Mise à jour sur la COVID-19
Les graves répercussions de la pandémie sur plus de deux milliards de travailleurs dans le monde
Le Bureau de la coordination des affaires
humanitaires (BCAH) des Nations unies a sonné
l'alarme cette semaine sur la nécessité d'appuyer
les pays qui ont des moyens plus limités pour
lutter contre la COVID-19. « Le pic de la
maladie dans les pays les plus pauvres au monde
est attendu au cours des trois à six prochains
mois. Cependant, il existe déjà des preuves de la
chute des revenus et de la disparition des
emplois, d'un ralentissement des
approvisionnements alimentaires et d'une flambée
des prix. Par ailleurs, les enfants manquent de
vaccins et de repas », peut-on lire dans un
communiqué de presse des Nations unies le 7 mai.
Mark Lowcock, sous-secrétaire des Nations Unies
pour les affaires humanitaires et coordonnateur
des secours d'urgence, a appelé à une action
rapide et déterminée pour éviter les effets les
plus déstabilisants de la pandémie de la COVID-19
dans ces pays. « La pandémie de Covid-19 nous
affecte tous, dit Mark Lowcok, mais les effets les
plus dévastateurs et les plus déstabilisateurs se
feront sentir dans les pays les plus pauvres au
monde. Dans les pays fragiles, nous pouvons déjà
observer l'effondrement économique, alors que les
recettes d'exportation, les envois de fonds et le
tourisme disparaissent. Si nous n'agissons pas
maintenant, nous devrons nous attendre à une
augmentation importante des conflits, de la faim
et de la pauvreté. Le spectre de famines multiples
se profile. »
Le BCAH appelle tous les pays à contribuer un
montant supplémentaire de 6,7 milliards de dollars
américains au Plan d'aide humanitaire mondial
contre le Covid-19, pour qu'il puisse poursuivre
son travail jusqu'à la fin de 2020. Le plan
mondial est le principal mécanisme international
de collecte de fonds permettant de répondre à
l'impact humanitaire du virus sur les pays à
revenu faible ou intermédiaire et d'appuyer ses
efforts pour le combattre. Le plan unit les
efforts de l'OMS et d'autres agences humanitaires
de l'ONU. Il a été mis à jour et élargi pour
inclure neuf autres pays vulnérables : le Bénin,
le Djibouti, le Libéria, le Mozambique, le
Pakistan, les Philippines, le Sierra Leone, le
Togo et le Zimbabwe, ainsi que des programmes
visant à répondre à l'insécurité alimentaire
croissante.
En ce sens, l'Organisation internationale du
travail (OIT) a récemment publié un rapport qui
indique que la pandémie et les mesures de
confinement menacent d'accroître les niveaux de
pauvreté relative dans le monde des travailleurs
de la soi-disant économie informelle (généralement
les travailleurs autonomes ou non organisés)
jusqu'à 56 % dans les pays à faible
revenu.[1]
Dans les pays à revenu supérieur, on estime que
les niveaux de pauvreté relative parmi les
travailleurs augmenteront de 52 %,
tandis que dans les pays à revenu intermédiaire
supérieur, l'augmentation est évaluée
à 21 %. Dans un communiqué de presse
du 7 mai, l'OIT souligne : « Dans le
monde, pas moins de 1,6 milliard de travailleurs
informels sur deux milliards sont affectés par les
mesures de confinement et de restriction. La
plupart d'entre eux travaillent dans les secteurs
les plus durement touchés ou dans de petites
entreprises plus vulnérables aux chocs.
« Il s'agit de travailleurs des secteurs de
l'hébergement et de la restauration, de
l'industrie manufacturière, de la vente de gros et
de détail, et des plus de 500 millions
d'agriculteurs qui approvisionnent les marchés
urbains. Les femmes sont particulièrement
affectées dans les secteurs à haut risque, selon
le rapport.
« En outre, comme ces travailleurs ont besoin de
travailler pour nourrir leur famille, les mesures
de confinement liées au COVID-19 ne peuvent pas
être mises en oeuvre avec succès dans de nombreux
pays. Ce qui met en péril les efforts déployés par
les gouvernements pour protéger la population et
lutter contre la pandémie, et pourrait devenir
source de tensions sociales dans les pays où
l'économie informelle est importante, indique le
rapport.
« Plus de 75 % de l'emploi informel
total concerne des entreprises employant moins de
dix personnes, y compris 45 % de
travailleurs indépendants sans employés.
« La plupart des travailleurs informels n'ayant
pas d'autres moyens de subsistance, ils sont
confrontés à un dilemme presque insoluble :
mourir de faim ou du virus, selon la note
d'information. Cette situation a été exacerbée par
les perturbations de l'approvisionnement
alimentaire qui ont particulièrement affecté les
travailleurs de l'économie informelle.
« Quant aux 67 millions de travailleurs
domestiques dans le monde, dont 75 %
sont des travailleurs informels, le chômage est
devenu aussi dangereux que le virus lui-même.
Beaucoup d'entre eux n'ont pas pu travailler, que
ce soit à la demande de leur employeur ou en
application du confinement. Ceux qui continuent de
se rendre au travail sont confrontés à un risque
élevé de contagion puisqu'ils s'occupent de
familles à leur domicile privé. Pour les 11
millions de travailleurs domestiques migrants, la
situation est encore pire. [...]
« Les pays où l'économie informelle est la plus
importante et où ont été prises des mesures de
confinement total sont ceux qui souffrent le plus
des conséquences de la pandémie. La part des
travailleurs de l'économie informelle gravement
affectés par le confinement varie
de 89 % en Amérique latine et dans les
États arabes à 83 % en
Afrique, 73 % en Asie et le Pacifique,
et 64 % en Europe et Asie
centrale. »
Les travailleurs syndiqués sont aussi confrontés
à l'incertitude et l'insécurité en raison du
manque d'équipement de protection individuelle et
de mesures de sécurité que les employeurs doivent
fournir et que les gouvernements ne mettent pas à
exécution. La Confédération syndicale
internationale (CSI) a mené sa troisième enquête
sur la COVID-19 du 20 au 23 avril, à
laquelle ont participé 140 syndicats
dans 107 pays, y compris 17 pays du G20
et 35 des pays de l'OCDE. Selon le sondage, «
dans à peine un pays sur cinq (21 %), les
syndicats jugent que les mesures en place pour
protéger les travailleurs de la propagation du
coronavirus au travail sont ‘bonnes'. La majorité
d'entre eux (dans 58 pays ou 54 %)
qualifient ces mesures de ‘correctes' et
dans 26 pays (24 %), ils estiment
qu'elles sont ‘faibles' ? »
La CIS souligne : « Pour les travailleurs,
il faut reconnaître officiellement que la COVID-19
est une maladie professionnelle et les
gouvernements doivent exiger le signalement et
l'enregistrement des cas qui surviennent dans un
cadre professionnel. Ils doivent également prévoir
des régimes d'indemnisation et des soins médicaux
pour les victimes de la maladie professionnelle
COVID-19, ainsi qu'un soutien aux familles
endeuillées. »
Alors que plusieurs pays s'apprêtent à « rouvrir
peu à peu leurs économies », la CSI informe
que la sécurité dans les lieux de travail est
toujours extrêmement défaillante partout dans le
monde : « Sur le continent américain, les
mesures en place pour garantir des lieux de
travail sûrs sont jugées ‘mauvaises'
dans 44 % des pays et en Afrique, la
sécurité au travail est vue comme ‘mauvaise'
dans 41 % des pays. Dans
seulement 25 % des pays européens, les
syndicats estiment que les mesures adoptées pour
protéger les travailleurs de la propagation du
virus sont ‘bonnes'.
« Alors que de nombreux pays sont toujours
confrontés à un nombre considérable d'infections
et de décès, les pénuries d'équipement de
protection individuelle (ÉPI) pour les
travailleurs de la santé et des services à la
personne constituent un sérieux problème dans
nombre d'entre eux.
« Dans moins de la moitié des pays (49 %),
les syndicats affirment qu'ils disposent
‘toujours' ou ‘très souvent' d'ÉPI en suffisance
pour tous les travailleurs de la santé et des
services à la personne engagés dans la lutte
contre le virus. Dans 51 % des pays, les
ÉPI sont ‘parfois', ‘rarement', voire ‘jamais'
disponibles en quantité suffisante, ce qui met
directement en danger des millions de travailleurs
de la santé et des services à la personne engagés
dans la lutte contre la pandémie. »
Note
1. Il existe diverses
définitions de l'économie informelle. Celle de la
CSI, basée sur les diverses conditions nationales,
est quelque peu complexe. L'organisation Femmes
dans l'emploi informel : Globalisation et
Organisation propose cette définition relativement
concise et informative : « L'économie
informelle est l'ensemble diversifié des activités
économiques, des entreprises, des emplois et des
travailleurs qui ne sont pas réglementés ou
protégés par l'État. Initialement, le concept
correspondait au travail autonome dans de petites
entreprises non immatriculées. Il a été élargi
pour inclure le travail salarié dans des emplois
non protégés. »
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 31 - 10 mai 2020
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