Affirmons les droits autochtones - tous avec les Wet'suwet'en

Les gouvernements ne peuvent échapper à leur responsabilité d'abandonner les relations coloniales et d'agir avec respect envers les droits autochtones

Depuis les pourparlers entre les chefs héréditaires des Wet'suwet'en et d'autres avec les ministres fédéraux et provinciaux qui ont pris fin le 1er mars, les discussions vont bon train au sein de la nation wet'suwet'en sur l'entente de principe. L'entente en soi n'a rien à voir avec la présence de Coastal GasLink sur le territoire traditionnel, qui ne jouit pas du consentement des chefs héréditaires, ni avec la présence continuelle et les actes illégaux de la GRC. Celle-ci a, de manière répétée, menacé, harcelé et intimidé les défenseurs de la terre wet'suwet'en, les observateurs juridiques, les journalistes et ceux qui appuient les défenseurs de la terre, les deux principaux assauts ayant eu lieu en janvier 2019 et du 6 au 10 février 2020, lorsqu'au moins vingt personnes ont été arrêtées.

Le premier ministre Horgan de la Colombie-Britannique et d'autres porte-paroles du gouvernement de la Colombie-Britannique ont de façon répétée nié toute responsabilité pour les actions de la GRC, prétendant plutôt qu'en tant que force constabulaire de la province, leur présence et leurs activités sur le territoire wet'suwet'en seraient en quelque sorte « normales » et « routinières », et qu'elles n'auraient rien à voir avec la position politique du gouvernement Horgan comme quoi « la construction du gazoduc se poursuit » et qu'aucune directive n'aurait été donnée à la police par le gouvernement.

Cette prétention à svoir qu'aucune directive politique n'aurait été donnée à la GRC a été démentie le 6 mars lorsque les chefs héréditaires des Wet'suwet'en, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique et l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique ont rendu publique une lettre qu'a fait parvenir le 27 janvier le ministre de la Sécurité publique et solliciteur général de la Colombie-Britannique Mike Farnworth à la commissaire adjointe de la GRC Jennifer Strachan. Dans leur communiqué de presse, les trois organisations affirment : « Dans cette lettre, Farnworth déclare une ‘urgence provinciale' en vertu de l'Entente pour la prestation de services de police provinciale et a de manière explicite autorisé le ‘redéploiement interne de ressources au sein de la police provinciale' ». L'article 9 du contrat de service de la police provinciale stipule que si, de l'avis du ministre provincial il existe une urgence dans un domaine de responsabilité provinciale, le service de police provincial sera redéployé à la demande écrite du ministre provincial et la province paiera les coûts du redéploiement. »

L'hypocrisie des gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique est sans bornes. Il a beaucoup été question de « respect » lors des pourparlers du 27 février au 1er mars qui ont mené à l'entente de principe, mais les actes valent mille mots. La période de discussions qui se poursuit au sein de la nation wet'suwet'en montre clairement de quel respect font preuve les représentants du Canada et de la Colombie-Britannique envers les Wet'suwet'en et les pourparlers. Les efforts se poursuivent pour discréditer les chefs héréditaires et pour tout faire passer comme une question de conflit interne. Les médias ont braqué leurs projecteurs sur les Wet'suwet'en qui appuient le gazoduc Coastal GazLink, en particulier Teresa Tait-Day, porte-parole de la Coalition matrilinéaire wet'suwet'en (CMW). Le 10 mars, ayant été invitée par un des partis qui l'ont promue comme étant une « experte autochtone », Tait-Day a fait une intervention auprès du Comité permanent sur les affaires autochtones et du Nord à Ottawa où elle a dit : « En tant que femmes membres des Wet'suwet'en et chefs de la communauté, nous devons être entendues ». Elle a dit : « Plusieurs des chefs héréditaires hommes agissent en vertu d'une oppression historique intériorisée. Nous faisons face à une domination patriarcale. »

Le 11 mars, le Martlet, le journal étudiant de l'université de Victoria, a publié un article portant le titre « La Coalition matrilinéaire wet'suwet'en est financée par la Colombie-Britannique et Coastal GasLink pour ‘diviser pour mieux régner' ». Le Martlet affirme : « La CMW n'est pas, et n'a jamais été, une instance autochtone indépendante ni une structure de gouvernance, mais plutôt un groupe créé de connivence avec le gouvernement de la Colombie-Britannique et CGL pour influencer l'opinion publique wet'suwet'en en faveur du gazoduc, selon un document obtenu en 2017 en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

En 2015, la CMW a été constituée en société sans aucune consultation avec les chefs héréditaires wet'suwet'en. Selon des documents obtenus du gouvernement de la Colombie-Britannique, la CMW était un projet conjoint entre Coastal GasLink (CGL), le ministère des Affaire autochtones et de la Réconciliation, et les trois membres fondatrices — Gloria George, Darlene Glaim et Tait-Day.

Dans sa lettre de démission, Glaim avoue que le groupe avait été « formé dans l'intention de négocier une entente [avec CGL] ayant des avantages pour les membres des Clans/Maisons », et qu'en 2017 les chefs héréditaires avaient ouvertement qualifié la CMW de stratégie du gouvernement et de CGL visant à inciter la division au sein de leur peuple ».

L'article révèle aussi que le gouvernement de la Colombie-Britannique et Coastal GasLink ont chacun fait un don de 60 000 dollars à la CMW pour que celle-ci organise des ateliers pour promouvoir les avantages économiques du gaz naturel liquéfié (GNL), et qu'à part de vanter les mérites du gazoduc, il existe une « entente entre le gouvernement et la CMW visant à rassembler le peuple wet'suwet'en pour ‘discuter des processus de prise de décisions pour des opportunités de développement économique, spécifiquement le développement du gaz naturel, puisque ce dernier avait été identifié comme étant une lacune dans le processus de prise de décisions' ». Autrement dit, pour miner l'autorité des chefs héréditaires qui se sont posés en obstacle au développement sans heurt du gazoduc de CGL.

Plus la trahison de ceux au pouvoir est étalée au grand jour et plus il devient évident que le problème n'en est pas un d'appuyer un projet quelconque ou de s'y opposer, ni de clarifier qui détient l'autorité pour faire quoi, mais qu'il s'agit d'élaborer de nouveaux arrangements qui permettent aux droits héréditaires autochtones d'être enchâssés dans une constitution moderne, ce qui est une question de préoccupation pour tous les Canadiens.

(Photos: LML, C. Hunt)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 14 - 14 mars 2020

Lien de l'article:
Affirmons les droits autochtones - tous avec les Wet'suwet'en: Les gouvernements ne peuvent échapper à leur responsabilité d'abandonner les relations coloniales et d'agir avec respect envers les droits autochtones - Barbara Biley


    

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