La valse-hésitation de l'Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique

L'ordre du jour commercial agressif des États-Unis ébranle les arrangements en place

Les disputes qui entourent l'Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) reflètent la collusion et la rivalité interimpérialistes qui existent entre les sections rivales de l'oligarchie financière mondiale. Cette collusion et cette rivalité posent le très sérieux danger d'une guerre interimpérialiste mondiale mobilisant les armées des grandes puissances. Les Canadiens doivent assumer leur responsabilité sociale en dénonçant et en isolant les fanatiques proguerre des partis cartellisés au pouvoir au Parlement fédéral et faire du Canada une zone de paix.

La Forteresse Amérique du Nord, sous le diktat de l'impérialisme américain, semble avoir du mal à se prendre en main. Les contradictions au sein de l'élite dirigeante qui proviennent de la rivalité d'intérêts privés ne cessent de refaire surface et provoquent une guerre civile. Entre-temps, les travailleurs s'avancent de plus en plus pour faire leurs réclamations à la société comme ils se doivent de le faire et pour parler en leur propre nom.

Peu après son élection, le président Trump a annoncé que les trois pays de l'Amérique du Nord devaient négocier un nouvel ALÉNA sinon les États-Unis allaient s'en retirer unilatéralement. Ces négociations, qui sont devenues un mélodrame quotidien dans lequel des personnalités politiques rivalisent et essaient de se promouvoir et d'avancer leur carrière, n'ont produit une entente de principe que récemment.

Avant que l'ACEUM n'ait pu être soumis à la ratification des différentes assemblées législatives, le pouvoir exécutif étasunien l'a fait dérailler en imposant des tarifs sur l'acier et l'aluminium canadiens et mexicains, invoquant des raisons de « sécurité nationale ». Les États-Unis ont retiré ces tarifs le 17 mai, sans expliquer comment la menace à la sécurité nationale des États-Unis avait été écartée et en indiquant que les tarifs pourraient être rétablis à tout moment.

Une fois de plus cependant, avant même que ne débute le processus de ratification de l'ACEUM, le président Trump a perturbé le processus en menaçant d'imposer des tarifs sur toutes les exportations mexicaines vers les États-Unis à moins que les autorités mexicaines n'empêchent les migrants de s'approcher de la frontière et d'entrer aux États-Unis.

Puis, le 7 juin, le président Trump a annoncé via Twitter qu'un accord avait été conclu avec le Mexique pour réduire le flux de migrants à la frontière sud-ouest des États-Unis et que, par conséquent, les tarifs douaniers imposés le 10 juin avaient été suspendus indéfiniment.

Les accords des impérialistes américains ne valent pas
le papier sur lequel ils sont écrits

Il semble que les accords commerciaux globaux soient devenus dépassés alors que les gros joueurs de l'oligarchie financière, surtout les impérialistes américains, réclament la flexibilité de pouvoir agir en dehors de tout arrangement général. Comment expliquer sinon le recours soudain des États-Unis au prétexte de la sécurité nationale pour imposer des tarifs sur l'acier et l'aluminium à ceux qui sont censés être leurs partenaires en Amérique du Nord afin de faire dérailler l'ACEUM, et surtout l'excuse de l'immigration ?

Tous les arrangements internationaux, y compris les Nations unies, l'OTAN, l'Organisation mondiale du commerce, l'Union européenne et le Tribunal international sont attaqués par leurs membres puissants comme étant trop restrictifs pour leurs intérêts nationaux. Ces intérêts nationaux représentent en fait les intérêts privés d'oligarques financiers rivaux qui ont une portée et un pouvoir mondiaux.

Par exemple, la Turquie, qui est membre de l'OTAN, défie l'exigence que les membres de l'OTAN doivent acheter essentiellement de l'armement américain et a décidé d'acheter le système de défense antimissile russe S-400. Chose encore plus importante, les restrictions au sein de l'OTAN sont contestées par les pays de la vieille Europe. Ceux-ci ont formé leur propre alliance militaire européenne appelée Coopération structurée permanente (CSP) à l'extérieur de l'OTAN et sans la Grande-Bretagne. Cette nouvelle structure militaire européenne a publié ce que les hauts représentants américains appellent des « mesures restrictives » qui sont des règles en vertu desquelles la plus grande partie des armes de la CSP doivent être produites et achetées en Europe. C'est un défi direct à la domination des États-Unis sur les ventes d'armes mondiales et cela a rendu l'élite dirigeante impérialiste américaine furieuse, comme il fallait s'y attendre.[1]

L'ACEUM n'est qu'un des nombreux mélodrames parmi d'autres dans le monde de la collusion et de la rivalité impérialistes

Les luttes internes et les grands gestes théâtraux entourant l'ACEUM reflètent la concurrence qui existe entre les membres de l'oligarchie financière et leurs entreprises mondiales qui cherchent à dominer leurs secteurs non seulement en Amérique du Nord, mais en Europe et au-delà. La rivalité dans le monde est devenue particulièrement aiguë dans le secteur de la technologie où la domination des États-Unis est contestée. Des disputes se développent aussi en agriculture, dans la production de véhicules, dans le pétrole et le gaz naturel, dans l'aluminium, les avions commerciaux et les armements.

Ces conflits entre des compagnies spécifiques dirigées par les États-Unis et des concurrents basés en Chine, en Russie et en Europe sont importants et mobilisent une large gamme d'intérêts privés rivaux dans le monde. Ces conflits intermonopolistes comprennent aussi la course des puissances impérialistes pour dominer et contrôler des secteurs économiques spécifiques et de régions entières. Les impérialistes américains, forts de leurs centaines de bases militaires et d'armadas navales dans le monde, sont déterminés à préserver leur domination dans les Amériques et les Caraïbes, en Europe, en Asie et en Afrique et à contrer l'influence croissante de puissances mondiales en développement comme la Chine, la Russie et d'autres.

Les impérialistes américains ont embrasé l'Asie de l'Ouest et l'Afrique du Nord avec le changement de régime, la guerre et la destruction des puissances qu'ils ne sont pas capables de contrôler. Ailleurs, ils ont imposé un blocus génocidaire à la République populaire démocratique de Corée, à Cuba et au Venezuela. Ils ont déclaré que l'Amérique latine doit être leur chasse gardée, poursuivant la tradition de la doctrine Monroe impérialiste du XIXe siècle, qui considère que les nations souveraines n'ont pas le droit de tracer leur propre voie de développement.

Les oligarques américains lancent une attaque contre leur concurrent technologique Huawei

Les États-Unis, avec l'appui apparent des autorités canadiennes, ont banni l'entreprise technologique chinoise Huawei et ses produits des États-Unis et ont interdit tout usage ou coopération avec des entreprises américaines et menacent de pénalités sévères tous ceux qui continuent de faire affaire avec elle. Cela a suscité de la résistance partout dans le monde parce que les produits et la technologie avancée de Huawei sont déjà largement utilisés en Europe et ailleurs, notamment en Grande-Bretagne et au Canada. Dans le cadre de la campagne mondiale contre leur concurrent grandissant Huawei, les États-Unis ont ordonné au Canada d'arrêter la dirigeante de Huawei Meng Wanzhou alors qu'elle était en transit à l'aéroport de Vancouver en route vers le Mexique. Elle a été détenue et est menacée d'extradition vers les États-Unis pour avoir soi-disant enfreint l'embargo américain contre l'Iran.

Les statistiques sur le commerce entre les États-Unis et la Chine montrent avec quelle rapidité ces attaques et ces événements pénètrent différents secteurs. La chute des importations chinoises de produits agricoles américains a été très rapide ; celles-ci ont chuté d'un montant annuel de 25,7 milliards de dollars en 2014 à 21,8 milliards en 2017. À cause des attaques soutenues de l'impérialisme américain contre Huawei et d'autres intérêts chinois, on prévoit que cela va baisser jusqu'à 6,5 milliards en 2019. À cause de la complicité active du Canada avec les impérialistes américains dans cette attaque contre un concurrent mondial, les entreprises canadiennes ont elles aussi connu une chute de leurs exportations vers la Chine, surtout des principaux produits agricoles, de même que des problèmes en ce qui concerne d'autres partenariats.

L'impérialisme américain brise le Plan d'action 
global conjoint avec l'Iran de 2015

En 2018, les États-Unis ont rompu unilatéralement l'accord nucléaire international de 2015 avec l'Iran. Ils demandent que les autres fassent de même et coupent leurs relations économiques ou autres avec l'Iran. Les entités économiques qui enfreignent l'embargo américain de l'Iran se voient interdire l'accès au marché américain ou toute relation d'affaires avec les entreprises qui sont liées aux États-Unis sous peine de sanctions en vertu des lois américaines, dont un exemple est la persécution de la dirigeante de Huawei Meng Wanzhou. La réintroduction d'un embargo américain contre l'Iran après que le différent sur le programme nucléaire de l'Iran ait été résolu a provoqué des conflits significatifs à l'échelle mondiale.

Les États-Unis s'attaquent au gaz naturel russe qui leur fait concurrence

L'embargo des États-Unis sur le pétrole et le gaz iraniens a été élargi aux exportations de gaz russe vers l'Europe. Les États-Unis veulent faire dérailler le nouveau partenariat Russie/Europe de gazoduc jumelé Nord Stream qui fournit directement du gaz naturel au marché de l'UE par la mer Baltique et évite ainsi le territoire de l'Ukraine.

Les oligarques américains du pétrole liés à la fracturation aux États-Unis exportent maintenant du gaz de fracturation sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) partout dans le monde et veulent les droits exclusifs en Europe, sans la concurrence provenant du gaz russe moins cher non liquéfié arrivant par gazoduc. Ils qualifient le GNL américain de « gaz de la liberté » et insistent pour que tous l'achètent plutôt que le « gaz répressif » de la Russie et de l'Iran.

L'ACEUM dans le contexte de la concurrence et de la rivalité mondiales au sein du système impérialiste d'États dominé par les États-Unis

La révision de l'ALÉNA et la ratification de son remplacement par l'ACEUM se font dans le cadre de l'intensification de la collusion et de la rivalité entre les sections rivales de l'oligarchie financière mondiale. Dans leur course à l'hégémonie mondiale, les oligarques des États-Unis font face au développement inégal des forces productives sous l'impérialisme. De nouvelles forces de l'économie mondiale telles que la Chine, l'Inde, l'Indonésie et d'autres, et de vieux joueurs qui ont retrouvé leur force comme la Russie et d'autres en Europe réclament leur place et refusent de plus en plus de plier l'échine devant l'oligarchie financière américaine autrefois incontestée et son pouvoir militaire mercenaire et d'État.

La ratification ou la non-ratification de l'ACEUM est moins importante pour les impérialistes américains dans cette période où les accords internationaux sont ignorés de manière routinière selon les demandes d'intérêts privés particuliers. La menace de guerres plus vastes grandit à mesure que la rivalité et son pendant, la collusion, s'intensifient parmi les puissants secteurs de l'oligarchie financière internationale, alors que ceux-ci et les États et les armées qu'ils contrôlent luttent pour des positions qui les avantagent.

Le monde moderne des forces productives socialisées et du commerce mondial requiert la coopération de tous les peuples du monde et de leurs pays souverains. Il faut créer de nouveaux arrangements qui reposent sur l'avantage réciproque, le développement  et la coopération de tous les pays souverains, sans ingérence dans le droit de toutes les nations de bâtir leur propre avenir selon leur propre matériel de pensée et leur conscience sociale.

La responsabilité sociale des Canadiens est d'extirper le pays de la domination et du contrôle de l'impérialisme américain et de son ingérence et de son agression contre les peuples du monde alors qu'il tente d'éliminer toutes les forces qui lui font concurrence dans sa campagne pour reprendre le contrôle du monde entier. Dans cette prise en main de la responsabilité sociale dans un monde aux prises avec un danger croissant de guerre mondiale, une question centrale est de faire du Canada une zone de paix, d'isoler les fanatiques proguerre des partis cartellisés du Parlement et de bâtir de nouvelles institutions sociales, économiques et politiques, conformes aux conditions modernes, qui garantissent le bien-être, la sécurité et les droits de tous.

Note

1. La possibilité pour les États membres de l'Europe de participer à la CSP - sur une base volontaire - a été introduite par l'article 42(6) du Traité de Lisbonne sur l'Union européenne en décembre 2017. Cet article prévoit que les États membres dont les capacités militaires remplissent des critères plus élevés et qui ont pris des engagements plus contraignants les uns envers les autres dans ce domaine établiront une coopération structurée permanente dans le cadre de l'UE (tiré du site web de la CSP/PESCO)

(Photos : LML, Code Pink)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 23 - 15 juin 2019

Lien de l'article:
La valse-hésitation de l'Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique: L'ordre du jour commercial agressif des États-Unis ébranle les arrangements en place - K.C. Adams


    

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