Affirmons les droits et la
souveraineté des peuples autochtones!
GRC, hors du territoire des Wet'suwet'en!
Appuyons les défenseurs de la terre Wet'suwet'en!
- Barbara Biley -
Les représentants du Canada et de la
Colombie-Britannique ne cessent de répéter que le
Canada est un pays qui défend l'état de droit,
comme si cela suffisait pour répondre à
l'opposition grandissante au refus des différents
paliers de gouvernements de rencontrer les chefs
héréditaires Wet'suwet'en. Comme si cela
justifiait le déploiement très militarisé d'agents
de la GRC pour expulser les Wet'suwet'en de leur
propre territoire. Des actions de solidarité et de
désobéissance civile ont eu lieu partout au pays,
notamment des barrages de routes, de ports, de
traversiers et de voies ferrées, et l'occupation
temporaire des bureaux de députés du parlement
canadien ainsi que de l'Assemblée législative de
la Colombie-Britannique. Le 11
février, jour du discours du trône à
l'Assemblée législative provinciale, des centaines
de personnes, y inclus un grand nombre de jeunes,
ont occupé l'entrée de l'édifice et demandé que le
gouvernement de la Colombie-Britannique mette fin
à l'attaque et à l'occupation par la GRC et
négocie une solution pacifique au conflit avec les
chefs héréditaires Wet'suwet'en.
Lors d'une
conférence de presse au lendemain de la grande
manifestation, le premier ministre de la
Colombie-Britannique, John Horgan, a insulté les
peuples autochtones qui défendent leurs droits
ancestraux et tous les Canadiens en disant :
« Je vais continuer de travailler avec les gens
qui veulent le progrès, et ils sont légion et
beaucoup plus nombreux que ceux qui préfèrent se
concentrer sur des griefs. » Comme les
anciens dirigeants coloniaux, il se donne le droit
de définir le progrès, en l'occurrence les
pipelines et le gaz naturel liquéfié, puis de
rejeter du revers de la main et criminaliser toute
personne qui n'est pas d'accord. Le message est
clair : si les actions du gouvernement au
service des investisseurs étrangers qui veulent à
tout prix mettre la main sur les ressources, la
terre et le travail des Britanno-Colombiens vous
font du mal ou portent atteinte à vos droits, et
bien dommage, « mon gouvernement » est
préoccupé par « le progrès » et non pas vos «
griefs ». Jusqu'à présent, le premier
ministre du Canada Justin Trudeau se contente de
prétendre qu'il s'agit d'une affaire provinciale
et dit qu'il a « pleinement confiance dans le
gouvernement néodémocrate de la
Colombie-Britannique pour aller de l'avant de la
bonne façon ».
Ronald Wright, auteur de Stolen Continents:
Conquest and Resistance in the Americas,
dans une lettre au Globe and Mail publiée
le 13 février, explique de façon convaincante
l'essence du problème dans la confrontation de
plus en plus houleuse entre les manifestants
autochtones et leurs alliés et ceux qui veulent
poursuivre la construction de pipelines et ce
qu'on appelle le développement économique. Wright
fait remarquer que le territoire des Wet'suwet'en
à travers lequel le tribunal canadien a accordé
aux développeurs la permission de construire un
pipeline n'a jamais été cédé à la Couronne.
Autrement dit, le tribunal n'avait pas le pouvoir
d'accorder sa permission. De plus, les conseils de
bande élus qui soutiennent le pipeline n'ont
d'autorité que sur les petites réserves créées par
la Loi sur les Indiens.[1]
Wright souligne:
«John Horgan devrait savoir qu'il n'est pas à son
avantage d'invoquer ‘la loi' pour imposer la
construction d'un pipeline à travers le territoire
non cédé des Wet'suwet'en. Ces mêmes mots ont été
utilisés par le gouvernement Mulroney pendant la
crise d'Oka en 1990. La question est: quelle loi?
«Comme les Mohawks, les Wet'suwet'en n'ont jamais
cédé leur souveraineté ancienne en tant que peuple
indépendant. La souveraineté ne peut être perdue
que par la conquête ou le traité; les terres non
cédées n'ont jamais fait légalement partie du
Canada. Comme les Mohawks, les Wet'suwet'en
ont un système de gouvernement qui est antérieur à
l'occupation européenne et qui est toujours actif
(les conseils de bande gèrent simplement les
petites réserves créées en vertu de la Loi sur
les Indiens; leurs ‘autorisations' sont sans
valeur au-delà de ces frontières).
« Dans des jugements historiques de 1997 et 2014,
la Cour suprême a confirmé les droits des peuples
autochtones de la Colombie-Britannique et a
déclaré que le territoire non cédé des
Wet'suwet'en pouvait couvrir 22 000 kilomètres
carrés. Cela étant, aucun autre gouvernement ni
aucune entreprise ne devrait avoir le droit d'y
imposer sa volonté. Il semble que ce soit la
Colombie-Britannique et la GRC qui enfreignent la
primauté du droit.
Il est grand temps que les chefs héréditaires et
les porte-parole autochtones cessent d'être
écartés chaque fois que la Couronne trouve une
utilisation économique pour leur territoire
traditionnel, que ce soit pour l'exploitation
minière, la foresterie, les barrages
hydroélectriques ou les pipelines.
À l'heure actuelle, l'occupation par la GRC est
bien en place et, le 13 février, Coastal
GasLink a annoncé que les travaux avaient repris
sur le gazoduc. Cela est appelé « défense de
l'état de droit » bien que cela jette de l'huile
sur le feu et attise l'opposition aux positions
racistes et coloniales de « la loi du plus fort »
des gouvernements Trudeau et Horgan.
La GRC a établi une zone d'exclusion sur le
territoire des Wet'suwet'en, jusqu'au camp
Unist'ot'en au kilomètre 66 sur le chemin du
service forestier de la rivière Morice et a arrêté
28 personnes. Il s'agit de la route utilisée par
Coastal GasLink pour accéder au territoire non
cédé des Wet'suwet'en où elle construit un gazoduc
pour acheminer le gaz de fracturation vers l'usine
de LNG Canada en construction à Kitimat.
Pendant ce temps, les nations autochtones et
d'autres partisans des défenseurs de la terre
Wet'suwet'en à Kahnawake au Québec, à Tyendinaga
en Ontario et au Manitoba ont bloqué les voies
ferrées, exigeant que la GRC se retire et que des
négociations de nation à nation aient lieu. À la
fin de la journée du 13 février, le service
ferroviaire national avait pratiquement été fermé
et le service ferroviaire vers le port de Prince
Rupert dans le nord de la Colombie-Britannique et
le service de train de banlieue West Coast Express
du centre-ville de Vancouver vers la vallée du
Fraser étaient perturbés.
Le premier ministre du Québec, François Legault,
a déclaré récemment que les blocus ferroviaires en
appui aux Wet'suweten'en devaient cesser,
reprenant son vieux refrain sur d'éventuelles «
pénuries de propane ». Voilà précisément le
mode de fonctionnement des institutions
canadiennes et québécoises, ces dernières faisant
partie intégrante de l'État colonial
anglo-canadien : sur les questions des droits
fondamentaux des peuples canadien, québécois et
autochtones, la réponse de ceux qui usurpent le
pouvoir politique est de criminaliser ceux qui
défendent leurs droits et de faire de leurs luttes
une question de loi et d'ordre.
Face à l'énorme
pression de toutes parts, y compris de syndicats,
d'universitaires, d'organisations de juristes,
d'églises, de l'Union nationale des fermiers, de
journalistes et d'organisations des libertés
civiles, le gouvernement Trudeau a promis que la
ministre des Relations Couronne-Autochtones,
Carolyn Bennett, rencontrera le ministre de la
Colombie-Britannique de la Réconciliation et des
Relations autochtones, Scott Fraser, et les chefs
héréditaires des Gitxsan et des Wet'suwet'en. Les
Gitxsan, dont le territoire est adjacent à celui
des Wet'suwet'en, bloquent le trafic ferroviaire à
l'entrée et à la sortie du port de Prince Rupert.
Il en va de même pour le ministre fédéral des
Services aux Autochtones, Marc Miller, qui a
communiqué avec les Mohawks de Tyendinaga, qui
bloquent les voies ferrées près de Belleville, en
Ontario, pour convenir d'une rencontre.
Le premier ministre Trudeau a fait écho au
premier ministre Horgan dans une déclaration
publiée à la suite de leur conversation
téléphonique du 13 février. Ni l'un ni
l'autre n'est intéressé à parler de la position
légitime des chefs héréditaires Wet'suwet'en, à
savoir qu'ils doivent donner leur consentement au
développement industriel sur leur territoire et
que ni la Colombie-Britannique ni le Canada ne
respectent l'état de droit - provincial, national
ou international. La déclaration du cabinet du
premier ministre Trudeau mentionne que : « Le
premier ministre Trudeau et le premier ministre
Horgan ont discuté du fait que la liberté
d'expression est un droit démocratique important,
mais que les manifestations doivent respecter les
décisions des tribunaux et se tenir dans le cadre
de la loi. Ils ont également convenu que les
progrès au chapitre de la lutte contre les
changements climatiques et de la réconciliation
doivent demeurer au premier plan de toutes les
mesures que prend le gouvernement. Le premier
ministre Trudeau a indiqué vouloir collaborer de
près afin de régler la situation dans les plus
brefs délais. Les deux gouvernements se sont
engagés à rencontrer Gitxsan Simgyget,
Wet'suwet'en Dini Ze' et Ts'ake ze en vue de nouer
un dialogue continu. »
Le projet de LNG
Canada est le favori du premier ministre Trudeau
et du premier ministre de la Colombie-Britannique
Horgan qui le vantent tous deux comme le plus
important investissement étranger - 40
milliards de dollars - jamais entrepris au Canada.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique était
si désireux de garantir l'investissement qu'en
mars 2019, l'Assemblée législative a annoncé
des « mesures incitatives », y compris des
exemptions d'impôts et de l'électricité à rabais
pour une somme d'environ 5,35 milliards de
dollars, pour un consortium constitué de plusieurs
des plus grandes multinationales du monde, dont
Shell, Petronas, PetroChina, Mitsubishi et Korean
Gas. Alors qu'il était dans l'opposition, le
gouvernement néodémocrate s'est opposé à
l'exploitation du gaz naturel liquéfié en
Colombie-Britannique puis est devenu le champion
des dangereuses opérations de fracturation
hydraulique dans le nord de la
Colombie-Britannique, de la construction du
gazoduc à travers le territoire autochtone non
cédé sans le consentement des nations autochtones,
de la construction de l'usine de liquéfaction de
Kitimat et de la perspective de plus en plus
improbable d'un marché en Asie pour le gaz
liquéfié. Quiconque soulève des préoccupations
concernant les dommages causés à la Terre mère, y
compris la destruction des sols et de l'eau dont
dépendent les Wet'suwet'en, ou le fait que
l'exploitation du gaz naturel liquéfié pour
l'exportation contribue aux changements
climatiques, est qualifié d'ennemi du progrès.
L'Association des libertés civiles de la
Colombie-Britannique et l'Union des chefs indiens
de la Colombie-Britannique, appuyées par le West
Coast Environmental Law et la Pivot Legal Society,
ont écrit deux fois (le 29 janvier et
le 9 février) à la Commission civile d'examen
et de traitement des plaintes relatives à la GRC
pour demander une enquête sur la base que la mise
en place et l'imposition par la force de la zone
d'exclusion de la GRC sur le territoire
Wet'suwet'en sont illégales, en expliquant en
détail ce qui rend les actions de la GRC
illégales.
Le premier ministre du Canada et le premier
ministre de la Colombie-Britannique seraient bien
avisés de ne pas donner des leçons de morale sur
l'état de droit ou la liberté d'expression pendant
qu'ils supervisent l'occupation violente du
territoire des Wet'suwet'en, l'arrestation des
jeunes qui occupaient les bureaux d'un ministre du
Cabinet pour le convaincre de leur parler, et
qu'ils criminalisent ceux qui exercent leur droit
de s'exprimer.
Les actions audacieuses des Wet'suwet'en à la
défense de leurs droits et les actions menées à
travers le pays pour les appuyer, par des
autochtones et des non autochtones, montrent la
personnalité démocratique moderne qui lutte pour
se libérer du carcan des institutions
démocratiques libérales désuètes qui lui sont
imposées par les pouvoirs en place. L'aspiration à
de justes relations de nation à nation entre le
Canada et les peuples autochtones est bloquée par
ce que Trudeau, Horgan, le ministre canadien des
Transports Marc Garneau et d'autres appellent «
l'état de droit ». Cet « état de droit »
est le règne colonial imposé à la pointe du fusil.
Les relations coloniales du Canada avec les
peuples autochtones n'ont pas leur place. Le
peuple réclame des institutions qui offrent des
réparations pour les crimes commis contre les
Premières nations. Les gouvernements qui sont au
service des intérêts privés nient nécessairement
le droit des peuples d'avoir leur mot à dire dans
les décisions qui touchent leur vie. La vie
elle-même montre combien il est futile de
réduire ce problème à une interprétation
abstraite de ce qu'est l'état de droit.
Tous en appui aux
défenseurs de la terre Wet'suwet'en !
Travaillons tous à investir le peuple du
pouvoir afin de garantir de justes relations
de nation à nation avec les peuples
autochtones !
Arrêtez d'écarter les chefs héréditaires et
les porte-parole autochtones !
Note
1.«
The Wet'suwet'en have never surrendered their
ancient sovereignty », Globe and Mail, 13
février 2020
(Photos: LML, R. Gillezeau, C.
Smith, C. Hunt. B. Patterson)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 9 - 15 février 2020
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Affirmons les droits et la
souveraineté des peuples autochtones! : Appuyons les défenseurs de la terre Wet'suwet'en! - Barbara Biley
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