Le Marxiste-Léniniste

Numéro 9 - 10 mars 2018

Budget fédéral 2018

Le problème avec les budgets gouvernementaux

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Budget fédéral 2018
Le problème avec les budgets gouvernementaux

Mesures budgétaires concernant l'assurance-emploi
Soutenons la demande des travailleurs saisonniers de vivre dans la dignité! - Pierre Chénier
Les travailleurs doivent être vigilants face à l'hypocrisie libérale
Entrevue avec Line Sirois, coordonnatrice d'Action Chômage Côte-Nord

Le budget et l'équité salariale
Leçons apprises de décennies de lutte pour l'équité salariale - Elaine Baetz

Absurdités sur les tarifs et les guerres commerciales
C'est ainsi qu'on gère une économie? - K.C. Adams

Contre l'orientation destructrice donnée à l'économie et à la société
par les libéraux

Étude sur les résultats des programmes pour payer les riches
Un éventail plus grand de stratagèmes pour payer les riches

La controverse sur l'oléoduc Trans Mountain continue
Conflit d'intérêts entre les monopoles de l'énergie et les
travailleurs - Peggy Morton

De la presse du Parti sur la direction de l'économie
1996: Jean Chrétien à la tête des commis voyageurs
2002: La «stratégie d'innovation du Canada Atteindre l'excellence»
2016 : L'appel néolibéral à donner une nouvelle image au Canada
reprend du service


Budget fédéral 2018

Le problème avec les budgets gouvernementaux

Le problème avec les budgets des gouvernements du Canada est que ces gouvernements ne sont pas représentatifs. Les gouvernements qui préparent les budgets représentent la classe privilégiée et le pouvoir de l'élite dominante, de ceux qui possèdent et contrôlent l'économie socialisée. L'élite dominante donne comme but aux budgets gouvernementaux celui de l'économie impérialiste, soit l'expropriation du profit maximum pour une poignée de privilégiés aux dépens de la majorité. Les budgets gouvernementaux ne contredisent pas et ne peuvent pas contredire le but des puissants intérêts privés qui dominent l'économie impérialiste.

Les gouvernements à tous les niveaux au Canada amassent des fonds publics principalement par l'impôt. Ces fonds servent ensuite à financer les pouvoirs de police et d'autres institutions d'État de l'élite dominante. D'une façon ou d'une autre, les fonds publics sont utilisés pour défendre le privilège de classe et le pouvoir des oligarques mondiaux supranationaux qui possèdent et contrôlent l'économie impérialiste. Les fonds publics ne doivent pas contredire le but de l'économie tel que dicté par l'élite dominante qui contrôle l'économie et le gouvernement non représentatif.

Les fonds pour les programmes sociaux et les services publics sont distribués de façon à ne jamais aller à l'encontre du but de l'économie impérialiste, qui est de servir les intérêts privés de quelques-uns, et ne servent qu'indirectement l'objectif social déclaré. L'objectif particulier de tout programme social et de tout service public doit s'accorder avec le but général de l'économie impérialiste. La crise du logement en est un exemple. Les fonds publics pour le logement vont toujours à des entreprises privées et il est sencé en découler des bienfaits pour ceux qui ont besoin de ce qu'on appelle un logement abordable ou d'un lieu d'accueil. Cette forme de stratagème pour payer les riches comme façon de résoudre les problèmes sociaux ne résout jamais rien parce que ce n'est pas le but. Le but est d'acheminer des fonds publics vers des intérêts privés sous prétexte de s'attaquer à un problème social et d'embrouiller le plus possible les demandes qui sont faites pour résoudre des problèmes pressants.

Les récents budgets du gouvernement fédéral et du gouvernement de la Colombie-Britannique contiennent tous deux des mesures pour acheminer des fonds publics à des intérêts privés sous la bannière de la crise du logement. Le gouvernement britanno-colombien propose de verser 6,2 milliards $ sur dix ans pour bâtir 33 700 nouveaux logements abordables. Le gouvernement fédéral parle de « l'initiative Financement de la construction de logements locatifs qui permettra de construire 14 000 nouveaux logements locatifs répartis dans toutes les régions du pays. Cette mesure s'appuie sur notre Stratégie nationale sur le logement, qui permettra de créer plus de 100 000 nouveaux logements et de réparer 300 000 logements. » Les fonds publics alloués à ces programmes serviront à enrichir des entreprises privées de la construction, des finances et d'autres secteurs qui fourniront les hypothèques et vendront le produit social que leurs employés produisent à des acheteurs ou locataires qui ne pourraient pas autrement se le permettre.

Un projet semblable est en cours pour l'achat de produits pharmaceutiques. Beaucoup de Canadiens ne peuvent pas se permettre d'acheter les médicaments qui leur sont prescrits. Ce projet expose encore une fois un système de santé qui n'est pas universel, intégral et gratuit, qui met en péril la santé de nombreuses personnes et est source de détresse physique et mentale. Le budget Trudeau promet une étude en vue d'éliminer les frais des particuliers pour tous les médicaments d'ordonnance. Le problème est beaucoup plus profond que le gouvernement le prétend. Les monopoles de l'industrie pharmaceutique contrôlent le développement et la fabrication des médicaments. Ces intérêts privés sont motivés par l'objectif de faire le plus de profit possible, non pas de contribuer à la santé des personnes, individuellement ou collectivement. Lorsque le gouvernement verse des fonds publics aux grandes entreprises pharmaceutiques pour les médicaments que celles-ci choisissent de développer et de fabriquer, cela élargit leur clientèle et renforce leur contrôle sur le système de santé et son orientation. Une bonne partie des profits qui en sont tirés quittent le pays et ne sont pas réinvestis dans l'économie. Le peuple en général et les intervenants de la santé en particulier sont privés du droit de contrôler la direction du système de santé et d'exiger que la valeur qu'ils produisent soit réinvestie dans le système pour garantir la santé des Canadiens et renforcer l'économie dans le cadre d'un projet moderne d'édification nationale.

Les fonds publics distribués à l'élite dominante par les programmes pour payer les riches contribuent énormément à la croissance de la dette nationale du Canada, dette qui a été privatisée. La dette publique de tous les niveaux de gouvernement est presque entièrement détenue par des intérêts privés. En 2018, les paiements l'intérêt sur la dette du gouvernement fédéral, versés à des intérêts privés, s'élèveront à environ 24,4 milliards $. Le budget Trudeau porte la dette totale envers des intérêts privés à environ 670 milliards $ avec un déficit supplémentaire de 20 milliards $. La privatisation de la dette publique représente un important transfert de richesse de la classe ouvrière à l'élite dominante qui possède et contrôle l'économie socialisée. Il n'y a aucune raison que la dette d'un gouvernement de nos jours soit envers une institution autre que lui-même et comprenne un intérêt. L'investissement de la richesse sociale détenue de façon privée devrait se faire seulement dans les secteurs de production et pas dans la dette des gouvernements.

Il n'y a pas de programme social ou d'entreprise publique au Canada qui ait vraiment pour raison d'être de résoudre un problème social particulier. Tous les programmes, services et entreprises sont accessoires et servent d'abord à payer les riches. C'est la raison fondamentale pour laquelle ils sont tous en manque permanent de financement et qu'ils ne résolvent jamais les problèmes de départ. Même le réseau de santé et le système d'éducation publics ne peuvent pas véritablement être considérés comme des entreprises publiques dont la mission première est de servir les besoins de la population. Leur vraie mission est de fournir une main-d'oeuvre instruite et en santé aux entreprises privées, lesquelles refusent de payer pour la valeur qu'elles en tirent. Ils sont aussi une source garantie de revenus pour les entreprises privées de la construction, de l'approvisionnement et de la finance et un facteur important de l'augmentation de la dette publique détenue par des intérêts privés pour qui les intérêts et dividendes sont garantis. D'autre part, puisque les programmes sociaux n'ont pas officiellement pour mission de garantir les droits et sont plutôt une promesse et un stratagème pour payer les riches, leur existence est toujours menacée car les riches peuvent décider d'exproprier l'argent d'une autre façon.

Postes Canada est une entreprise publique dont la mission est d'offrir un service universel au public et de remettre une partie de la valeur ajoutée que produisent les travailleurs au trésor public. Mais elle n'échappe pas elle non plus à l'objectif de l'économie impérialiste. D'une part, elle accorde depuis toujours des tarifs préférentiels aux entreprises privées qui ont recours au service postal. Avec l'arrivée récente de l'automatisation, une bonne partie des revenus de Postes Canada est acheminée vers l'achat de valeurs fixes que sont les machines, produites à l'étranger dans la plupart des cas, et d'un immense parc de véhicules de livraison achetés aux monopoles de l'automobile. Et maintenant que la majeure partie des correspondances des grandes entreprises se fait par Internet et que celles-ci n'ont plus un besoin aussi pressant de tarifs préférentiels, la privatisation des unités les plus profitables de Postes Canada est exigée et le service universel est sacrifié.

Les gouvernements qualifient leurs programmes de « publics » et de « sociaux » pour duper les crédules et créer l'impression qu'ils essaient de répondre à un quelconque besoin de la société. En fait, ces programmes et services perpétuent le système du privilège de classe et consolident le contrôle de l'élite dominante et d'intérêts privés par des stratagèmes pour payer les riches sous une forme ou une autre dans le cadre de l'économie impérialiste.

Les gouvernements des riches maintiennent le peuple dans ce dilemme que les programmes sociaux et les services publics sont absolument nécessaires, mais que leur existence dépend de leur capacité à payer les riches. Le peuple est forcé de réclamer plus d'investissements dans les programmes sociaux et de défendre les programmes et services qui existent. Il est aussi confronté à la nécessité d'arrêter de payer les riches et d'exposer le fait que ce que les gouvernements appellent programmes sociaux sont en réalité des moyens d'enrichir une infime minorité et de perpétuer le privilège de classe qui ne font qu'érafler la surface des problèmes sociaux qui continuent de s'aggraver. L'offensive antisociale expose cette vérité puisqu'elle réduit les programmes sociaux à un énoncé de principe, réalisables seulement s'il y a « suffisamment d'argent » et finalement sacrifiés sur l'autel de l'austérité budgétaire à cause du refus de gouvernements non représentatifs de prendre au sérieux leur responsabilité de résoudre les problèmes sociaux du Canada et d'offrir des services publics universels et gratuits pour tous.

Les travailleurs ne doivent jamais oublier que ce qu'ils reçoivent comme programmes sociaux et services publics est un produit défectueux qui peut leur être enlevé en tout temps. Tous les budgets gouvernementaux aujourd'hui servent le privilège de classe et le désir d'intérêts privés d'exproprier le maximum de profit de ce que les travailleurs produisent. Pour être efficace, la résistance de la classe ouvrière doit avoir comme orientation de changer le but fondamental de l'économie et des institutions politiques et d'État, qui sont un reflet de l'économie impérialiste, pour lui donner un but prosocial, de servir le peuple et l'intérêt général de la société à l'extérieur, et en opposition au système impérialiste d'États mené par les États-Unis, en état de guerre perpétuelle. Les travailleurs pourront ainsi commencer à résoudre les problèmes de la société et à humaniser l'environnement naturel et social en se donnant des gouvernements qui les représentent et sur lesquels ils exercent un contrôle.

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Mesures budgétaires concernant l'assurance-emploi

Soutenons la demande des travailleurs saisonniers de vivre dans la dignité! 


Manifestation le 12 février 2018 à Cap-aux-Meules au Québec pour exiger la fin du
« trou noir » dans l'assurance-emploi

Quelques semaines avant la présentation du budget fédéral le 27 février dernier, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, et de hauts fonctionnaires de son ministère ont promis aux chômeurs que le budget comprendrait des annonces sur la question de l'assurance-emploi (AE) et en particulier du « trou noir ». On appelle « trou noir » cette période pendant laquelle les chômeurs, en particulier les travailleurs saisonniers, sont sans revenu. Ils ont épuisé leurs prestations d'assurance-emploi à cause des règles actuelles en vigueur mais n'ont pas encore retrouvé leur emploi.[1] Le budget du gouvernement fédéral comprend effectivement une annonce sur la question des industries saisonnières et du trou noir, mais, par son contenu et sa forme, elle est à l'opposé de ce que les travailleurs demandent pour pouvoir vivre décemment.


Manifestation aux bureaux de Services Canada à Forestville

Tout d'abord, le gouvernement fédéral rejette du revers de la main la demande des chômeurs, de leurs associations de défense et des syndicats qui les appuient pour des mesures d'urgence. Ils demandent que des mesures immédiates soient prises pour s'attaquer à l'arbitraire du régime qui a rendu la situation intenable. Dans le cas du trou noir, les associations de défense de l'est du Québec ont mis de l'avant la demande d'un seuil constant de 420 heures de travail pour se qualifier pour 30 semaines de prestations d'assurance-emploi qui est rétroactif à la période où le taux de chômage officiel et arbitraire est subitement tombé. Cela permettrait d'éviter que les travailleurs saisonniers se retrouvent sans revenu pendant des mois.

Au lieu de satisfaire les demandes des chômeurs et de leurs sympathisants, le gouvernement a mis dans son budget une section intitulée « Aider les travailleurs dans les industries saisonnières » qui dit :

Pour la plupart des Canadiens, une perte d'emploi est un incident temporaire et unique. Le temps qu'il faut pour trouver un nouvel emploi dépendra de la situation de chaque personne et du marché local de l'emploi auquel la personne fait face à un moment donné. Voilà pourquoi les prestations d'assurance-emploi varient selon le taux de chômage régional.

Cependant, il y a aussi un certain nombre de Canadiens qui travaillent dans des industries comme le tourisme et la transformation du poisson, qui dépendent du passage des saisons. Puisque les prestations d'assurance-emploi varient d'une année à l'autre dans chaque région, cette dynamique peut être perturbatrice pour les travailleurs dont l'emploi principal est saisonnier. Pour ceux qui ne sont pas en mesure de se trouver un autre emploi avant le début de la nouvelle saison, une telle situation peut représenter une perte de revenu difficile et stressante, surtout si les prestations d'assurance-emploi varient considérablement d'une année à l'autre.

Cette description intéressée du problème déforme la réalité et ne résout rien. Le gouvernement fédéral considère le statu quo du chômage comme quelque chose d'intouchable et non comme un problème sérieux qui réclame une solution et face auquel un programme social est nécessaire tant que le problème n'est pas résolu. Le chômage est endémique dans le système actuel et l'élite dirigeante refuse d'envisager toute autre direction pour l'économie. Sa conception du monde ne part pas de ce qui sert le mieux le facteur humain, mais de ce qui sert le profit d'argent maximum pour une petite minorité, lequel requiert une surpopulation constante de travailleurs qui sont disponibles sur le marché de l'emploi.

Le système actuel ne part pas des besoins du facteur humain et n'a pas comme objectif d'activer le facteur humain. Le système ne peut pas fournir des emplois à tous parce que tel n'est pas son but, qui est d'exproprier le maximum de profit d'argent de ce que les travailleurs produisent. Cela veut dire qu'un programme social est nécessaire qui garantit le droit des chômeurs de vivre à un standard canadien. Au lieu de reconnaître que c'est le cas, le gouvernement déclare qu'une perte d'emploi est « un incident temporaire et unique » qui se produit dans le contexte d'un « marché local de l'emploi ». Du revers de la main, le gouvernement écarte la réalité du chômage endémique et impose une formule arithmétique arbitraire qui repose sur un taux de chômage régional fantaisiste qui propose une « moyenne » pour une région entière. Tout cela n'a rien à voir avec la situation réelle des chômeurs et avec le trou noir en particulier qui crée tant de difficultés aux chômeurs.

Bien sûr, le gouvernement ne se sent pas obligé d'expliquer pourquoi « il y a aussi un certain nombre de Canadiens qui travaillent dans des industries comme le tourisme et la transformation du poisson, qui dépendent du passage des saisons ». C'est une simple description de la situation, d'ailleurs très pauvre, qui permet au gouvernement d'éviter d'expliquer ce qui est arrivé au secteur manufacturier des régions et pourquoi les gouvernements successifs ont refusé d'y développer une économie à secteurs multiples qui sert les besoins de la population et qui ne souffre pas des incertitudes et de l'insécurité face à l'emploi à cause du « passage des saisons ». Ces régions ont essentiellement été des dépôts de matières premières mises à la disposition des intérêts privés mondiaux lorsqu'ils en avaient besoin pour du raffinage ou de la fabrication manufacturière ailleurs. La matière première d'une région pourrait être développée comme le fondement d'une économie à secteurs multiples si les travailleurs étaient en position de contrôle et donnaient à l'économie un nouvel objectif centré sur l'être humain. Au lieu de cela, l'économie est laissée dans les mains d'intérêts privés supranationaux qui laissent les régions sous-développées et les travailleurs soumis à un chômage qui fluctue et qui est aggravé par un régime de l'assurance-emploi inadéquat et arbitraire.


Manifestation devant les bureaux de Services Canada à Richibucto, au Nouveau-Brunswick, le 21 février 2018 pour s'opposer aux changements de l'AE par le gouvernement fédéral et mettre fin au « trou noir »

Note

 1. On estime qu'il y a environ 16 000 travailleurs au Canada qui affrontent le « trou noir » ou sont susceptibles de l'affronter chaque année. Environ 36 % de ces travailleurs vivent au Québec, et 28 % dans les provinces atlantiques. Le trou noir s'aggrave à cause de la délimitation arbitraire du pays en régions économiques de l'assurance-emploi qui sont un mixage de régions qui sont très différentes du point de vue des industries et de l'économie. Le régime de l'assurance-emploi attribue à chaque région un taux de chômage qui joue un grand rôle dans la détermination de l'admissibilité à l'AE. Cette détermination est arbitraire, car elle ne reflète pas la situation réelle des chômeurs et de l'économie régionale. Par exemple, le taux de chômage de la région économique de l'assurance-emploi du Bas-Saint-Laurent--Côte-Nord comprend même une partie du Lac-Saint-Jean, qui ne fait même pas partie de la région géographiquement. Le taux de chômage de la région est officiellement tombé à 6,9 % en novembre, comparativement à 8,9 % en mai. La conséquence de cela, c'est que le seuil de qualification à l'assurance-emploi est passé dans cette région de l'AE de 595 heures travaillées pour 18 semaines de prestations, ce qui est déjà inacceptable, à 665 heures travaillées pour 15 semaines de prestations. Cela veut dire qu'un plus grand nombre de travailleurs sont simplement exclus de l'assurance-emploi par une simple statistique qui ne reflète pas les conditions réelles, et laissés sans revenu, dans le trou noir, pour une période qui peut atteindre 3-4 mois.

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Les travailleurs doivent être vigilants face à l'hypocrisie libérale

Le budget fédéral du gouvernement Trudeau comprend deux mesures touchant les travailleurs des industries saisonnières.[1] Le plan budgétaire du budget 2018 prévoit ce qui suit :

1. « Afin de mettre à l'essai de nouvelles approches destinées à mieux aider les travailleurs les plus touchés par cette situation, le gouvernement propose d'investir 80 millions $ en 2018-2019, et 150 millions $ en 2019-2020, par l'intermédiaire des Ententes sur le développement du marché du travail fédérales-provinciales. Dans les mois à venir, le gouvernement collaborera avec des provinces clés afin de formuler conjointement des solutions locales qui pourront être mises à l'essai pour appuyer le développement de la main-d'oeuvre. »

2. « De plus, Emploi et Développement social Canada réaffectera un montant de 10 millions $ à même les ressources ministérielles existantes dans le but d'offrir immédiatement un soutien du revenu et une formation aux travailleurs touchés. Ces mesures contribueront à faire en sorte que les travailleurs en chômage des industries saisonnières du Canada aient accès aux mesures de soutien dont ils auront besoin, quand ils en auront le plus besoin. »

La mesure 1 n'a absolument rien à voir avec la revendication des chômeurs de mesures pour atténuer leur situation de grande pauvreté et de correctifs qui reposent sur les conditions concrètes et les besoins réels des chômeurs. Les Ententes sur le développement du marché du travail fédérales-provinciales concernent des montants dévolus aux provinces, au Québec et aux territoires par le fédéral, pour fournir des programmes de formation, d'aide à l'emploi, des subventions salariales aux employeurs qui engagent des chômeurs, et autres mesures du genre. Leur clientèle est essentiellement les demandeurs et prestataires de l'assurance-emploi.

Pourquoi le gouvernement fédéral veut-il associer les programmes de formation et autres programmes du genre aux travailleurs saisonniers ? Les travailleurs des régions où prédomine le travail saisonnier sont déjà formés pour leur métier. Ils ont l'instruction requise quand elle est requise et le reste ils l'apprennent en faisant leur métier. La formation ne mène pas à des emplois dans les régions où le travail saisonnier prédomine. Si du travail à l'année était disponible, pourquoi les travailleurs travailleraient-ils dans des emplois saisonniers incertains qui les piègent dans le trou noir ? Si du travail stable à l'année était disponible, qui serait disponible pour le travail saisonnier à moins qu'il n'existe une vaste coopération et que des travailleurs soient disponibles pour faire le travail saisonnier ? Mais ce n'est pas comme cela que cette économie fonctionne. Elle fonctionne à la concurrence et à l'expropriation du maximum de profit d'argent possible de ce que les travailleurs produisent. Les entreprises, qu'elles soient saisonnières ou non, achètent la capacité de travailler des travailleurs sur le marché des travailleurs disponibles. Pour que les travailleurs soient achetés (ou engagés), il faut que la demande pour leur capacité de travailler existe.

Les travailleurs doivent être vigilants

Est-ce qu'on fera de la participation à des programmes de formation une condition à l'accessibilité aux prestations de l'assurance-emploi pour les travailleurs saisonniers ? Est-ce que ces programmes vont « déterminer » que les travailleurs ayant reçu une formation ont maintenant un emploi, ce qui va mener à l'élimination ou à la réduction de leurs prestations, comme le fait le gouvernement de l'Ontario avec les travailleurs accidentés en « déterminant » qu'ils ont un emploi même si c'est un emploi fantôme? Est-ce qu'on obligera les chômeurs des régions éloignées à se déplacer sur de longues distances pour aller suivre des programmes de formation parce qu'il n'y a pas de centres de formation dans leur région? 

Les travailleurs doivent être très vigilants aussi parce que cela fait plusieurs années que des « groupes de réflexion » impérialistes qui sont liés de près aux libéraux comme l'Institut C.D. Howe proposent que le gouvernement fédéral se départisse de ses responsabilités en ce qui concerne les chômeurs qui sont considérés comme « captifs ». Par « captifs » on entend les chômeurs qui ne participent pas à la mobilité du travail. Selon le C.D. Howe et d'autres comme eux, le programme de l'assurance-emploi devrait promouvoir la mobilité du travail et devrait être disponible seulement à ceux qui bougent sur le « marché du travail » et sont prêts à occuper des emplois loin de leur région et de leur ville.

Le C.D. Howe propose de refiler cette responsabilité des chômeurs « captifs » au Québec et aux provinces qui, selon lui, seraient plus aptes à s'occuper du chômage saisonnier qui ressemble soi-disant à l'aide sociale, laquelle est provinciale. Selon cette logique, les chômeurs « captifs » sont « dépendants de l'État » et ne font pas vraiment partie du marché du travail libre.

La conception du monde et les mesures du gouvernement libéral ne répondent pas aux demandes et aux besoins des chômeurs parce que là n'est pas son objectif. Pourrait-on imaginer un gouvernement libéral qui propose d'abolir le marché du travail et de le ranger au musée de l'histoire antipeuple à côté du marché aux esclaves ? Le seul programme social auquel les travailleurs peuvent s'attendre c'est celui pour lequel ils luttent et qu'ils demandent, et qui doit garantir leur droit à un niveau de vie et un moyen de subsistance de standard canadien en toutes circonstances.

En ce qui concerne la mesure numéro 2, les « 10 millions $ à même les ressources ministérielles existantes dans le but d'offrir immédiatement un soutien du revenu et une formation aux travailleurs touchés », personne ne sait à l'heure actuelle comment ces montants seront déboursés et quelle sera la relation entre ces montants de soutien du revenu et les programmes de formation. Les organisations de défense des chômeurs ont déjà dit qu'un montant de 10 millions $ est totalement insuffisant pour pallier à l'urgence actuelle et n'abordent en rien leurs demandes pour des mesures d'urgence disponibles tout de suite et des correctifs à la situation afin que les chômeurs puissent vivre dans la dignité. Cela ressemble à un spectacle minable de déplacement d'argent qui ne contient rien de substantiel pour remédier à la situation.

Le refus du gouvernement fédéral de s'attaquer à ce problème du trou noir et du chômage en général est méprisable. Les travailleurs et leurs organisations demandent des mesures immédiates de soulagement d'urgence et des correctifs qui reposent sur la réalité concrète et les besoins des chômeurs. L'État et les autres qui achètent la capacité de travail des travailleurs doivent assumer leur responsabilité sociale de garantir une existence dans la dignité à tous à un standard canadien. Tout refus d'assumer cette responsabilité montre qu'ils ne sont pas aptes à gouverner.

Note

1. En ce qui concerne l'assurance-emploi, le Budget 2018 propose aussi d'apporter des modifications à la Loi sur l'assurance-emploi afin de rendre permanentes les nouvelles règles relatives au projet pilote actuel Travail pendant une période de prestations. Ce projet pilote, qui devait prendre fin en août 2018, permet aux bénéficiaires de conserver 50 cents de prestations d'assurance-emploi pour chaque dollar de gains d'emploi, jusqu'à concurrence de 90 % de la rémunération hebdomadaire assurable entrant dans le calcul de leurs prestations.

Le Budget 2018 propose une nouvelle Prestation parentale partagée d'assurance-emploi qui permet aux familles biparentales qui acceptent de partager un congé parental d'obtenir cinq semaines supplémentaires de congé. Le budget propose aussi de rendre disponibles jusqu'à 90 millions de dollars sur trois ans à compter de 2018-2019 pour le traitement et la prestation de services visant les demandes d'assurance-emploi. Il propose de plus l'octroi de 127,7 millions de dollars supplémentaires sur trois ans à compter de 2018-2019 pour l'accessibilité aux centres d'appel de l'assurance-emploi « afin de s'assurer que les Canadiens reçoivent en temps utile des renseignements précis et de l'aide concernant les prestations d'assurance-emploi ». Depuis qu'ils ont pris le pouvoir, les libéraux déclarent qu'un des problèmes principaux du régime de l'AE est le caractère lent et compliqué du traitement des demandes et non l'arbitraire du régime dans son ensemble. C'est ce qu'ils ont dit pendant des mois aux travailleurs saisonniers qui réclamaient des montants d'urgence pour faire face au trou noir, avant de présenter les mesures scandaleuses dans ce budget sur la question du trou noir.

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Entrevue -- Line Sirois, coordonnatrice
d'Action Chômage Côte-Nord


Manifestation le 24 novembre 2017 à Forestville pour exiger la fin du « trou noir »

LML : Le Conseil national des chômeurs dont Action Chômage Côte-Nord est membre, a vivement critiqué les mesures d'assurance-emploi contenues dans le budget du gouvernement fédéral, notamment en ce qui concerne la question du « trou noir ». Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Line Sirois : Le gouvernement nous traite comme des citoyens de deuxième catégorie. Les gens qui ne veulent plus vivre le trou noir vont devoir aller en formation. Comme si les gens manquaient de formation, ce qui est tout à fait faux. Les gens qui sont sur l'assurance-emploi qui vivent de travail saisonnier sont formés par les entreprises qui les emploient. Ils sont très bien formés. Quand ils ont besoin de formation, ils sont formés dans les entreprises. Les gens qui sont sur le trou noir n'ont même pas accès à cette annonce du gouvernement. Même si on voulait avoir accès à cette annonce, il ne faut pas oublier une chose, c'est qu'ici sur la Côte-Nord, il n'y a pas beaucoup d'établissements pour donner de la formation. Cela va être quasiment impossible de mettre cela en place. Et pendant ce temps-là, le gouvernement est en train de dire qu'il a réglé le problème, ce qui est tout à fait faux. C'est inconcevable. Les gens vont être formés dans quoi ? Un technicien forestier qui a un diplôme, qui n'aura pas assez de semaines de travail pour toucher l'assurance-emploi jusqu'à ce qu'il retrouve son travail, est-ce qu'on va le reformer pour aller faire un autre métier ? Il y a tout plein de questions qui restent sans réponse. Je trouve cela très humiliant de la part d'un gouvernement de dire qu'il a réglé le problème en envoyant les gens en formation. Nos gens n'ont pas besoin de formation, ils ont besoin de leurs prestations d'assurance-emploi. Ils ont besoin d'être reconnus pour ce qu'ils sont et d'obtenir ce qui leur revient.

Personne ne sait comment vont s'appliquer ces montants dont parle le budget pour l'AE. Ce que le gouvernement fédéral est en train de nous dire, c'est qu'ils ont pelleté le problème dans la cour du gouvernement du Québec. Ce sera au gouvernement du Québec à appliquer la façon dont va se vivre le trou noir. On sait bien que les machines gouvernementales, c'est très long avant qu'elles se mettent en marche, ce qui veut dire que les gens n'ont accès à rien. On est au même point où on était hier ou l'année passée. Ils n'ont absolument rien fait. Ils ont juste prétendu qu'ils ont trouvé une solution.

La formation, elle a toujours été là pour les travailleurs. C'est très bien d'avoir une formation quand on en a besoin d'une. Cependant, nos gens n'ont pas perdu leur emploi. Ils ont un emploi mais ils ont besoin d'assurance-emploi entre la période où leur emploi saisonnier s'arrête et la période où il reprend. Le gouvernement n'a absolument rien compris à nos revendications. Il y a beaucoup d'hypocrisie et même de trahison de la part du gouvernement parce qu'ils nous ont dit qu'ils avaient réglé le problème. Ils avaient dit que le gouvernement Harper ne comprenait rien à l'industrie saisonnière. Ils viennent de démontrer qu'ils ne la comprennent pas plus. Ils sont en train de faire mourir l'industrie.

Nous avons contacté l'attaché politique du ministre Duclos (ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, responsable du régime de l'assurance-emploi - Note de LML). Ils nous disent que la situation est dans les mains du gouvernement du Québec, que cela va dépendre de la vitesse à laquelle le gouvernement du Québec va mettre en place la formation pour les travailleurs. L'accès aux montants dont nos gens ont besoin est conditionnel à ce que le gouvernement du Québec mette en place de la formation. Le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, se retrouve avec le dossier. Le gouvernement avait une patate chaude sur les bras, il l'a refilée au gouvernement du Québec. L'attaché politique du ministre Duclos nous a dit de vérifier où en sont les choses avec le ministre Blais. De la façon dont je comprends cela, c'est que tous les montants sont conditionnels à la participation à un programme de formation. Habituellement, si on fait de la formation c'est qu'il y a un but derrière cela. Dans le fond, ce qu'ils sont en train de nous dire, c'est de changer de métier. On s'attaque directement aux travailleurs et aux régions, parce que beaucoup de régions vivent de travail saisonnier. La nature de l'emploi y est saisonnière. La seule solution qu'on nous donne, c'est de s'en aller.

LML : Comment envisagez-vous le développement de votre travail dans cette situation ?

LS : La première chose, c'est qu'on ne va pas s'en aller comme ça. Nous avons rencontré nos travailleurs. Tout le monde est mécontent. Nous allons continuer à manifester comme nous l'avons fait. Nous allons aussi poursuivre le travail avec les travailleurs du Nouveau-Brunswick parce qu'eux aussi sont mécontents et eux aussi ont organisé des manifestations ces derniers mois.

C'est important que la population soit au courant. Il faut que les gens soient au courant de ce qui se passe parce que le gouvernement prétend avoir réglé le problème. Nous avions l'opinion publique avec nous. Maintenant ils essaient de virer l'opinion publique contre nous en disant que nos gens ne veulent rien faire, et que c'est pour cela que nous sommes mécontents. Nous sommes en train de préparer notre riposte. C'est important d'avoir l'opinion publique de notre côté.

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Le budget et l'équité salariale

Leçons apprises de décennies de lutte
pour l'équité salariale

Le gouvernement fédéral a annoncé dans son Budget 2018 qu'il va introduire l'équité salariale proactive pour les travailleurs dans les secteurs réglementés par le gouvernement fédéral. Le gouvernement estime que la législation aura pour effet d'augmenter les salaires horaires des femmes dans le secteur privé fédéral de 88,1 cents à 90,7 cents comparativement à un dollar gagné par les travailleurs masculins.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi s'applique aux industries réglementées par le gouvernement fédéral, les sociétés de la couronne et d'autres organisations fédérales ayant 100 employés ou plus, ainsi qu'à certaines sections de l'administration publique fédérale. Les employeurs affectés par cette loi doivent faire rapport sur la représentation des femmes, des autochtones, des personnes handicapées et des membres des « minorités visibles » dans leurs endroits de travail et sur les mesures qui sont prises pour accroître leur représentation. Le Programme de contrats fédéraux impose des obligations semblables aux entrepreneurs ayant plus de 100 employés qui ont des contrats avec le gouvernement fédéral. Cependant, depuis 2012, le ministre responsable n'a pas été tenu de mettre en oeuvre les normes établies par le programme.

Sept provinces ont des politiques d'équité en matière d'emploi touchant aux fonctionnaires provinciaux : la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, le Québec, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique. L'Ontario a abrogé la législation sur l'équité en matière d'emploi en 1995, deux ans après son adoption.

En partie suite à ces mesures législatives, la parité hommes-femmes existe maintenant dans le secteur public au niveau de la représentation des femmes dans des postes de direction. Selon l'enquête sur la population active de Statistique Canada (2015), 54 % des cadres supérieurs/cadres supérieures de l'administration publique étaient des femmes. Cela représente une amélioration comparativement à 1987, alors que le pourcentage de femmes ayant un poste de direction dans la fonction publique était de 36,8 %. En revanche, en 2015, seulement 25,6 % des cadres supérieurs dans le secteur privé étaient des femmes. (Rapport sur les Femmes et le travail rémunéré, Statistique Canada)[1]

Deux provinces, l'Ontario et le Québec, ont adopté des lois en vertu desquelles on exige « un salaire égal pour un travail équivalent » et qui s'appliquent aux employés du secteur privé et du secteur public. Dans toutes les autres provinces et dans les territoires, il n'existe aucune exigence en termes d'équité salariale envers les employeurs du secteur privé. Le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard ont adopté des lois sur l'équité salariale applicables aux employés du secteur public.

Le mémoire de février 2016 de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale au Comité de l'ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels à l'occasion du sixième examen périodique du Canada par le comité a soulevé la question des programmes d'équité en matière d'emploi dans la fonction publique :

En somme, il n'y a aucune exigence envers les employeurs au Canada d'agir de façon consciente et proactive pour identifier et corriger la discrimination et la sous-représentation des femmes et des minorités dans des emplois, des groupes et des niveaux d'emplois dans leurs endroits de travail, ou d'examiner de près leurs politiques et les changer si celles-ci ont des répercussions discriminatoires. Le fardeau de corriger la discrimination est porté par celles qui la vivent, et ce sont les femmes qui doivent tenter de mettre fin à une discrimination profondément ancrée dans la population active par une démarche de plaintes portées par chaque femme sur une base individuelle. [...]

Historiquement, les institutions d'État et les intérêts privés qui déterminent la direction de l'économie ont fait tout en leur possible pour entraver les procédures du Tribunal canadien des droits de la personne sur la question de l'équité salariale et ont refusé de reconnaître que l'équité salariale est un droit.

En 1983, l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) a déposé une plainte contre Postes Canada au nom des travailleuses de bureau qui a été réglée seulement 30 ans plus tard. Il a fallu attendre deux autres années avant que les travailleuses reçoivent leur indemnisation pour cette injustice historique.


Le 19 juin 2006 à Ottawa: environ 5000 téléphonistes actives et anciennes de Bell Canada, en grande majorité des femmes, ont voté à 95 % en faveur d'un règlement de 104 millions $ de leur dispute d'équité salariale vieille de 14 ans. Sur la photo, des téléphonistes comptent les bulletins de vote.

Dans un autre cas important, Air Canada s'est battu bec et ongles pour nier les réclamations d'équité salariale des agents de bord représentés par le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). Lorsque la Cour suprême du Canada a rejeté l'appel d'Air Canada en 2006, elle a dit : « Il est regrettable qu'Air Canada ait refusé, pendant près de 15 ans, de reconnaître une définition tout à fait pragmatique de 'personnel commun et politique salariale', ce qui a eu pour conséquence de générer des dépenses très importantes, tant pour elle que pour le public, ainsi que des délais tout à fait inacceptables dans la démarche des agents de bord vers l'atteinte de l'équité salariale, s'ils réussissent cette démarche. »

Bell Canada a aussi eu recours à toutes les tactiques imaginables pour retarder l'issue de la lutte des travailleuses de Bell pour l'équité salariale avant d'être enfin obligée de régler.

Ces cas montrent les lacunes importantes du système basé sur les plaintes qui permet aux gouvernements et aux monopoles privés d'avoir recours à toutes sortes de tactiques pour étirer pendant des années les procédures judiciaires. Pire encore, les tribunaux ont enchâssé la notion de « capacité de payer » pour rejeter les justes demandes en matière d'équité. En 1994, la Cour suprême du Canada a jugé que le gouvernement de Terre-Neuve et Labrador avait fait preuve de discrimination à l'égard des femmes travailleuses de la santé lorsqu'il a refusé de leur verser une partie des ajustements à l'équité salariale qui leur étaient dus. Cependant, la Cour suprême a fini par accepter la plaidoirie du gouvernement que celui-ci n'était pas en mesure de faire les versements et a dispensé le gouvernement de toute responsabilité juridique.

Cette expérience montre qu'il faut renforcer la protection juridique contre la discrimination et adopter des lois qui font porter la responsabilité aux employeurs privés et à l'État comme employeur. Les employeurs qui font preuve de discrimination à l'égard des femmes ou envers qui que soit ne doivent pas pouvoir le faire en toute impunité. Toute tentative délibérée pour éviter d'assumer leur responsabilité sociale doit être punie.

En 2000, le gouvernement fédéral a nommé un Groupe de travail expert sur l'équité salariale qui a publié son rapport en 2004. Ce groupe de travail a reconnu l'importance de l'équité salariale en tant que droit humain fondamental. Il a recommandé une nouvelle législation sur l'équité salariale qui exigerait de tous les employeurs sous juridiction fédérale, tant privés que publics, qu'ils examinent leurs systèmes d'indemnisation pour garantir l'équité salariale. Selon le rapport, cela devait comprendre tous les employés : temps plein, temps partiel, temporaires, occasionnels et contractuels. On prétendait alors que cette mesure était d'autant plus importante que ce qui rend l'accès des femmes à des salaires et des avantages sociaux de niveau canadien encore plus difficile est le fait qu'elles sont couramment embauchées comme employées à temps partiel, occasionnelles et contractuelles. Le groupe de travail a aussi recommandé que les femmes des minorités nationales, les travailleurs autochtones et les travailleurs ayant un handicap soient protégés par la Loi sur l'équité salariale.

Le gouvernement Trudeau a déclaré qu'il compte adopter une nouvelle loi avant la fin de 2018. La ministre de l'Emploi d'alors, MaryAnn Mihychuk, a dit en octobre de l'année dernière que le projet de loi va adopter une approche « proactive » de l'équité salariale et viser à aider les employeurs à respecter la Loi plutôt qu'à forcer les employées à porter plainte contre les salaires discriminatoires. Mihychuk a dit que forcer les travailleuses à porter plainte et à avoir recours aux tribunaux pour obtenir l'équité salariale s'était avéré « fastidieux, coûteux et injuste pour les travailleuses ».

Jusqu'ici le gouvernement Trudeau n'a même pas abrogé la loi adoptée par le gouvernement Harper qui empêche les syndicats d'assister leurs membres dans leurs démarches lorsqu'ils portent plainte devant les tribunaux des droits de la personne. On verra si le gouvernement va respecter son engagement d'adopter une loi et quel en sera le contenu s'il le fait. Les gouvernements libéraux successifs ont constamment tenu de beaux discours sur l'équité salariale, mais ont toujours refusé de concrétiser leurs promesses.

Le gouvernement fédéral a annoncé dans son Budget 2018 un nouvel engagement d'adopter un programme proactif d'équité salariale pour les travailleurs dans les secteurs réglementés par le gouvernement fédéral, mais il n'en est sorti rien de concret.

En 2004, le Groupe de travail sur l'équité salariale avait proposé des échéanciers en vertu desquels les employeurs avaient un an pour préparer les programmes de remboursement d'équité salariale et trois ans pour commencer à effectuer les paiements. Les recommandations du groupe de travail prévoyaient aussi l'engagement du syndicat dans le développement, la mise en oeuvre et la pérennité des programmes d'équité salariale. Les délais sont depuis longtemps expirés et rien de significatif n'a été accompli.

Il est important d'analyser pourquoi, en dépit des conclusions du groupe de travail et des lois contre la discrimination, on considère toujours les femmes comme des « cibles légitimes » notamment en matière de discrimination salariale.

Note

À titre d'information : Statistique Canada -- Les femmes et le travail rémunéré, par Melissa Moyser, 8 mars 2017

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Absurdités sur les tarifs et les guerres commerciales

C'est ainsi qu'on gère une économie?

Les travailleurs pourraient faire mieux que ces crises continuelles et cette intégration dans l'économie de guerre des États-Unis.

Les industries canadiennes de l'acier et de l'aluminium sont en plein bouleversement. Elles semblent être dans un état de chaos continuel. Algoma Steel est presque constamment sous la protection de la faillite en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). L'Aluminerie de Bécancour inc. (ABI) au Québec maintient en lockout plus de 1000 travailleurs depuis des mois pour leur arracher des concessions, à eux et à Hydro-Québec, et pour réduire l'offre afin de faire monter les prix de l'aluminium sur le marché international. Les aciéries de Stelco à Hamilton et à Nanticoke viennent juste de sortir de la protection de la faillite aux termes de la LACC pour la deuxième fois depuis 2006.

Après que la capacité de production et les marchés de Stelco aient été grandement réduits pendant la période du contrôle par US Steel de 2007 à 2017, les nouveaux propriétaires américains ont pris le contrôle des installations l'an dernier après que le tribunal de la faillite de la LACC les ait autorisés à ne pas assumer leur responsabilité sociale envers les retraités de Stelco et la restauration environnementale pour la pollution provenant du passé. Ce nouvel assaut d'impérialistes étrangers s'est produit après que les métallos de Stelco et la communauté de l'acier aient affronté une attaque après l'autre lorsque US Steel avait le contrôle des opérations. En 2013, USS a vendu une usine de Hamilton aux brigands internationaux allemands qui se font appeler MANA et qui ont pris le contrôle et ont presque immédiatement mis les métallos en lockout en leur demandant d'énormes concessions. Le lockout se poursuit toujours et les membres et supporters de la section locale 1005 mènent une lutte pour la justice à Mana.

Un assaut contre l'édification nationale et les droits du peuple

Les monopoles mondiaux dominent les secteurs de l'acier et de l'aluminium et les mettent sens dessus dessous pour servir leurs intérêts privés étroits. Le secteur de l'acier est particulièrement affecté par des prix de marché qui fluctuent beaucoup et sont déconnectés des prix de production, tantôt au-dessus, tantôt en dessous, ce qui cause des problèmes continuels. Ces secteurs ne sont pas au service d'une économie canadienne indépendante parce que tel n'est pas leur objectif. Ce concept d'ailleurs n'existe pas dans la conscience des impérialistes qui sont en position de contrôle et dont la vision du monde est celle qui correspond à l'intérêt étroit, comme si la société n'existait pas et que les droits, les réclamations et les besoins du peuple étaient des coûts débilitants et un drain sur leur profit d'argent.

Il n'y a pas de discussion présentement dans les cercles officiels de l'élite dirigeante sur un projet d'édification nationale et pour une économie canadienne qui ne serait pas dominée par les cartels supranationaux et il n'y a certainement pas de mesures pratiques dans ce sens. Tous les politiciens, économistes et experts officiels disent qu'une économie canadienne sous le contrôle des Canadiens est impossible dans ce monde dominé par des bâtisseurs d'empire mondiaux qui sont obsédés par l'expansion de leurs intérêts privés en tant que cartels supranationaux, au détriment de l'édification nationale et du droit des peuples de contrôler les affaires qui les concernent. Le peuple ici même fait face à des crises continuelles et maintenant à un président au sud qui menace d'imposer des tarifs sur l'acier et l'aluminium et qui déclare, sans se soucier une seconde du sort de l'humanité, que les guerres commerciales et même les vraies guerres sont de bonnes choses et sont gagnables.

Le monde réel auquel le peuple canadien fait face et le monde fantaisiste que les politiciens et les experts officiels et les personnes en position de contrôle inventent sont déconnectés l'un de l'autre. Le secteur de l'aluminium, qui est entièrement contrôlé par des bâtisseurs d'empire supranationaux, s'est installé au Canada à cause de l'abondance et des bas prix de l'électricité qui est de loin l'intrant matériel principal dans ce processus de production. Quel est donc le problème avec ce prix de marché de l'aluminium qui pousse le président Trump à menacer d'imposer un tarif ?

Les manufacturiers des États-Unis veulent un aluminium au prix de marché le plus bas possible et l'aluminium canadien les sert bien grâce à une hydroélectricité peu dispendieuse, abondante et propre, une main-d'oeuvre qualifiée et une infrastructure moderne. Si Trump veut un aluminium à un prix plus élevé et si les manufacturiers américains qui utilisent de l'aluminium appuient sa proposition, ce qui est très douteux, pourquoi ne pas le dire simplement et faire en sorte que les propriétaires mondiaux organisent un prix de marché plus élevé que le prix de marché fluctuant ? Le prix plus élevé pourrait être retourné à Hydro-Québec dans un plein échange avec l'électricité que ses travailleurs produisent. Certains trouvent ironique que les riches dans le monde qui contrôlent le secteur canadien de l'aluminium essaient déjà de faire monter les prix en réduisant l'offre au moyen du lockout chez ABI, et ils seraient certainement contents de la demande de Trump pour des prix plus élevés à condition bien sûr que ce soit eux qui les empochent et non l'État américain. Pourquoi faut-il une guerre commerciale ? Tout ce gâchis semble inexplicable et irrationnel.

Le problème en ce qui concerne ces secteurs et les autres secteurs économiques de base est que les personnes sensées au Canada, au Mexique et aux États-Unis qui veulent vivre en paix et soutenir un commerce international à l'avantage et au développement mutuels et qui s'opposent à une économie de guerre ne contrôlent pas leurs endroits de travail, ni l'économie plus généralement, ni les affaires politiques.

La menace de tarifs sur l'acier que Trump a proférée et vient maintenant de retirer temporairement est bizarre également du fait que près de 5 milliards $ d'acier produit au Canada a été expédié ces dernières années aux États-Unis alors que le Canada a importé environ 7 milliards $ d'acier fabriqué aux États-Unis. En faisant quelques ajustements dans la qualité et les types d'acier, on pourrait presque éliminer tout le commerce d'acier entre les États-Unis et le Canada et chaque pays pourrait produire pour combler ses propres besoins sans que la production en souffre. Il se créerait même des possibilités de développement compte tenu du fait que le Canada et les États-Unis sont si étendus d'est en ouest, et la production pourrait être développée rationnellement dans toutes les régions principales des deux pays, pour les rendre autosuffisantes en acier et même y développer la fabrication de produits à base d'acier. L'autre aspect très positif serait de commencer à extirper le Canada de l'économie de guerre des États-Unis dans laquelle l'acier et l'aluminium jouent un rôle clé.

Le problème encore une fois est le manque de contrôle par les travailleurs. Les travailleurs canadiens et leurs confrères du sud font face au dilemme de ne pas contrôler l'acier et le secteur de l'acier, l'économie plus large et la politique. N'ayant pas le contrôle, ils ne peuvent pas développer en pratique leur conscience sociale de la nécessité de tout d'abord bâtir une économie diversifiée qui subvient à ses besoins, puis, à partir de cette base souveraine sous leur contrôle, de chercher et trouver des peuples qui veulent faire du commerce selon les principes modernes de l'avantage et du développement mutuels et ne veulent pas de guerres commerciales destructrices ou de vraies guerres qui requièrent une économie de guerre.

Les Canadiens et leurs amis aux États-Unis doivent donner une nouvelle direction à l'économie parce que la situation actuelle évolue vers des guerres et des crises plus étendues et plus dévastatrices, ce qui n'est certainement pas une bonne chose. Les travailleurs sont capables de faire beaucoup mieux parce qu'ils ne sont pas motivés par l'objectif d'exproprier la richesse sociale à même la valeur que les autres travailleurs produisent et qu'ils ne spéculent pas, contrairement aux gens au pouvoir, sur la possibilité de mener des guerres commerciales destructrices gagnables et des guerres réelles pour voler les autres et détruire ce qu'ils ne peuvent pas contrôler. Le discours officiel selon lequel les guerres commerciales et les vraies guerres qui ciblent les autres travailleurs sont bonnes, gagnables et ont besoin d'une économie de guerre maintiennent tout le monde sous tension et bouleversé en attente de la prochaine crise ou de la prochaine guerre.

Les politiciens officiels et d'autres dirigeants au Canada se couvrent de honte par la façon dont ils répondent à la bravade de Trump de proposer des tarifs sur l'acier et l'aluminium canadiens puis de faire marche arrière à condition que les pourparlers de l'ALÉNA le satisfassent. Ces représentants canadiens ont tous déclaré qu'il faut développer l'économie de guerre commune nord-américaine, une économie essentielle pour le renforcement de la capacité de guerre de l'OTAN et de NORAD pour laquelle l'acier et l'aluminium sont cruciaux.

Le 8 mars, le Bureau du premier ministre Justin Trudeau a émis un communiqué sur la conversation téléphonique de Trudeau avec Paul Ryan, le président de la Chambre des représentants des États-Unis, qui mentionne ceci : « Les États-Unis sont le plus proche allié du Canada. Le Canada est un fournisseur sûr et sécuritaire d'acier et d'aluminium pour les États-Unis et est reconnu en vertu de la loi américaine comme faisant partie du complexe industriel de défense des États-Unis. »

Dans un communiqué au sujet de la conversation de Trudeau avec le leader de la majorité au Sénat américain, Mitch McConnell, le Bureau du premier ministre écrit :

En tant que proche allié des États-Unis, le Canada est un fournisseur sûr et sécuritaire d'acier et d'aluminium pour les États-Unis, et il fait partie de la base industrielle et technologique nationale des États-Unis en matière de défense nationale.

Le 1er mars, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a dit : « En tant qu'allié clé de NORAD et de l'OTAN, et en tant que principal acheteur de l'acier américain, le Canada percevrait comme absolument inacceptable toute restriction commerciale imposée sur l'acier et l'aluminium canadiens. [...] Le Canada est un fournisseur sûr d'acier et d'aluminium pour le secteur américain de la défense et de la sécurité. Le Canada est reconnu dans la loi américaine comme faisant partie de la plateforme technologique et industrielle nationale du secteur de la défense des États-Unis. »

Le 8 mars, suite à l'annonce que le Canada va être exempté du tarif mondial des États-Unis sur l'acier et l'aluminium, elle a dit :

Le Canada est le meilleur ami et le plus proche allié des États-Unis. Le Canada et les États-Unis ont le plus grand partenariat économique au monde. Nous sommes également des alliés indéfectibles du NORAD, de l'OTAN et tout au long de notre frontière pacifique et sécurisée de 8 891 kilomètres.

La crise est telle qu'aucun représentant officiel du Canada ou média de masse ne s'est opposé à ce discours belliciste et à l'intégration de l'économie canadienne dans l'économie de guerre des États-Unis. Les travailleurs du Canada, du Mexique et des États-Unis rejettent ce bellicisme et cette conception du monde antisociale officiels et s'organisent pour bâtir leur pouvoir de priver ceux qui sont en position de contrôle de leur pouvoir de détruire par des crises et des guerres ce que les humains ont construit.

En organisant et en luttant pour le nouveau, les travailleurs et leurs organisations politiques et de défense développent le facteur humain et la conscience sociale qu'une économie moderne doit avoir un objectif nouveau qui vise à développer l'économie socialisée dans tous les domaines sans crises ni guerres. Une économie moderne ne peut pas être bâtie sur la concurrence brutale et la guerre, elle se bâtit sur la coopération qui permet aux relations sociales modernes de garantir que les secteurs interreliés des forces productives socialisées fonctionnent en harmonie les unes avec les autres et en conformité avec leur caractère socialisé. C'est ainsi qu'est assurée la reproduction élargie de l'économie, sans guerres ni crises, pour qu'elle satisfasse les besoins et les réclamations des producteurs véritables et les intérêts généraux de la société.

Une économie moderne s'oppose aux guerres commerciales, aux guerres réelles et aux préparatifs de guerre. Elle cherche à garantir le bien-être de tous les membres de la société et ses intérêts généraux. Une économie prosociale qui repose sur un fondement aussi sain fait du commerce internationalement sur la base des principes de l'avantage et de développement mutuels et s'oppose consciemment à toutes les guerres commerciales et aux vraies guerres et aux préparatifs de guerre. Ce n'est pas ce qui se passe maintenant alors que l'économie canadienne est intégrée à l'économie de guerre des États-Unis et lui fournit du matériel brut et semi-fini tandis que l'économie américaine produit la plupart des produits finis sous forme d'armements de destruction individuelle et de masse.

Les travailleurs, avec leur conscience sociale moderne, peuvent donner une nouvelle direction à l'économie et ils peuvent le faire seulement en s'organisant pour se porter au pouvoir politiquement, avec de nouvelles relations sociales qui sont en harmonie avec les forces productives socialisées de la grande production industrielle moderne. C'est seulement en s'investissant du pouvoir que les travailleurs peuvent diriger l'économie sans crises ni guerres, selon leur conscience sociale, leur objectif, leur vision du monde, leurs principes et leurs relations sociales modernes, travaillant ensemble au bien de toute l'humanité et de l'environnement social et naturel.

Les travailleurs peuvent faire mieux !
Unissons-nous et organisons-nous pour bâtir le nouveau !

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Contre l'orientation destructrice donnée à l'économie et à la société
par les libéraux

Étude sur les résultats des programmes
pour payer les riches

John Lester de l'École de politiques publiques de l'Université de Calgary a publié une étude des stratagèmes pour payer les riches pour l'année budgétaire 2014-2015. Il fait un inventaire des subventions aux entreprises des gouvernements du Canada, du Québec, de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Il a établi que 29 milliards $ ont été versés à des entreprises privées en à peine un an « par les dépenses de programmes, la fiscalité, les entreprises gouvernementales et des investissements directs. Ces subventions représentent près de la moitié des revenus d'impôt des entreprises perçus par les cinq gouvernements. »[1]

Les stratagèmes pour payer les riches et leurs raisons d'être font l'objet de très peu de discussion dans les médias de masse et sont rarement abordés dans les discours des partis de cartel qui forment les gouvernements. Lorsque le chef du Nouveau Parti démocratique David Lewis a dénoncé les « corporate welfare bums  » (les entreprises parasitaires ou les entreprises assistées sociales) durant l'élection fédérale de 1972, c'était l'exception qui confirme la règle.

Les raisons données pour l'octroi de fonds publics à des entreprises privées tournent généralement autour du besoin de protéger et de créer des emplois ou de pallier aux défaillances du marché. Il n'est jamais question de l'échec systémique de l'économie socialisée dominée par des monopoles privés mondiaux et rivaux qui imposent leurs intérêts étroits en opposition aux besoins de l'ensemble. Les raisons pour lesquelles il manque d'emplois, qu'il se produit des crises périodiques et qu'en conséquence les entreprises privées en difficultés demandent aux gouvernements de les secourir ne sont jamais examinées.

Les seigneurs impérialistes du monde des entreprises et de la politique officielle et leurs experts et théoriciens n'admettent même pas que la valeur que les travailleurs produisent dans l'économie est la seule source de valeur pour la société et pour la reproduction de l'économie. Au lieu de reconnaître que c'est la seule source de la valeur nécessaire pour résoudre les problèmes et garantir les droits, les oligarques impérialistes demandent que la valeur soit retirée de certaines parties de l'économie pour servir leurs intérêts privés étroits. Non seulement refusent-ils de remettre à la société la valeur nécessaire pour son maintien et pour garantir le bien-être et les droits du peuple, ils veulent aussi que les sommes pitoyables que les sociétés versent en impôts leur soient retournées par des stratagèmes pour payer les riches !

Les oligarques impérialistes refusent de reconnaître que pour en finir avec les échecs du marché, la chute du taux de profit et les crises récurrentes, il faut donner une nouvelle direction à l'économie pour faire en sorte que les formes de propriété et de contrôle correspondent au caractère socialisé de l'économie moderne. Plutôt que de verser des fonds publics à des intérêts privés choisis, aux dépens des autres parties de l'économie, des travailleurs et de l'intérêt général de la société, il faut une nouvelle direction et une nouvelle conception du monde de l'économie. Une nouvelle direction impliquerait que les producteurs exercent un contrôle rationnel sur l'économie dans l'intérêt public. Leur pensée serait de promouvoir la coopération globale et la planification scientifique entre toutes les parties et tous les secteurs de l'économie au lieu de la concurrence brutale qui sert des intérêts privés étroits et qui déchire constamment l'économie et la société. Les justifications données pour la pratique de distribuer des fonds publics aux riches impérialistes, poliment appelée subvention des entreprises, ne tient pas compte du fait que le Canada est une société de classes divisée entre ceux qui vendent leur capacité de travail, la classe ouvrière, et ceux qui achètent la capacité de travailler des travailleurs, qui ne font pas partie de la classe ouvrière. La classe non ouvrière qui achète la capacité de travail des travailleurs contrôle l'économie, les moyens de production et le produit social que produisent les travailleurs. La politique publique officielle des gouvernements est de soutenir et de défendre les divisions de classes antagonistes dans la société et de perpétuer le privilège de classe de la classe non ouvrière, impérialiste. Aucune déviation officielle n'est permise de cet engagement ferme à soutenir ceux qui détiennent la richesse et le pouvoir économique, politique et social. Dans l'opposition, la classe ouvrière est la seule force sociale capable de changer la situation, de résoudre les problèmes et d'ouvrir la voie à une nouvelle direction où le plein potentiel de l'économie socialisée peut être déployé.

Quel que soit le raisonnement utilisé pour excuser ces subventions-stratagèmes pour payer les riches, il ne peut cacher qu'elles servent essentiellement des intérêts privés étroits en opposition à l'intérêt public, au bien commun et au désir de la classe ouvrière de résoudre les problèmes fondamentaux d'une économie moderne de la grande production industrielle. Les régimes de rémunération des riches renforcent le privilège de classe de la classe impérialiste, non ouvrière, et perpétuent les divisions de classe et les conditions qui engendrent les problèmes économiques et sociaux. Les intérêts privés qui reçoivent les subventions publiques ne changent pas et ne peuvent pas changer leur nature de classe impérialiste, car l'exploitation des travailleurs est la source matérielle de leur privilège de classe et de leur mode de vie somptueux. Pourquoi voudraient-ils changer leur nature ? Les fonds publics renforcent leur domination et leur emprise sur les travailleurs de même que l'accaparement du produit social qu'ils produisent.

L'économie a besoin d'une nouvelle direction sous le contrôle des producteurs de fait qui se soucient de l'ensemble parce qu'ils en font partie, plutôt que d'être en contradiction avec lui, et sont unis à cet ensemble dans le cadre du projet d'édification nationale qu'ils veulent bâtir. Les travailleurs veulent assumer leurs responsabilités sociales envers eux-mêmes, l'économie et les intérêts généraux de la société. Ils savent instinctivement qu'ils dépendent de l'économie et de la société socialisées et que l'économie et la société socialisées dépendent de leur travail qui est source de valeur. Avec une nouvelle direction sous leur contrôle, leur lien avec l'économie socialisée, la société et tous ses membres peut grandir et devenir l'unité indestructible de l'humanité tout entière par la défense des intérêts de tous ses membres et l'intérêt général de la société, par contraste avec une poignée d'oligarques impérialistes se servant de l'économie pour servir leurs intérêts privés étroits.

L'économie socialisée ne peut pas fonctionner correctement et résoudre les problèmes auxquels elle est confrontée aujourd'hui parce que les intérêts privés de ceux qui contrôlent l'économie, la classe non ouvrière, interviennent constamment pour servir leurs intérêts étroits au détriment des autres, des travailleurs et de l'ensemble. Les problèmes sont poliment appelés échecs du marché et la vie continue avec l'aide du trésor public dans un état de persévérance anti-consciente conduisant à d'autres échecs du marché, à d'autres crises économiques et d'autres guerres pour le contrôle des marchés, des travailleurs, des matières premières et des régions.

Cette distribution de milliards de dollars des fonds publics pour payer les riches impérialistes doit cesser. Les actifs accumulés de la société représentés par les travailleurs et les infrastructures et la valeur qu'ils produisent doivent servir à renforcer l'ensemble de l'économie socialisée et à investir dans les programmes sociaux et les services publics ainsi que dans les intérêts généraux de la société. Les travailleurs discutent et s'organisent pour trouver un moyen d'avancer vers le contrôle de leur économie et de toute la valeur qu'ils produisent. Leur conception du monde moderne est de maintenir à la fois les besoins de l'entreprise particulière dans laquelle ils travaillent et de l'ensemble de l'économie socialisée. Où se situe leur entreprise particulière par rapport à l'ensemble ? Comment sert-elle le tout et en retour est-elle renforcée par le tout ? Ils sont motivés à activer le facteur humain/conscience sociale pour construire le nouveau. Il est temps de s'organiser pour une nouvelle direction !

Note 

1. « Business subsidies in Canada : Comprehensive estimates for the Government of Canada and the four largest provinces », John Lester, School of Public Policy, University of Calgary, 2018 (extraits)

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Un éventail plus grand de stratagèmes
pour payer les riches

D'une façon qui rappelle l'annonce des gagnants de la loterie, mais avec un gros lot beaucoup plus élevé que celui de Lotto Max, le gouvernement Trudeau a publié récemment une liste des gagnants de 950 millions $ de fonds publics en subventions non remboursables.[1] Le gouvernement a accordé cette somme énorme à 5 consortiums d'entreprises privées, pas pour une valeur d'échange tangible en échange d'un renflouement des coffres de l'État, mais simplement en tant qu'entreprises privées choisies qui participent dans l'économie et qu'on dit en quête de fonds publics pour compétitionner dans l'économie mondiale et faire grandir leurs empires privés.

Chaque consortium établira, ou a déjà établi, ce que le gouvernement appelle une supergrappe. Le ministre du Développement économique de Justin Trudeau, Navdeep Bains, a déclaré dans un communiqué : « Les supergrappes sont des régions qui créent des emplois et dont l'économie est forte, comme la Silicon Valley. Notre gouvernement entend en créer cinq au Canada. »

Les gagnants de la loterie gouvernementale recevront entre 150 et 250 millions $ par année pendant cinq ans. Les entreprises privées de chaque consortium recevront apparemment plus que les 950 millions $ de fonds publics, et cette manne devrait atteindre les 2,4 milliards $. Les supergrappes comprennent des institutions publiques participantes, telles que les universités et les collèges, qui doivent investir une somme équivalente à la part octroyée par le financement fédéral. Le ministre Bains a déclaré aux médias que les supergrappes ont dépassé l'objectif de jumeler les fonds fédéraux en recueillant un total de 1,5 milliard $ auprès des institutions participantes.

Les entreprises privées mobilisées dans les partenariats publics-privés sont à la fois canadiennes et étrangères, ce qui veut dire que les fonds publics servent à renforcer non seulement les propriétaires canadiens d'entreprises privées, mais les propriétaires mondiaux. On dit que chaque consortium est lié à une région, mais CBC rapporte que les entreprises et les institutions impliquées proviennent « de toutes les régions du Canada et d'autres parties du monde ». Un coup d'oeil rapide sur les entreprises participantes montre qu'elles comprennent certains des plus grands monopoles mondiaux.

Par exemple, la supergrappe de la région de l'Atlantique qui est engagée dans le développement pétrolier et gazier extracôtier comprend Chevron Canada Resources, ExxonMobil Canada Ltd, Husky Energy, Suncor Energy, Canada Steamship Lines, Cisco, Irving Shipbuilding, Microsoft, Siemens Canada et d'autres.

Les 4 autres supergrappes sont elles aussi dominées par les monopoles mondiaux. Le ministre fédéral n'a pas expliqué comment les monopoles mondiaux se sont qualifiés en tant que concurrents du côté canadien alors que d'autres ont été disqualifiés en tant que concurrents qui font partie d'autres côtés. Les éléments choisis du consortium ontarien comprennent des noms familiers qui ont déjà reçu des fonds publics dans divers stratagèmes pour payer les riches et sont apparus aux côtés du gouvernement Trudeau, comme Linda Hasenfratz, pdg du géant des pièces automobiles Linham, qui préside la supergrappe de l'Ontario. La supergrappe de l'Ontario avec Communitech Corp., Maple Leaf Foods et d'autres monopoles participants promet de rendre les entreprises privées plus concurrentielles au sein du système impérialiste d'États.

La supergrappe des Prairies comprend des monopoles bien connus pour leur rôle dans la destruction de la Commission canadienne du blé et dans l'exercice de pressions sur les petits agriculteurs par leurs pratiques monopolistes et la détérioration du transport ferroviaire. Selon AgCanada.com, cette supergrappe comprend « des sociétés telles que Archer Daniels Midland, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, Cargill, DowDuPont, G3 Canada, Mosaic Co., Parmalat et Richardson International ».

La supergrappe de la Colombie-Britannique prétend vouloir « favoriser la compétitivité dans les domaines de la technologie de l'environnement et des ressources, de la santé de précision et de la fabrication. Elle comprend notamment Telus et Microsoft Canada Development Centre ».

La pratique des gouvernements de payer les riches est une admission que l'économie impérialiste ne peut pas surmonter ses contradictions et a besoin d'une nouvelle direction et d'un nouvel objectif. Les gouvernements sont devenus un moyen de mettre en commun des fonds de l'économie pour favoriser certains intérêts privés. Cela signifie que les gouvernements ne représentent pas la volonté et les intérêts publics, mais la volonté et des intérêts privés triés sur le volet. Les fonds publics mis en commun servent à renforcer certains intérêts privés, et leurs privilèges et pouvoirs de classe, en contradiction avec des intérêts privés concurrents, les besoins du peuple dans leur ensemble, l'économie socialisée et les intérêts généraux de la société.

Les intérêts privés choisis et leurs représentants gouvernementaux disent que leurs intérêts privés correspondent aux intérêts nationaux et, par conséquent, à l'intérêt public. Leur opinion contredit cependant la réalité d'un système économique en crise où les intérêts privés qui contrôlent des parties concurrentielles de l'économie ne peuvent plus survivre sans fonds publics. La raison pour laquelle ils ne peuvent survivre se trouve dans la réalité d'une économie de production industrielle entièrement socialisée, qui exige que ses parties interconnectées travaillent en harmonie. Au lieu de cela, cette économie est constamment en crise et en état de chaos en raison de sa contradiction fondamentale avec les relations de production basées sur la propriété privée et le privilège de classe où des sections privées rivalisent avec d'autres sections pour exproprier le maximum de richesse sociale de ce que les travailleurs produisent dans l'économie socialisée. Cette contradiction couplée à la concurrence inhérente et luttes intestines entre les parties de l'économie possédées et contrôlées privément conduisent à des crises incessantes et à des guerres pour le contrôle.

La théorie d'un marché qui produit spontanément les gagnants et les perdants parmi les composantes privées concurrentes de l'économie est en faillite et est frauduleuse. L'État choisit des perdants et des gagnants dépendamment de quels intérêts privés ont le plus de poids au sein de l'élite dirigeante. Cela conduit à des luttes intestines sans merci pour le contrôle de la machine d'État parmi les intérêts privés concurrents, car c'est la seule façon pour eux de conserver leurs privilèges et leur pouvoir de classe. Ces luttes intestines sont devenues hideuses en Ontario et encore plus aux États-Unis où les cliques rivales sont au bord de la guerre civile.

Le système est à bout de souffle et a besoin d'une nouvelle direction pour que les relations de production soient mises en conformité avec ses forces de production socialisées. Les travailleurs qui sont les véritables producteurs doivent s'avancer d'une manière consciente et organisée pour exercer un contrôle et insuffler une nouvelle direction et un but prosocial à l'économie. L'économie a besoin de la coopération de toutes ses parties interconnectées, d'une planification scientifique constante et d'un corpus croissant de connaissances pour guider l'économie moderne et sa reproduction élargie afin de répondre aux besoins de la population et aux intérêts généraux de la société.

En réponse à ces stratagèmes antisociaux pour payer les riches du gouvernement fédéral et d'autres gouvernements, les Canadiens doivent répondre d'une seule voix : Arrêtez de payer les riches ! Augmentez le financement des programmes sociaux et les services publics ! Nous, les travailleurs, jurons de nous organiser pour faire naître une nouvelle direction et un nouvel objectif prosocial pour l'économie !

Note

1. Pour connaître la liste des participants, cliquer ici

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La controverse sur l'oléoduc Trans Mountain continue

Conflit d'intérêts entre les monopoles de
l'énergie et les travailleurs

Ces derniers jours, les monopoles de l'énergie ont intensifié leur tapage selon lequel la pénurie d'oléoducs a un effet dévastateur sur l'économie canadienne.

Le Calgary Herald a rapporté que Frank McKenna, l'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, président suppléant de la banque TD et membre du Groupe de travail de la première ministre Rachel Notley de l'Alberta qui envisage des représailles contre la Colombie-Britannique, a établi les pertes financières à 50 millions $ par jour, ou 117 milliards $ pour les sept dernières années. Il fonde ses affirmations sur le fait que le prix du Western Canadian Select (WCS) a été réduit de près de 10 $ US du baril, ou 12,55 $ CAD. « Cette dilapidation des ressources, ce gaspillage d'une importante ressource nationale - et cette évaporation d'autant de richesse canadienne - est offensante selon moi », a-t-il dit.

Comme le Canada produit près de 4 millions de barils de pétrole par jour, McKenna en est arrivé à ce résultat en ajoutant près de 12 $ CAD à chaque baril de pétrole extrait, que ce soit en Alberta, en Saskatchewan ou à Terre-Neuve, que ce pétrole soit exporté ou consommé au Canada, valorisé ou vendu comme bitume brut ou comme pétrole léger ou lourd. Mais le prix qu'il a déterminé s'applique uniquement au prix d'un mélange de bitume composé de bitume, de diluant et d'un peu de pétrole brut synthétique. Il présume qu'il existe une quasi-équivalence entre deux produits très différents, dont l'un est un pétrole lourd ayant besoin de plus de valorisation ou de raffinage que l'autre, qui ne se vendront jamais à un prix équivalent.

L'économiste en chef de la Banque Scotia, Jean-François Perreault, s'est aussi prononcé sur la question le 20 janvier : « Les délais d'approbation des oléoducs ont occasionné des coûts clairs, démontrables et substantiels. » Il estime que ce coût atteint près de 29 millions $ par jour ou 10,7 milliards $ par année. Il a lui aussi attribué ce manque à gagner aux prix moins élevés du WCS, un mélange de pétrole lourd composé de bitume, de diluant et d'une petite quantité de brut synthétique (bitume valorisé).

Le prix du WCS a chuté lorsque l'oléoduc Keystone XL de Trans Canada a été fermé suite à un déversement en décembre. Cette ligne fonctionne toujours à pression réduite et, par conséquent, à volumes réduits. Par conséquent, l'inventaire albertain de bitume a monté en flèche tandis que le prix a chuté. Le WCS s'est négocié à un prix dont l'écart est d'environ 16,53 $ CAD (13 $ US) le baril avec le West Texas Intermediate (WTI) au cours des deux dernières années, mais qui a augmenté à 30,52 $ (24 $ US) le baril suite au déversement. La plupart des analystes s'entendent pour dire qu'à mesure que l'inventaire s'écoule, les prix vont atteindre ou dépasser leur niveau antérieur.

Dans une déclaration semblable, Alex Pourbaix, le pdg du monopole énergétique Cenovus, a parlé des « répercussions extraordinaires sur l'économie canadienne » de l'écart des prix entre le WCS et la référence américaine WTI, et dit que « la richesse est en train de passer de l'Alberta et du Canada aux affineurs et aux consommateurs américains ».

Aucune de ces déclarations ne considère ce qui arriverait si le bitume était valorisé au Canada. Le synthétique brut, c'est-à-dire, le bitume qui est valorisé en Alberta, se vendait à 78,80 $ CAD, un coût quelque peu plus élevé que le WTI à 78,18 $ CAD, le 18 février 2018. Sans valorisation, le prix était de 43,26 $ pour le WCS (mélange de bitume). Le coût réel pour l'économie canadienne provient de toute évidence de ce qu'on expédie le bitume à l'état brut au lieu de le valoriser au Canada et d'affiner d'autres produits. La conclusion qui s'impose est que le Canada devrait valoriser ce bitume.

Les oligopoles de l'énergie ont décidé de cesser de construire des installations de valorisation en Alberta sous prétexte qu'elles étaient « coûteuses » et ont plutôt décidé d'expédier le bitume en y ajoutant du diluant pour en faciliter le débit. Ainsi la Forteresse Amérique du Nord serait approvisionnée en pétrole provenant des sables bitumineux. Le bitume remplacerait le pétrole vénézuélien et le Mexican Mayan dans l'approvisionnement des raffineries sur la côte étasunienne du Golfe qui transforment le pétrole lourd.

L'accès à la côte du Golfe devait être une grande victoire, mais cette manoeuvre ne s'est pas concrétisée comme prévu. Même si le Keystone XL n'a pas été construit, un nombre suffisant d'oléoducs ont été construits en direction de la côte du Golfe pour le transport de 1,2 million de barils par jour supplémentaires à partir du Midwest américain. Mais la production aux États-Unis a monté en flèche, ce qui a engendré une vive concurrence pour l'espace des oléoducs, et une grande partie des 500 000 barils par jour de bitume qui se rend à la côte du Golfe est expédiée par voie ferroviaire.

La plus grande partie du bitume canadien n'aboutit pas sur la côte du Golfe, mais dans le Midwest américain où des raffineries ont été inondées de pétrole brut léger et bon marché provenant de la fracturation hydraulique (fracking) aux États-Unis. Le Canadian Energy Resource Institute affirme que la principale pression vers le bas sur le prix du pétrole lourd ne vient pas d'un manque de capacité en matière d'oléoducs, mais du manque de capacité d'affinement dans le Midwest.[1]

Le pdg de Cenovus et d'autres porte-parole des monopoles omettent de mentionner qu'au moment où ils ont cessé de construire des installations de valorisation du pétrole au Canada, ils ont fait l'acquisition totale ou conjointe de raffineries dans le Midwest américain. Par le biais de leurs entreprises intégrées, plusieurs compagnies se vendent à elles-mêmes du bitume à des prix réduits. Les emplois ont été expédiés par les oléoducs et la valeur ajoutée est disparue de l'économie canadienne pour la simple raison que ces monopoles ont décidé de ne pas valoriser au Canada. Cette décision a été prise conformément à leurs propres intérêts étroits, leur appât du gain et leur édification d'empire. Prétendre, comme ils le font maintenant, qu'ils sont préoccupés par l'économie canadienne et par le sort des travailleurs canadiens est le comble de l'hypocrisie.

Cenovus est propriétaire à 50 % de deux affineries aux États-Unis - Wood River à Illinois et Borger au Texas, qu'il détient conjointement avec Phillips 66 qui a transformé près de 444 000 barils par jour. La raffinerie de BP à Whiting, en Indiana, est un important acheteur de mélange de bitume WCS et peut affiner 413 000 barils par jour. Husky opère la raffinerie Toledo dans le nord-ouest de l'Ohio, une entreprise commune avec BPO qui transforme près de 160 000 barils par jour, y compris le WCS. Exxon Mobil, qui est propriétaire de 70 % d'Imperial Oil, possède des raffineries en Illinois et en Louisiane qui transforment du WCS. La raffinerie Pine Blend au Minnesota, propriété de Koch Industries, affine près de 265 000 barils par jour de pétrole provenant des sables bitumineux. On dit que Koch a des biens fonciers massifs dans le domaine des sables bitumineux.

Pendant des années, les Canadiens ont été interpellés pour prendre position pour ou contre les oléoducs, ce qui nie le droit des Canadiens et des Premières Nations de décider. Les travailleurs du pétrole et le mouvement ouvrier organisé ont lancé l'appel à l'édification nationale, contre l'édification d'empires. Plutôt que d'expédier le bitume brut, l'opposition ouvrière appelle à la valorisation, à l'affinement et à la fabrication manufacturière au Canada. Pour ce faire, il faut une entreprise publique qui développe une économie à secteurs multiples et subvenant à ses besoins qui comprend les programmes sociaux dont les Canadiens ont besoin pour garantir leurs droits.

La classe ouvrière et le peuple de l'Alberta ont montré la porte aux conservateurs qui gouvernaient au nom des oligarques, mais ceux-ci continuent de contrôler avec une main de fer toutes les décisions touchant à ce qui doit être produit et comment le produire. On a vraiment l'impression de déjà vu alors que tous les yeux se tournent vers les oléoducs tandis que tout l'ordre du jour de l'opposition ouvrière est mis au rancart. La situation actuelle met en lumière la nécessité non pas d'abandonner la demande d'une nouvelle direction, mais que la classe ouvrière s'organise elle-même pour occuper la place qui lui revient. En tant que productrice de toute la richesse, la classe ouvrière a le devoir d'investir le peuple du pouvoir de décider ce qui est produit et comment il est produit. La classe ouvrière a le devoir de défendre les droits autochtones, et le droit et le devoir de veiller à ce que les développements servent l'édification nationale du Canada et le commerce à avantage réciproque.

On ne doit pas permettre que cette logique perverse des monopoles divise la classe ouvrière et le peuple et les nations autochtones. Les Premières Nations et le peuple de la Colombie-Britannique sont préoccupés par les déversements et exigent des études plus poussées pour garantir que la capacité d'intervention en cas de déversement soit adéquate et protège le littoral et la pêche au saumon. Lorsqu'il y a eu déversement de l'oléoduc Keystone, l'élite politique et économique a manipulé la situation. Plutôt que de discuter pourquoi le déversement s'est produit et comment prévenir de tels incidents, la réaction a été de demander une amélioration de la capacité d'intervention et d'assainissement pour l'oléoduc Trans Mountain. C'est une attaque contre les travailleurs du Canada et l'intérêt national. Ce n'est pas Trans Canada qui est mis sur la sellette pour son irresponsabilité sociale pour son déversement et ses conséquences, mais les demandes des Premières Nations et des résidents de la Colombie-Britannique. On incite les passions et on répand la désinformation pour empêcher le peuple de discuter de ce qu'est le problème et comment le résoudre. La situation requiert une atmosphère calme où les gens peuvent réfléchir au problème et trouver les moyens d'exprimer la politique indépendante de la classe ouvrière basée sur un projet d'édification nationale qui résout les problèmes en faveur du peuple plutôt qu'en faveur des riches.

Note

1. Pour lire le rapport intégral, cliquer ici.

(Sources : CBC, Calgary Herald, Global News, Financial Post)

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De la presse du Parti sur la direction de l'économie

1996: Jean Chrétien à la tête des commis voyageurs

Le gouvernement libéral et son chef Jean Chrétien ont rassemblé un groupe de gens d'affaires pour aller à la chasse aux investissements en Asie. Les médias capitalistes monopolistes l'ont baptisé « l'Équipe Canada » dans le but de tromper l'opinion publique. On a dit que la mission de l'Équipe Canada était la recherche d'emplois.


Le premier ministre Jean Chrétien (deuxième de la droite) dirige la mission commerciale d'Équipe Canada en Chine en 1994.

Toute la propagande faite à ce sujet visait à masquer le fond du problème, à savoir : que faut-il faire des capitaux excédentaires ? Devraient-ils être investis au Canada pour permettre un développement intégré et équilibré de l'économie comme le ferait un État vraiment nationaliste et progressiste, ou devraient-ils être envoyés là où le taux de profit est le plus élevé ? Cela revient à se servir du capital excédentaire pour intensifier l'exploitation n'importe où dans le monde.

Le but de l'Équipe Canada et de Jean Chrétien était d'explorer des zones où les investissements seraient les plus rentables. Si Chrétien s'intéressait vraiment à créer des emplois, il interdirait à l'oligarchie financière d'exporter des capitaux. Il la forcerait à investir au Canada et encouragerait le commerce bilatéral entre tous les pays sur la base de l'avantage réciproque.

Le gouvernement libéral de Jean Chrétien est un gouvernement de l'oligarchie financière. Tous les paliers de gouvernement déclarent que la pierre angulaire de la prospérité au Canada est l'importation de capitaux et l'offensive antisociale. Pour l'oligarchie financière, le rôle du gouvernement est d'attirer au Canada des capitaux étrangers en faisant toutes sortes de concessions. Son rôle est également de trouver et de fournir des marchés pour ses capitaux excédentaires. Il doit aussi poursuivre l'offensive antisociale. Cela signifie que le gouvernement doit se soumettre au programme de l'oligarchie financière et protéger ses intérêts au détriment du peuple. C'était l'objectif de l'Équipe Canada en Asie. Finalement, sur le plan de la politique étrangère, le gouvernement Chrétien est un partisan de la création d'un monde unipolaire sous la domination de l'impérialisme américain.

La mission de l'Équipe Canada n'était pas de trouver des débouchés pour créer des emplois au Canada. C'était de faciliter le commerce et l'exportation de capitaux dans les régions où les profits sont les plus élevés. Avec le leitmotiv de la « mondialisation de l'économie », le gouvernement libéral espère que le Canada pourra s'emparer d'une part du marché mondial. Mais il se trompe drôlement. Une économie basée sur le commerce et les investissements étrangers est une économie sans fondements nationaux, une économie vouée à la catastrophe. Son réveil sera brutal, car les peuples du monde commencent à combattre la « mondialisation » et s'intéressent à bâtir leur propre économie. L'Équipe Canada n'est pas la seule équipe de commis voyageurs capitalistes à parcourir le monde. Les rivalités intermonopolistes et interimpérialistes conduisent à un repartage du monde. Le Canada est membre de l'OTAN, de NORAD et de l'ALÉNA. Il fait donc partie du bloc impérialiste américain. Par ses activités, il deviendra un facteur de guerre impérialiste.

Négliger l'économie nationale en laissant entrer les capitaux étrangers, en exportant les capitaux du pays et en lançant une offensive antisociale, comme le fait le gouvernement libéral, entraîne le pays vers le désastre. La mission de l'Équipe Canada en Asie est un autre pas dans cette perfidie.

(LML 25 janvier 1996)

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2002: La «stratégie d'innovation du Canada
Atteindre l'excellence»

Le 12 février, le gouvernement du Canada a lancé sa « stratégie d'innovation du Canada » avec la publication de deux documents intitulés : Atteindre l'excellence : Investir dans les gens, le savoir et les possibilités et Le savoir, clé de notre avenir : Le perfectionnement des compétences au Canada.

Selon un communiqué de presse d'Industrie Canada : « C'est un pas de plus vers la réalisation de l'engagement pris dans le discours du Trône de 2001 d'équiper les Canadiens des compétences et des connaissances avancées dont ils auront besoin pour prospérer et pour réaliser leur potentiel unique, et de faire connaître le Canada comme l'un des pays les plus innovateurs au monde. » Le gouvernement prétend que la « stratégie d'innovation du Canada repose sur le principe voulant que, dans l'économie du savoir, la prospérité dépend de l'innovation qui dépend, à son tour, des investissements que nous faisons dans la créativité et les talents de nos gens ».

« Voilà pourquoi nous devons non seulement investir dans la technologie et l'innovation, mais aussi favoriser un milieu inclusif, où tous les Canadiens sont équipés des outils nécessaires pour participer pleinement à la vie économique et sociale », affirme le gouvernement.

« Les documents proposent une série d'objectifs et de jalons nationaux qui permettront de mesurer les progrès accomplis au cours de la prochaine décennie. Nous allons travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires, les entreprises, les syndicats, les universitaires, les dirigeants autochtones, le secteur bénévole et communautaire et les citoyens à élaborer la stratégie d'innovation qui nous permettra d'atteindre nos objectifs », dit le communiqué.

Le gouvernement annonce qu'il tiendra des consultations dans toutes les régions du pays durant les prochains mois. « Nous encourageons les Canadiens à lire les documents de travail et à participer au processus de consultation, lit-on dans le communiqué. Ils peuvent aussi visiter le site et transmettre leurs commentaires en direct. »

Le même jour, dans un discours à la Chambre de commerce du Canada, le ministre de l'Industrie Allan Rock a présenté les grandes lignes de ce qu'il appelle « une série d'objectifs nationaux destinés à rendre l'économie canadienne plus concurrentielle, à créer de l'emploi et à stimuler la croissance économique dans les dix prochaines années ». Selon le communiqué de presse, « le ministre Rock a publié sa partie de la Stratégie d'innovation du Canada dans un document intitulé Atteindre l'excellence : investir dans les gens, le savoir et les possibilités. »

Le ministre a clairement laissé savoir ce que sera le but des consultations. « Le ministre Rock a invité les chefs d'entreprise, les universitaires et le secteur public à travailler en collaboration avec tous les paliers de gouvernement afin de trouver des moyens de réaliser les objectifs nationaux énoncés dans Atteindre l'excellence », nous apprend le communiqué de presse. Autrement dit, il ne s'agit pas de consultations pour discuter de voies vers l'avant pour le Canada, mais d'une manœuvre pour créer une opinion publique favorable à la braderie du Canada par les libéraux. « Le moment est venu de passer à la vitesse supérieure, d'amener les Canadiens à se surpasser en leur proposant des objectifs ambitieux et de travailler ensemble pour les réaliser, a déclaré le ministre. Le gouvernement ne peut y parvenir seul. Nous devons nous appuyer sur le consensus croissant qui se dessine parmi les gens d'affaires, les entrepreneurs, les syndicats, les universitaires et tous les paliers de gouvernement, à savoir que le succès futur du Canada dépend de sa capacité d'innover dans tous les secteurs de son économie et dans toutes ses régions. » « Un sommet national se tiendra à l'issue de ces rencontres, soit à l'automne 2002, ce qui nous permettra de parachever notre stratégie et de la traduire en mesures concrètes, a-t-il poursuivi. Je me réjouis à l'avance des solutions novatrices que nous trouverons pour atteindre ces objectifs nationaux. Ensemble, nous pouvons faire du Canada un symbole de l'excellence dans le monde. »

Le ministre a énoncé « des objectifs, des cibles et des priorités fédérales pour la prochaine décennie dans quatre domaines clés », soit :

- de créer des connaissances et de commercialiser les idées plus rapidement, et de faire en sorte que tous les secteurs investissent davantage dans la recherche-développement ;

- de veiller à ce que, dans les années à venir, le Canada dispose d'assez de personnes hautement qualifiées et possédant les compétences nécessaires à une économie du savoir dynamique ;

- de moderniser nos politiques commerciales et réglementaires afin d'encourager et de reconnaître l'investissement et l'excellence dans l'innovation, tout en protégeant notre qualité de vie ;

- d'encourager l'innovation au niveau local afin que nos collectivités continuent d'être des catalyseurs de l'investissement et des possibilités. »

(LML 15 février 2002)

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2016 : l'appel néolibéral à donner une nouvelle image au Canada reprend du service

Le premier ministre Justin Trudeau s'est adressé à la session d'ouverture du Forum économique mondial (FEM) à Davos en Suisse le 20 janvier. Il a donné une version recyclée de l'appel de l'ex-premier ministre Paul Martin à l'oligarchie financière internationale à « donner une nouvelle image au Canada », lequel avait été un échec. Au lieu que le Canada soit considéré comme un « scieur de bois et un porteur d'eau », Trudeau cherche à promouvoir les secteurs de haute technologie et les ressources humaines du Canada, ce que l'ancien premier ministre Jean Chrétien appelait « l'économie du savoir ».

« Autrefois, le Canada était plutôt connu pour ses ressources. Je veux maintenant que vous connaissiez les Canadiens pour leur ingéniosité », a dit Trudeau.

Le Canada regorge d'occasions fiables de faire des profits, a-t-il dit. Si les ressources naturelles « sont importantes », « les Canadiens savent toutefois que la croissance et la prospérité ne tiennent pas seulement à ce qui se trouve sous nos pieds, mais surtout à ce que nous avons entre les oreilles ».

Il a dit que le Canada jouit d'un avantage concurrentiel parce que la production de la valeur en éducation et en santé est faite par le biais de l'infrastructure publique et que les monopoles l'obtiennent sans frais.

« Nous avons une population diversifiée et créative, des systèmes d'éducation et de santé exceptionnels et une infrastructure de pointe. Nous avons une stabilité sociale, une stabilité financière et un gouvernement prêt à investir dans l'avenir », a dit Trudeau.

Il a dit que les gouvernements doivent investir en éducation, dans les infrastructures, en science, en innovation et en recherche « tout en mettant en valeur l'innovation dynamique qui caractérise le secteur privé ».

Trudeau a cité en particulier l'Université de Waterloo et évoqué le grand nombre de Canadiens qui travaillent dans la Silicon Valley ou pour des firmes internationales. Il a dit que le Canada « possède la diversité, la résilience, l'optimisme et la confiance » pour tirer profit de la « prochaine révolution industrielle » [...] C'est le moment où jamais de vous tourner vers le Canada », a-t-il dit.

Les monopoles mondiaux, principalement américains, ont démontré à maintes reprises qu'ils ne sont pas prêts à permettre aux firmes canadiennes de haute technologie de faire entrave à leur propre édification d'empire. C'est pourtant aux mêmes monopoles mondiaux qui ont détruit Nortel et d'autres comme lui que Trudeau fait appel pour qu'ils étendent leur emprise sur le Canada en mettant à leur disposition « une population diversifiée et créative, des systèmes d'éducation et de santé exceptionnels et une infrastructure de pointe... une stabilité sociale, une stabilité financière et un gouvernement prêt à investir dans l'avenir ».

L'appel que Trudeau a lancé à l'élite mondiale à Davos de s'intéresser au Canada autrement que pour ses seules ressources véhiculait le même vieux message à l'effet que l'économie et les ressources naturelles et humaines du Canada sont à la disposition des monopoles mondiaux. Il espère que cette offre les amènera à « diversifier » le Canada et à en faire un joueur dans « l'économie du savoir ».

Certains pourraient qualifier le comportement de Trudeau d'à-plat-ventrisme inconvenant devant de riches autocrates. Il démontre le problème sérieux qui est posé par le fait que le commerce international et les décisions sur ce qui doit être produit et comment les ressources naturelles du Canada doivent être utilisées sont dans les mains de l'oligarchie financière internationale et des stratagèmes d'investissement au service de leurs intérêts privés et de l'édification d'empire. La réalité est que le commerce international, le mouvement de la richesse sociale et des travailleurs et le développement sont en général dominés par les monopoles mondiaux au moyen d'accords de libre-échange multilatéraux et non par des États souverains qui contrôlent leur économie et sont engagés dans l'édification de la nation.

Un exemple en est l'accord de libre-échange du Partenariat transpacifique qui est en préparation et qui donnerait un accès et un contrôle virtuellement sans limites aux monopoles mondiaux sur les ressources humaines et naturelles du Canada, de même que sur la production des biens et services incluant les services financiers et sur le marché domestique. Qu'on pense aussi à l'Accord économique et commercial global (AECG), l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. À Davos, Trudeau a fortement encouragé les États membres de l'UE à signer l'AECG le plus tôt possible et il a dit que sa ministre du Commerce international Chrystia Freeland était activement engagée dans du lobbying auprès des Européens pour qu'ils acceptent l'entente sans délai.

Le contrôle de l'économie par les monopoles mondiaux signifie la négation du pouvoir souverain sur l'économie au sein de chaque pays. Selon les néolibéraux, abandonner le contrôle souverain de l'économie aux monopoles mondiaux est la seule façon d'amener les monopoles à investir au Canada et conséquemment de faire croître l'économie. La fausse prémisse est mise de l'avant qu'un peuple peut s'engager dans l'édification de la nation sans contrôler son économie. Une autre affirmation erronée est celle voulant que l'accumulation de richesse sociale à même la production nationale de biens et de services ne peut pas suffire aux besoins en investissements de l'économie. L'argumentation néolibérale ne dit rien sur comment les intérêts privés étroits des monopoles mondiaux qui prennent contrôle de l'économie pour étendre leurs empires peuvent être harmonisés avec l'intérêt public du peuple et ses droits et avec la nécessité d'humaniser l'environnement social et naturel.

L'aspiration du peuple à l'édification de la nation et son opposition au contrôle de ses affaires par l'oligarchie financière internationale requièrent que les producteurs véritables et les résidents d'un pays aient en main le pouvoir politique d'exercer un contrôle démocratique sur l'économie et le commerce international. Sans le contrôle démocratique de la prise de décision sur la direction de l'économie, les intérêts privés étroits des monopoles mondiaux sèment le chaos, ce qui non seulement laisse les problèmes politiques, sociaux, économiques et environnementaux sans solution, mais les aggrave tandis que les droits du peuple se font assaillir par le droit de monopole.

Dans la lutte du peuple, le renouveau démocratique est la priorité première qui permet de construire une économie qui est stable, suffit à ses besoins et est intégrée de manière consciente.

Cette économie, qui est contrôlée par les vrais producteurs et les résidents, est au service de l'intérêt public. S'appuyant sur ce fondement solide d'appui sur soi, sur une production, un secteur manufacturier, des programmes sociaux et des services publics qui assurent la satisfaction des besoins du peuple et la sécurité alimentaire, le commerce international peut se faire sur une vaste échelle avec tous les pays qui sont prêts à s'engager dans des échanges pour l'avantage et le développement mutuels et sans ingérence dans les affaires souveraines de l'autre.

Les résultats du commerce international des marchandises du Canada pour les 11 premiers mois de 2015, les plus récents qui sont disponibles, montrent un déficit de 22,8 milliards $. Ces résultats démontrent clairement à quel point est fallacieuse l'affirmation de Trudeau que le libre-échange et le diktat des monopoles sur la production canadienne des biens et services sur le marché de gros, le commerce, la devise et les prix vont résoudre les problèmes de l'économie canadienne.

Les intérêts privés étroits des monopoles mondiaux dictent toutes les facettes du commerce depuis les biens qui doivent être produits et échangés jusqu'à la méthode de leur production et leur prix. Les prix fluctuent considérablement, l'économie va de crise en crise, la richesse sociale quitte l'économie et le pays, le secteur manufacturier et la sécurité alimentaire sont attaqués, le droit et l'intérêt public sont niés et l'environnement social et naturel est mis à mal.

L'économie et le commerce international du Canada ont besoin d'une nouvelle direction qui est marquée par le droit et le contrôle publics. Les Canadiens doivent bâtir un pouvoir qui restreint le droit de monopole et le diktat des monopoles mondiaux. Le pays a besoin d'une direction nouvelle au service d'une économie qui subvient à ses besoins et est intégrée consciemment et est sous le contrôle démocratique des producteurs de fait et des résidents. Le peuple peut et doit s'opposer à la direction néolibérale de l'économie dans laquelle le gouvernement Trudeau entraîne le Canada et à ses promesses et à ses appels à l'oligarchie financière internationale d'exploiter le trésor public du Canada, l'infrastructure sociale et matérielle de même que les ressources humaines et matérielles.

(LML 27 janvier 2016)

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