'argent aux gouvernements et profite
ensuite des projets et des paiements du
gouvernement plusieurs fois. Une grande partie de
l'activité économique est organisée par le biais
de contrats gouvernementaux avec des cartels
mondiaux, souvent sous la forme d'accords de
partenariat public-privé (PPP) où les
gouvernements publics assument les risques et les
entreprises privées étrangères récoltent les
profits.
La Light Rapid Transit Valley Line SE d'Edmonton,
d'une valeur de 1,8 milliard de dollars, est
un excellent exemple d'un tel PPP. En 2016,
TransEd Partners a été sélectionné pour concevoir,
construire et exploiter la Valley Line SE. Les
partenaires privés de TransEd sont Bechtel
(États-Unis), EllisDon (Ontario), Bombardier
(Québec), Fengate Capital Management (Ontario),
Arup Canada (Londres, Angleterre) et IBI Group
(Ontario). Bechtel, l'entrepreneur principal, est
une énorme entreprise, notoire pour son étroite
implication avec le gouvernement américain, en
particulier le département de la Défense et la
CIA. Ses dirigeants tels que Casper Weinberger et
George Schultz ont été respectivement secrétaire à
la Défense et secrétaire d'État sous Reagan. Le
cofondateur de Bechtel, John McCone, a dirigé la
CIA de 1961 à 1965 au plus fort de la
guerre froide.
Kenney n'explique nulle part d'où proviendront
ces 10 milliards de dollars, certainement pas
de ses poches. Comme ce fut indiqué précédemment,
ils sont empruntés à l'oligarchie financière, puis
une partie est consacrée au financement de projets
d'infrastructure. Cela devient le capital de
démarrage pour débuter la construction. Les
cartels de construction privés sont financés par
l'argent emprunté par le gouvernement, qui
comprend une allocation pour un profit généreux.
Tout est garanti par le gouvernement, y compris
les prix exorbitants que les cartels de
construction privés facturent pour mener à bien
les projets. Une fois construite, les grandes
entreprises privées sont les principaux
utilisateurs de l'infrastructure, par exemple les
routes, les ponts, l'électricité, pour lesquels
elles sont facturées à des « tarifs
industriels » concoctés à des tarifs
inférieurs.
Les Albertains « sont intimidés et sommés de ne
pas s'opposer à cette orientation de l'économie,
car elle ‘crée des emplois et bâtit
l'infrastructure' dont ils ont tant besoin. Mais
une nouvelle direction est exactement ce qu'il
faut pour que l'économie soit sous le contrôle des
travailleurs, pour prévenir des crises récurrentes
et résoudre les autres problèmes sociaux. Une
nouvelle direction de l'économie interdirait au
gouvernement d'emprunter auprès d'institutions
privées. Une nouvelle direction permettrait de
bâtir, d'entretenir et de gérer les
infrastructures publiques avec des entreprises de
construction publiques permanentes. Elle
garantirait que la valeur des infrastructures est
pleinement réalisée par les entreprises publiques
et privées qui l'utilisent et la consomment et que
cette valeur est réinjectée dans l'économie et non
pas retirée par les riches et envoyée dans des
paradis fiscaux ou ailleurs[1]. »
Note
1. Lire « Des
programmes de dépenses publiques
d'infrastructure pour payer les riches et
maintenir le contrôle et les privilèges de
classe », K.C. Adams, LML, 27
juin 2020
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 47 - 25 juillet 2020
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Le plus récent plan économique du
premier ministre de l'Alberta: Transfert massif de fonds publics vers les investisseurs les plus riches - Dougal MacDonald
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