Le Juneteenth et la fin de l'esclavage

Tout en oeuvre pour investir le peuple du pouvoir de décider! Assez attendu! Mettons fin à l'injustice MAINTENANT!
- Dougal MacDonald -

Le 19 juin 1865, le Juneteenth (également appelé le Jour de l'émancipation) est célébré partout aux États-Unis en reconnaissance de la contribution vitale des Afro-Américains à l'émancipation des quatre millions de personnes réduites en esclavage par le système esclavagiste et à la poursuite de la lutte pour la justice et l'égalité avant et depuis la Guerre civile américaine. Cette année, les actions menées dans l'ensemble des États-Unis ont salué la résistance déterminée et inébranlable à la violence policière, à l'impunité des gouvernements, et les revendications de responsabilité et de changement qui favorisent le peuple.

Le 19 juin 1865 est le jour où toutes les personnes encore réduites en esclavage à la fin de la guerre civile ont gagné leur liberté. Alors que des centaines de milliers de ces esclaves ont combattu pendant la guerre civile pour mettre fin à l'esclavage, beaucoup sont restées en esclavage même après la fin de la guerre, le 9 avril 1865. L'esclavage est resté en vigueur au Texas jusqu'à ce que les soldats de l'Union arrivent à Galveston, au Texas, le 19 juin, pour annoncer à tous que toutes les personnes réduites en esclavage avaient gagné leur liberté. Des célébrations ont immédiatement éclaté et le 19 juin a été célébré dans les États du Sud et du Nord, avec une résurgence et une ampleur nouvelle des manifestations dans les années 1960 et depuis.

Les Noirs ont joué un rôle décisif pour gagner leur émancipation et vaincre les propriétaires d'esclaves. Ils ont mené de nombreux mouvements insurrectionnels de masse dans les plantations avant et pendant la guerre. Les abolitionnistes comme Frederick Douglas et Karl Marx ont longtemps préconisé d'intégrer les Noirs au sud et au nord dans l'armée, mais Lincoln a d'abord refusé. Ces esclaves ont organisé des actions de masse pour s'évader des plantations et rejoindre les lignes de l'Union pour s'engager dans la lutte de diverses manières. En 1862, avant même la Proclamation d'émancipation de 1863, les Noirs ont formé leurs propres milices armées pour lutter contre l'esclavage au Kansas, en Louisiane, au Missouri et en Caroline du Sud -- ces régiments ont été intégrés par la suite dans l'Armée de l'Union. Les « U.S. Colored Troops » ont été officiellement constituées au printemps 1863, ce qui a permis d'intégrer dans l'armée plus de 180 000 hommes libérés de l'esclavage et des Noirs du Nord. Plus de 29 000 ont servi dans l'Union Navy et beaucoup d'autres se sont joints au combat en assurant le ravitaillement, en détruisant les plantations, en servant d'espions et d'agents du renseignement, etc. Les soldats noirs ont combattu dans plus de 200 batailles pendant la guerre et étaient reconnus pour leur courage et leurs capacités de combat ; le taux de mortalité des troupes noires était de 35 % supérieur à celui des autres troupes.

Les millions de personnes qui ont été libérées de l'esclavage ont dû relever d'énormes défis sociaux. Les esclaves libérés ont véritablement dû reconstruire leur vie à partir de zéro, notamment en rejetant les noms donnés par les maîtres d'esclaves et en en adoptant de nouveaux. Ils ne possédaient aucune propriété, aucune maison, aucune terre, aucun animal de ferme, aucun outil et peu de vêtements. Ils étaient en grande partie illettrés, car c'était un crime d'apprendre à lire et à écrire aux esclaves. Pour beaucoup d'entre eux, leur vie avait été entièrement limitée aux plantations et peut-être aux plantations environnantes. Ils avaient été largement exclus de la vie politique, mais avaient organisé leur résistance par l'entremise des églises, des chants et du chemin de fer clandestin. Compte tenu de cela, leurs progrès juste après la guerre ont été extraordinaires. Ils ont fait face à l'opposition des anciens propriétaires d'esclaves, toujours puissants, qui voulaient les maintenir en esclavage et continuer de les exploiter, notamment en formant des groupes terroristes pour la suprématie blanche comme le Ku Klux Klan (KKK) (1865) qui sont toujours actifs aujourd'hui.

La libération de millions d'esclaves et la défaite des propriétaires d'esclaves ont engendré les grandes batailles pour la démocratie pendant la Reconstruction de 1865-1877. Les anciens esclaves aux côtés de fermiers pauvres, dont de nombreuses femmes, se sont unis pour exiger une représentation de leurs intérêts, le droit d'être des membres égaux du corps politique, y compris le droit de vote. De nouvelles communautés ont été fondées et des débats sur les constitutions des États ont été menés alors que les gens s'engageaient, au Sud comme au Nord, pour faire avancer la lutte pour la démocratie engendrée par la défaite du système esclavagiste. Ils luttaient pour un avenir meilleur. Cependant, comme l'a dit W.E.B. Dubois, « L'esclave a été libéré ; il s'est tenu un bref moment au soleil, puis a avancé de nouveau vers l'esclavage. »

Les anciens propriétaires d'esclaves, généralement des démocrates, ont repris peu à peu le pouvoir dans les assemblées législatives du Sud avec l'aide du gouvernement fédéral et en recourant au terrorisme, à la violence, aux perturbations, à la fraude électorale pure et simple et à d'autres formes d'intimidation. En 1876, l'élection présidentielle est contestée et un compromis est nécessaire pour préserver l'union. Samuel Tilden avait remporté le vote populaire, mais les votes des collèges électoraux étaient contestés. En 1877, le Congrès a manigancé le compromis par lequel les troupes fédérales se retiraient du Sud et les anciens propriétaires d'esclaves pouvaient reprendre leurs plantations en échange de la nomination de Rutherford B. Hayes comme président. Les démocrates blancs détenaient désormais le pouvoir politique dans tous les États du Sud et ils ont rapidement fait marche arrière en utilisant le KKK, en procédant à des incarcérations de masse, en promulguant les lois « Jim Crow » et d'autres lois qui imposaient la ségrégation raciale des Noirs de la population blanche, et en forçant beaucoup d'entre eux à retourner dans les plantations comme métayers. En 1905, presque tous les hommes noirs étaient privés de fait de leurs droits par les assemblées législatives des États dans tous les États du Sud, avec l'appui du gouvernement fédéral.

Pendant près de 90 ans, l'utilisation des lois Jim Crow, les lynchages et le terrorisme du KKK sont restés répandus jusqu'aux mouvements de masse des années 1950 et 1960 qui ont abouti à la déségrégation dans plusieurs domaines et l'adoption du Civil Rights Act de 1964 et du Voting Rights Act de 1965. Mais la violence du KKK a persisté et d'autres formes d'inégalité et de génocide ont eu lieu comme l'incarcération de masse. De l'adoption des lois Jim Crow jusqu'à aujourd'hui, les Noirs ont continué à se battre pour leurs droits par l'intermédiaire de leurs organisations, dans les tribunaux, les assemblées législatives et les autres organes gouvernementaux, par les arts, les églises socialement actives, par des manifestations de masse et par l'autodéfense armée contre la violence raciste de l'État et de ses organisations secrètes pour la suprématie blanche. Pour donner un exemple, en juin 1961 à Monroe, en Caroline du Nord, le dirigeant noir Robert F. Williams et ses alliés ont organisé la légitime défense armée contre le Ku Klux Klan qui voulait empêcher la déségrégation d'une piscine. Robert F. Williams a été contraint à l'exil par le gouvernement américain jusqu'en 1969. Il s'est expliqué plus tard : « J'ai préconisé l'autodéfense violente parce que je ne pense pas vraiment que l'on puisse se défendre contre des racistes violents et contre des terroristes à moins d'être prêt à répondre à la violence par la violence, et ma politique était d'affronter la violence par la violence. » Les Black Panthers et Malcolm X ont également appelé à l'autodéfense armée.

Une question fondamentale concernant l'héritage criminel de l'esclavage est celle des demandes de réparation. Nombreux sont ceux qui reconnaissent que les inégalités auxquelles font face les Noirs aux États-Unis aujourd'hui sont directement imputables à l'esclavage et à la discrimination continue sanctionnée par l'État. Certains disent que l'histoire aurait été différente si le gouvernement fédéral avait donné suite aux lois et aux promesses de la Reconstruction de distribution des terres et avait défendu le pouvoir politique pour lequel avaient combattu les blancs et les Noirs pauvres, hommes et femmes.

À l'époque et aujourd'hui, le gouvernement fédéral a agi pour bloquer la démocratie en privant le peuple du pouvoir. Cela s'est produit en partie parce qu'il a été permis aux anciens propriétaires d'esclaves de récupérer leurs terres qui étaient censées être données aux esclaves libérés et à cause de décennies d'oppression et de violence sanctionnées par l'État. Alors que des causes de réparation liées à l'esclavage ont été gagnées au niveau local, par exemple à l'Université de Georgetown, la revendication est l'adoption d'une loi fédérale sur les réparations qui porte non seulement sur l'indemnisation des individus, mais aussi celle des collectivités et des communautés. Des réparations et des excuses officielles pour la perpétration de violations flagrantes des droits humains et de crimes contre l'humanité contre les esclaves africains et leurs descendants sont la juste demande d'aujourd'hui.

Face à l'exigence croissante de réparations, la sous-commission judiciaire de la Chambre des États-Unis sur la Constitution, les droits civils et les libertés civiles a tenu une audience l'an dernier, le 19 juin, dans le but déclaré « d'examiner, par des échanges ouverts et constructifs, l'héritage de la traite d'esclaves transatlantique, son impact continu sur la communauté et la voie vers une justice réparatrice ». Comme Washington et Jefferson et seize autres présidents des États-Unis possédaient des esclaves, et que certaines des familles les plus riches des États-Unis, comme les Cabot, ont largement profité de la traite des esclaves, une grande partie du discours semble très hypocrite. Diverses organisations afro-américaines se sont battues sur cette question, notamment en organisant des réunions publiques. De plus, la question a été portée devant les Nations unies. En 2016, l'ONU a demandé aux États-Unis de payer des réparations pour l'esclavage. Son rapport soulignait que « la compensation est nécessaire pour lutter contre les désavantages causés par 245 ans d'autorisation légale de la vente de personnes sur la base de la couleur de leur peau ».

Les destructions des symboles de l'esclavage et le déboulonnage des statues qui glorifient l'esclavage et célèbrent les trafiquants et les propriétaires d'esclaves font partie de la résistance actuelle. Par exemple, la statue du propriétaire d'esclaves Philip Schuyler a été enlevée du devant de l'hôtel de ville d'Albany. Les statues de plusieurs dirigeants de la Confédération ont également été enlevées en raison de leur lien avec l'esclavage. Par exemple, une statue commémorative confédérée a été enlevée à Portsmouth, en Virginie. Des appels ont également été lancés pour que de nouvelles statues soient érigées à leur place à la gloire de ceux qui ont lutté contre l'esclavage pour remplacer celles d'individus qui se sont enrichis de l'esclavage.

Dans tous les États-Unis, les manifestations qui ont commencé le 26 mai pour demander justice pour la mort de George Floyd aux mains de la police se poursuivent alors qu'une résistance organisée se développe. À Minneapolis, où Floyd est mort, et dans tout le pays, les appels à la justice pour les nombreux cas de brutalité policière et de meurtres, en particulier d'Afro-Américains, retentissent. Les appels exigent également des changements profonds des corps policiers afin que les gens ne soient plus victimes d'une force militarisée qui ne représente pas leurs intérêts. Ce n'est pas une coïncidence si les forces de police du Sud ont été créées pour protéger le système de l'esclavage, comme, par exemple, les patrouilles de chasseurs d'esclaves pour capturer les esclaves fugitifs.

Cette année, le Juneteenth est célébré en saluant ces nombreuses actions et en exigeant que tous les vestiges de l'esclavage, sous la forme d'une large inégalité à laquelle font face les Afro-Américains sur tous les fronts, ainsi que la violence policière et les incarcérations de masse, soient éliminés. Des personnes de toutes les nationalités et de tous les milieux continuent d'affirmer ensemble leurs convictions pour de nouveaux arrangements et leur propre émancipation, par des manifestations et par d'autres formes de résistance.

(Photos: Veterans for Peace)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 41 - 20 juin 2020

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