Le Marxiste-Léniniste

Numéro 57 - 23 décembre 2017

Le point culminant du travail du Parti en 2017

Célébration du 50e anniversaire
de l'historique Conférence Nécessité de Changement

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Le point culminant du travail du Parti en 2017
Célébration du 50e anniversaire de l'historique Conférence Nécessité de Changement
La Conférence Nécessité de Changement avec le recul du
temps
- Richard Daly
Les conditions qui ont donné naissance aux Internationalistes et à la
nécessité de changement
- Louis Lang
La génération des années quatre-vingt-dix reprend
le drapeau
- Enver Villamizar
L'ici et le présent - Centre d'études idéologiques
Something Is Calling Now, Move On - Poème de Hardial Bains
Les événements d'août en photos



Le point culminant du travail du Parti en 2017

Célébration du 50e anniversaire de l'historique Conférence Nécessité de Changement

La conférence La naissance du nouveau organisée par le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) à Ottawa les 11 et 12 août 2017 a été le point culminant du travail du Parti en 2017. La conférence ainsi que le travail et les groupes d'étude qui l'ont suivie sont un jalon important et établissent un point de référence pour le mouvement communiste et ouvrier canadien, un guide à l'action pour ouvrir la voie au progrès de la société. Avec ce travail, le Parti prépare son Neuvième Congrès en poursuivant l'élaboration des définitions modernes requises à l'époque actuelle.


Richard Daly

La conférence s'est ouverte avec la récitation du poème Something Is Calling Now, Move On (Quelque chose appelle, allons de l'avant) de Hardial Bains, suivie de remarques d'introduction sur les conditions concrètes de 1967 et d'aujourd'hui. Le premier intervenant a été Richard Daly en tant qu'invité d'honneur. Le professeur Daly a été à la fois participant et témoin de la Conférence Nécessité de Changement organisée par les Internationalistes sous la direction de Hardial Bains à Londres il y a 50 ans. Le deuxième a été Louis Lang qui était présent quand les Internationalistes, les précurseurs du PCC(M-L), se sont réorganisés à Montréal en 1968 et qui a été membre fondateur du Centre d'études idéologiques Nécessité de Changement, l'hôte de la conférence. La troisième intervention, par Enver Villamizar, a examiné le travail de la jeunesse révolutionnaire des années 1990 pour préserver et rendre disponible le riche trésor de matériel de pensée laissé à la classe ouvrière par le travail révolutionnaire de Hardial Bains et de milliers d'autres camarades qui ont travaillé sous la direction du Comité central du Parti.


Louis Lang 

La présentation principale, par le Centre d'études idéologiques, intitulée «L'ici et le présent», a porté sur la nécessité de trouver un nouveau point de référence et de développer l'analyse des conditions concrètes dans l'espace et le temps d'aujourd'hui, et d'ainsi renforcer la pensée marxiste-léniniste contemporaine. Le thème a été poursuivi dans la présentation suivante intitulée « Comment l'intérêt national est utilisé pour supplanter l'intérêt public » et une autre par l'associé du Centre d'études idéologiques Eric Hoffman, un  expert de l'histoire de la science qui est une autorité sur la thèse de la fin de l'histoire reprise par la plupart des déconstructionnistes et néopragmatistes. Eric a fait une importante contribution sur le thème: « Le point de vue du nouveau ».

La présentation d'Eric Hoffman

La conférence s'est penchée sur un problème clé pour la pensée et la conception du monde, soit le rapport entre la conscience et l'être social. La conscience vient de l'être social, de la façon dont nous gagnons notre vie ainsi que de nos organisations et de nos rapports au sein de la société. La conscience sociale, qui est un reflet de l'être nouveau qui cherche à naître et à bâtir une société nouvelle faite pour les êtres humains, devient une force matérielle qui accélère la naissance du nouveau.

Le camarade Bains a écrit en 1997 que l'analyse Nécessité de Changement « fait de la refonte idéologique la clé du développement ininterrompu et de la victoire de la révolution. Prenant pour point de départ la situation concrète contemporaine et les problèmes du mouvement ouvrier, les Internationalistes abordèrent les questions de l'organisation et du rôle de l'individu dans la transformation révolutionnaire dans le contexte du travail du collectif. » L'analyse Nécessité de Changement déclare résolument que « la compréhension nécessite un acte de participation consciente de l'individu, l'acte de découvrir », plaçant l'action au premier plan et la compréhension à son service.

L'établissement d'un nouveau point de référence et la naissance du nouveau exigent un travail et une analyse révolutionnaires. Les révolutionnaires ne peuvent pas se contenter de décrire la condition humaine s'ils veulent changer les choses et faire naître le nouveau. La pratique révolutionnaire ne peut pas exister sans théorie révolutionnaire et c'est la pratique qui ouvre la marche par les actions avec analyse. La théorie révolutionnaire sans pratique révolutionnaire ne sert aucune fin et peut même devenir une interprétation dogmatique qui bloque la naissance du nouveau. Les révolutionnaires ne peuvent répéter la vieille analyse et reprendre les vieux points de référence et s'attendre à pouvoir changer la situation et donner naissance au nouveau. Les actions pour faire naître le nouveau dans les conditions concrètes de l'ici présent sont renforcées et soutenues par l'analyse des conditions objectives et subjectives existantes, qui active le facteur humain/conscience sociale et ouvre la pratique révolutionnaire.

La forme et le contenu du travail révolutionnaires ont besoin d'être continuellement renouvelés suivant le changement des conditions subjectives et objectives. Les victoires et la théorie du passé informent et guident le travail du présent et donnent la confiance nécessaire pour aller de l'avant.

La conférence a réuni des secrétaires du Parti de toutes les régions du pays et des représentants du travail parmi les travailleurs et les jeunes, dont des délégations des secteurs de l'acier, de la construction et de la foresterie, des enseignants et travailleurs de l'éducation et d'autres du secteur public, ainsi que des jeunes du Mexique et des États-Unis et des invités. D'importantes interventions des invités du Mexique, de Cuba et des États-Unis ont enrichi la conférence durant la deuxième journée et ont aussi montré comment les conditions concrètes dans chaque pays poussent également au renouveau de la pensée et de l'organisation. Cela a été pour les participants une occasion d'exprimer leur enthousiasme devant la détermination des peuples du monde à ouvrir une voie au progrès et à vaincre l'ingérence et l'agression impérialistes américaines.

Le professeur Pablo Moctezuma Barragán, maire d'Azcapotzalco dans le district fédéral de Mexico et chef de l'Unión del Trabajo de México (Mexteki), a fait part de son expérience de la lutte contre la destruction nationale et des efforts pour la remplacer par un nouveau projet d'édification nationale dans ce pays frère. Basilio Gutiérrez García a représenté le Parti communiste de Cuba avec une présentation vivante sur le rôle décisif du Parti communiste dans la révolution cubaine, suivie d'une période très animée de questions et réponses. Kathleen Chandler, secrétaire générale de l'Organisation marxiste-léniniste des États-Unis, a parlé de la culture de résistance aux États-Unis tandis que Gurbachan Singh, secrétaire général de l'Organisation des droits humains du Pendjab, a parlé de la contribution de Hardial Bains à la protection et la promotion des droits humains en Inde et dans le monde. Le camarade Lal Singh a représenté le Parti Hindustani Ghadar de l'Inde et Michael Chant, secrétaire général du Parti communiste révolutionnaire de Grande-Bretagne (marxiste-léniniste), était également présent. L'ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela au Canada, H.E. Wilmer Omar Barrientos Fernández, a informé les participants à la conférence des efforts constants de l'impérialisme américain pour saper le projet d'édification nationale du Venezuela, y compris par les menaces et les préparatifs pour l'intervention militaire directe, un coup d'État et un changement de régime imposé.



Du haut à gauche vers le bas à droite: Basilio Gutiérrez Garcia du Parti communiste de Cuba ; le professeur Pablo Moctezuma Barragán de l'Union del Trabajo de México (Mexteki) ; Kathleen Chandler, secrétaire générale de l'Organisation marxiste-léniniste des États-Unis ; Gurbachan Singh, secrétaire-général, Organisation des droits humains du Pendjab ; Son Excellence Wilmer Omar Barrientos Fernandes, ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela au Canada.

La conférence s'est terminée avec la décision d'approfondir le travail entrepris par le Parti à l'occasion des célébrations du 50e anniversaire de la Conférence Nécessité de Changement tenue à Londres en 1967 par des groupes d'étude et des forums de discussion qui donnent lieu à un travail révolutionnaire qui donne naissance au nouveau. Elle a exprimé la confiance des participants dans l'affirmation du facteur humain/conscience sociale et leur détermination à défendre la liberté de parole en tant que droit humain et à bâtir l'opinion publique contre la voie agressive et guerrière de l'impérialisme américain, ses guerres de conquête et de pillage et son ingérence dangereuse dans les affaires de pays souverains dont le Canada est également complice. Les participants à la conférence se sont engagés à appuyer pleinement tous les peuples et pays qui cherchent à défendre leur indépendance et à bâtir le nouveau et à faire du Canada une zone pour la paix dans le monde.

Cette conférence historique s'est accompagnée d'autres événements qui ont montré la grande appréciation du Parti pour le travail de tous ceux et celles qui s'unissent pour changer le monde. Il y a eu une réception le soir du 12 août et un rassemblement commémoratif, et un concert au cimetière Beechwood le 13 août. Le rassemblement et le concert ont rendu hommage au camarade Hardial Bains à l'occasion du 20e anniversaire de sa mort et au leader de la révolution cubaine et compagnon d'armes des peuples du monde, Fidel Castro Ruz. Un hommage a également été rendu à Charles Boylan, Wendell Fields, David Mackay, William McQueen et Alastair Haythornthwaite, décédés cette année et à tous les autres camarades du Parti qui sont décédés. Un hommage spécial a été rendu à Ernesto Che Guevara à l'occasion du 50e anniversaire de sa mort au combat.



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La Conférence Nécessité de Changement
avec le recul du temps

Richard Daly était l'invité d'honneur de la célébration du 50e anniversaire de la Conférence Nécessité de Changement. Il a présenté les remarques d'ouverture suivantes.

***

C'est un honneur d'être assez vieux pour avoir contribué à la création de la Conférence Nécessité de Changement et d'être encore là pour son cinquantième anniversaire.

Pour commencer, je pense qu'il est important que nous reconnaissions qu'Ottawa, la capitale du Canada, est une ville construite sur les territoires ancestraux des peuples algonquins de cette région, dont les ancêtres ont parcouru cette terre depuis au moins la dernière période glaciaire.

La Conférence Nécessité de Changement s'est tenue au Regent's Park à Londres en août 1967. J'y étais à la fois comme témoin et comme participant. Mais pour mettre l'événement en contexte, permettez-moi de commencer deux ans auparavant, quand, jeune barbu, issu d'un milieu de pêche et d'agriculture de la Colombie-Britannique, j'ai voyagé en autostop pendant un an en Europe et au Moyen-Orient. En revenant en Europe à l'automne de 1965, j'ai reçu une lettre de Vancouver de la part de quelqu'un qui me suggérait d'aller rencontrer Hardial Bains, qui enseignait la microbiologie au Trinity College de Dublin. Je suis arrivé en Grande-Bretagne avec des trous dans les chaussures et pas d'argent dans les poches. J'ai vendu ma force de travail pendant quelques semaines et ai travaillé dans une équipe de construction à 150 mètres sous le Palais de Buckingham pour creuser la ligne Victoria du métro londonien, près de la gare de Greenpark. Je suis arrivé à Dublin en novembre, la dernière étape de mon voyage avant de retourner au Canada.

À Trinity, j'ai demandé que l'on m'indique où se trouvait la microbiologie. Le portier m'a dit d'attendre, il allait appeler le jeune conférencier M. Bains, qui par la suite m'a fait entrer au collège. Hardial Bains m'a tout de suite entraîné dans un voyage politique : la situation mondiale actuelle ; l'extermination d'un million de communistes, de paysans et d'intellectuels en Indonésie. Nous avons abordé la question des jeunes Américains qui se rebellaient contre la guerre et brûlaient leurs cartes de conscrit. Nous avons parlé du discours de Martin Luther King « J'ai un rêve » de 1963, des émeutes dans les villes américaines et de la guerre indo-pakistanaise en cours. Il a parlé de la philosophie contemporaine et exprimé son intérêt pour les autobiographies récentes de Simone de Beauvoir, La force des choses, récemment publiée, et Les mots de Sartre, où le philosophe décrit sa vie et la lutte d'un homme de parole entre la compréhension du monde et le besoin existentiel de le changer.

Puis, nous avons commencé à avoir faim. « Vous allez être mon invité académique à la haute table des professeurs », m'a-t-il dit. Il m'a prêté une veste, m'a donné une robe d'étudiant pour couvrir mon tee-shirt et mes jeans. Nous sommes allés à la salle à manger, où les professeurs dînent à une très longue table en chêne, surélevée sur une estrade par rapport aux étudiants dans leurs robes. « Vous serez aux premières loges des rituels d'alimentation de la bourgeoisie universitaire anglo-irlandaise et de sa maîtrise de la pensée féodale », m'a dit mon hôte.

Dans les jours suivants, Hardial Bains m'a présenté à ses étudiants et à plusieurs de ses collègues. C'était des jeunes avides de contester les valeurs non examinées et de remettre en question les idées reçues du capitalisme et de son consumérisme, son bellicisme et son exploitation. Cet esprit critique n'était pas tout à fait nouveau pour moi, j'avais assisté à quelques-unes des rencontres du mercredi soir des Internationalistes organisées par Hardial Bains à la maison en dehors du campus qu'il partageait avec d'autres étudiants diplômés à Vancouver en 1963 et 1964. Lors de ces rencontres, les nuits étaient animées, souvent jusqu'à l'aube, de discussions politiques et d'arguments, de lecture de poésie, d'un peu de flirt parfois et toujours d'un fond de chansons de protestation et de musique folklorique. Mais les temps, comme Joan Baez et Bob Dylan le chantaient sur le tourne-disque dans le coin de la pièce, changeaient. C'était un temps pour nous tous de critiquer la valeur du monde tel que nous le connaissions, de découvrir ce qui se passait réellement autour de nous et de nous préparer à bâtir un monde nouveau, une nouvelle façon de vivre, sans la division actuelle entre liberté et démocratie pour une poignée et l'éternelle exploitation pour les masses. Nous étions au plus fort de la guerre froide, le monde était divisé entre eux et nous. La seule division étant entre a) la soi-disant liberté et démocratie de l'Occident d'une part et b) la soi-disant oppression communiste de l'individualisme et la répression du droit démocratique de l'individu d'exploiter les autres.

Hardial Bains, avec ces jeunes à Dublin, et avec d'autres de son réseau international, a présenté une critique de la culture de la guerre froide. Il a vu que beaucoup d'entre nous dans le monde capitaliste-impérialiste acceptaient comme le lait maternel la propagande qui nous était présentée jour après jour et que la façon dont nous nous comportions culturellement faisait de nous, dans la pratique, les laquais dociles du système. Dans les années soixante, nous, les jeunes, devenions conscients du fait que notre capacité de penser et d'agir comme membres essentiels de la société nous avait été volée. Nous manquions de pratique pour penser, analyser et construire la réalité à partir de la matière première réelle du monde qui nous entourait. Oui, nous avions des biens matériels et des emplois, mais peu de précieuses ressources mentales, émotionnelles ou spirituelles pour nous rendre capables de vivre et d'aider les autres. Nous avions été élevés comme des nourrissons dans le berceau culturel des illusions pastel sur la réalité, la justice et l'émancipation.

Le berceau culturel est ce que d'autres ont appelé notre « habitus », nos dispositions et l'éducation que nous avons acquise de l'enfance. Il adhère incontestablement au système. Pour rompre avec ce somnambulisme anticonscient, il était nécessaire de faire un grand bond, pour entrer consciemment dans le monde phénoménal qui nous entourait, participer à le changer, et contribuer au mieux de notre capacité à créer un avenir meilleur pour l'humanité. Pour nous tous, le point crucial qui a activé et inspiré le travail découle de la déclaration liminaire que vous connaissez : « La compréhension exige un acte de participation consciente de l'individu, un acte de découvrir ». En d'autres termes, un acte de découvrir découle naturellement de notre expérience des phénomènes du monde, de notre environnement, qu'il soit naturel, politique ou social, et cette expérience est réprimée par la société capitaliste et par son système d'éducation. Cette société veut que les citoyens cessent de penser et d'analyser et restent ainsi faciles à gouverner. La participation consciente de l'individu est réprimée dans notre culture hégémonique.

Pour nous préparer à la nécessité de changement, nous devions aller dans la société et découvrir ce qui se passait vraiment autour de nous ces jours-là. La culture hégémonique nous dit de ne pas nous soucier d'essayer de penser, ou d'analyser, d'une part parce qu'il n'y a rien à découvrir, et d'autre part parce que s'il y a quelque chose à découvrir, nous devrions laisser les experts, les spécialistes et les professeurs s'en occuper. Encore aujourd'hui on nous dit de relaxer, qu'on n'a pas besoin de transformer la société, qu'on peut trouver tout ce dont on a besoin sur l'Internet, et que si nous sommes astucieux nous pouvons trouver un angle par lequel amasser assez de « j'aime » sur l'Internet pour nous bâtir une entreprise électronique, survivre et faire un profit.

L'acte de participation consciente à changer le monde nous a amenés à confronter le statu quo de la guerre froide. Les Internationalistes ont étudié l'ontologie philosophique du vivre dans les conditions de la guerre froide. En analysant notre pratique dans ces conditions, nous avons été amenés à organiser la Conférence Nécessité de Changement.

J'étais étudiant à Londres en 1967 et mon petit appartement d'une pièce est devenu l'ambassade de la Nécessité de Changement pendant le printemps et l'été 1967 pour les camarades et les collègues d'Irlande, du Canada, d'Afrique, d'Europe continentale et d'ailleurs. Chaque jour nous allions sur la rue, aux stations de métro, dans les universités, devant quelques manufactures de misère et nous participions à des manifestations contre la guerre. Nous mobilisions de l'appui pour la Conférence.


Discussion lors de la Conférence Nécessité de Changement, Londres, août 1967

Nous n'avions ni ordinateurs ni imprimantes numériques, et, croyez-le ou non, l'Internet n'existait pas. Des duplicateurs à stencil imprimaient des copies tant bien que mal, du stencil aux feuilles vierges, souvent sur des machines à écrire empruntées et des imprimantes Gestetner que nous trouvions dans les ambassades ou les collèges et que nous utilisions la nuit grâce à nos réseaux. Nous faisions des brochures et des bulletins de nouvelles pour notre travail de masse du lendemain matin, pour populariser la conférence, appeler à la solidarité internationale, appuyer les luttes contre le colonialisme européen et contre l'invasion américaine au Vietnam.

Nous participions à des réunions politiques et je me souviens de ces mercenaires pro-israéliens qui ont fait irruption dans une assemblée de masse organisée par l'Union des étudiants arabes pendant la
guerre des Six Jours en Palestine, faisant voler les chaises au-dessus de nos têtes. La police était dans la salle ce jour-là lorsque ces voyous sont arrivés et elle a essentiellement tenté de les protéger contre la résistance que nous essayions d'organiser. C'était tout un chaos.

Ces jours-là, le Royaume-Uni était dans le processus de se joindre à la Communauté économique européenne, bien avant le Brexit, et la Grande-Bretagne appuyait l'invasion du Vietnam par les États-Unis. Le gouvernement britannique s'opposait aussi au président Mao, aux gardes rouges et à la révolution culturelle et c'est à ce moment-là aussi que les paysans indiens sans terre se soulevaient les armes au poing à Naxalbari, au Bengale occidental. C'était aussi la période du coup d'État militaire en Grèce, de la guerre de sécession du Biafra, et de la chanson Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band que les Beatles ont lancée le 1er juin. Il y avait des sit-in à la London School of Economics et dans plusieurs collèges. Il y avait des manifestations pour le Vietnam, des émeutes raciales aux États-Unis et c'était l'été de l'amour sur la Côte Ouest.

Nous, les Internationalistes, avons rencontré la plupart des 45 partis et groupes marxistes-léninistes autoproclamés nouvellement constitués à Londres. Nous les avons appelés à se joindre à la Nécessité de Changement et à l'utiliser comme un forum large de discussions libres et pour ultimement bâtir l'unité idéologique et organisationnelle. Nous avons également rencontré plusieurs des groupes de libération anticoloniaux à Londres et les avons appelés à participer. De nombreux camarades anticoloniaux l'ont fait. Nous avons aussi approché d'autres groupes. Des groupes contre l'apartheid d'Afrique du Sud. À ce moment-là, l'ambassade chinoise à Londres était entourée par les soldats britanniques, mais elle ouvrait chaque soir pour tenir des soupers ouvriers et nous mobilisions les gens à y aller, à briser le cordon sanitaire que le gouvernement britannique avait établi autour de l'ambassade chinoise pour protester contre la révolution culturelle en Chine.


Montage de photos en appui à la lutte du peuple vietnamien qui décore un des murs de la salle de la Conférence Nécessité de Changement

Nous avons invité Paul Sweezy, le rédacteur en chef de Monthly Review et corédacteur en chef, avec Paul Baran, de Monopoly Capital, à prendre la parole à la plénière de Nécessité de Changement. Sweezy a accepté. Il a fait une présentation de nature académique sur le capitalisme monopoliste et a affirmé qu'il s'était développé à l'origine non pas avec la croissance de la production capitaliste, mais dans la Rome antique. Comme cette déclaration a provoqué un tollé dans l'auditoire, il a refusé de rester pour la discussion. Il a refusé de donner des faits empiriques et de caractériser l'univers phénoménologique dans lequel lui et nous vivions. Il n'a pas voulu faire face au tranchant d'une discussion politique véritable. Il était en retard pour un match de tennis, nous a-t-il dit, il avait juste le temps d'y aller avant de prendre son avion pour retourner aux États-Unis. Personne d'entre nous n'était attendu à un match de tennis et nos réunions ont été un grand succès. Elles ont duré plusieurs jours et se sont tenues dans plusieurs endroits.

La Nécessité de Changement a été une étape importante dans la construction du parti marxiste-léniniste et je me souviens que lorsque nous étions en train de ramasser nos affaires, de replacer les chaises et de balayer le plancher à la fin de l'événement, le camarade Bains, qui était en train de parler à quelques visiteurs, s'est adressé à nous qui nous affairions à défaire la salle. « Certains de ces camarades vont demeurer avec nous, d'autres vont nous quitter, a-t-il dit. En fait, nous allons tous disparaître un jour, mais ce que nous avons enclenché aujourd'hui, en ce milieu d'août 1967, ici à Regent's Park, a donné un nouvel élan et une direction à notre travail. Nos idées et nos passions ne sont pas frivoles, pourvu que nous remettons en question sans cesse nos croyances à mesure que les conditions changent et que la culture des oppresseurs se réaffirme dans les conditions nouvelles ; tant que nos camarades sont conscients de la nécessité de changement, le travail va se poursuivre avec ou sans nous. Le travail de construction du parti est en cours. Les peuples sont en action, ils vont vaincre, la construction du parti ne peut pas être arrêtée, peu importe ce que disent les voix du pessimisme et de la peur de l'échec. L'époque est en marche et nous marchons avec elle. »

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Les conditions qui ont donné naissance
aux Internationalistes et à la nécessité de changement

[...]

La session d'aujourd'hui de la Conférence est dédiée au 50e anniversaire de l'adoption de l'analyse Nécessité de Changement il y a 50 ans, dans le cadre de la Conférence tenue à Londres du 1er au 15 août 1967. C'était aussi l'année du 50e anniversaire de la Grande Révolution socialiste d'Octobre dont nous célébrons le centenaire cette année.

La Conférence Nécessité de Changement avait été précédée d'une période d'étude durant laquelle les jeunes regroupés autour des Internationalistes sous la direction de Hardial Bains ont examiné les conditions de la société dans laquelle ils étaient nés, tiré les conclusions nécessaires et proposé des solutions. La Conférence était réellement la naissance du nouveau et elle représente chaque jour depuis le nouveau qui naît.

Je représente la génération des années soixante. Nous sommes nés dans une société aux prises avec la guerre froide, déclenchée par les impérialistes anglo-américains pour renverser le communisme, pour vaincre le nouveau qui avait vu le jour en 1917 en Russie soviétique avec la Grande Révolution socialiste d'Octobre, puis encore en décembre 1922 avec la création de l'Union des républiques socialistes soviétiques, l'URSS. Après l'échec de l'invasion de la Russie soviétique par 14 puissances pour tenter d'écraser la naissance du nouveau, les impérialistes ont lancé une campagne anticommuniste brutale avec une idéologie qui semait le doute sur les grandes réalisations du socialisme, à une époque où le capitalisme s'enfonçait dans la grave crise économique qu'on a appelée la Grande Dépression. Ils ont ensuite utilisé cette idéologie durant les années précédant la Deuxième Guerre mondiale pour inciter Hitler à marcher vers l'est pour écraser ce qu'ils appelaient la « menace rouge ». Mais la campagne anticommuniste a été écartée temporairement lorsque l'Allemagne hitlérienne a attaqué la France, la Grande-Bretagne et ensuite le Japon a attaqué les États-Unis à Pearl Harbor, une base américaine en territoire hawaiien, forçant ces pays à joindre leurs forces à l'Union soviétique pour vaincre les puissances de l'axe dans ce qui est devenu la Deuxième Guerre mondiale.

Après la victoire de la Deuxième Guerre mondiale, les impérialistes anglo-américains sont revenus à leur campagne anticommuniste avec encore plus d'acharnement et ont déclenché la guerre froide, des coups d'État, des guerres secrètes et des guerres de pillage contre tout pays qui avançait vers l'indépendance et le nouveau.

Les conditions dans lesquelles fut adoptée la Nécessité de Changement en 1967, au plus fort de la guerre froide, étaient très différentes des conditions d'aujourd'hui, les conditions de l'après-guerre froide. La guerre froide est terminée, mais les impérialistes anglo-américains continuent d'utiliser sa définition anticommuniste des droits et de la démocratie.

Pour nous aider à situer la Nécessité de Changement aujourd'hui, je veux parler brièvement des conditions et des problèmes qui l'ont vu naître dans les années soixante et qui ont rendu nécessaires les Internationalistes et la Conférence de 1967.

Au Canada et dans d'autres pays, les années soixante ont été des années d'invasion américaine sur une grande échelle, basée sur la pénétration de l'économie par le capital américain. Cela s'est accompagné d'une agression culturelle et d'une dégénérescence encore plus poussée du système d'éducation bourgeois. Les protagonistes de cette agression culturelle venant des États-Unis ont déclaré que le monde n'avait plus besoin d'idéologie. Ils disaient que le monde pouvait se passer d'idéologie, des considérations idéologiques et de la théorie. Les impérialistes américains ont déclaré que l'idéologie et la théorie faisaient entrave à l'unité des nations. En fait, ce n'était que l'aboutissement de l'attaque contre l'idéologie amorcée quelque 100 ans plus tôt contre la pratique et la théorie de Karl Marx et Friedrich Engels.

L'oeuvre de Marx et Engels, l'Association internationale des travailleurs puis la Commune de Paris de 1871 avaient provoqué une onde de choc dans l'ensemble du monde capitaliste. Un des effets de cette onde de choc a été qu'aux États-Unis, en Grande-Bretagne et ailleurs ont commencé une subversion officielle de la science sérieuse et l'élimination de l'idéologie dans la science. La science sérieuse et l'idéologie ont été remplacées par la supercherie. Par exemple, aux États-Unis on a mis la religion et la science sur un même pied d'égalité.

Le pragmatisme de type américain était devenu la norme au début du XXe siècle, et dans les années cinquante est apparu le slogan de la « fin de l'idéologie ». Sous cette enseigne commença l'assaut brutal de l'impérialisme contre les lumières, la théorie et le savoir. Au lieu du débat des idées basées sur la théorie, la scène était envahie par les calomnies, la diffamation et le dénigrement des personnes. Ce déferlement a atteint son comble dans les années soixante lorsque, au sein même de la direction de l'Union soviétique, la conception du monde du mouvement communiste et ouvrier a été sapée par la propagation de la conception du monde et la politique bourgeoises. Le mouvement communiste et ouvrier international était inondé de ragots au sujet des événements et des personnalités et assailli par des divisions de toutes sortes, avec pour effet de briser toute cohérence dans la conception du monde et l'opinion publique. Les vives batailles idéologiques basées sur la théorie ont été remplacées par les ragots et les calomnies concernant des individus, notamment concernant la personne de Joseph Staline, et la désinformation s'est rapidement répandue.

Au lieu du débat et de la discussion sur la base de faits, lesquels doivent être établis, tout devenait affaire de racontars et de désinformation. Les Internationalistes et Hardial Bains ont insisté sur le fait que les faits devant être reconnus dans le débat légitime doivent être les faits de la vie, pas des catégories qui sont des inventions de l'esprit. Cette destruction d'une conception du monde cohérente fut l'arme la plus effective de l'arsenal de l'impérialisme. Elle allait mener à la marginalisation du peuple puis finalement à l'effondrement de l'Union soviétique et des démocraties populaires d'Europe de l'Est. Leur destruction finale a été facilitée par Gorbatchev avec sa thèse appelée perestroïka. Sous couvert de notions anticommunistes au sujet de l'ouverture et de la transparence, il parlait de l'existence de « valeurs universelles », mais la notion de valeurs universelles s'apparente au Moyen-Âge, au médiévisme, à l'obscurantisme. Les scientifiques ne parlent pas de valeurs universelles, ils parlent d'un monde et des phénomènes dans un état constant de changement, de développement et de mouvement qui doivent être étudiés en eux-mêmes, dans leurs rapports et dans leur mouvement.

La science est par définition un corps de connaissances sur un sujet ou un domaine donné qui sont ensuite débattues et constamment renouvelées. Chacun a l'obligation de contribuer à une connaissance complète de ce qui a été réalisé jusqu'à ce point et de ce qui reste à réaliser à partir de ce point.

L'assaut contre l'idéologie ne signifiait évidemment pas l'absence d'idées. En Amérique du Nord, les impérialistes ont soutenu que quoi qu'il se passe ailleurs dans le monde, les États-Unis demeuraient une société bienveillante et un pays démocratique et pacifique où les contradictions de classe avaient été éliminées et que s'il y avait des pauvres, c'était à cause de leur manque d'ambition ou d'une malchance personnelle. Si quelqu'un devait énoncer les faits évidents concernant la nature sanguinaire et oppressive des politiques américaines, au pays et à l'étranger, c'est l'enfer qui se déchaînait. Mais il y avait une résistance, surtout contre la suppression brutale des gens d'origine africaine et contre la guerre du Vietnam. Ce sont les Internationalistes qui allaient s'attaquer de plein fouet à cette offensive et prendre une position intransigeante envers l'impérialisme. Ils ont défendu la science et fait valoir le besoin vital de l'idéologie basée sur la théorie scientifique.

Le communisme était la cible de tous les feux. L'idéologie de la Guerre froide était basée sur ce que les idéologues américains ont appelé les deux extrêmes -- le totalitarisme et le communisme -- pour défendre ce qu'ils appelaient le « centre vital ». En même temps, ils disaient qu'entre ces deux extrêmes le communisme représentait le plus grand danger parce qu'il préconisait le renversement du système et de l'État. La démocratie libérale était le centre vital, le représentant du courant principal, de l'opinion publique majoritaire, de la modération.

Entre-temps, les « préjugés particuliers de la société » exerçaient une pression sur les jeunes et les étudiants voulant que chacun doive « faire quelque chose de sa vie » en s'inscrivant dans « les meilleures universités », en faisant une carrière acceptable pour la bourgeoisie dans les universités, dans l'armée, dans la fonction publique, ou dans une grande entreprise, ou en réussissant dans le monde du sport et de l'art. Il y avait la culture du béni-oui-oui, de l'homme de comité, du borné qui ne s'intéresse qu'à la politique qui concerne sa carrière ou son organisation et laisse les affaires du monde extérieur aux élus.


Bannière à une marche de 1970 en appui à la lutte de libération nationale du peuple vietnamien

Une situation était créée où quiconque se portait à la défense d'une cause juste, défendait la dignité d'un peuple, s'opposait au racisme ou à la guerre, était susceptible d'avoir une « défaillance psychologique », souvent jeté en prison pour raison de conscience, ou poussé à l'alcool, à la drogue, à la ruine, même à l'exil. On se souvient de la position fracassante de Mohammed Ali contre la guerre du Vietnam et du poing levé des champions de piste afro-américains aux Jeux olympiques de 1968 : ils se sont attiré la foudre. Les impérialistes ont mis un terme à la brillante carrière de Paul Robeson, du moins aux États-Unis, en le traduisant devant la Commission sur les activités anti-américaines en 1956, comme de nombreux autres qui évoluaient dans le milieu artistique et culturel. Ethel et Julius Rosenberg ont été exécutés à la suite de fausses accusations d'espionnage utilisées pour justifier les activités occultes des agences d'espionnage et les agressions ouvertes contre le peuple américain et contre les peuples du monde.

Ceux qui étaient issus de la classe ouvrière ou de milieux progressistes subissaient la pression d'abandonner ou de renier leurs origines et leur conscience pour obtenir l'accès aux meilleures universités dans le monde impérialiste et devaient faire tous les compromis s'ils voulaient se faire accepter. La réalité de l'hypocrisie libérale anglo-américaine était exposée. Dans ce monde, vous pouviez être un communiste mais vous ne feriez pas carrière. Quiconque s'insurgeait contre cette proclamation était étiqueté de rebelle et jugé comme ayant des troubles de comportement.

Demeurer un travailleur engagé à défendre la dignité et les droits de la classe ouvrière était présenté comme un échec, une personne dont l'opinion ne compte pas dans la société. Ceux qui acceptaient de se conformer aux demandes de l'impérialisme pouvaient devenir des chefs syndicaux à l'époque des clauses anticommunistes dans les statuts des syndicats. Les communistes étaient bannis des syndicats, sans parler des postes de direction. Notre camarade Rolf Gerstenberger qui est ici avec nous aujourd'hui a été le premier communiste connu à se faire élire à la présidence d'un syndicat industriel, en fait la plus grande section locale du syndicat des métallos en Amérique du Nord à l'époque. C'était en 2003. Toutes les tentatives de le démettre de ses fonctions ont échoué grâce à l'appui solide des travailleurs et le Syndicat international des Métallos a finalement été forcé de changer ses statuts à son congrès international suivant.

À la base de toutes ces balivernes sur la fin de l'idéologie et de cet anticommunisme des années soixante se trouvaient les rapports de production, le mouvement de la société, la question de qui sont les producteurs de la richesse et qui devraient être les décideurs. Enfouie sous cette avalanche anticommuniste, il y a la réalité de la dignité du travail, si bien représentée dans les pages du Marxiste-Léniniste et de Forum ouvrier et dans la lutte des métallos, des travailleurs forestiers, des mineurs, les travailleurs du secteur public et d'autres secteurs. Dans cette société impérialiste moderne, le processus de production social a fait de la socialisation et de la coopération des moyens de production dans l'ensemble de l'économie la tâche stratégique la plus urgente. Cette tâche appartient au collectif des travailleurs agissant dans leurs propres intérêts et dans l'intérêt de la société et elle s'accomplit par la création de rapports de production modernes dans lesquels les véritables producteurs de la richesse assument le contrôle de la direction de l'économie. Ils s'assurent qu'elle serve le bien-être de tous et l'intérêt général de la société. C'est au grand mérite des Internationalistes et de Hardial Bains d'avoir ramené cette question au premier plan.

Les impérialistes ont introduit leur corruption dans le mouvement ouvrier en appelant les travailleurs à lutter pour « une plus grande part du gâteau », à demander une redistribution des richesses tout en maintenant intacts les vieux rapports de production, la vieille société et son État. Le plus grand objectif de ces soi-disant socialistes était d'avoir ce qu'ils appellent une bonne vie de classe moyenne, ce qui veut dire une vie de soumission. En 1967, cette corruption s'était implantée dans le mouvement communiste et l'aurait conduit à sa liquidation si ce n'était de l'apparition d'un grand mouvement d'opposition. Plusieurs tendances négatives prenaient forme, allant du pur intellectualisme sur la « position juste » au simple alignement sur un centre comme Moscou, Belgrade, Beijing, l'Europe ou autre. La division dans le mouvement communiste et ouvrier international avait des conséquences pour tous ses contingents dans la mesure où elle faisait obstacle à l'unité dans l'action pour apporter des solutions aux problèmes de leur société et du monde. Nous avons vu quant à nous les stéréotypes s'imposer où chacun devait se définir non pas par ses actes, mais en fonction de ce que d'autres disaient. Une des accusations favorites était de blâmer les activistes qui, comme les Internationalistes, combattaient pour la démocratie et la justice plutôt que de blâmer l'État pour la violence et la répression policières.

Pendant ce temps, il y avait une indifférence générale envers le sort des travailleurs ordinaires, les nations opprimées et leurs luttes, envers les jeunes et les étudiants et les difficultés auxquelles ils étaient confrontés. Les impérialistes ont propagé une culture dégénérée parmi les jeunes, de pair avec une « nouvelle gauche » qui se proclamait bruyamment « contre la société », « pour la révolution », « pour l'action révolutionnaire », mais sans aucune analyse sérieuse, sans bâtir quoi que ce soit, et en prêchant en fait les tendances culturelles bourgeoises les plus arriérées qui passaient pour progressistes. Ce sont les Internationalistes qui allaient exposer comme régressive cette pratique de prononcer des phrases révolutionnaires pour promouvoir une culture bourgeoise et qui allaient se battre pour rétablir le socialisme et le communisme comme objectif principal du mouvement.

Il faut se rappeler que le monde était encore à l'époque dans une période de flux révolutionnaire et que la victoire sur le fascisme dominait encore les esprits. Les luttes de libération nationale contre l'impérialisme remportaient des victoires partout en Asie, en Afrique et en Amérique centrale et du sud, notamment avec la résistance héroïque du peuple vietnamien à l'agression américaine. L'impérialisme américain et ses alliés, dont le Canada, ne s'étaient pas encore remis d'avoir été forcés de signer un armistice en 1953 et d'avoir été défaits dans leurs tentatives de conquérir l'ensemble de la Corée.

L'âpre rivalité entre le capitalisme et le socialisme s'est poursuivie au milieu de contradictions intenses entre les grandes puissances impérialistes. Bien que la classe ouvrière fût en grande partie paralysée par la division dans le mouvement communiste et ouvrier et par l'opportunisme sorti de cette division, elle n'a jamais renoncé à ses luttes pour ses droits. Les jeunes et les étudiants de toutes les classes et de toutes les couches sociales aspiraient à un monde nouveau et se sont mobilisés en grand nombre contre la guerre et en appui à des causes justes, comme le droit à l'éducation, les droits civils, nationaux et ouvriers. L'élite dominante du monde anglo-américain leur offrait des antihéros et des démagogues de toutes sortes pour qu'ils ne remettent pas en cause l'anticonscience dominante, mais malgré cela un grand nombre de jeunes conscients s'intéressaient à formuler une nouvelle base pour le développement de la société.

Hardial Bains a défendu la conclusion du marxisme que la simple compréhension n'apporte pas la libération, que la conscience n'est pas libération. Le fait de savoir qu'il y a quelque chose de pourri dans ce monde mais d'en faire un simple objet de compréhension ou de mener l'action pour l'action, aussi bien intentionné soit-on, ne change rien. Les temps exigeaient plus que cela. Ils nous appelaient à aller plus loin, à aller de l'avant.

Les Internationalistes ont répondu à cet appel d'aller de l'avant. Le camarade Bains souligne que le travail des Internationalistes n'a pas ses origines dans la parole écrite, mais dans l'insatisfaction face aux conditions de leur époque. Les militants étaient plongés dans les problèmes auxquels est confronté le monde. Ils ne se cachaient pas derrière une phrase et ne croyaient pas que des solutions pouvaient être trouvées sans s'appuyer sur leurs propres efforts. Il souligne qu'au départ les Internationalistes n'avaient pas d'idéologie particulière, mais reflétaient l'exaspération ressentie par les jeunes et les intellectuels à l'époque et le mécontentement des travailleurs face aux conditions existantes. Plus important encore, les Internationalistes ont rassemblé des personnes qui étaient avancées et des défenseurs des idées éclairées, ceux qui voulaient changer la situation et aller de l'avant.


Rassemblement contre la guerre à l'Université de Colombie-Britannique le 24 octobre 1962,
durant la crise des missiles à Cuba

L'organisation a débuté comme un groupe de discussion avec pour but explicite de créer un climat de discussion académique sur le campus de l'Université de la Colombie-Britannique, qui faisait défaut. L'atmosphère dominante était l'anticonscience, des opinions rigides contre l'investigation, des vues qui n'avaient pas de fondement dans la vie réelle et qui, en fait, entravaient le progrès de la vie. Les Internationalistes avaient un but limité et ont eu un départ modeste. Pas de grandes ou petites phrases tirées des livres ou d'idéologie particulière pour impressionner le monde. Leur idéologie, leur politique et leur culture ont pris forme dans le travail pour créer un climat de discussion académique et chercher la vérité pour servir le peuple.

Leur idéologie, leur ligne politique, leur organisation et leur culture se sont renforcées dans le cours de leur développement, par le travail constant. Le camarade Bains dit que cela ne veut pas dire que les personnes engagées dans le travail n'avaient pas d'idéologie. Lui-même était communiste avec une histoire de militantisme politique qui remontait à la fin des années quarante, tandis que la plupart des autres étaient progressistes, bien que méfiants du communisme. Ce qui a rassemblé tout le monde, c'est leur inquiétude au sujet des conditions existantes, du système d'éducation et de la culture, et leur rejet du but de la société, de sa raison d'être.

Hardial Bains dit que cette organisation était issue des conditions des années soixante, qu'elle avait un caractère de masse et n'avait pas d'idées préconçues à sa fondation. Elle s'est épanouie sur le terreau fertile de l'enthousiasme des travailleurs pour le changement et elle allait corroborer les conclusions tirées par Karl Marx un siècle auparavant. Cela ne s'est pas fait en lisant quelques conclusions de Marx et en les imposant à la situation d'une façon dogmatique ou religieuse. Non, les Internationalistes sont arrivés à ces conclusions eux-mêmes en utilisant les conclusions de Marx comme un guide d'action dans leur travail, en bâtissant une forme d'organisation conforme à son contenu et à son but qui était de trouver des solutions aux problèmes de l'époque.

Ces découvertes dans l'ici présent par le travail et la politique pratique ont garanti l'indépendance des Internationalistes à la fois en tant qu'organisation et pour ce qui est de sa pensée. Cela est devenu l'ingrédient clé pour acquérir la capacité de s'orienter dans les situations les plus complexes et difficiles. Le but ultime était le socialisme et le communisme, qui a été proclamé au monde avec la fondation du PCC(M-L) en 1970. Le parti communiste existant avait trahi ce but en 1952 quand il a adhéré à la ligne de l'exceptionnalisme américain promue par Earl Browder, le dirigeant communiste aux États-Unis. L'exceptionnalisme déclare que l'État au Canada et aux États-Unis est démocratique et au service de toutes les classes sociales, et que le but des communistes au niveau provincial est de livrer les travailleurs aux sociaux-démocrates et au niveau fédéral aux libéraux, plutôt que de développer leur propre politique indépendante fondée sur un objectif d'édification nationale.

Nous, les jeunes de la génération des années soixante, écrit Hardial Bains, avons entrepris de nous donner conscience et organisation, en élaborant notre théorie et notre ligne à partir des conditions concrètes de l'époque, en s'appuyant toujours sur le militantisme des masses et en étant toujours à l'avant-garde du mouvement. Nous n'avons ni substitué notre militantisme au militantisme des masses, ni ne sommes restés à l'écart. Les Internationalistes ont adopté le principe du travail collectif et de la responsabilité individuelle, selon lequel chaque membre a le devoir non seulement d'appliquer les décisions prises, mais également de participer à la prise de ces décisions et d'établir l'ordre du jour du travail sur la base du plan d'action établi par le Parti pour la période.

L'insistance que les membres doivent participer à la prise de décisions a été considérée non seulement comme un droit, mais comme un devoir. Cela a mis l'individu au centre de tous les développements et de l'organisation, comme un moyen d'atteindre des résultats, établissant ainsi un rapport dialectique vivant entre l'individu et le collectif, entre la forme et le contenu.

Ce sont les conditions existantes qui ont fait que les Internationalistes étaient nécessaires. Ils ont été fondés pour résoudre les principaux problèmes de l'heure. Sinon, il n'y aurait pas eu de raison à leur existence ou d'explication pour leur succès et tous les succès ultérieurs des Internationalistes et du PCC(M-L). C'était le sol de l'humanité, les luttes de la classe ouvrière et d'autres, qui ont fourni la condition pour résoudre les problèmes de l'heure.

Présenter les solutions nécessitait l'étude de ce sol de l'humanité avec la précision de la science, cela exigeait l'activité consciente de ceux qui défendent la classe ouvrière et les autres sections du peuple contre l'impérialisme. Hardial Bains nous enseigne que certaines choses naissent indépendamment de nous et que des choses naissent à cause de nous. C'est la dialectique vivante. Résoudre les principaux problèmes de l'heure a donné naissance au groupe de discussion qui a été établi à Dublin, en Irlande, sous la direction du camarade Bains en 1965, puis au programme d'étude Nécessité de Changement en février et mars 1967, et à la Conférence Nécessité de Changement à Londres, en Angleterre, en août 1967.

L'époque exigeait une idéologie inspirée par le désir de changement et guidée par la science du marxisme-léninisme avec un objectif politique pour que la classe ouvrière remplisse sa mission d'émancipatrice de toute l'humanité. L'époque exigeait de créer une organisation, l'avant-garde de la classe ouvrière, avec le centralisme démocratique comme forme, fondée sur le travail conscient. Sans résoudre ce problème majeur de l'heure, aucun progrès n'aurait été accompli dans la résolution de la question stratégique principale, la mobilisation de la classe ouvrière et d'autres couches pour ouvrir la voie du progrès de la société. L'analyse Nécessité de Changement a été l'arme pour lever le voile de l'anticonscience qui bloquait le progrès. Hardial Bains dit que les Internationalistes attiraient irrésistiblement tous ceux et celles qui songeaient à prendre la décision de rejoindre les marxistes-léninistes révolutionnaires. Ils semblaient n'attendre rien d'autre que cela. C'était comme la solution mère qui se cristallise dès qu'elle se fusionne à l'élément manquant, et voilà - tout est cristallisé.

Je peux le confirmer, car j'étais une de ces personnes qui faisaient face au choix d'être ou de ne pas être cristallisé. Ceux qui s'intéressaient à formuler une nouvelle base pour la société et qui sont entrés en contact avec les Internationalistes ont fait face à un choix. Le choix était de soit lever le voile, de percer l'anticonscience qui dominait et de participer consciemment à l'acte de découvrir, de lutter pour les intérêts de la classe ouvrière, d'adhérer à la conception scientifique, et surtout d'entreprendre le travail collectif conscient de bâtir l'instrument de la classe, son avant-garde, le Parti marxiste-léniniste, soit rester là où l'on était, conscient de la putréfaction de la société, en protestant peut-être, en se plaignant et en décrivant combien la situation est mauvaise, mais en attendant que quelqu'un d'autre apporte une solution au problème, bref en restant l'esclave des conditions.

Le camarade Bains dit que le chemin parcouru pendant les cinq années menant à la réorganisation des Internationalistes comme organisation marxiste-léniniste en 1968 a été le bilan d'une période transformée en une véritable avancée dans tous les sens du mot. Les deux années suivantes ont été des jours de vérité pour tous ceux et celles qui étaient actifs dans les années soixante. Les militants gravitaient vers les Internationalistes, vers la classe ouvrière. Cette gravitation présentait un moment crucial pour fonder le Parti en 1970.

Un mot d'ordre des Internationalistes était que la participation consciente au travail, l'action avec l'analyse, le travail conscient avec un plan et un but, pour former la personnalité nécessaire nouvelle pour faire la révolution, avait un effet transformateur. Le meilleur exemple d'une telle nouvelle personnalité est la personne de Hardial Bains.

Ces jours d'aujourd'hui sont aussi une période de vérité. Tous ceux qui sont actifs veulent savoir vers où aller, ce qu'il faut faire, comment être efficace pour réaliser le changement social nécessaire pour défendre les droits de toutes et de tous, droits qui leur appartiennent à cause de leur humanité.

Alors que nous célébrons le 50e anniversaire de la Conférence Nécessité de Changement, le 100e anniversaire de la Grande Révolution d'Octobre et les nombreux autres jalons de la naissance du nouveau, nous avons le devoir de faire face aux conditions actuelles, aux problèmes qui exigent une solution aujourd'hui, auxquels nous sommes appelés à apporter une réponse aujourd'hui.

Nous avons le devoir d'apporter des réponses et des solutions aux problèmes d'aujourd'hui.

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La génération des années quatre-vingt-dix
reprend le drapeau

Au nom de la jeune génération qui, dans les années quatre-vingt-dix, a repris le travail de la génération des années soixante, je suis heureux d'être ici aujourd'hui et de vous souhaiter la bienvenue à cette conférence. Nous nous réunissons aujourd'hui pour discuter de « La naissance du nouveau » à l'occasion du 50e anniversaire de l'adoption de l'analyse Nécessité de Changement en 1967.

La Conférence est organisée par le Centre d'études idéologiques qui a été incorporé en 1972, avec Hardial Bains comme président et directeur de recherche et Richard Daly comme secrétaire. L'Institut des études idéologiques Nécessité de Changement avait été officiellement inauguré à Montréal le 20 septembre 1968 lors d'une réunion à l'Université Sir George Williams, aujourd'hui l'Université Concordia. Cette réunion a fixé les orientations que le centre suit toujours aujourd'hui.


Avis de réunion de l'Institut des études idéologiques Nécessité de Changement
(cliquer pour agrandir)

Après la conclusion de la Conférence Nécessité de Changement à Londres qui a adopté l'analyse Nécessité de Changement, la fondation de cet institut a été l'un des premiers actes jugés nécessaires, de pair et avec la réorganisation des Internationalistes en tant que mouvement marxiste-léniniste de la jeunesse et des étudiants. La logique était qu'une fois l'analyse adoptée, deux choses étaient nécessaires. La première était une organisation marxiste-léniniste disciplinée pour en diriger sa mise en oeuvre, pour organiser l'unité dans l'action du peuple et mettre en oeuvre les plans d'action qu'il se donnait lui-même en analysant les conditions concrètes dans lesquelles il se trouve à chaque instant. La deuxième était le travail soutenu pour enquêter les conditions concrètes, mener la lutte idéologique et faire le travail théorique nécessaire pour ouvrir la voie du progrès de la société.

Le principe directeur de l'Institut idéologique était de chercher la vérité et de la mettre à la disposition du peuple. Son but était d'étudier tous les aspects de la lutte pour la production, de la lutte de classe et de l'expérimentation scientifique sans crainte ni idées préconçues. Les camarades se sont efforcés de diffuser l'enquête activement dans tous ses aspects aussi largement que possible, dans le seul but d'élargir et d'approfondir la conscience politique des travailleurs et des opprimés pour vaincre l'impérialisme et toutes les formes de réaction.

Selon ses statuts, la méthode d'opération de l'Institut était la suivante :

Dans toutes ses opérations, l'Institut idéologique dépendra uniquement du peuple et sollicitera donc sa pleine coopération en s'alignant sur lui. À cette fin, il s'efforcera de développer une ligne de masse, par les investigations de masse, les discussions de masse et les agitations de masse. L'Institut idéologique doit contrer la croissance des tendances individualistes et idéalistes en bannissant l'appui sur les « experts », « l'empirisme étroit » et les « idéologues étroits d'esprit ».

Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous informer qu'en mai de cette année, à l'occasion de l'anniversaire de la réorganisation des Internationalistes en tant que mouvement marxiste-léniniste de la jeunesse et des étudiants et de la création de l'Institut des études idéologiques Nécessité de Changement, le Parti a confié la préservation de l'oeuvre de Hardial Bains et du Parti sous sa direction aux jeunes de ma génération, la génération qui a atteint sa maturité politique dans les années quatre-vingt-dix et qui a repris le travail de la génération des années soixante.

Nous avons constitué le Centre de ressources Hardial Bains en tant qu'organisme à but non lucratif chargé des archives qui contiennent l'oeuvre de Hardial Bains et du Parti sous sa direction depuis les années soixante. Les archives contiennent un ensemble de travaux très important auquel des milliers de personnes ont contribué. Notre objectif et notre honneur sont de mobiliser notre génération pour en faire l'héritière de ces archives et, comme guide à l'action, de les mettre à la disposition de tous ceux qui s'avancent pour s'attaquer aux conditions et aux problèmes actuels de la société et pour leur trouver des solutions.

Le Parti nous a confié la tâche de mettre ces ressources à la disposition des jeunes générations de manière à leur insuffler la Nécessité de Changement. Cela rappelle ce que nous a dit le camarade Bains en 1996 quand il nous a encouragés à établir le Projet d'organisation jeunesse. Soulignant que nous, les jeunes des années quatre-vingt-dix, reprenions le travail crucial de la jeunesse des années soixante, il nous a rappelé que « le passé n'a de beauté que s'il existe dans la forme du présent et la révolution n'a de pertinence que si elle trouve ses adhérents dans les générations successives ».

Dans cet esprit, nous sommes fiers de prendre en main le travail qui nous a été confié de faire en sorte que les archives du Centre d'études idéologiques et le travail du Parti associé au nom de Hardial Bains soient à jour et disponibles. Nous vous invitons tous à nous aider dans cette entreprise. Avec votre expérience à affronter les tempêtes révolutionnaires, vous pouvez nous aider à mieux comprendre comment le passé informe le présent comme un guide à l'action, pour surmonter les problèmes du présent, tirer les conclusions qui s'imposent et trouver des solutions. Cela comprend aussi l'aide financière afin que nous puissions nous entraîner nous-mêmes et entraîner d'autres jeunes à acquérir les compétences nécessaires pour mener à bien ce travail.

Nous avons déjà appris plusieurs choses que nous devons prendre au sérieux. Par exemple, saviez-vous que le camarade Bains a introduit un système de catalogage qui est une rupture complète avec la classification Dewey et le système de classification de la Library of Congress ? C'est un système qui milite contre la méthode pragmatique de la classification par disciplines académiques. Il favorise un système fondé sur l'objectivité de l'examen. Il exige l'activation du facteur humain/conscience sociale pour établir un point de référence basé sur le travail entrepris à un moment donné, tel que fixé par le Parti et les institutions de la classe ouvrière pour atteindre des buts précis.

Comme cadre de référence, le système de catalogage du camarade Bains maintient le lien entre le travail entrepris à tout moment et le programme établi par le Parti. Pour cela il faut identifier les problèmes à résoudre et les préoccupations du Parti et de la classe dans leur moment dans l'histoire. Cela contribue à former une conception du monde en opposition à la spontanéité et à la désinformation. L'utilisation de ce système de catalogage est en soi un enseignement sur le rapport entre la forme et le contenu, comment l'un se transforme en l'autre et comment l'abandon de l'un conduit à l'abandon de l'autre.

Le travail du Centre de ressources Hardial Bains est un défi qui commence avec la préparation sérieuse des conditions pour assurer son succès. Nous avons commencé modestement en préparant des brochures contenant des articles et documents tirés des archives pour aider les camarades à préparer le 50e anniversaire de l'adoption de l'analyse Nécessité de Changement.

Je terminerai en répétant les paroles de Hardial Bains lorsque lui et ses camarades ont lancé l'Institut des études idéologiques Nécessité de Changement à l'Université Sir George Williams à Montréal en mai 1968 :

« Joignez-vous à l'Institut idéologique et participez au développement du nouveau monde. Le vieux monde est décadent. Par des activités révolutionnaires, le temps est venu où les anciennes structures en ruine seront finalement détruites par les travailleurs et les opprimés. »

Merci. Salut rouge au camarade Bains !

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L'ici et le présent

[...] Dans notre travail théorique, notre fidélité est envers l'ensemble des rapports humains et ce que révèlent ces rapports indispensables, surtout la nécessité du pouvoir politique. Nous étudions les choses en soi et dans leurs rapports, comme Lénine nous a enseigné à le faire. Nous portons attention à l'objectivité de l'examen et nous nous assurons de nous en tenir à la méthode du matérialisme dialectique et historique.

Dans le travail politique, il faut en tout temps tenir compte de la stratégie et de la tactique de la révolution. Comment unir le peuple dans l'action durant une période de flux révolutionnaire est très différent de comment unir le peuple dans l'action durant une période de repli de la révolution, comme c'est le cas aujourd'hui. Dans les deux cas, il est crucial de déterminer quelles sont les forces sociales qui sont favorisées par le travail politique en les mobilisant autour d'un objectif précis.

Dans le travail politique, nous suivons la méthode d'unir les forces avancées, de mobiliser les couches moyennes et d'isoler les forces arriérées. Nous préservons l'unité du peuple comme la prunelle de nos yeux. Nous faisons tout en notre pouvoir pour défendre la dignité de la classe ouvrière, pour mettre fin à la marginalisation et à la criminalisation du peuple et à la criminalisation du facteur humain/conscience sociale. Et surtout, nous avons la responsabilité de diriger la classe ouvrière pour qu'elle se constitue en la nation et investisse le peuple du pouvoir souverain. Nous ne pouvons le faire qu'en réglant les comptes avec la vieille conscience de la société et en apprenant à agir d'une façon nouvelle qui répond aux exigences de l'époque.

Cette conférence ne s'intéresse pas à l'aspect politique comme tel, elle se concentrera sur l'aspect théorique. [...]

Qui aujourd'hui n'est pas placé devant des choses inacceptables, comme les travailleurs devant le refus des employeurs de négocier les salaires et les conditions de travail et de reconnaître ce qui leur appartient de droit, comme les pensions ? Qui ne se retrouve pas laissé pour compte à cause de la rupture du contrat social qui fait que les pensions sont en péril, que la sécurité n'existe pas, que les travailleurs accidentés se voient refuser les indemnisations auxquelles ils ont droit et que les individus et les familles sont abandonnés à leur sort dans un monde qu'ils ne contrôlent pas, le tout sanctionné par les gouvernements, les tribunaux et les agences d'État ?

Qu'est-ce que cette « unité dans la diversité » qui criminalise les religions et les opinions politiques qui ne sont pas celles de la caste dominante ? Qu'est-ce que cette gouvernance qui élève des individus sans valeur à des fonctions dans les ministères et les institutions sociales par opportunisme politique et qui, ce faisant, a éliminé tout vestige d'une autorité publique à l'exception des pouvoirs de police ?

Combien de fois disons-nous : « Mais c'est impensable ! » quand nous voyons agir des gens comme le président Donald Trump ou quand nous voyons la dévastation causée par les guerres d'agression, d'occupation et de changement de régime, comme en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Libye, en Syrie, en Palestine et maintenant au Venezuela, au Brésil et dans d'autres pays ? Quel genre de civilisation impose des sanctions génocidaires brutales contre des pays plus petits comme Cuba et la République populaire démocratique de Corée, ou contre quiconque refuse de se soumettre aux impérialistes américains et aux oligarques financiers internationaux qui rivalisent pour le contrôle des marchés et des ressources naturelles, l'accès à une main-d'oeuvre à bon marché et qui luttent pour des sphères d'influence et des zones pour l'exportation de la richesse sociale qu'ils ont saisie sur ce que les travailleurs produisent ?

Pourquoi pensons-nous que les développements et la situation sont « impensables » ? Comment peuvent-ils être « impensables » quand c'est précisément la capacité de penser et la faculté d'abstraction qui font de nous des êtres humains, qui nous distinguent des autres espèces du monde animal ?

Pendant que nous sommes ainsi confrontés aux difficultés associées à comment penser et démêler ce qui se passe, nous sommes constamment bombardés par le mantra que le capitalisme est le développement suprême et le remède à tous les maux et que pour affronter les dangers qui menacent l'humanité il faut renforcer les pouvoirs de police qu'engendre la démocratie libérale capitaliste.

Cela se fait entre autres en accusant le communisme et la résistance à l'oppression de perturber le mode de vie idéal et ses valeurs universelles. Les théories sur les valeurs familiales, la vie familiale, la liberté individuelle et ainsi de suite viennent appuyer cette conception intéressée qui cultive le sentiment que cette vie idéale est ce qui est désirable et le but dans la vie et que la recherche d'une alternative est futile.

Pour paralyser le peuple, une vision du socialisme est proposée dans laquelle le socialisme n'est rien d'autre que la réalisation de cette notion idéale d'un mode de vie bourgeois qui serait le but, le désir et la motivation de tous les travailleurs et de tous les membres de la société. L'illusion est créée que si seulement la répartition de la richesse était équitable, si l'éducation et les services de santé étaient gratuits, si les pensions étaient assurées, si l'environnement n'était pas pollué, ce mode de vie idéal serait à la portée de tout le monde et tous vivraient heureux jusqu'à la fin de leurs jours.

Le but de ce dogme anticommuniste est d'empêcher les gens de faire enquête sur ce que la vie moderne devrait être et d'élaborer une ligne de marche pour le changement. Le dogme les prive d'une conception du monde et d'une façon de connaître les rapports humains et d'acquérir l'intelligence générale qui existe indépendamment de leur volonté. Comment cela est fait est une fonction très importante de l'État et de son autorité publique qui est très peu examinée. En privant le peuple d'une conception du monde et en le privant de sa perspective, ceux qui ont usurpé le pouvoir par la force le privent du pouvoir politique et créent les conditions pour des tragédies encore plus grandes, tout en insistant que l'élite dominante et son système sont la seule solution.

Le peuple est confronté à une grave situation. Les pouvoirs publics qui sont censés apporter des solutions aux problèmes sont derrière les crises récurrentes et les guerres qui s'aggravent. Friedrich Engels, le grand collaborateur de Karl Marx, note que « la lutte des classes et la rivalité de conquêtes ont fait croître à tel point la force publique qu'elle menace de dévorer la société tout entière, et même l'État ».

Ce n'est pas seulement que l'État est gros ou mauvais mais qu'il se détruit lui-même, qu'il se dévore sans permettre d'alternative. Cette réalité est masquée par des conjectures théoriques de toutes sortes qui sont présentées de façon dogmatique comme la meilleure description du monde et de ses problèmes.

À l'opposé, l'analyse Nécessité de Changement, elle, voit la théorie comme un aperçu du monde, comme un guide pour découvrir ce que les relations et les conditions révèlent. L'analyse Nécessité de Changement est un guide pour connaître les rapports humains et les rapports des êtres humains avec la nature. Elle lève le voile et déchire le masque imposé.

Pourquoi lever le voile sur ces rapports est-il important ? La plupart des gens connaissent les problèmes généraux de notre temps et il y a des discussions sans fin à leur sujet : le danger d'une guerre mondiale, d'un holocauste nucléaire, la dégradation de l'environnement, l'appauvrissement massif, notamment la famine, l'insécurité et toutes les atteintes à la condition humaine que nous voyons tous les jours aux bulletins de nouvelles. Crucialement, tant que nous voyons les problèmes généraux comme étant simplement quelque chose qui nous affecte tous, nous n'examinerons jamais ce qui génère cette condition humaine générale. Comment la condition humaine générale concerne-t-elle et cible-t-elle les personnes en tant qu'individus et membres de collectifs ? Quelle est l'origine ou la source des individus et des collectifs, leur être social ?

Sans adopter une conception du monde qui permet de voir le général, l'ensemble des rapports humains, on ne peut pas démêler la question de l'intérêt général, l'intérêt collectif et l'intérêt individuel, sans parler d'harmoniser les intérêts individuels et collectifs et de les harmoniser avec les intérêts généraux de la société.

Sans adopter une conception qui permet de voir le général, on ne peut pas mener la bataille de la démocratie à une conclusion en faveur du peuple, pour l'investir du pouvoir politique, et qui ouvre la voie de la société.

D'abord présentée par Hardial Bains en 1967, l'analyse Nécessité de Changement est un appel à traduire les paroles en actes. Elle règle le problème de l'accès au pouvoir politique. Il est impossible de réaliser les transformations que la situation exige sans porter attention à cette analyse.

Le monde a besoin des forces productives humaines massives, des rapports humains modernes et de l'intelligence générale que ces forces productives créent. Ou bien ces forces productives sont libérées des limites étroites de la vieille société civile, ou bien ces terribles forces destructives vont continuer de déferler contre nous et le monde comme nous le voyons aujourd'hui.

Dans la perspective du vieux monde, l'attitude est de détruire les forces productives par les crises et la guerre, ce que Karl Marx a appelé les guerres universelles de destruction de masse et la famine. Nous voyons aujourd'hui l'anéantissement de nations et de peuples entiers.

Dans la perspective du nouveau, il faut tenir compte des forces productives humaines massives, des rapports humains et de l'intelligence générale qu'ils créent et de les canaliser au service des intérêts du peuple.

L'analyse Nécessité de Changement résout en pratique le problème de l'épistémologie et de la philosophie, le rapport entre la conscience et l'être. Les gens ne veulent pas se faire dire à quel point ils sont attaqués, ils veulent s'engager et changer la situation. Comme Marx le disait, il ne s'agit pas de comprendre le monde mais de le transformer. Hardial Bains a présenté l'analyse Nécessité de Changement pour régler les comptes avec la vieille conscience de la société bourgeoise en s'assurant que les paroles et les actes ne fassent qu'un et que d'abord vient l'acte et ensuite la parole.

Le rejet de l'anticonscience mène à la prise de conscience des rapports qui existent entre les êtres humains et entre les humains et la nature.

En s'attaquant au problème de l'organisation et en remodelant notre conception du monde dans la pratique par nos actes, un lien est révélé entre comment organiser pour faire naître le nouveau et notre pensée, avec la façon dont nous voyons la situation et les conditions réelles, ce qu'il faut changer.

Le rêve et le désir d'une alternative au système social et aux vieux rapports qui existent se concrétisent pour ceux qui épousent ce rêve et qui dressent des plans d'action. Les plans d'action les mènent au-delà des actions individuelles éparpillées, qu'il s'agisse des actions de protestation, des grèves ou de toutes les tentatives de voir à ce que justice soit faite.

Il faut aller au-delà des actions individuelles éparpillées. Nous établissons un plan d'action, un programme, il faut se regrouper dans une action qui émerge des conditions générales actuelles. Cela permet l'unité d'action au-delà de toutes les luttes dans lesquelles le peuple est présentement engagé. Le nombre de participants au début n'est pas important, car il peut grossir si le rêve d'une alternative est capturé dans la forme organisationnelle et la conscience.

La conscience se développe à partir du rêve initial et du rejet de l'anticonscience et croît en quantité et en qualité. La conscience apporte la cohérence et devient à ce titre une force matérielle parmi le peuple, surtout lorsqu'elle assume une forme organisationnelle qui correspond aux conditions.

Ne pas adopter la conception du monde de la Nécessité de Changement et accepter l'anticonscience nous laisse à l'état de celui qui décrit une tragédie qui se déroule sous ses yeux : la personne qui se noie dans une rivière crie à ceux qui décrivent la situation sur la berge : « Je me noie et vous décrivez ma noyade et l'état de l'eau. »

« La société est assaillie par tous ces problèmes ; je me noie dans cette société avec tous ces problèmes et vous êtes là à décrire les problèmes. »

Me voici avec tous les problèmes et vous ne faites que les décrire plutôt que de m'aider. L'appel à l'aide de la personne qui se noie est futile et l'inquiétude des personnes sur la berge est inutile parce que les appels à l'aide ne suscitent que des descriptions de l'eau et de la noyade.

La personne qui se noie dans l'eau et celles sur la berge ont chacune leurs raisons de faire ce qu'elles font, du moins en apparence. Le problème est qu'elles sont toutes indifférentes les unes envers les autres. Bref, les lois de la nature dominent dans une situation où la conscience humaine est absente. Le problème n'est pas qu'il y a deux actions, celle de se noyer et celle de décrire. Non, le problème est qu'il n'y a pas d'espace commun pour que la volonté d'être résolve le problème, pour l'activation du facteur humain/conscience sociale. La personne dans l'eau et les personnes sur les berges sont détachées et disparaissent en rapport les unes aux autres. Il n'y a pas d'unité d'action. Il n'y a pas de « je » et d'ici-présent qui transcendent la situation de désespoir pour la changer.

Il faut surmonter le rapport dominant de la séparation entre la parole et l'acte.

Il faut un rapport d'unité qui s'établit par la destruction du rapport de séparation. Il faut créer un nouveau rapport en détruisant l'ancien système. Et ce rapport doit être infusé de la conscience. Cette conscience vient du rejet de l'anticonscience et de la prise de conscience du phénomène, de la conscience par le cerveau, de la conscience par l'expérience. Elle requiert l'objectivité de l'examen, l'examen doit passer par le phénomène. Le « je » est le phénomène avec sa participation consciente à l'acte de découvrir ; l'ici-présent est aussi le phénomène qui apparaît comme un moment instantané et qui ensuite disparaît.

Cette bataille de la démocratie, en menant sa conclusion de la lutte finale contre tout ce qui est vieux, dépassé et médiéval, doit reconnaître que le système de gouvernance actuel de la société civile ne permet pas de résoudre les problèmes. Au contraire, le système de gouvernance nie le besoin pressant d'examiner ce que le nouveau pourrait offrir.

La fin de la gouvernance basée sur la primauté du droit sur les personnes et les choses doit produire des arguments en faveur d'un système d'autogouvernance, de gouvernance du peuple, par le peuple et pour le peuple ; un pouvoir humain sur ce que Marx appelait la communauté de biens ; une société éclairée qui convient à tous ses membres.

Un cadre de référence historique


Hardial Bains qui s'adresse à la Conférence Nécessité de Changement à
Londres, Angleterre, août 1967.

Généralement parlant le problème que nous discutions est celui du cadre historique : ce qui se passe maintenant, pourquoi les choses vont comme elles vont et qu'est-ce que cela signifie pour l'avenir -- maintenant et alors.

Le maintenant est devant nous, dans le moment présent, dans les circonstances présentes héritées du passé. Le maintenant, c'est aussi ce qui découle des circonstances qui existent présentement. C'est le conflit entre le passé et le présent, qui produit directement la situation actuelle.

Partant de la Nécessité de Changement, son analyse, ses enseignements, nous commençons par le fait qu'elle a été présentée au milieu de la guerre froide, en 1967, précisément à moitié chemin entre le début de la guerre froide à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et la fin de la guerre froide, quand l'Union soviétique s'est effondrée. Nous la recevons aujourd'hui comme un concept en soi, qui sort du présent de 1967. Nous la recevons comme quelque chose qui a son propre mouvement historique indépendant de la volonté de quiconque aujourd'hui.

La nécessité de changement comprend nécessairement une façon de voir l'histoire dans laquelle elle évolue. Cet automouvement de l'histoire comprend l'ensemble de cette histoire et devient une façon de voir l'histoire, avec conséquence, continuité et cohérence. Le seul choix que nous avons en 2017 est ou bien de nous y intéresser, ou bien de ne pas en tenir compte. Comme pour tout produit de l'histoire, son existence n'est pas un choix. La reprendre aujourd'hui revient à accepter la nécessité d'un point de référence historique pour comprendre cette histoire.

Sans reprendre la Nécessité de Changement, nous ne pourrons pas faire la distinction entre ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas et nous ne serons pas en mesure de déterminer à quoi nous sommes fidèles : à une cause, une organisation, ou à l'ensemble des rapports humains et ce qu'ils révèlent, indépendamment de la volonté de quiconque.

Nous parlons d'une façon de regarder le monde. Pour prendre une image, songez à l'apocalypse qu'on invoque constamment, qu'à cause d'une guerre nucléaire mondiale ou des changements climatiques affectant toute la planète, ou encore à cause d'une famine planétaire, l'espèce humaine arrive à sa fin. On nous dit que nous, les êtres humains, sommes dans un bateau qui coule rapidement. Et nous crions à ceux qui sont sur la berge, ceux qui possèdent le capital et détiennent le contrôle et l'autorité, qui décident des règles du monde, nous leur crions que nous nous noyons et que vous êtes là à décrire l'eau. Ils pourraient donner une meilleure description et nous pourrions crier plus fort, mais le rapport demeure le même. Nous sommes une force passive et ce sont des choses extérieures à nous et à vous qui déterminent ce qui va se produire.

Le « je » égocentrique du présent, qui rejette la nécessité de changement et voit les choses et le phénomène à l'extérieur du mouvement historique, est incapable ou ne veut pas voir la nature des rapports . Il voit le présent et le passé comme deux choses séparées, en dehors du temps et de l'espace. Il cite l'emplacement, le lieu où cela s'est produit, ce qui n'est pas le temps et l'espace. Qu'y a-t-il entre ici et là ? Il voit tout comme une force extérieure à lui, il est une force passive ; nous nous noyons et il n'y a rien que nous puissions faire. Tout est le produit d'une force extérieure, pas d'un mouvement interne. Il n'y a pas de base pour le rapport entre les personnes d'ici et de là, ce qui veut dire qu'il n'y a aucune façon de saisir les contradictions inhérentes à toute chose en mouvement.

Les personnes sur le bateau qui coule crient à l'aide, nous sommes les 99 % et vous n'êtes que le 1 %. Elles répètent ce que le 1 % leur a déjà dit. Alors le 1 % répond : oui, nous sommes seulement 1 % mais nous sommes indispensables. Votre bateau coule par votre négligence. Auparavant, avant la Deuxième Guerre mondiale, nous possédions 50 % de toute la richesse du monde et maintenant nous n'en possédons que 20 %. Cela prouve que nous ne pouvons pas tout contrôler, que tout cela est trop gros pour être contrôlé, c'est une réalité inconcevable et nous n'avons pas de mot pour la décrire. Alors nous allons détruire ce que nous ne pouvons pas contrôler pour nous assurer que personne d'autre n'en prenne le contrôle. Et vous sur le bateau allez continuer de crier et de décrire la situation. C'est le point de vue du spectateur passif.

Le point est que voir le monde par le prisme du 1 % et du 99 % est la même chose que dire qu'une guerre importante va éclater d'un moment à l'autre parce que la richesse des États-Unis est en déclin. Nous ne regardons pas le monde dans son ensemble, l'ensemble des rapports humains, des rapports entre humains et entre humains et la nature. Nous regardons le monde en percentiles et sommes convaincus que c'est ce qui mène à l'action. Nous mesurons des quantités. Quelle part de la richesse avons-nous ? Est-ce assez ? Certains en ont-ils trop ? Cela cache les rapports qui existent réellement et ce qu'ils révèlent.

En 2017, la guerre froide et la division bipolaire du monde sont terminées, les conditions dans lesquelles la Nécessité de Changement a été affirmée n'existent plus. À la fin de la guerre froide, beaucoup comprenaient que c'est la crise des rapports sociaux et des forces productives qui avait mené à ce dénouement. Ils comprenaient que la période de la crise générale du capitalisme prenait fin et que s'ouvrait une période de repli de la révolution où nous assistons à l'institutionnalisation de l'omniprésente contre-révolution.

Mais tous n'étaient pas conscients de la destruction des forces productives humaines et du fait que la libération des énergies humaines requises pour faire avancer la société humaine était bloquée. Ce blocage est à la base du repli de la révolution et à la base de la contre-révolution. Beaucoup reconnaissent le déferlement des forces destructrices, mais très peu se rendent compte qu'une crise du capitalisme d'une ampleur encore plus grande est en préparation. Sans la conscience de cette réalité, il n'y a pas la conscience que les individus sont poussés à agir d'une façon nouvelle.

Sans reconnaître ce besoin d'agir d'une façon nouvelle, la conception du monde qui demeure en place, le point de référence du passé, du présent et du futur, appartient à un passé qui n'existe plus et à un futur qui ne s'est pas encore réalisé. La personne qui regarde le monde détermine où elle se trouve maintenant en partant d'un passé qui est mort et d'un futur qui ne s'est pas encore réalisé. Le « je » du présent, l'humain individuel, se définit en fonction d'un passé non existant et d'un futur non existant. Il est incapable de voir le présent qui a été hérité du passé indépendamment de la volonté de quiconque, c'est-à-dire toutes les formes de gouvernance, les structures, les arrangements, le vocabulaire, qui nous viennent du passé. Il n'est pas capable non plus de reconnaître le tout, l'ensemble, et le fait que tous les phénomènes viennent et passent. Autrement dit, il regarde le monde à l'extérieur du temps et de l'espace. L'espace est la condition de notre existence, le temps est maintenant, mais il ne voit que l'emplacement, le lieu physique : nous sommes ici dans le bateau qui coule et eux sont là à décrire l'eau. L'avenir sera donc forcément une utopie, un mot qui veut dire littéralement en dehors de l'espace, ou une dystopie, un lieu imaginaire où les choses ont très mal tourné, où il y a misère, oppression et terreur, une société imaginaire où les tendances sociales ou technologiques ont entraîné une détérioration radicale de la qualité de vie et des valeurs.

Comprendre et le monde « inconcevable »

Étant donné tout cela, quelle compréhension peut-il y avoir du monde dans le moment présent, si la compréhension nous est présentée comme étant en dehors du temps et de l'espace, en dehors de ce que révèle le mouvement historique ? C'est une compréhension apocalyptique. L'ensemble de l'espace humain planétaire est dans une crise de proportions si immenses que l'existence de l'espèce humaine est remise en question. À cause de l'impérialisme mondial et parce que le monde accède à tous les désirs et besoins de l'impérialisme mondial, la conception du monde proposée est globale, par exemple un holocauste nucléaire global, une guerre terroriste globale, une famine globale. L'horreur est trop grande et impensable. L'horreur est constatée objectivement mais du côté subjectif il n'y a aucune perspective. Autrement dit, l'horreur est objectivement trop grande pour être conçue subjectivement.

La déduction de cette conception du monde globale est que les forces productives humaines, les humains qui créent collectivement toute la technologie qui produit cette situation -- la guerre nucléaire, les changements climatiques, etc. -- ces humains ne peuvent pas contrôler leurs propres créations. Il y aurait une rupture entre les forces productives créées par les humains et le produit de ces forces productives. Elles sont trop immenses à concevoir et trop immenses pour être contrôlées. La situation est inconcevable et ne peut pas passer par la pensée. La nécessité de changement et notre conception du monde rejettent cette façon de voir. La situation peut être conçue et les contradictions peuvent être résolues en faveur de l'humanité.

L'ensemble de l'histoire de l'humanité jusqu'à ce jour, de ce qu'on appelle l'espèce humaine, est basée sur l'ensemble des rapports entre les êtres humains et entre les êtres humains et la nature. La conclusion à tirer du fait que les choses créées par les humains sont inconcevables est que les humains en tant qu'espèce, l'ensemble de l'humanité, passé, présent et avenir, font face à l'extinction. L'espèce ne serait qu'une catégorie utilisée pour regrouper tous les individus. L'espèce fait face à l'extinction à cause de ce qu'elle a créé, mais l'espèce est incapable de concevoir ce qu'elle a créé. C'est absurde. L'espèce qui a créé l'histoire humaine, la société humaine, est vue comme une simple catégorie de la pensée et ne serait pas une population active.

La somme de tous les rapports qui n'ont jamais existé, toutes nos relations, seraient également inconcevables. Il est donc impossible de reconnaître que les rapports entre les humains et entre les humains et la nature, et non pas le leadership américain, non pas ceux qui sont en position de contrôle, sont l'élément indispensable. Tous les individus, tous les membres de cette espèce humaine, toutes les personnes sont indispensables, contrairement à ce que ceux qui dominent prétendent.

Tous les rapports de l'histoire naturelle et de l'histoire humaine se rompent et on nous dit qu'il n'y a pas de façon de concevoir ce qui se produit en ce moment. Quand on nous parle des changements climatiques mondiaux, de la guerre à la terreur mondiale, de la guerre nucléaire mondiale, mot mondial ou global est utilisé pour dire que c'est inconcevable. Étant donné que ceux qui prétendent au contrôle prétendent aussi que la situation est impensable ou inconcevable, la seule conclusion que nous puissions tirer est que nous avons besoin de notre propre pensée et de notre propre façon de voir le monde, d'un point de vue différent. Et ce point de vue différent vient de la pratique révolutionnaire, qui nous permettra de résoudre la situation à notre avantage, à l'avantage de la classe ouvrière et des peuples. L'ensemble des rapports est quelque chose d'immense, mais pas inconcevable.

Ce point de vue vient de la mise en pratique de l'appel La compréhension requiert un acte de participation consciente de l'individu, l'acte de découvrir. La compréhension n'est pas basée sur le fait de participer ensemble d'une part à des actions, comme à des réunions par exemple, et d'étudier ce que la situation révèle d'autre part. Les individus isolés que nous sommes forcés d'être en l'absence du cadre historique participent à des actions ensemble et étudient ce qui se passe. Il y a une séparation, le facteur humain/conscience sociale est absent.

Tant que vous la voyez séparément, la société qui existe continue de se reproduire.

Les nombreuses façons de se réunir pour participer à l'action, pour étudier, les façons qu'ont les humains de s'unir, finissent avec un élément supérieur et un élément inférieur, l'un supérieur à l'autre. C'est cette séparation qui cause problème. Lorsque nous parlons des êtres humains, nous parlons de l' homo sapiens , non pas de l' homo d'une part et du sapiens de l'autre. Ce n'est pas homo plus sapiens . L'acte de participation consciente, l'acte de découvrir est un tout. C'est la même chose que pour le facteur humain/conscience sociale.

Les individus seraient face à d'autres individus de façon isolée, pas dans des rapports où chaque individu entre dans un rapport avec d'autres individus, des collectifs et l'ensemble de la nature et de l'humanité. L'ensemble de l'histoire de la planète, qu'on dit être arrivée à sa fin, est déchiré. L'histoire naturelle est séparée de l'histoire humaine. La preuve en est qu'il existe des armes nucléaires qui peuvent oblitérer toutes les forces productives humaines, qu'il existe une technologie qui va mettre fin à l'espèce humaine.

La compréhension requiert un acte de participation consciente, l'acte de découvrir est une façon de voir le monde. Ce n'est pas l'activité d'un groupe d'intérêts spéciaux quelconque. La nécessité de changement établit la base de la conception du monde, une façon de déterminer ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Si vous ne pouvez pas voir ce qui est pertinent ou pas, vous ne pouvez pas voir la nécessité. Vous ne pouvez pas voir ce que l'histoire révèle, cette révélation qui se fait sans intermédiaire, qui se fait indépendamment de notre volonté, sans révélateur.

L'ici-présent a trois éléments : le moment présent, l'ordre des choses et ce qui est hérité du passé. Il y a quelque chose qui est en train de naître directement, qui se révèle dans le présent, sans intermédiaire. Dans le présent il y a la structure, la qualité de ce que nous avons en contradiction avec elle-même. La mesure du temps. Toutes les structures dont nous parlons, la société dans laquelle nous vivons, sont constituées de ce qui est hérité du passé et d'un rapport entre les parties et l'ensemble, entre les individus et le collectif.

Fidélité

Notre fidélité n'est pas envers un percentile, le 99 %, mais à l'ensemble des rapports humains. La vie n'est pas arrangée en pourcentages, le 1 % contre le 99 %, le pourcentage du revenu, le pourcentage du contrôle de la richesse, la division de ce pourcentage et ainsi de suite. Il n'y a pas de mouvement historique dans cette façon de voir les choses. La fidélité est envers les rapports entre les humains et entre les humains et la nature et ce qu'ils révèlent, c'est-à-dire le nouveau qui veut naître. Ce n'est pas envers une cause ou un groupe d'intérêt. Nous devons être fidèles aux conditions réelles, pas aux idées.

Le point de référence de la nécessité de changement est un rapport, c'est une référence à l'ensemble des rapports, tous les rapports entre les individus et les collectifs et le général. Pour le « je » égocentrique, les choses peuvent être mises dans un ordre de préférence, de désirabilité. Lorsque nous disons que le « je » est une relation, nous pensons non pas seulement à une relation avec les choses et les phénomènes mais avec l'ensemble des rapports. L'ensemble de la classe ouvrière, par exemple, pas seulement ses parties.

L'obsession de l'apocalypse maintenant, le monde inconcevable, est pour nous priver d'une conception du monde. Nous priver d'une conception du monde est une forme de coercition, au même titre que les bombes et les matraques ou la corruption utilisée par ceux qui sont au pouvoir pour maintenir leur position. Nous avons besoin de notre propre conception du monde, de notre propre politique, de notre propre organisation. Nous avons besoin de nos propres concepts, comme notre conception de la démocratie.

La démocratie est un élément de la société de classes. Il y a les parties (tous les individus et tous les collectifs) en relation avec leur bien-être général. Du point de vue du « je » égocentrique, on ne voit jamais ce qui est général. Il comprend ce que veut dire être trop gros ou trop petit, comme quand on nous dit que certains monopoles sont « trop gros pour tomber », ou que le monde est trop grand pour être conçu. Mais il ne peut pas démêler les rapports entre les individus et les collectifs en relation avec le général. Un cartel ou une coalition peut concevoir ces rapports, comme c'est le cas aujourd'hui, mais cela crée une situation où le peuple est privé de pouvoir.

Il faut voir les conditions dans leur cadre général. Le général n'est pas seulement tout ce qui est ensemble. Il y a aussi la source, ce qui génère, et la prochaine génération -- ça c'est le général. Nous devons avoir des façons d'identifier la source, ce qui génère, et ce qui arrive à la prochaine génération, à la génération future. Il nous faut un moyen d'identifier la source, les forces productives humaines, le présent, la structure sociale d'aujourd'hui, et l'avenir. On ne peut pas placer tout cela en contexte sans la conception de la nécessité de changement.

Pour pouvoir être actif, le « je » est une relation, ce qui veut dire qu'il y a une source, le « je », et une cible, qu'elle est le cadre de référence. Nous l'établissons par l'acte de participation consciente, l'acte de découvrir, la coïncidence de la situation présente, du produit historique et de l'activité humaine. C'est le produit de tout cela qui définit notre espace et notre présent, l'affrontement entre le passé et le présent qui produit un futur indépendamment de la volonté de quiconque. Il n'y a pas de participation sans une organisation avec des membres. Le cadre de référence requiert des membres. Le « je » égocentrique n'en a pas. Avec des membres, l'identité se façonne par l'acte de participation et l'acte de découvrir. Ils doivent coïncider.

L'identité de la personne humaine se forme quand la personne humaine est membre d'une organisation humaine qui correspond aux conditions. Les circonstances sont les choses qui existent réellement et les choses contrefaites. Le réel est constitué du factuel et du contrefactuel. Vous ne pouvez pas vous-mêmes décider que ce que vous dites ce sont les faits alors que les autres disent des fausses nouvelles. Ou que voici le mensonge et voici le faux mensonge. Non, il faut être membre d'une organisation qui peut passer par l'acte de découvrir dans une situation historique donnée pour démêler ce qui est factuel et ce qui est contrefait, ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas . Ce qui est réel, c'est que toute chose et tout phénomène naît et passe. Les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons sont héritées du passé indépendamment de notre volonté. La nécessité de l'organisation, de membres et de la conscience ressort, parce que tous les rapports qui existent sont indépendants de notre volonté individuelle et d'autre part, il y a la classe dominante qui réclame la propriété, le contrôle, la position dominante à partir des rapports produits indépendamment de la volonté. Ceux qui réclament le contrôle ont la volonté. Nous sommes sans volonté. C'est la définition d'un esclave. Vous êtes forcé de faire ce que vous faites et vous ne pouvez pas affirmer votre volonté.

La volonté qui doit être affirmée a sa propre logique. Dire que « je me noie et vous ne faites que décrire l'eau » ou vouloir une meilleure description, dire les choses différemment, omet tout un aspect de la relation du « je ». Le contenu décisif de ce je-relation est de planter le drapeau et d'avancer à partir de ce point. La Nécessité de Changement a planté le drapeau en 1967 en tant que point de référence révolutionnaire. Le but n'était pas de mieux décrire le monde, elle avait sa propre logique qui peut être reprise du point de départ en 1967 à où elle en est aujourd'hui. Même cinquante ans plus tard, la nécessité de changement demeurera toujours un point de départ, le point d'origine.

L'analyse Nécessité de Changement a non seulement révolutionné la situation dans les années soixante, mais elle est demeurée essentielle au développement des forces subjectives de la révolution depuis. En témoignent les réalisations du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) et des Internationalistes avant lui sur la base des conclusions de l'analyse Nécessité de Changement.

Nous pouvons certainement dire que notre succès le plus important est qu'en dépit de tout ce qui a été tenté pour nous éliminer et l'énorme perte éprouvée avec le décès du camarade Bains il y a vingt ans, nous sommes encore là.

Quelle est la raison pour laquelle nous sommes encore bien en vie, que nous développons nos forces et étendons notre influence ? Ce n'est certainement pas que nous sommes des génies. Nous ne souscrivons pas non plus aux théories selon lesquelles certaines personnes sont dotées de gênes qui leur donnent une clairvoyance spéciale et le pouvoir de prédire.

Ce qui caractérise notre Parti et nous garde sur la voie révolutionnaire est notre adhésion à l'analyse Nécessité de Changement. Ce qui continue de garantir notre vitalité est notre adhésion à l'action avec analyse où l'action et l'analyse ne font qu'un, c'est notre capacité de reconnaître l'espace commun qui existe dans la société où la volonté d'être peut résoudre les problèmes tels qu'ils se présentent.

Le Parti a entrepris d'éliminer toutes les vieilles considérations et les vieux arrangements qui bloquent la voie au progrès de la société. Il a lancé une Initiative historique pour garantir que l'édification nationale se fasse sur une base historique nouvelle qui active le facteur humain/conscience sociale. Pour diriger cette initiative, le Parti met en oeuvre un plan d'action pour transformer le Parti en un parti communiste de masse capable de diriger la classe ouvrière et les autres sections du peuple dans la réalisation des transformations sociales exigées par les conditions.

Le PCC(M-L) est un parti qui pense avec sa propre tête et se tient sur ses propres jambes. L'analyse Nécessité de Changement définit la refonte idéologique comme la clé du progrès ininterrompu et de la victoire de la révolution. En portant une attention première à la culture dans les formes idéologiques et sociales et à ce que les conditions matérielles révèlent dans l'ici et le présent, le PCC(M-L), à l'instar des Internationalistes avant lui, rejette la notion de politique révolutionnaire et culture bourgeoise qui réduit le marxisme à un dogme et où la pratique est noyée dans des phrases qui concilient avec l'impérialisme et étouffent la lutte de classe.

Cette conférence commence par regarder comment ces questions de vie ou de mort se présentent dans l'ici et le présent et comment le présent diffère du passé. Nous voulons que cette conférence nous révèle comment réfléchir à la situation, et mettre fin au dogme, et à la conception du monde qui activent le facteur antihumain/anticonscience abrutissant. Cette conception de l'ancien brise le mouvement politique du peuple pour s'investir du pouvoir. Sans une conception du nouveau et une façon de connaître les rapports humains et l'intelligence générale qui existent, tout le monde est forcé à abandonner parce qu'on n'arrive pas à s'en sortir, à perdre la raison dans l'insouciance ou à s'abandonner à des sentiments personnels, des haines et des désirs, à se livrer à des actes d'anarchie et de spontanéité et à se renfermer dans le chacun-pour-soi.

Notre Parti est déterminé à bâtir le nouveau. Hardial Bains dit :

« Les phénomènes sociaux sont parfois comme les eaux d'une grande rivière retenues par le barrage de l'histoire. Lorsque le barrage se rompt soudainement, ce n'est pas l'histoire qui est ensevelie. Non, au contraire, la rupture vient fomenter le sol de l'histoire, qui recommence à fleurir... Ce sont les êtres humains qui font la différence, c'est leur capacité à reconnaître et à saisir la nécessité du changement, la nécessité des transformations en profondeur réclamées par l'histoire. »

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Something Is Calling Now, Move On

Change, in the air,
Change everywhere,
Seasons change
Change repetition
In the life of an individual
In the society, terrestrial changes
All and more
Inconsequential
Thinking -- the idea
The social change
The drastic and the moderate
The ones which would put human beings in the first place
Not one human being
Not a few human beings
Not a few chosen ones
All human beings without exception
Cared for
looked after
tender loving care
The greatest love by the society
A society that will
create its own kind of love
Not love a mystery
an unattainable dream
A social love
Permeating all and one
Gushing through their veins

There was a love
an individual love which came crashing through the
darkness of medieval times
Opening the floodgates of human freedom
Something is calling now, move on

Let the love have a source
Let the social love spread its wings
Let the total human personality be born
Something is calling now, move on,
Move on

Motion -- life itself
Force of all matter
Taking its place in time
In space
Somewhere in there appears
The real countenance of what is and what can be
And there is always
The real face which sees
The human condition
Its expression
So much wanting
So much wanted
All and everything else just a trifle
Working fighting
Creating it
Constant
For several centuries
All over the globe and beyond
Clear has become, all too clear
History is to be made
With that quality
Negation of negation of negation
Not of two not of three
Not of you me she/he
Of zero of the past
For the sake of the present demanding guarantees of the future

Something is calling now, move on
Move on, move on
Let the path to progress open
Let the environment be humanised
Let the human being take hold
Something is calling now, move on
Move on, move on
It is said
There is a kind of sensation -- a relief
Yearning
An indispensable need
Of you
He/she
I
From this vantage point
With keen grasp of the contours of the terrain
Of the essence of this conflict
The very kind
In history
History itself in the hands of the present
Stubbornly refusing to repeat itself
Transforming itself to something that has not been
Abstracting absence
without option
without hesitation
Like life itself
Real
impregnated with determination for ever
It is
and it is not
it can be seen
On the horizon
Like the writing on the wall
All colours and shades of good fortune
The dawn
The sun shall shine for all like you he/she and I

Something is calling now, move on
Move on, move on, move on
Let the march go on for the road is clear
Let the people arrive at their destination
Let the modern human being make history
Something is calling now, move on.

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Les événements du mois d'août en photos

Réception en célébration de la Naissance du Nouveau






Rassemblement commémoratif - hommages floraux












Concert commémoratif



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