Affirmons les droits et la souveraineté des peuples autochtones!
GRC, hors du territoire des Wet'suwet'en!

Appuyons les défenseurs de la terre Wet'suwet'en!

Les représentants du Canada et de la Colombie-Britannique ne cessent de répéter que le Canada est un pays qui défend l'état de droit, comme si cela suffisait pour répondre à l'opposition grandissante au refus des différents paliers de gouvernements de rencontrer les chefs héréditaires Wet'suwet'en. Comme si cela justifiait le déploiement très militarisé d'agents de la GRC pour expulser les Wet'suwet'en de leur propre territoire. Des actions de solidarité et de désobéissance civile ont eu lieu partout au pays, notamment des barrages de routes, de ports, de traversiers et de voies ferrées, et l'occupation temporaire des bureaux de députés du parlement canadien ainsi que de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Le 11 février, jour du discours du trône à l'Assemblée législative provinciale, des centaines de personnes, y inclus un grand nombre de jeunes, ont occupé l'entrée de l'édifice et demandé que le gouvernement de la Colombie-Britannique mette fin à l'attaque et à l'occupation par la GRC et négocie une solution pacifique au conflit avec les chefs héréditaires Wet'suwet'en.

Lors d'une conférence de presse au lendemain de la grande manifestation, le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, a insulté les peuples autochtones qui défendent leurs droits ancestraux et tous les Canadiens en disant : « Je vais continuer de travailler avec les gens qui veulent le progrès, et ils sont légion et beaucoup plus nombreux que ceux qui préfèrent se concentrer sur des griefs. » Comme les anciens dirigeants coloniaux, il se donne le droit de définir le progrès, en l'occurrence les pipelines et le gaz naturel liquéfié, puis de rejeter du revers de la main et criminaliser toute personne qui n'est pas d'accord. Le message est clair : si les actions du gouvernement au service des investisseurs étrangers qui veulent à tout prix mettre la main sur les ressources, la terre et le travail des Britanno-Colombiens vous font du mal ou portent atteinte à vos droits, et bien dommage, « mon gouvernement » est préoccupé par « le progrès » et non pas vos « griefs ». Jusqu'à présent, le premier ministre du Canada Justin Trudeau se contente de prétendre qu'il s'agit d'une affaire provinciale et dit qu'il a « pleinement confiance dans le gouvernement néodémocrate de la Colombie-Britannique pour aller de l'avant de la bonne façon ».

Ronald Wright, auteur de Stolen Continents: Conquest and Resistance in the Americas, dans une lettre au Globe and Mail publiée le 13 février, explique de façon convaincante l'essence du problème dans la confrontation de plus en plus houleuse entre les manifestants autochtones et leurs alliés et ceux qui veulent poursuivre la construction de pipelines et ce qu'on appelle le développement économique. Wright fait remarquer que le territoire des Wet'suwet'en à travers lequel le tribunal canadien a accordé aux développeurs la permission de construire un pipeline n'a jamais été cédé à la Couronne. Autrement dit, le tribunal n'avait pas le pouvoir d'accorder sa permission. De plus, les conseils de bande élus qui soutiennent le pipeline n'ont d'autorité que sur les petites réserves créées par la Loi sur les Indiens.[1] Wright souligne:

«John Horgan devrait savoir qu'il n'est pas à son avantage d'invoquer ‘la loi' pour imposer la construction d'un pipeline à travers le territoire non cédé des Wet'suwet'en. Ces mêmes mots ont été utilisés par le gouvernement Mulroney pendant la crise d'Oka en 1990. La question est: quelle loi?

«Comme les Mohawks, les Wet'suwet'en n'ont jamais cédé leur souveraineté ancienne en tant que peuple indépendant. La souveraineté ne peut être perdue que par la conquête ou le traité; les terres non cédées n'ont jamais fait légalement partie du Canada. Comme les Mohawks, les Wet'suwet'en  ont un système de gouvernement qui est antérieur à l'occupation européenne et qui est toujours actif (les conseils de bande gèrent simplement les petites réserves créées en vertu de la Loi sur les Indiens; leurs ‘autorisations' sont sans valeur au-delà de ces frontières).

« Dans des jugements historiques de 1997 et 2014, la Cour suprême a confirmé les droits des peuples autochtones de la Colombie-Britannique et a déclaré que le territoire non cédé des Wet'suwet'en pouvait couvrir 22 000 kilomètres carrés. Cela étant, aucun autre gouvernement ni aucune entreprise ne devrait avoir le droit d'y imposer sa volonté. Il semble que ce soit la Colombie-Britannique et la GRC qui enfreignent la primauté du droit.

Il est grand temps que les chefs héréditaires et les porte-parole autochtones cessent d'être écartés chaque fois que la Couronne trouve une utilisation économique pour leur territoire traditionnel, que ce soit pour l'exploitation minière, la foresterie, les barrages hydroélectriques ou les pipelines.

À l'heure actuelle, l'occupation par la GRC est bien en place et, le 13 février, Coastal GasLink a annoncé que les travaux avaient repris sur le gazoduc. Cela est appelé « défense de l'état de droit » bien que cela jette de l'huile sur le feu et attise l'opposition aux positions racistes et coloniales de « la loi du plus fort » des gouvernements Trudeau et Horgan.

La GRC a établi une zone d'exclusion sur le territoire des Wet'suwet'en, jusqu'au camp Unist'ot'en au kilomètre 66 sur le chemin du service forestier de la rivière Morice et a arrêté 28 personnes. Il s'agit de la route utilisée par Coastal GasLink pour accéder au territoire non cédé des Wet'suwet'en où elle construit un gazoduc pour acheminer le gaz de fracturation vers l'usine de LNG Canada en construction à Kitimat.

Pendant ce temps, les nations autochtones et d'autres partisans des défenseurs de la terre Wet'suwet'en à Kahnawake au Québec, à Tyendinaga en Ontario et au Manitoba ont bloqué les voies ferrées, exigeant que la GRC se retire et que des négociations de nation à nation aient lieu. À la fin de la journée du 13 février, le service ferroviaire national avait pratiquement été fermé et le service ferroviaire vers le port de Prince Rupert dans le nord de la Colombie-Britannique et le service de train de banlieue West Coast Express du centre-ville de Vancouver vers la vallée du Fraser étaient perturbés.

Le premier ministre du Québec, François Legault, a déclaré récemment que les blocus ferroviaires en appui aux Wet'suweten'en devaient cesser, reprenant son vieux refrain sur d'éventuelles « pénuries de propane ». Voilà précisément le mode de fonctionnement des institutions canadiennes et québécoises, ces dernières faisant partie intégrante de l'État colonial anglo-canadien : sur les questions des droits fondamentaux des peuples canadien, québécois et autochtones, la réponse de ceux qui usurpent le pouvoir politique est de criminaliser ceux qui défendent leurs droits et de faire de leurs luttes une question de loi et d'ordre.

Face à l'énorme pression de toutes parts, y compris de syndicats, d'universitaires, d'organisations de juristes, d'églises, de l'Union nationale des fermiers, de journalistes et d'organisations des libertés civiles, le gouvernement Trudeau a promis que la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, rencontrera le ministre de la Colombie-Britannique de la Réconciliation et des Relations autochtones, Scott Fraser, et les chefs héréditaires des Gitxsan et des Wet'suwet'en. Les Gitxsan, dont le territoire est adjacent à celui des Wet'suwet'en, bloquent le trafic ferroviaire à l'entrée et à la sortie du port de Prince Rupert. Il en va de même pour le ministre fédéral des Services aux Autochtones, Marc Miller, qui a communiqué avec les Mohawks de Tyendinaga, qui bloquent les voies ferrées près de Belleville, en Ontario, pour convenir d'une rencontre.

Le premier ministre Trudeau a fait écho au premier ministre Horgan dans une déclaration publiée à la suite de leur conversation téléphonique du 13 février. Ni l'un ni l'autre n'est intéressé à parler de la position légitime des chefs héréditaires Wet'suwet'en, à savoir qu'ils doivent donner leur consentement au développement industriel sur leur territoire et que ni la Colombie-Britannique ni le Canada ne respectent l'état de droit - provincial, national ou international. La déclaration du cabinet du premier ministre Trudeau mentionne que : « Le premier ministre Trudeau et le premier ministre Horgan ont discuté du fait que la liberté d'expression est un droit démocratique important, mais que les manifestations doivent respecter les décisions des tribunaux et se tenir dans le cadre de la loi. Ils ont également convenu que les progrès au chapitre de la lutte contre les changements climatiques et de la réconciliation doivent demeurer au premier plan de toutes les mesures que prend le gouvernement. Le premier ministre Trudeau a indiqué vouloir collaborer de près afin de régler la situation dans les plus brefs délais. Les deux gouvernements se sont engagés à rencontrer Gitxsan Simgyget, Wet'suwet'en Dini Ze' et Ts'ake ze en vue de nouer un dialogue continu. »

Le projet de LNG Canada est le favori du premier ministre Trudeau et du premier ministre de la Colombie-Britannique Horgan qui le vantent tous deux comme le plus important investissement étranger - 40 milliards de dollars - jamais entrepris au Canada. Le gouvernement de la Colombie-Britannique était si désireux de garantir l'investissement qu'en mars 2019, l'Assemblée législative a annoncé des « mesures incitatives », y compris des exemptions d'impôts et de l'électricité à rabais pour une somme d'environ 5,35 milliards de dollars, pour un consortium constitué de plusieurs des plus grandes multinationales du monde, dont Shell, Petronas, PetroChina, Mitsubishi et Korean Gas. Alors qu'il était dans l'opposition, le gouvernement néodémocrate s'est opposé à l'exploitation du gaz naturel liquéfié en Colombie-Britannique puis est devenu le champion des dangereuses opérations de fracturation hydraulique dans le nord de la Colombie-Britannique, de la construction du gazoduc à travers le territoire autochtone non cédé sans le consentement des nations autochtones, de la construction de l'usine de liquéfaction de Kitimat et de la perspective de plus en plus improbable d'un marché en Asie pour le gaz liquéfié. Quiconque soulève des préoccupations concernant les dommages causés à la Terre mère, y compris la destruction des sols et de l'eau dont dépendent les Wet'suwet'en, ou le fait que l'exploitation du gaz naturel liquéfié pour l'exportation contribue aux changements climatiques, est qualifié d'ennemi du progrès.

L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique et l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, appuyées par le West Coast Environmental Law et la Pivot Legal Society, ont écrit deux fois (le 29 janvier et le 9 février) à la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC pour demander une enquête sur la base que la mise en place et l'imposition par la force de la zone d'exclusion de la GRC sur le territoire Wet'suwet'en sont illégales, en expliquant en détail ce qui rend les actions de la GRC illégales.

Le premier ministre du Canada et le premier ministre de la Colombie-Britannique seraient bien avisés de ne pas donner des leçons de morale sur l'état de droit ou la liberté d'expression pendant qu'ils supervisent l'occupation violente du territoire des Wet'suwet'en, l'arrestation des jeunes qui occupaient les bureaux d'un ministre du Cabinet pour le convaincre de leur parler, et qu'ils criminalisent ceux qui exercent leur droit de s'exprimer.

Les actions audacieuses des Wet'suwet'en à la défense de leurs droits et les actions menées à travers le pays pour les appuyer, par des autochtones et des non autochtones, montrent la personnalité démocratique moderne qui lutte pour se libérer du carcan des institutions démocratiques libérales désuètes qui lui sont imposées par les pouvoirs en place. L'aspiration à de justes relations de nation à nation entre le Canada et les peuples autochtones est bloquée par ce que Trudeau, Horgan, le ministre canadien des Transports Marc Garneau et d'autres appellent « l'état de droit ». Cet « état de droit » est le règne colonial imposé à la pointe du fusil. Les relations coloniales du Canada avec les peuples autochtones n'ont pas leur place. Le peuple réclame des institutions qui offrent des réparations pour les crimes commis contre les Premières nations. Les gouvernements qui sont au service des intérêts privés nient nécessairement le droit des peuples d'avoir leur mot à dire dans les décisions qui touchent leur vie. La vie elle-même montre combien il est futile de réduire ce problème à une interprétation abstraite de ce qu'est l'état de droit.

Tous en appui aux défenseurs de la terre Wet'suwet'en !
Travaillons tous à investir le peuple du pouvoir afin de garantir de justes relations de nation à nation avec les peuples autochtones !
Arrêtez d'écarter les chefs héréditaires et les porte-parole autochtones !

Note

1.« The Wet'suwet'en have never surrendered their ancient sovereignty », Globe and Mail, 13 février 2020

(Photos: LML, R. Gillezeau, C. Smith, C. Hunt. B. Patterson)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 9 - 15 février 2020

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Affirmons les droits et la souveraineté des peuples autochtones! : Appuyons les défenseurs de la terre Wet'suwet'en! - Barbara Biley


    

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