Ce que fait le Canada à l'Organisation des États américains

Où va l'Organisation des États américains divisée?

Le 20 mars 2020, une Assemblée générale (AG) imprudente et irresponsable a été organisée par l'Organisation des États américains (OÉA), mettant la santé de nombreuses personnes en danger et donnant un mauvais exemple au monde entier. La réunion d'au moins 50 personnes s'est tenue dans un contexte de vive inquiétude concernant le coronavirus à propagation rapide (COVID-19), et malgré les recommandations les plus fortes possible des autorités sanitaires américaines et internationales de ne pas organiser de rassemblements de plus de dix personnes.

Cet acte dangereux a été fait pour organiser l'élection du secrétaire général de l'Organisation et pour obtenir un avantage pour le président sortant, Luis Almagro, qui était le candidat déclaré des États-Unis, du Brésil et de la Colombie. Le mandat actuel d'Almagro ne prend fin que le 28 mai. Par conséquent, la réunion aurait facilement pu être reportée d'au moins un mois, ce qui aurait laissé le temps de contrôler davantage la COVID-19.

Plutôt que d'annuler la rencontre, l'OÉA a publié un communiqué affirmant avoir inspecté la salle de réunion. Cliquer sur l'image pour agrandir.

Contre toute logique et tout bons sens, de nombreux États membres de l'Organisation ont été contraints de tenir ce qui était, au mieux, une réunion illicite, sinon une réunion carrément illégale.

La réunion s'est déroulée sur la base des conseils du secrétaire juridique de l'OÉA. Bien que celui-ci soit un employé du Secrétariat et responsable devant le secrétaire général, et sans doute la personne la plus indépendante d'esprit et la plus juste du monde, parce que toutes ses opinions ne font qu'une avec celles du secrétaire général et des puissants États au sein de l'Organisation, un certain scepticisme est de mise.

Fait remarquable, le Conseil permanent de l'OÉA – l'organe décisionnel supposément le plus important de l'institution au jour le jour – n'a pas de conseiller juridique ni de mécanisme lui permettant de solliciter des conseils juridiques externes et indépendants. Par conséquent, l'avis du secrétaire juridique prévaut.

Au cours de la semaine précédant l'AG, les États-Unis étaient dans un état de préoccupation accrue concernant la COVID-19. Le conseil officiel du maire du district de Colombia, de l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS), du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis et du président des États-Unis lui-même était de ne tenir aucun rassemblement de plus de dix personnes.

Trois jours avant la réunion, 13 pays de la CARICOM ont envoyé une lettre conjointe à tous les États membres de l'OÉA et au secrétaire général, soulignant les dangers de tenir la réunion et la forte insistance de toutes les autorités sanitaires compétentes pour qu'elle soit reportée. Haïti est le seul pays de la CARICOM à ne pas avoir signé la lettre officielle.

Bien que le CDC ait été invité à examiner le bâtiment de l'OÉA où s'est tenue la réunion, il n'y a eu aucun autre contrôle pertinent. Personne, entrant dans la pièce, n'a été vérifié pour ses antécédents de voyage ou pour les antécédents de voyage des personnes avec lesquelles il avait été en contact. N'importe qui aurait pu être positif à la COVID-19 sans présenter de symptômes. Le virus peut mettre jusqu'à 14 jours à incuber. Les conséquences dangereuses de cette réunion peuvent toujours se manifester plus tard.

Jusqu'à la veille de l'événement, des réunions des représentants des groupes régionaux de l'Organisation ont eu lieu par voie électronique pour examiner la lettre des 13 pays des Caraïbes, qui avaient le soutien privé de nombreux autres États, même si certains d'entre eux se sont tus publiquement pour une raison quelconque.

Le 19 mars, le secrétaire juridique a émis l'avis que l'AG ne pouvait être reportée que par le Conseil permanent puisque la décision de tenir l'Assemblée générale le 20 mars avait été prise par le Conseil permanent et que seul le Conseil permanent pouvait modifier ses propres règles.

Lorsqu'on lui a demandé si le Conseil permanent pouvait tenir une réunion électronique pour envisager un report, le secrétaire juridique a donné un autre avis, ex cathedra, que le règlement du Conseil ne permettait pas les réunions électroniques. Il ne lui est pas venu à l'esprit que les règles avaient été écrites avant l'ère technologique dans laquelle les circonstances, comme la COVID-19, n'existaient pas. Il a également rejeté avec désinvolture l'idée selon laquelle, lorsque les règles sont muettes sur une ligne de conduite, le simple bon sens devrait prévaloir. Dans toutes les opinions qu'il a émises, le secrétaire juridique a été soutenu par les représentants des pays déterminés à organiser l'AG le 20 mars.

Ce qu'il est important de noter ici, c'est qu'un précédent a été créé. Aucune réunion du Conseil permanent ne peut être tenue par voie électronique, car le règlement ne le prévoit pas. L'Organisation pourrait encore être prise à son propre piège dans les semaines à venir.

Il convient également de noter que l'AG était tenue conformément à un nouveau règlement intérieur qui n'avait pas été approuvé par l'AG elle-même, bien que seule l'AG puisse modifier ses propres règles. Aucun des États qui ont insisté pour la tenir, ni le secrétaire juridique, n'ont expliqué de quelle autorité les règles ont été modifiées.

Tout cela est une triste indication de ce qu'est devenue l'OÉA. C'est une organisation dirigée par quelques-uns pour quelques-uns. En tout état de cause, Almagro a été élu pour un second mandat avec 23 voix. Dix pays ont voté pour Maria Fernanda Espinosa, la candidate restante depuis le retrait du candidat péruvien Luis de Zela, et la Dominique était la bonne absente.

Au cours des dernières années, l'OÉA a connu une période de division amère entre ses États membres, ce qui a laissé l'Organisation affaiblie et dépourvue d'une vision cohérente de sa voie à suivre dans l'intérêt collectif du peuple des Amériques qu'elle a été créée pour servir.

Si ces divisions ne sont pas réglées et que ces blessures ne sont pas guéries, l'Organisation continuera d'exister uniquement en tant que chaudron de désaccord et de discorde. Ce serait catastrophique pour l'OÉA en tant qu'institution. Ce serait également catastrophique pour le bilan d'Almagro.

La majorité n'est pas un consensus. Opérer uniquement sur la base de la satisfaction d'une majorité, peu importe la manière dont elle est obtenue, néglige les intérêts de beaucoup d'autres. L'OÉA ne survivra pas dans le conflit, la contrariété et la division constants. Le deuxième mandat d'Almagro lui offre une excellente occasion de laisser un héritage dont il pourrait être fier et que tous les États membres pourraient honorer. Il lui faudra être attentif aux besoins et aspirations de chaque groupe au sein de l'OÉA et forger un programme commun et dynamique sur lequel il existe un véritable consensus.

Les États membres eux-mêmes doivent également se fixer cet objectif et agir en conséquence, faute de quoi l'Organisation s'effondrera, pour la simple raison que quelques États l'utilisent comme mégaphone pour leurs positions et d'autres, las d'être subjugués, la méprisent.

(Sir Ronald Sanders est le haut commissaire non résident d'Antigua et Barbuda au Canada et ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès des États-Unis et de l'OÉA.)

(26 mars 2020. Photos: OÉA)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 31 - 10 mai 2020

Lien de l'article:
Ce que fait le Canada à l'Organisation des États américains: Où va l'Organisation des États américains divisée? - Sir Ronald Sanders


    

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