Réunions des institutions financières internationales et du G20

Les conséquences d'un ordre économique mondial injuste envers les pays en développement


Un nouvel hôpital établi à Port-au-Prince avec l'aide de la brigade médicale cubaine pour faire face à la pandémie de la COVID-19

Dans un article publié le 25 avril, Sir Ronald Sanders, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Antigua-et-Barbuda aux États-Unis et auprès de l'Organisation des États américains ainsi que le Haut-Commissaire non-résident au Canada a écrit au sujet de la situation des pays des Caraïbes suite à la pandémie du coronavirus. Tous les pays avaient prévu des taux de croissance à la hausse pour 2020, mais maintenant tout s'envole en fumée. Sanders explique la situation à laquelle sont confrontées les nations des Caraïbes et, plus généralement, tous les pays dans les griffes des institutions financières internationales. Dans son article, il discute des récentes réunions de ces institutions et des décisions qu'elles prennent qui ne sont aucunement favorables aux pays en développement.

Avec des revenus grandement réduits et des coûts accrus liés aux mesures d'urgence pour prévenir et contenir le coronavirus, plusieurs pays des Caraïbes vont avoir beaucoup de difficultés à verser les prestations aux régimes de retraite et les salaires de leurs établissements de services publics, écrit Sanders. Le 16 avril, les chefs de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ont demandé aux Institutions financières internationales (IFI), en particulier le Fonds monétaire international (FMI) et le Groupe de la Banque mondiale (GBM) d'obtenir une « aide permettant de faire face aux défis financiers engendrés par la crise ». Elles ont tous besoin d'une injection d'argent pour qu'elles puissent couvrir leurs coûts budgétaires des neuf prochains mois au moins, et de la suspension du remboursement de la dette aux autres gouvernements et aux prêteurs privés à qui elles ont emprunté, explique Sanders. Il écrit :

« Mais, clairement, les pays qui contrôlent les leviers de l'économie mondiale, y compris les instances de prise de décisions du FMI, du GBM et du Club de Paris n'ont pas la moindre intention d'autoriser la suspension de la dette encourue par les pays des Caraïbes à revenus moyens et élevés, même si le critère utilisé est une fausse évaluation de nos capacités développementales et financières.

« Les ministres des Finances du G20 – les représentants des nations les plus riches au monde – lors d'une réunion tenue le 15 avril – ont publié un communiqué riche en contenu, mais pauvre en engagements pour répondre aux besoins d'un seul pays à revenu modeste. C'est comme si ces pays sont punis pour leurs meilleures politiques et performances économiques.

« La pandémie de la COVID-19 a encore une fois mis en relief l'inégalité des nations mais, plus encore, les conséquences néfastes d'un ordre économique injuste. Alors que les nations riches souffriront d'un déclin économique et du chômage, elles ont toutes les ressources leur permettant de se relever de cette situation. Les pays en développement par contre – en particulier les petits pays en développement – n'ont pas ces ressources.

« À l'échelle mondiale, il y a maintenant la perspective d'une grave crise de la dette, et les Caraïbes n'y échappent pas. Si le problème n'est pas réglé, il y aura plus de 100 milliards de dollars en fuites de capitaux des économies en développement. Ce chiffre, calculé par des organisations réputées, est presque cinq fois plus élevé qu'en 2008 alors que la récession mondiale commençait en raison de la faillite des grandes banques américaines.

« Au bout des effets désastreux de la pandémie – peu importe leur caractère imprévisible – les petits pays en développement, pour la plupart, se retrouveront dans une plus grande pauvreté, une dette immense et avec peu de marge de manoeuvre fiscale, après le service de la dette, de retrouver les prévisions de croissance de janvier 2020. La COVID-19 a engendré une tempête encore plus brutale que tous les ouragans ayant frappé les Caraïbes.

« Les dirigeants du G20 ont dit qu'ils feraient « tout ce qui est nécessaire » pour empêcher les entreprises et les ménages de leurs pays de subir une lourde perte de revenu. Mais en dépit de leurs déclarations à l'effet que 'l'action mondiale, la solidarité et la coopération internationales sont plus nécessaires que jamais', ils n'ont pas envisagé de telles mesures pour les pays autres que leurs propres nations, sauf pour des pays à revenus modestes comme Haïti dans les Caraïbes.

« La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCD) tenue le 30 mars a annoncé une mesure pour contrer le coronavirus de 2,5 billions de dollars pour les pays en développement. La CNUCD a défendu que ce montant était l'équivalent de la somme de 0,7 % de leur produit intérieur brut que les pays en développement s'étaient engagés à rembourser au cours des dix dernières années, mais n'ont pas réussi à le faire. Seulement cinq d'entre eux – tous en Europe – ont honoré leur engagement.

« La CNUCD a élaboré les trois façons dont les fonds allaient être utilisés : une injection de liquidité de 1 billion de dollars – une sorte de largage d'argent pour ceux qu'on a oubliés ; une espèce de grande fête de l'endettement pour les économies en détresse, y compris un gel immédiat de la dette sur le remboursement de la dette souveraine ; et un Plan Marshall pour le rétablissement de la santé, surtout sous forme de subventions.

« Alors que tous les pays en développement devraient agiter pour que soit acceptée cette proposition de la CNUCD, les nations les plus puissantes s'y opposeront avec véhémence. Déjà, le conseil d'administration du FMI a été empêché par les pays ayant les plus grands droits de vote d'accorder un prêt au Venezuela et à l'Iran. Aussi, le retrait du financement de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) par les États-Unis parce qu'ils y perçoivent l'influence de la Chine sur l'organisation en ce qui a trait à la pandémie, est la conséquence de considérations politiques et non humanitaires ou même financières.

« Ce que la réponse à la pandémie de la COVID-19 a montré à nouveau c'est que les politiques existantes du FMI et du GBM n'aident aucunement la majorité des nations du monde, y compris les Caraïbes, qui sont catégorisées comme des nations à revenus moyens et élevés, ne tenant aucunement compte des nombreux autres facteurs de leur sous-développement et de leur vulnérabilité. Par exemple, les propositions du FMI/Banque n'ont pas tenu compte des nouveaux échéanciers ni de l'annulation de la dette ni de la dette due aux banques privées.

« Les pays des Caraïbes recevront des prêts du FMI et du GBM après avoir surmonté de nombreuses embûches, mais le processus ne sera pas rapide et les conditions seront pénibles. Dans une telle situation, les gouvernements des Caraïbes, le secteur privé, les partis politiques et les syndicats doivent collaborer pour déterminer les actions qu'ils peuvent entreprendre conjointement pour affronter la tempête qui est en train de se former. Ils doivent aussi se préparer pour le long terme. »

(« Se préparer pour le long terme : la tempête n'a pas fini de se former », Sir Ronald Sanders, 16 avril 2020. Photo: E.M. Enrique)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 31 - 10 mai 2020

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