Le Canada doit respecter le droit des nations et des peuples autochtones à la souveraineté et à l'autodétermination
La décision de la Cour suprême de
Colombie-Britannique de Prince George, le 31
décembre 2019, concernant les décennies de
lutte de la nation wet'suwet'en pour l'affirmation
de ses droits ancestraux, illustre une fois de
plus que le problème réside dans le refus de
l'État canadien de reconnaître la souveraineté
autochtone et les relations de nation à nation.
Le plaignant dans cette affaire, Coastal GasLink
Pipeline Ltd. (CGP), a demandé une nouvelle
injonction des tribunaux pour empêcher toute
obstruction à la construction du pipeline CGP sur
le territoire non cédé des Wet'suwet'en. La
compagnie a déclaré avoir satisfait toutes les
réglementations et toutes les exigences et avoir
en plus conclu des ententes avec 20 Premières
Nations différentes le long de la route prévue
pour le pipeline, ce qui fait que tout est «
légitime ».
Les défendeurs, selon les documents de la cour,
sont Freda Huson, Warner Naziel, John Doe et «
toutes les autres personnes non connues par le
plaignant qui occupent, obstruent, bloquent,
empêchent ou retardent l'accès dans ou près de la
zone formée par ou autour du pont de la rivière
Morice ou la zone à laquelle la voie de desserte
forestière Morice West donne accès ».
Dans son jugement
en faveur du plaignant, la juge Marguerite Church
écrit entre autres choses : « La perspective
juridique autochtone dans cette affaire est
compliquée encore plus par le fait que les
Wet'suwet'en possèdent à la fois des systèmes de
gouvernance ancestraux et de Conseils de bande en
vertu de la Loi sur les Indiens et qu'il
existe un litige au sujet de l'étendue des
compétences de chacun de ces systèmes de
gouvernance. »
En introduisant la notion qu'il existe deux
systèmes de gouvernance et qu'il existe un «
litige », et en écrivant « qu'un désaccord
considérable existe parmi les membres de la nation
wet'suwet'en en ce qui concerne le projet de
pipeline et que plusieurs dans la communauté
appuient le projet de pipeline et pensent qu'il va
apporter des avantages significatifs à la nation
wet'suwet'en dans son ensemble », la juge
Church révèle la vision coloniale de l'État
canadien et de son système juridique au service
d'intérêts privés. En fait, il n'y a qu'un seul
système de gouvernance légitime des peuples
autochtones et c'est celui qu'ils déterminent
eux-mêmes en tant que peuples souverains. Le
système des conseils de bande dans son ensemble a
été imposé à la pointe du fusil par l'État
colonial canadien, par le biais de la Loi sur
les Indiens, afin de contrôler les nations
autochtones et d'exercer un diktat contre elles et
de voler leurs terres et leurs ressources.[1]
Dès le début, les peuples autochtones ont résisté
à l'imposition du système des conseils de bande
qui a directement causé leur déplacement et leur
appauvrissement. En plus, en ce qui concerne
l'affaire de la Colombie-Britannique, la vaste
majorité des terres n'ont jamais fait l'objet de
traités. La compétence des conseils de bande
concerne uniquement les terres couvertes par la Loi
sur les Indiens, et non les terres
traditionnelles. Les chefs héréitaires
wet'suwet'en n'ont pas de dispute avec le Conseil
de bande wet'suwet'en. Leur dispute les oppose aux
actions illégales et criminelles de l'État
canadien et à Coastal Gaslink.
Rappelons que pendant toute cette période, ce
sont les chefs héréditaires wet'suwet'en qui ont
soutenu la primauté du droit et ont lutté pour les
intérêts de leur peuple en affirmant leurs lois et
leur autorité. En agissant ainsi, ils jouissent de
l'appui des Canadiens qui ont multiplié les
manifestations d'appui aux prises de position et
aux réclamations légitimes des Wet'suwet'en et des
peuples autochtones du Canada. Les Canadiens
veulent assumer leur responsabilité de travailler
avec les peuples autochtones pour trouver des
solutions à leurs problèmes communs qui sont
causés par un État canadien qui ne représente pas
leurs intérêts.
Des actions ont eu lieu partout au Canada sous le
thème « Tous les yeux sur les Wet'suwet'en »
plus tôt ce mois-ci à l'occasion du premier
anniversaire du blocus du territoire des
Unist'ot'en, pour lancer un avertissement
à l'État et à sa police et dire au monde entier
que les peuples canadiens et québécois soutiennent
les Wet'suwet'en et leurs chefs héréditaires.
Il est inacceptable de réduire les préoccupations
et les demandes légitimes des Wet'suwet'en à une
question de « loi et ordre ». La décision de
la Cour suprême de la Colombie-Britannique montre
que les tribunaux et les gouvernements ne sont pas
intéressés à trouver une juste solution aux
problèmes et veulent plutôt imposer leur diktat.
Ce sont les Wet'suwet'en et leurs chefs qui ont
cherché à affirmer leurs réclamations par des
moyens diplomatiques suivant le principe que leur
souveraineté et leurs droits territoriaux ne sont
pas négociables. Il ne peut y avoir d'accès à
leurs terres sans leur consentement libre,
préalable et éclairé.
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