Le Marxiste-Léniniste

Numéro 43 - 28 octobre 2017

La réforme électorale antidémocratique du
gouvernement Trudeau

Recours accru aux pouvoirs de police
au nom de la cybersécurité

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La réforme électorale antidémocratique du gouvernement Trudeau

Recours accru aux pouvoirs de police au nom de la
cybersécurité
- Anna Di Carlo
La crise du système électoral du Canada s'approfondit - Hilary LeBlanc
L'« Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada» de Facebook
Le rapport du Commissariat à la protection de la vie privée au sujet de la consultation en ligne sur la réforme électorale - Enver Villamizar

Réforme du financement électoral pour éliminer l'accès préférentiel via les activités de financement
Tentative de masquer comment l'oligarchie financière opère
Changements récents aux lois électorales de l'Ontario - Laura Chesnik

Oeuvrer pour la paix sur la péninsule coréenne
Réponse enthousiaste au lancement de la pétition canadienne pour la paix et contre la guerre et l'agression sur la péninsule coréenne
Les patriotes coréens vivant à l'étranger affirment la voie de la paix et de l'unification au rassemblement de Moscou

Ne touchez pas à l'Iran !
Exigeons des solutions politiques et non militaires - Voice of Revolution

L'Espagne place la Catalogne sous son autorité directe
Appuyons le droit des Catalans de décider de leur avenir! Non à la prise de contrôle par le gouvernement Espagnol!

Vote à l'ONU contre le blocus de Cuba par les États-Unis
Actions le 1er novembre contre le blocus tous azimuts
Cuba publie son rapport annuel sur les dommages causés par
le blocus
- Granma

Le 100e anniversaire de la Déclaration Balfour
Palestine: nettoyage ethnique et dépossession (extraits) - Dr Ismail Zayid


La réforme électorale antidémocratique du gouvernement Trudeau

Recours accru aux pouvoirs de police au
nom de la cybersécurité

Le 19 octobre 2017, Facebook Canada a lancé son « Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada » avec laquelle il se propose de protéger la démocratie canadienne. La défense de l'« intégrité électorale » est invoquée pour cacher les fins antidémocratiques de cette initiative. On crée l'illusion que le gouvernement Trudeau construit cet appareil policier politique dans le but de contrôler les plateformes numériques de médias sociaux. Il affirme qu'il y a des « acteurs malveillants » qui veulent empêcher que les médias sociaux soient utilisés comme plateforme du discours politique véritable et bloquer l'engagement civique des citoyens en répandant de « fausses nouvelles », la « mésinformation » et la « désinformation ». L'objectif est également de camoufler que le rôle primordial de l'État, au service duquel sont les libéraux, est de désinformer le corps politique en le privant d'une conception du monde qui lui permet d'exercer un jugement et de faire avancer ses propres intérêts, et non ceux des riches.

Plus tôt cette année, les libéraux ont ordonné au Centre de la sécurité des communications (CST) d'intervenir dans le domaine électoral et de s'y livrer à l'espionnage pour contrer « les cyberattaques potentielles d'acteurs étrangers malveillants ». Maintenant, les libéraux associent, sous la direction du CST, des intérêts privés à cette tâche pour cibler non seulement les acteurs étrangers mais aussi les « suspects intérieurs ». L'affirmation ironique que l'espionnage et le ciblage des Canadiens ont pour but de protéger la démocratie montre à quel point les libéraux et ceux qui se livrent à ces activités sont devenus cyniques.

Le système de démocratie représentative a tellement marginalisé les Canadiens que toutes ces mesures peuvent être mises en place sans même qu'une loi soit adoptée. L'autorité publique d'Élections Canada, l'organisme indépendant responsable de la conduite des élections, est remplacée par des intérêts privés comme Facebook, Google et d'autres. De fait, Élections Canada était remarquablement absente lors du lancement de l'« Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada » de Facebook. Quant au Parlement, il attend que la ministre des Institutions démocratiques dépose un projet de loi sur la réforme électorale qui, d'après le gouvernement, a déjà été approuvée par les Canadiens, qui pour lui son les consultants et les conseillers politiques privés des libéraux de connivence avec des intérêts privés et les services de sécurité.

Au niveau international, Facebook déploiera une armée de quelque 4 000 censeurs pour surveiller les comptes et les messages de Facebook et partagera sans aucun doute ces informations avec les agences d'espionnage américaines et leurs partenaires du Five Eyes (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis). Des organismes à but non lucratif financés et supervisés par Facebook et d'autres intérêts privés sont mobilisés pour enseigner la « littératie numérique » et comment devenir un « citoyen engagé ». Au nom du droit de conscience, on confère à l'élite dominante la tâche d'établir les critères pour juger ce qui est « un discours politique authentique » et ce qui ne l'est pas. C'est d'un cynisme inimaginable — c'est contraire à l'éthique, immoral, sans principes, sans scrupules et indéfendable selon toute norme moderne de conduite démocratique.

En attendant, la société multimilliardaire géante Facebook continue de suivre ses utilisateurs d'autres façons et de faciliter le « micro-ciblage des électeurs » par les machines électorales des partis cartellisés. Pour ce qui est de la cybersécurité, la pratique consistant à transmettre la liste d'électeurs avec identificateurs uniques d'Élections Canada aux partis politiques se poursuit. Ces partis se sont exemptés de se soumettre aux lois sur la protection des renseignements personnels et utilisent les listes électorales fournies par Élections Canada pour construire leurs bases de données et manipuler les intentions de vote de l'électorat.

Ces derniers développements montrent que les bases de la création d'élections de type État policier ont été posées. Au nom de la protection de la démocratie, de l'intérêt national et de la sécurité de l'État, les services de police détermineront ce qui constitue un discours politique légitime. Mais ceux qui se chargent d'assurer le respect des normes et d'établir les critères sont en concurrence féroce entre eux, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Qui sera à l'abri des soupçons et des doutes ? Il n'y a pas que les forces d'opposition représentant les intérêts des peuples qui seront criminalisées, les partis cartellisés et les tiers intervenants dans les élections le seront également s'ils contestent le contrôle des intérêts privés. Déjà les services de police à tous les niveaux, les forces armées et les instances supranationales internationales se battent pour le contrôle par des intérêts privés qui rivalisent pour le contrôle des économies et des États. Les mesures actuelles du gouvernement Trudeau sont extrêmement intéressées et il ne fait aucun doute que cela se retournera contre lui ; les libéraux eux-mêmes sont susceptibles de devenir victimes de leurs propres mesures ainsi que les autres partis qui les soutiennent.

Le but du gouvernement Trudeau, des services de sécurité et des partis politiques du système de partis cartellisés est donc de supprimer tout discours politique et toute tentative du peuple de se donner le pouvoir. La classe ouvrière et le peuple doivent combattre ces mesures en avançant leur propre programme et en apportant des solutions aux problèmes auxquels la société est confrontée, en premier lieu le problème de savoir qui décide et quel type de processus politique et électoral est nécessaire pour habiliter les citoyens afin qu'ils arrêtent la destruction de la société et de l'économie.

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La crise du système électoral du Canada s'approfondit

Les mesures que propose le gouvernement libéral de Justin Trudeau pour « protéger la démocratie » arrivent après plus d'un quart de siècle d'opposition de l'élite dominante aux aspirations du peuple à se donner le pouvoir, exprimé depuis plus d'un quart de siècle par le refus de procéder à des réformes qui garantiraient le droit à un vote éclairé. Pour un vote éclairé, il faut une loi qui permette aux électeurs de choisir leurs propres candidats et d'établir leur propre ordre du jour dans le cadre d'un processus politique financé par l'État. Au lieu de cela, le système de cartel de partis n'a cessé d'adopter des lois intéressées qui augmentent l'intervention de l'État dans les affaires politiques. Le financement public des partis politiques est tel qu'aujourd'hui ceux-ci sont devenus des institutions de l'État et ne sont plus contrôlés par leurs membres. D'une part l'État limite de plus en plus l'espace de la participation des citoyens aux élections et qu'il contrôle le contenu, d'autre part de nouvelles mesures sont prises pour dicter ce qu'est un discours politique légitime.

L'élite dominante refuse de renouveler le processus démocratique pour s'assurer que les citoyens et les résidents ne participent pas aux décisions qui affectent leur vie et leur environnement social et naturel ainsi qu'à la solution des questions centrales comme celles de la guerre et la paix.

Nous avons atteint un point où le système de démocratie représentative dominé par les partis s'est épuisé. Il ne peut plus maintenir sa légitimité et a recours aux pouvoirs de police pour régir tous les aspects de la vie. Non seulement est-il incapable à plus long terme de contenir les efforts du peuple pour se donner le pouvoir mais il est également incapable de contenir les pouvoirs policiers dans un contexte de rivalités et de collusions parmi les intérêts privés pour le contrôle du pouvoir.

L'anarchie et la violence prévalent lorsque les conditions se détériorent et que la manipulation cynique des positions de pouvoir est telle qu'on ne peut plus faire confiance à rien ni personne. Non seulement l'économie a-t-elle été remise à de puissants intérêts privés agissant au niveau supranational, mais maintenant les élections leur sont aussi remises. Cela ne réglera pas la crise de légitimité dans laquelle les cercles dominants se sont embourbés. La destruction de la nation, un ordre du jour pour payer les riches, les privatisations et les réductions des programmes sociaux et des services publics, la destruction de tout ce qui reste d'une autorité publique liée par un contrat social n'ont lieu que lorsque les monopoles et les cartels supranationaux usurpent le pouvoir politique. Cela n'a rien à voir avec la démocratie, mais vient confirmer que les vielles formes de ce qu'on appelle la société civile sont finies et que les nouvelles formes d'habilitation du peuple n'existent pas encore.

La prétention que la raison principale des réformes démocratiques en ce moment est la défense du système électoral contre les cyberattaques, en particulier celles lancées par des « acteurs malveillants » étrangers, est irrationnelle. Cela ne sert qu'à justifier l'utilisation des services de police par certaines factions de l'élite dominante contre des rivaux. C'est ce que montrerait l'élection américaine qui a porté Trump au pouvoir et toutes les allégations au sujet de l'ingérence russe. C'est une diversion pour s'assurer qu'il n'y ait pas de discussion sur ce qui se passe réellement lorsque les mafias économiques et politiques agissent en toute impunité au niveau international.

L'élite dominante est déterminée à priver le peuple du droit de se gouverner lui-même. Plus elle cherche à priver le peuple de sa voix, plus il luttera. Plus il luttera, plus il a de chances de gagner.

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L'«Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada» de Facebook

Facebook Canada a annoncé le 19 octobre son « Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada ». Cette initiative fait partie d'un programme global de cette entreprise multinationale dont l'objectif déclaré est de faire en sorte que Facebook « demeure un forum sûr et sécurisé pour le dialogue authentique ». L'objectif spécifique de l'initiative canadienne est que Facebook « soit un espace qui favorise un engagement civique authentique à l'approche des élections de 2019 ». Facebook affirme que 23 millions de Canadiens utilisent la plateforme.

Kevin Chan, le chef des politiques publiques de Facebook Canada et d'Instagram, a annoncé le programme lors d'un dîner/table ronde sur « l'engagement civique authentique » organisé par l'Economic Club of Canada au Château Laurier Fermont le 19 octobre. L'orateur principal de cet événement à 110 $ le billet était la ministre des Institutions démocratiques du Canada Karine Gould. La ministre s'est ensuite jointe à la table ronde dont Kevin Chan était le modérateur et qui comprenait deux professionnels des médias sociaux, Mathew John, directeur à l'éducation de MediaSmarts[1], et le professeur Anatoliy Gruzd, directeur à la recherche de Social Media Lab.[2]

Après le discours de la ministre Gould qui a dit que la cybersécurité est « au coeur de son travail » et salué l'initiative de Facebook, Kevin Chan a dévoilé les détails de l'Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada. Il l'a décrite comme une réponse directe à l'évaluation du Centre de la sécurité des télécommunications qu'une cyberattaque contre les prochaines élections fédérales au Canada est « une forte probabilité ».[3]

Chan a publié une brochure Facebook intitulée Guide d'hygiène informatique - Politiciens et partis politiques et a annoncé que l'entreprise va se joindre à MediaSmarts pour éduquer le public sur la cybersécurité et la littératie numérique. En plus, Facebook va offrir à tous les partis politiques et politiciens un « programme de formation en cyberhygiène » et va établir une « adresse courriel en cas de crise » leur offrant un lien direct avec le département de sécurité de Facebook pour résoudre tout cas de bris de sécurité. Chan a aussi dit à l'auditoire que Facebook va engager environ 4 000 personnes à l'échelle mondiale pour surveiller les messages rapportés ou repérés afin de détecter les « fausses nouvelles » ou les comptes illégitimes.

Dans ses remarques d'ouverture au dîner, Karina Gould a décrit les médias sociaux comme un outil important dans les mains des citoyens pour s'engager dans le processus politique. « Les médias numériques nous donnent un pouvoir », a-t-elle dit.

Elle a qualifié les plateformes de médias sociaux comme Facebook de « nouveaux arbitres de l'information » qui « ont la charge importante de favoriser un discours public respectueux et éclairé. Tout comme le gouvernement et les entreprises privées ont la responsabilité publique de contribuer à une saine démocratie, les plateformes de médias sociaux doivent commencer à se voir comme des partenaires qui participent à l'orientation du discours public et à la protection de notre démocratie contre ceux qui cherchent à lui nuire. L'enjeu de l'influence étrangère et de la diffusion de faux renseignements n'est pas un phénomène nouveau. Mais en cette ère numérique, les joueurs malveillants ont plus de moyens que jamais auparavant pour atteindre leurs objectifs par une méthode rapide et en constante évolution. Et à cet égard, je crois qu'il est important pour les plateformes de médias sociaux d'examiner avec un esprit critique leurs pratiques actuelles et la façon dont ils peuvent créer des espaces consacrés à un dialogue public éclairé et à l'information que nous consommons. Je suis heureuse de voir que Facebook et MediaSmarts font un pas dans la bonne direction aujourd'hui en relevant les défis de l'ère numérique et de la protection continue de notre processus démocratique. Mais je tiens à répéter que cette conversation ne s'arrête pas ici. Il faut en faire beaucoup plus, et il nous incombe de travailler tous ensemble pour conserver notre résilience devant les cybermenaces auxquelles notre démocratie est exposée. »

Gould a annoncé qu'elle entreprenait de revoir à ce sujet la Loi électorale du Canada et la question du resserrement des contrôles de dépenses des partis politiques, des candidats et des tiers.

La politique corporative de Facebook sur les élections

L'Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada fait suite à la politique mise de l'avant par le bureau chef de Facebook aux États-Unis et qui a été rendue publique en avril dernier dans un document intitulé Facebook et les opérations sur l'information.

On lit dans le document :

« ... Facebook en est maintenant rendu à un moment crucial de son histoire. Notre mission est de donner aux gens le pouvoir de partager notre monde et de le rendre plus ouvert et plus connecté. Il est cependant important de reconnaître et de prendre des mesures pour se prémunir des risques qui peuvent surgir dans des communautés en ligne comme la nôtre. Le fait est que ce n'est pas tout le monde qui partage notre vision, et certains vont tenter de la saper, mais nous sommes en position d'aider de façon constructive à façonner l'écosystème émergent de l'information en faisant en sorte que notre plateforme demeure un environnement sûr et sécurisé d'engagement civique authentique. »

Facebook définit ainsi les « opérations sur l'information » : « des actions entreprises par des acteurs organisés (gouvernementaux et non gouvernementaux) pour déformer le sentiment politique domestique ou étranger, le plus fréquemment pour obtenir un résultat stratégique et/ou géopolitique. Ces opérations peuvent avoir recours à une combinaison de méthodes telles que les fausses nouvelles, la désinformation ou des réseaux de faux comptes qui visent à manipuler l'opinion publique (nous les appelons de 'faux amplificateurs'). »

Selon Facebook, ceux qui mènent ces « opérations sur l'information » ont des motifs variés, lesquels peuvent correspondre à l'un ou l'autre des « objectifs stratégiques » suivants :

« - Promouvoir ou dénigrer une cause ou une question spécifique. C'est la manifestation la plus directe des faux amplificateurs. Cela peut comprendre le recours à la désinformation, aux mèmes, et/ou aux fausses nouvelles. Il y a souvent un angle ou un sujet de dissension que les acteurs exploitent et amplifient selon le marché ou la région qui sont ciblés. Cela peut comprendre des thèmes concernant des personnalités ou des partis politiques, des politiques susceptibles de créer de la division, la religion, les gouvernements nationaux, les nations et/ou les ethnicités, les institutions ou des événements courants.

« Miner la confiance dans les institutions politiques. Dans ce cas-ci, les opérateurs de faux comptes n'ont pas nécessairement des thèmes spécifiques mais cherchent plutôt à miner le statu quo des institutions politiques ou de la société civile à un niveau plus stratégique.

« Semer la confusion. Les directeurs des réseaux de faux comptes peuvent avoir un objectif à plus long terme ou embrouiller de façon délibérée le discours civique et dresser des factions rivales les unes contre les autres. Dans de nombreux cas, nous avons identifié des acteurs malicieux sur Facebook qui, au moyen de comptes non authentiques, se sont engagés activement dans tout le spectre politique avec l'intention apparente d'accroître les tensions entre les supporters de ces groupes et de fracturer leur base de supporters. »

La réponse des experts des médias sociaux

L'annonce de l'Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada a suscité des commentaires sur le rôle de Facebook et des médias sociaux dans le processus démocratique. Dans un article paru le 21 octobre dans le Toronto Star, Sabrina Nanjii écrit que « les experts en politique numérique demandent au gouvernement de mettre en oeuvre des 'politiques beaucoup plus sévères' contre le piratage et la fausse information ».

Taylor Owen, professeur adjoint spécialisé dans les médias numériques et les affaires mondiales à l'Université de la Colombie-Britannique, a dit au Star  : « L'économie et le fonctionnement de la plateforme [Facebook] sont en contradiction avec notre capacité à gouverner nos élections, et ce problème ne va pas être réglé par la littératie en fait de nouvelles. Nous pouvons uniquement régler ce problème par le biais de politiques beaucoup plus radicales de la part des gouvernements, pas de Facebook. »

Dans une lettre d'opinion publiée le 20 octobre dans le Globe and Mail, Owen pose la question : « Est-ce que Facebook constitue une menace pour la démocratie ? » Il répond qu'« il devient de plus en plus clair que la réponse est oui ». Le produit qui est vendu par Facebook, dont les revenus annuels ont triplé depuis 2012 pour atteindre 27,6 milliards $ en 2016, écrit-il, est constitué de « points de données qu'il capte chez chacun de ses utilisateurs ». Il dit que « le modèle Facebook a aussi encouragé l'utilisation des pièges à clics de piètre qualité par rapport à de l'information de haute qualité » et a permis une « course vers le bas pour la surveillance des consommateurs monétisée ».

L'auteur fait remarquer que la plateforme Facebook facilite la publicité « microciblée », la publicité personnalisée et les fils de nouvelles qui sont choisis selon les critères que fixent ceux qui achètent leurs services. « Le filtrage, écrit-il, se fait par une série d'algorithmes, lesquels, une fois combinés à des données personnelles, mènent à la livraison de la publicité à des auditoires très spécifiques. Ce microciblage permet aux acheteurs de définir les auditoires sur une base raciste, fanatique et hautement discriminatoire, parfois douteuse du point de vue juridique et n'ayant aucun rapport avec la décence morale. »

Owen qualifie le système Facebook d' « arme politique puissante », faisant référence à l'ingérence alléguée de la Russie dans les élections américaines qu'il dit avoir été conçue pour « fomenter des divisions dans la société américaine autour de questions reliées à la race, à l'immigration et même à la fracturation hydraulique ». Il ajoute que « ce ne sont pas seulement des acteurs étrangers » qui interviennent. « Bloomberg a rapporté que dans les dernières semaines des élections américaines, les employés de Facebook et de Google ont collaboré avec des groupes activistes extrémistes pour leur permettre de microcibler de la publicité susceptible de semer la division chez des électeurs d'États clés », explique-t-il.

Il écrit : « Lorsque Facebook met en relation des agitateurs étrangers et des électeurs américains microciblés, ou qu'il amplifie les néonazis qui utilisent la plateforme pour planifier et organiser le rassemblement de Charlottesville ou offre l'item 'comment brûler les juifs' en tant que groupe d'acheteurs de publicité généré automatiquement, il accomplit en réalité ce pourquoi il est conçu. Ce sont de cette définition et de ce concept que Facebook doit rendre des comptes publiquement. »

Owen écrit que la délibération sur la politique du gouvernement sur l'utilisation de la publicité politique fait défaut. « Au lieu de cela, écrit-il, Facebook est imbriqué dans le fonctionnement du gouvernement, dans le développement des politiques publiques et les campagnes de partis politiques. Les décisions de politiques récentes n'ont pas touché à l'entreprise et on fait même appel à l'entreprise pour résoudre les problèmes de journalisme dont elle est elle-même la cause principale ».

Selon Owen, le gouvernement adopte une « approche de laissez-faire» et devrait plutôt « s'assurer de la transparence complète de tout contenu payé de quelque façon que ce soit qui est montré aux Canadiens pendant une campagne électorale, comme on le fait avec les autres médias. Il devrait exiger que soient dévoilées toutes les données financières, leur localisation et leurs cibles relatives à ce contenu payé. Il devrait imposer de lourdes amendes dans les cas où la fausse information et le discours haineux ne sont pas enlevés rapidement. Il devrait faire en sorte que les recherchistes indépendants aient accès aux données de la plateforme plutôt que de s'appuyer sur les seules bonnes intentions de Facebook. Les partis politiques et le gouvernement pourraient même donner l'exemple d'un bon comportement en cessant de dépenser des millions de dollars de notre argent pour de la publicité microciblée de Facebook. »

« On ne peut pas s'attendre à ce que Facebook adopte volontairement ou unilatéralement l'une ou l'autre de ces options », écrit Owen qui ajoute, de façon sarcastique, espérons-le, que « nous avons des gouvernements pour défendre l'intérêt public ».

« En fait, les modestes efforts volontaires qui ont été annoncés jeudi [le 19 octobre], qui visent à mettre l'accent sur les utilisateurs par le biais d'initiatives de littératie en ce qui a trait aux nouvelles de même que sur les pirates au moyen d'une meilleure sécurité, font fi du problème structurel clé qui a miné les élections partout dans le monde, soit le modèle d'affaires de Facebook. Les efforts comme l'Initiative de soutien à l'intégrité électorale au Canada représentent un tournant dans l'opinion publique vis-à-vis Facebook, dont on devrait se féliciter si elle est poursuivie. Mais on doit la voir aussi comme l'action d'une entreprise privée qui extrait des profits de plus en plus grands d'un espace qui est de facto un espace public. »

Fenwick McKelvey, un professeur adjoint d'information et de technologie à Concordia, a lui aussi remis en question l'initiative et a dit qu'il n'est pas suffisante pour que le problème soit résolu. Il dit au Toronto Star que « s'appuyer sur ce citoyen omni-compétent pour savoir si quelque chose est dit contre lui » ne va pas marcher. « Cela ne s'attaque pas aux causes systémiques, à la possibilité de rendre les fausses nouvelles lucratives, ou aux problèmes de responsabilité de leur système de ciblage de publicité », dit-il.

Elizabeth Dubois, professeure adjointe à l'Université d'Ottawa spécialisée dans « l'engagement et la responsabilité démocratiques numériques », rappelle la promesse de Facebook de rendre « la publicité sombre moins opaque ». La « publicité sombre » se réfère notamment au microciblage d'annonces adressées à des individus qu'on sélectionne en traquant leur comportement en ligne et en liant cela à d'autres données à leur sujet dont dispose l'auteur de la publicité. Les outils que Facebook s'est engagé à fournir permettraient aux récipiendaires de la publicité de trouver qui la leur envoie et quelle autre publicité il publie. Lors du dîner du 19 octobre, Kevin Chan a dit que les utilisateurs de Facebook devraient pouvoir voir qui a commandité la publicité qu'ils reçoivent dans leur fil de nouvelles. Cette mesure est censée être opérationnelle pour les élections fédérales de 2019.

Selon le Star, les trois professeurs de médias numérisés qu'il a interviewés veulent que le mandat d'Élections Canada soit élargi afin qu'il couvre entièrement les campagnes politiques numérisées. Cela comprend « forcer les plateformes à dévoiler toute l'information sur les annonces microciblées affichées pendant la campagne : où elles sont placées, qui les voit, qui les a achetées et à quel prix ».

Ils ont également recommandé que le registre des « appels robotisés » soit étendu aux « bots sur les réseaux sociaux ». Le registre a été créé après le scandale des appels robotisés de 2011 par lequel des électeurs étaient envoyés aux mauvais bureaux de scrutin pour supprimer les votes de ceux qui étaient connus comme des supporters de partis et de candidats autres que les conservateurs.

Facebook est une des plateformes de médias sociaux qui permettent une publicité qui cible un auditoire, y compris par les partis politiques et les gouvernements. L'attrait principal de son offre de publicité est qu'elle permet aux annonceurs de cibler les gens en fonction de l'âge, de l'occupation, des intérêts, des réseaux d'amis et des pages sur lesquelles les utilisateurs cliquent « aime » ou « aime pas ».

Ruth Callaghan, stratège de l'information numérique à la firme de relations publiques australienne Cannings Purple, décrit les utilisateurs de Facebook comme « une pièce absolument commercialisable ». Elle affirme que peu importe les paramètres de vie privée offerts, Facebook est propriétaire de toutes les données sur les activités des utilisateurs. « Le microciblage leur permet [aux partis politiques] de comprendre où vous demeurez, ce que vous faites, si vous êtes propriétaire de votre maison, si vous êtes insatisfait du statu quo politique, si vous 'aimez' des déclencheurs qui indiquent quel parti politique vous seriez normalement porté à soutenir », dit-elle.

Selon elle, « après environ 10 'j'aime', Facebook peut faire un jugement sur votre sexe, votre sexualité, si vous êtes conservateur ou avez des tendances de gauche. Des centaines de 'j'aime' permettent à Facebook de bâtir un profil assez détaillé. Il se peut que Facebook en sache plus à votre sujet que vos parents, que votre partenaire, même plus que vous. » Elle écrit : « Aujourd'hui, tout parti qui ne l'utilise pas ne fait pas son travail correctement. »

Facebook défend sa pratique en disant que les données utilisées dans la publicité sont anonymes et ne sont pas liées au profil ou à l'identité d'une personne en particulier, bref que ce ne sont « que des métadonnées ».

Notes

1. Matthew John est directeur à l'éducation chez MediaSmarts qui s'affiche comme le centre de la littératie numérique et médiatique du Canada. Il est l'auteur de plusieurs des leçons données par MediaSmarts et de ressources interactives et un des dirigeants du projet de recherche de MediaSmarts sur les jeunes Canadiens dans un monde numérisé. En tant qu'expert reconnu de la littératie numérique et de sa mise en application dans les programmes d'enseignement canadiens, Matthew est l'architecte de « Use, Understand, Create : Digital Literacy Framework for Canadian K-12 Schools » de MediaSmarts visant les élèves du primaire et du secondaire. Il a fait partie d'un panel d'experts de la Société canadienne de pédiatrie, du Ontario Network of Child and Adolescent Inpatient Psychiatric Services et de plusieurs autres organisations et a été conseiller dans la préparation de programmes d'enseignement du ministre de l'Éducation de l'Ontario.

2. Le Social Media Lab est un laboratoire de recherche multi et interdisciplinaire à l'école d'administration Ted Rogers de l'Université Ryerson à Toronto. Le laboratoire étudie comment les médias sociaux changent la façon dont les gens communiquent entre eux, disséminent de l'information, font des affaires et forment des communautés et l'impact que ces changements ont sur les structures sociales, économiques et politiques de la société moderne.

Il affirme que son expertise « est dans l'étude de communautés en ligne et de réseaux sociaux et dans la mise au point de nouveaux outils et de nouvelles méthodes pour analyser et visualiser les données des médias sociaux. Le grand objectif de nos initiatives de recherche est d'offrir aux décideurs des connaissances additionnelles et une meilleure compréhension des comportements et des rapports des membres des réseaux en ligne, et de comprendre comment ces connections interpersonnelles influencent nos choix et nos actions personnelles. »

3. Pour plus d'informaton, voir: « Le Centre de la sécurité des télécommunications fait une évaluation inacceptable des cybermenaces », Anna Di Carlo, LML, 1er juillet 2017

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Le rapport du Commissariat à la protection
de la vie privée au sujet de la consultation
en ligne sur la réforme électorale

Le 21 septembre, le commissaire à la protection de la vie privée Daniel Therrien a émis son rapport final au sujet de l'enquête menée par son bureau sur le questionnaire en ligne MaDémocratie.ca du gouvernement Trudeau. C'est sur la base des résultats de cette consultation que le premier ministre Trudeau a déclaré unilatéralement que le gouvernement ne donnera pas suite à la promesse d'instituer une réforme électorale et que l'enjeu principal serait dorénavant la « défense de la démocratie au Canada » contre des cybermenaces et des cyberattaques russes. Le titre du rapport est « Le site Web MaDémocratie.ca n'a pas été conçu dans un souci de protection de la vie privée » .

Selon le rapport, un plaignant a soulevé que bien qu'on affirmait sur le site Web que les réponses resteraient anonymes, on a eu recours sur le même site au module de suivi de connexion « Facebook Connect ». De tels systèmes de suivi de connexion permettent à Facebook de surveiller l'activité d'un utilisateur du web tant sur Facebook qu'ailleurs et de recueillir de l'information sur ses activités sur le web. Le gouvernement rejette l'allégation selon laquelle il partageait l'information des participants, cependant le commissaire à la protection de la vie privée n'est pas satisfait de cette réponse car il juge qu'il n'est pas clair si les participants ont eu la possibilité d'accorder leur consentement pour que leurs réponses soient remises à un tiers tel Facebook. En fait, le commissaire conclut dans son rapport que le site Web a en fait partagé les réponses des participants ainsi que leurs résultats avec des tiers tels Facebook, et que ceci a eu lieu avant même que les participants aient pu donner ou refuser leur consentement à ce que cette information soit partagée. Selon les conclusions du rapport du Commissariat sur la protection de la vie privée et la réponse du gouvernement, le problème serait la conception du site Web et sa possible amélioration afin de limiter ou d'éliminer la facilité avec laquelle l'information des participants a pu être partagée avec des médias sociaux monopolisés comme Facebook et Google Analytics. D'où le titre du rapport : « Le site Web MaDémocratie.ca n'a pas été conçu dans un souci de protection de la vie privée ».

On passe sous silence l'objectif même de tout cet exercice qui visait à imposer des nouvelles méthodes de prise de décisions qui, espérait le gouvernement, donneraient de la légitimité à la démocratie non représentative actuelle alors que le peuple réclame le changement et exige d'avoir vraiment un mot à dire sur les décisions qui affectent sa vie. Le fait que les données et les résultats de la consultation auprès des participants aient été partagés démontre que l'objectif même de ces méthodes est de partager des montants faramineux de données avec des intérêts privés qui peuvent ensuite les revendre aux partis politiques qui eux peuvent s'en servir à toutes sortes de fins répréhensibles, y compris empêcher les gens d'avoir une conception du monde qui contribue à résoudre les problèmes avec lesquels eux et la société sont aux prises.

La raison d'être de ces médias sociaux monopolisés est de recueillir de telles informations et de les vendre directement ou indirectement dans la mesure où leurs systèmes informatiques servent à micro-cibler les peuples du monde. Et voilà maintenant que le gouvernement Trudeau confie à Facebook le rôle de « protéger la démocratie canadienne » en collaborant avec les agences d'espionnage canadiennes pour qu'elles puissent s'ingérer dans les affaires des partis politiques, cibler ceux qui n'acceptent pas les définitions impérialistes américaines de la démocratie et des droits humains. Entretemps, ces mêmes monopoles privés et leurs systèmes informatiques ont provoqué ce scandale qui affecte le gouvernement Trudeau parce que celui-ci dépend de ces mêmes monopoles pour gagner les élections en ciblant les Canadiens pour la manipulation de masse.

Vox Pops Labs, la compagnie qui a été le fournisseur exclusif à obtenir le contrat pour cette consultation, a comme objectif de recueillir des données qui servent à segmenter la population pour que les partis politiques et les gouvernements puissent mieux cibler sa conscience à des fins de manipulation et la diriger vers de faux choix fixés par l'élite dominante et ses machines de marketing. L'essence même de cette démarche est de forcer les Canadiens à « choisir » exclusivement parmi les partis cartels par le biais de leur application informatique Boussole électorale, ce qui en soit élimine en partant tous les autres partis politiques officiellement enregistrés qui participent aux élections, ce qui prive le peuple d'un vote informé.

Le fait que la conception même du site Web a permis de recueillir des données exacerbe la crise du système cartel de partis. Cette méthode d'avoir recours à des outils numériques pour imposer aux gens des choix intéressés pour ensuite les « encourager » à choisir celui préféré par ceux-là mêmes qui mènent la consultation repose dans une très grande mesure sur le fait que les gens croient qu'ils s'engagent dans un processus qui est à la fois anonyme et non biaisé. Le fait que par sa consultation sur la réforme électorale le gouvernement a partagé les réponses de 243 057 participants avec des compagnies comme Facebook et Google Analytics exacerbe la crise de crédibilité du gouvernement. Les tentatives de légitimer cette nouvelle méthode feront en sorte de décourager un nombre encore plus grand de personnes de participer à de telles consultations à l'avenir. Il s'agit d'un véritable problème pour les élites dominantes puisque la participation à ces démarches n'est déjà pas très élevée !

Une conclusion qui s'impose est que les Canadiens ont besoin d'un processus politique qu'ils contrôlent et qui affirme le droit de l'électorat de participer à fixer l'ordre du jour de la société et d'harmoniser les intérêts individuels avec ceux de la collectivité. Les nouvelles méthodes du gouvernement visent uniquement à légitimer la démocratie non représentative telle qu'elle existe présentement au Canada, celle-là même qui n'offre aucun rôle au peuple dans les prises de décisions sur tout sujet important. Les électeurs sont perçus comme des cibles pour la cueillette de données qui servent à les réduire au rôle de simples consommateurs. Ce n'est pas un dommage collatéral, c'est l'objectif principal de tout cet exercice et celui-ci doit être rejeté.

Le sondage MaDemocratie

Entre le 1er et le 31 décembre, l'entreprise privée Vox Pops Labs a mené un sondage en ligne sur le site Web MaDemocracie.ca pour le compte du gouvernement du Canada.[1] Raymond Rivet, porte-parole du Bureau du Conseil privé, a indiqué que la consultation avait coûté près de 1,83 million $, un montant utilisé pour expédier 14,8 millions de cartes postales faisant la promotion du sondage en ligne à tous les ménages canadiens, en plus du contrat initial de 330 000 $. à Vox Pop Labs pour créer le site Web. Vox Pop Labs Inc. est l'entreprise derrière le logiciel « Boussole électorale », un instrument pseudo-scientifique qui rassemble et classe des réponses à des questions fallacieuses et indique aux utilisateurs pour quel parti cartellisé voter et où ils se situent sur le soi-disant spectre politique. Dans le sondage MaDemocratie, on n'a pas demandé aux gens de choisir la réforme particulière qu'ils préfèrent, ni même de classer ces réformes. Au lieu de cela, les participants ont classé par priorité leur niveau d'accord avec un ensemble de « valeurs » ou de « principes » qui a ensuite été utilisé pour diviser les participants selon l'un des cinq archétypes censés aider les Canadiens à « comprendre leurs propres préférences en fait de valeurs ». Les données ont été utilisées d'une part pour montrer aux participants où se situaient les lignes de démarcation arbitraires établies par Vox Pop Labs. Elles sont également utilisées par le gouvernement pour prétendre que les Canadiens sont généralement satisfaits de la démocratie canadienne.

La diapositive d'introduction de l'enquête disait : « Lorsque vous répondez aux questions, rappelez-vous qu'il n'y a pas de mauvaises réponses et que vos réponses individuelles resteront toujours anonymes. C'est une façon différente de consulter les Canadiens - nous espérons que cela vous plaira et que vous apprendrez aussi quelque chose. »

À la fin de l'initiative, environ 383 074 « utilisateurs uniques » avaient complété MaDémocratie.ca. Parmi ceux qui ont été identifiés comme « utilisateurs uniques » suite à l'utilisation de différentes techniques pour essayer d'éliminer les répondants qui se répétaient ou les répondants non-humains, 243 057 ont rempli « des informations socio-démographiques suffisantes » pour qu'elles soient considérées comme utilisables pour les résultats de l'enquête qui ont ensuite été présentés au gouvernement. Cela représente environ 0,6 % de la population canadienne, ce qui montre que le sondage ne représente absolument pas la population canadienne. Les « données suffisantes » comprenaient des informations telles que le sexe, le code postal, l'âge, le plus haut niveau de scolarité, le domaine de travail, le revenu du ménage combiné, le niveau d'intérêt pour la politique et certains groupes. Les participants ont également été invités à indiquer leur adresse courriel.

Les résultats ont été rendus publics le 24 janvier. La ministre des Institutions démocratiques, Karina Gould, a dit : « Le gouvernement du Canada a lancé MaDémocratie.ca pour engager le plus de Canadiens possible dans la conversation nationale sur la réforme électorale. »

« Je tiens à remercier les plus de 360 000 personnes au Canada qui ont eu leur mot à dire au sujet de la réforme électorale par le biais de MaDémocratie.ca, en ligne ou par téléphone. Nous sommes reconnaissants que tant de personnes aient participé à cette application interactive et novatrice pour nous aider à bâtir une démocratie plus forte et plus saine. Je tiens également à remercier Vox Pop Labs pour son travail acharné dans la livraison de MaDémocratie.ca et la présentation de ce rapport final. », a-t-elle dit.

Extraits du rapport

L'enquête du commissaire a déterminé que « la conception du site Web MaDémocratie avait nécessité l'apport d'un tiers, ce qui a occasionné la communication d'adresses IP et d'autres caractéristiques de navigation à Facebook dès le chargement de la page d'accueil, alors qu'il était possible pour les participants d'effectuer un partage sur les réseaux sociaux seulement après avoir répondu au sondage. Nous sommes arrivés à la conclusion que cette information aurait pu être associée à certaines personnes, ce qui aurait constitué une communication de leurs renseignements personnels. Or, on ne nous a pas démontré que le Bureau du conseil privé (BCP) avait obtenu le consentement des participants afin de divulguer de tels renseignements. »

Dans son explication des détails, le rapport souligne que « lors de l'examen de la version initiale du site Web, nous avons constaté que certains renseignements étaient communiqués à Facebook lorsqu'une personne visitait le site MaDémocratie. Plus particulièrement, nous avons constaté que l'adresse IP de l'utilisateur, les caractéristiques du navigateur et l'adresse URL du site MaDémocratie étaient transmises à Facebook dès le chargement de la page d'accueil du site MaDémocratie. »

« Nous avons également remarqué que l'adresse URL unique des résultats affichés au terme du sondage et le groupe du participant (profil-type) étaient aussi transmis à Facebook, même si l'utilisateur n'avait pas encore autorisé explicitement le partage sur les réseaux sociaux. » [...]

« Lorsqu'une personne consultait le site Web alors qu'elle était connectée simultanément à Facebook, des renseignements permettant de l'identifier, notamment l'ID d'utilisateur de Facebook, étaient également partagés au moyen de témoins, ce qui permettait d'associer tous les renseignements susmentionnés à un utilisateur de Facebook.

« Nous estimons que, dans le cas des utilisateurs qui étaient connectés à leur compte Facebook pendant une visite du site Web, les renseignements transmis à Facebook constituaient clairement des renseignements personnels puisqu'il était possible de les associer à ces utilisateurs et de les identifier au moyen de leur ID Facebook. »

« Même dans le cas des utilisateurs qui n'étaient pas connectés à Facebook, il y avait une réelle possibilité que ces personnes puissent être identifiées d'après les renseignements partagés avec Facebook, notamment leur adresse IP, en particulier lorsqu'ils sont combinés avec d'autres renseignements comme les caractéristiques du navigateur et les adresses URL des sites consultés par l'utilisateur ; ce qui constitue donc des renseignements personnels. »

« Le partage de cette information était effectué automatiquement lors de la visite de la page d'accueil du site Web, y compris l'adresse IP, les caractéristiques du navigateur et l'adresse URL du site MaDémocratie, et ce, avant même que la personne puisse prendre connaissance des pratiques du site Web et décider en toute connaissance de cause si elle souhaite ou non interagir avec le site. »

« Notre examen a confirmé que certains renseignements étaient également partagés avec Google en raison de l'intégration du service Google Analytics. Ce faisant, les caractéristiques du réseau, y compris l'adresse IP et l'adresse URL de MaDémocratie, étaient aussi transmises à Google. »[2]

Réponse du gouvernement Trudeau

Le gouvernement Trudeau, par l'entremise du Bureau du Conseil privé, a déclaré essentiellement qu'il n'avait rien fait de mal et qu'il n'y avait vraiment aucun moyen pour le gouvernement ou Vox Pops de conclure un contrat à fournisseur unique pour « suivre » les répondants.

Cependant, après l'enquête initiale et les recommandations du bureau du commissaire après le lancement du sondage, le gouvernement Trudeau a apporté un certain nombre de changements censés répondre aux préoccupations soulevées, notamment la clarification de sa politique de confidentialité. Cependant, le commissaire a noté dans son rapport final qu'en ce qui concerne les modifications apportées à la politique de confidentialité de l'enquête, les gens croyaient que leurs données resteraient anonymes et ne seraient pas partagées avec des tiers : « Le BCP a modifié la politique de confidentialité du site Web de façon à indiquer clairement la présence de composants de tiers ; toutefois, on ne nous a pas démontré que cet avis, même modifié, aurait été suffisant pour obtenir un consentement valable des utilisateurs à divulguer cette information. »

Le rapport décrit comment le gouvernement a agi dans un cas en particulier et souligne le refus du gouvernement de traiter de la question : « Le BCP a précisé que les personnes désirant ouvrir un compte sur Facebook doivent accepter les conditions d'utilisation de Facebook. Ce faisant, les utilisateurs acceptent non seulement que Facebook recueille les données de leur navigateur pendant que leur session est ouverte, mais aussi que Facebook ait accès aux données sauvegardées dans leur navigateur quand leur session est fermée. Si un utilisateur ne souhaite pas communiquer à Facebook ses activités sur Internet et ses renseignements personnels, il dispose de diverses options, par exemple utiliser un mode de navigation privée, consulter des sites Web à partir d'un ordinateur (et d'une adresse IP) qu'il n'utilise pas pour se connecter à Facebook, supprimer les données de son navigateur avant de se connecter à Facebook, ou encore supprimer son compte Facebook. »

Notes

1. Voir: Un an du pouvoir libéral : Le gouvernement s'apprête à lancer une nouvelle consultation en ligne sur la réforme électorale, Le Marxiste-Léniniste, Numéro 138 - 12 novembre 2016

 2. Pour lire le rapport complet, cliquer ici .

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Réforme du financement électoral pour éliminer l'accès
préférentiel via les activités de financement

Tentative de masquer comment l'oligarchie financière opère

Le projet de loi fédéral C-50, qui se propose d'apporter de la transparence dans les activités de financement menant à l'accès préférentiel organisés par les partis politiques a passé l'examen du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre le 19 octobre et retourne maintenant au Parlement en troisième lecture et pour y être adopté.

Le projet de loi fait suite à une série de scandales entourant certains événements de financement du Parti libéral organisés par des intérêts financiers ou auxquels ont participé des intérêts financiers. L'accès préférentiel est une méthode de financement par laquelle les gens doivent faire des dons à un parti politique pour assister à un événement où ils peuvent rencontrer les personnes les plus influentes et les plus puissantes du parti. Pour justifier le projet de loi, on dit que de tels événements-bénéfices « l'argent pour l'accès » permettent aux gens qui ont les moyens d'y participer d'influencer les décideurs.

Une fois le projet de loi adopté, les partis politiques représentés à la Chambre des communes (les libéraux, conservateurs, le NPD, les verts et le Bloc Québécois) devront annoncer publiquement (sur leur site Web) tout événement de financement auquel participent des dirigeants du parti ou des ministres et dont le coût d'entrée est de 200 $ et plus. Les partis qui ne siègent pas à la Chambre des communes sont exemptés. L'annonce doit être affichée au moins cinq jours avant l'événement. Après l'événement, le parti doit publier publiquement la liste de toutes les personnes qui y ont participé. On dit que cela permettra aux médias d'y participer et de rapporter ce qui s'y passe.

Le projet de loi a reçu l'appui de l'opposition conservatrice de même que du NPD et du Parti vert, lors de son adoption en principe, mais ils ont voté contre par la suite à cause du refus des membres libéraux du comité d'accepter les amendements qu'ils ont proposés. Par exemple, les libéraux se sont servis de leur majorité au Comité pour rejeter un amendement précisant que les événements auxquels participent tout membre du personnel d'un ministère doivent aussi être annoncés publiquement.

Les restrictions à « l'accès préférentiel » s'ajouteront aux nombreux autres mécanismes mis en place pour en fait faciliter l'interaction entre les partis politiques et des intérêts privés. Cela comprend le Registre des lobbyistes et les nombreux codes d'éthique. Selon la logique des règles du système parlementaire, l'objectif de ces mécanismes est de faire en sorte que les médias en particulier et quiconque exerce une diligence raisonnable peuvent déterminer si des décisions prises par le gouvernement servent des intérêts privés particuliers ou ont été influencés de façon inappropriée par eux. Par exemple, avec le moteur de recherche sur le site du Registre des lobbyistes on peut trouver toute activité de lobbying ayant eu lieu au cours des douze derniers mois ou voir la liste de tous les lobbyistes enregistrés. Selon le site, au 27 octobre 2017, 954 lobbyistes-conseils, 1850 lobbyistes d'entreprise et 2837 lobbyistes d'organisation étaient inscrits au registre, pour un total de 5641 lobbyistes.

Tout cela cache le fait que les partis politiques du système de cartel sont devenus des appendices de l'État financés à même les fonds publics, et que c'est par cet État que les intérêts économiques les plus puissants exercent leur pouvoir parce que le processus politique et électoral est conçu à cette fin. Il a été créé à une époque où seuls les hommes blancs propriétaires avaient le droit de vote et étaient représentés par des partis politiques rivaux qui représentaient les plus puissants d'entre eux économiquement. L'expansion du suffrage à tout citoyen âgé de 18 ans et plus sans égard à la propriété ou la richesse ne s'est pas accompagnée d'un changement dans la loi qui permettrait à tous d'exercer leur droit d'électeur au-delà du seul vote.

Pour éliminer l'influence de l'argent dans les élections et habiliter tous les citoyens, sans égard à la richesse ou au statut social, il faut une loi spécifiquement conçue à cette fin, pas des lois qui augmentent la transparence du financement privé des partis politiques, lesquels peuvent de toute façon compter sur les fonds publics pour vivre. Il faut une loi qui permette aux électeurs de sélectionner les candidats parmi leurs pairs et de décider des enjeux d'une élection. Il faut un système dans lequel les fonds publics ne servent pas à financer des partis politiques représentant des intérêts privés mais servent à financer le processus politique lui-même. Il faut une autorité publique chargée d'informer l'électorat sur les problèmes de la société et les différentes solutions proposées pour la faire avancer. Les lois qui visent la transparence du financement privé des partis politiques et des rencontres avec les « décideurs » servent à cacher le fait qu'il n'y a pas de mécanisme pour assurer que le peuple soit le décideur.

Les projets de loi de ce genre qui font leur apparition partout au pays obscurcissent le fait que les partis politiques de l'establishment sont devenus des institutions d'État financées par des fonds publics par lesquels les intérêts économiques les plus puissants exercent leur pouvoir. On n'éliminera pas l'influence de l'argent dans les élections en réglementant la façon dont les partis politiques recueillent des fonds auprès du secteur privé. Il faut d'abord éliminer le privilège et le pouvoir accordés aux partis politiques et instituer des mesures d'habilitation du peuple. C'est l'absence de mécanismes d'habilitation du peuple, qui permettent à tous les citoyens de participer à la gouvernance, qui est le problème. Il faut financer le processus politique plutôt que les partis. Les partis doivent pouvoir recueillir des fonds comme ils le désirent, mais il faut mettre un terme à la domination qu'ils exercent sur le processus décisionnel aux dépens du droit des électeurs à un vote informé, de leur droit de sélectionner les candidats parmi leurs pairs et de décider de l'ordre du jour.

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Changements récents aux lois électorales
de l'Ontario

Le 5 décembre 2016, la Loi 2, Loi de 2016 modifiant des lois en ce qui concerne le financement électoral, a été adoptée à l'unanimité par les députés de tous les partis politiques représentés au Parlement ontarien. La loi interdit les dons de syndicats et d'entreprises aux partis politiques et aux candidats et fixe un subside par vote pour les partis qui obtiennent plus de 2 % des votes. Elle impose des limites aux dons individuels et étend à six mois avant la prochaine élection prévue les activités qui sont régies par le régime des « tiers » enregistrés. La loi originale avait été modifiée lors de son étude pour inclure des choses similaires à la Loi C-50 des libéraux de Justin Trudeau qui régit la façon dont les partis représentés au Parlement peuvent tenir des événements-bénéfices, interdit aux ministres d'y participer et requiert que ces événements soient publics et que les noms des participants soient soumis au gouvernement. Cela démontre que les changements qui sont mis en place au pays sont faits à la pièce et en coordination entre les niveaux fédéral et provinciaux.

Les changements aux lois de financement électoral en Ontario sont faits de concert avec la Loi 45, Loi de 2016 modifiant des lois en ce qui concerne les élections, qui a changé la façon dont les élections sont menées. Ils modernisent le processus en le faisant reposer sur des technologies numériques plutôt que sur le papier et le crayon, en recourant à un identificateur unique pour tous les électeurs, en pré-enregistrant les jeunes de 16 et 17 ans qui vont ainsi recevoir cet identificateur et en fournissant des cartes de bingo aux parties après le vote pour qu'ils les combinent aux résultats de chaque bureau de scrutin et soient capables de retracer comment les Ontariens votent. Des changements similaires à ceux-là sont également envisagés au niveau fédéral au nom de la « modernisation ».

Tous ces changements sont maintenant en place pour les élections générales ontariennes du 7 juin 2018, notamment les clauses qui limitent la publicité que peuvent faire les tiers six mois avant le déclenchement des élections.

Les prétextes pour les changements

Le gouvernement libéral majoritaire de Kathleen Wynne a entrepris de faire ces changements suite aux révélations qui ont été faites par les médias monopolisés au sujet de ministres qui ont permis à des intérêts privés d'avoir accès à la prise de décision s'ils acceptaient de verser jusqu'à des milliers de dollars au Parti libéral.

On a appelé cela le scandale de l'« argent pour l'accès ». Les médias ont rapporté que cela faisait partie d'un « système » sophistiqué, selon les mots de l'ancien ministre des Finances Dwight Duncan, en vertu duquel les ministres de la couronne acceptaient d'utiliser leur positon pour atteindre les objectifs de collectes de fonds que leur donnait leur parti en permettant à ceux qui payaient d'avoir accès à eux-mêmes et à leur bureau.

Des révélations semblables ont été faites en ce qui concerne le niveau fédéral. Il a été révélé que des cibles plus élevées de financement ont été données aux ministres chargés de portefeuilles responsables de plus de versements de fonds publics à des intérêts privés, comme le ministre des Finances et le ministre du Développement économique, en opposition aux ministres responsables de ministères où les « parties intéressées » ne sont peut-être pas capables de payer autant, comme les ministères chargés de l'assistance sociale. Ces stratagèmes fonctionnaient par le biais de rencontres de type « l'argent pour l'accès » qu'on appelait des « réceptions » ou des « événements » auxquels les ministres donneraient un accès exclusif aux intérêts privés liés à leur ministère. Selon une enquête faite par le Globe and Mail, certains de ces événements n'admettaient que 5 ou 6 personnes et d'autres de 30 à 40 personnes.

Aucune enquête officielle n'a été faite sur ce stratagème, ses liens avec la prise de décision gouvernementale et la façon dont le pouvoir est exercé. Au lieu de cela, le même gouvernement qui a perfectionné ce stratagème a prétendu qu'il n'avait jamais influencé les décisions du gouvernement, mais a dit qu'il va tout de même changer les lois de financement électoral pour en boucher les trous qui avaient permis aux ministres de tenir ces événements-bénéfices. Plutôt que de commencer par une enquête sur ce qui s'était passé pour que la signification des révélations puisse être considérée et des mesures adoptées pour régler le problème identifié, le gouvernement a déposé ce qu'il a appelé une « ébauche de loi » qu'il a envoyée pour étude au comité permanent de la législature avant que les élus ne puissent tenir un débat de deuxième lecture à son sujet à la législature. Le gouvernement et les autres partis cartellisés ont cherché avec cette étude préliminaire à régler leurs différends par rapport aux changements aux lois électorales et ils ont tous été en faveur de recevoir encore plus de subsides. Leur désaccord principal a porté sur deux choses : jusqu'à quel point pousser la réglementation des tiers et le repérage des dons individuels.

Alors qu'elle ne traite pas des actions des ministres de la couronne dans toute cette affaire, celles notamment de la première ministre et les bénéfices accordés aux intérêts privés, le projet de loi renforce la mainmise sur la politique des partis politiques de la législature de même que leur position privilégiée. Elle impose toutefois des activités de police accrues à l'encontre des électeurs et de leurs organisations sociales et politiques, qui sont qualifiées de « tiers ».

Le projet de loi propose de verser un subside par vote recueilli par les partis représentés à la législature basé sur les résultats de l'élection précédente et réduit le seuil du remboursement. Cela s'ajoute aux 514 millions $ que les partis de la législature ont reçus entre 2012 et 2014 sous forme de subsides publics de différentes sortes, selon le témoignage offert par le Directeur général des élections le premier des jours des audiences sur la loi.

L'accent est mis sur les tiers

Lors de l'étude du projet de loi en comité, la préoccupation principale qui a été exprimée était jusqu'à quel point les actions de ceux qui sont qualifiés de « tiers » doivent faire l'objet de mesures de type policier. Les activités des tiers ont été sommairement assimilées sans discussion aux stratagèmes pour payer les riches bien que les deux soient très différents. Les stratagèmes pour payer les riches correspondent aux actions des ministres du gouvernement qui ont utilisé leur position pour recevoir de l'argent pour leur parti de la part de donateurs corporatifs et privés et d'un certain nombre de syndicats. On a dit que cette activité est légale parce que les dons de ces entités sont légaux. Bannir les dons des entreprises et des syndicats ne va pas empêcher les ministres d'utiliser leur pouvoir pour servir des intérêts privés. Le rôle des tiers concerne la capacité de quiconque autre que les partis politiques de participer aux élections et à la politique en général, et le problème est à savoir si les tiers doivent être soumis au travail de police de l'État.

En dépit de la prétention que ces mesures visent à limiter la méthode de l'argent pour l'accès, l'exemple principal qui a été donné pour démontrer que la participation des tiers dans les élections est devenue un « problème » l'a directeur général des élections qui a dit que depuis 2011 les tiers enregistrés se sont mis à dépenser de l'argent dans les élections partielles, ce qui ne s'était jamais vu auparavant.

L'exemple principal qu'a donné le directeur général des élections est celui des élections partielles de Kitchener-Waterloo et de Vaughan en septembre 2011. Les dépenses des tiers dans cette élection ont représenté 61 % des dépenses totales. Le directeur général a donné cela comme un exemple du rôle exagéré joué par les tiers.

Ces élections partielles ont été le résultat direct des efforts du gouvernement McGuinty précédent pour se gagner une majorité à tout prix, laquelle leur avait échappé par un siège à l'élection générale précédente. Le gouvernement libéral a utilisé son contrôle sur le gouvernement pour donner un poste de choix comme présidente de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) à une députée conservatrice qui a donc dû démissionner comme députée, ce qui a rendu son siège vacant. Les libéraux espéraient s'emparer de ce siège pour devenir majoritaires. Ce n'était pas seulement cynique mais un affront aux Ontariens. C'était un affront aussi aux travailleurs accidentés qui ont vu un ancien ministre du Travail du gouvernement Harris prendre les rênes de la CSPAAT. À ce moment-là, comme cela est encore le cas aujourd'hui, la CSPAAT était en train d'être restructurée sur le dos des travailleurs accidentés.

Chose importante, les élections partielles se sont aussi tenues au moment où les libéraux et les conservateurs avaient déclenché une guerre totale contre les enseignants et les travailleurs de l'éducation et le système public d'éducation. Ils avaient collaboré pour faire passer le projet de loi 115, qui visait à donner de vastes pouvoirs dictatoriaux au ministre de l'Éducation. Les libéraux et les conservateurs espéraient gagner cette élection en calomniant les enseignants et les travailleurs de l'éducation de même que leurs syndicats. Le candidat libéral en particulier a mené sa campagne de façon très ouverte contre les enseignants et les travailleurs de l'éducation.

Plusieurs personnes sont intervenues dans cette élection partielle pour empêcher l'élection d'une majorité libérale et faire une déclaration politique contre ce qu'ils voyaient comme la corruption des libéraux et contre leurs attaques contre les droits des travailleurs. L'enjeu était important compte tenu des actions brutales du gouvernement au pouvoir et de la possibilité de prendre position contre les deux partis et de les défaire tous deux, de nier leur majorité aux libéraux et d'empêcher que le PC et son nouveau chef, Tim Hudak, aient le vent dans les voiles.

Le taux de participation a été de 60 %, un record pour une élection partielle provinciale et une preuve que la participation des tiers augmente la participation. Le taux de participation est aussi la preuve de l'importance que cette élection partielle assumait. Bref, cette élection partielle est devenue un champ de bataille entre ceux qui s'opposaient à la corruption gouvernementale, à la violation de l'intérêt public et à celle des droits des travailleurs et ceux qui voulaient gagner du pouvoir pour eux-mêmes. C'est le peuple qui a gagné, défaisant les libéraux et les conservateurs. Dans cette élection, ceux qui ont été qualifiés de « tiers », qui comprenaient plusieurs syndicats et centrales syndicales, ont participé pour défaire la tentative de coup électoral des libéraux.

C'est préoccupant de voir que cette participation à l'élection partielle est utilisée comme preuve du besoin de limiter la participation des tiers. Cela montre que ce qui se cache derrière ces changements aux lois électorales a moins à voir avec la limitation de l'« argent pour l'accès » qu'avec le contrôle de type policier de la capacité même limitée de l'électorat à contester le pouvoir de ceux qui nous gouvernent avant et pendant les élections.

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Oeuvrer pour la paix sur la péninsule coréenne

Réponse enthousiaste au lancement de la pétition canadienne pour la paix et contre la guerre et l'agression sur la péninsule coréenne

Le 26 octobre, le Comité pour la paix sur la péninsule coréenne, un groupe d'activistes de diverses organisations qui tient une ligne de piquetage et distribue des tracts depuis plusieurs semaines au centre-ville de Toronto, a lancé à l'Université de Toronto la pétition pour la paix et contre la guerre et l'agression sur la péninsule coréenne.

La pétition a reçu un large appui parmi les jeunes et les étudiants. Beaucoup se sont arrêtés pour parler et ont exprimé leur préoccupation au sujet du danger d'une guerre qui pourrait éclater sur la péninsule coréenne. Un jeune qui étudie l'histoire à l'université a fait remarquer qu'il est difficile de savoir ce qui se passe sur la péninsule coréenne et que les médias sont remplis d'informations qui dépeignent sous un mauvais jour la situation en République populaire démocratique de Corée (RPDC) alors que rien n'est dit pour s'opposer au président américain Trump et à ses menaces contre ce pays. Un autre groupe d'étudiants du programme d'études est-asiatiques s'est arrêté pour signer la pétition et a mentionné qu'ils discutent justement dans leurs cours en ce moment des événements qui se produisent en Corée. Les étudiants ont été surpris et heureux d'apprendre qu'un groupe prend position contre la guerre dans cette partie du monde. Un autre étudiant diplômé s'est arrêté pour signer la pétition et a dit apprécier que quelque chose soit fait pour informer les gens de la situation instable qui existe sur la péninsule coréenne et il a ajouté que les piqueteurs prennent une position courageuse et importante.

Les membres du comité qui ont pris part au piquet ont pu voir que le lancement de la pétition a clairement attiré l'attention des étudiants. H.P. Chung, l'un des membres les plus actifs, né en République populaire démocratique de Corée et dont la famille a été déchirée par la division américaine de la Corée et la guerre de Corée, a été encouragé par la réponse chaleureuse à la pétition et le fait que de nombreux jeunes se soient avancés pour la signer. Plus de 200 étudiants ont pris le tract distribué lors du piquet.

Le Comité demande à tous les Canadiens d'adopter comme la leur la pétition canadienne pour la paix et de la diffuser largement. Alors que les dangers d'une autre guerre d'agression américaine s'accumulent autour de la péninsule coréenne, il est urgent que tous les Canadiens épris de paix et de justice adoptent une position ferme et de principe en faveur de la paix sur la péninsule coréenne, s'opposent aux préparatifs de guerre américains et aux actes d'agression du gouvernement canadien contre la RPDC, qui ne favorisent pas la paix sur la péninsule coréenne. Au lieu de cela, le gouvernement canadien devrait lever toutes les sanctions contre la RPDC et normaliser les relations avec ce pays, ce qui serait une bonne contribution à la consolidation de la paix sur la péninsule coréenne.

Faisons un succès de la pétition canadienne pour la paix et contre la guerre
et l'agression sur la péninsule coréenne !

Pour obtenir une copie imprimable de la pétition et la faire circuler, cliquer ici.

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Les patriotes coréens vivant à l'étranger
affirment la voie de la paix et de l'unification
au rassemblement de Moscou

LML publie ci-dessous un rapport soumis par la Fédération coréenne du Canada sur une rencontre tenue le 3 septembre à Moscou pour marquer le dixième anniversaire de l'accord signé le 4 octobre entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et la République de Corée (RDC).

***

Une délégation canadienne a participé à une réunion commémorative marquant le 10e anniversaire de la déclaration du 4 octobre signée à Pyongyang en RPDC par Kim Jong Il, le dirigeant à l'époque de la République populaire démocratique de Corée, et le président d'alors de la République de Corée, Roh Moon-hyun.

Quelque 250 Coréens qui vivent en dehors de la péninsule coréenne ont participé à la réunion. Le principal groupe de délégués à la réunion était composé de personnes de nationalité coréenne vivant en Russie. Outre notre délégation, d'autres participants sont venus des États-Unis, du Japon, d'Allemagne, du Kazakhstan, de Chine, d'Ouzbékistan et d'autres pays.

L'objectif principal de la réunion était de réaffirmer les principes et l'esprit de la Déclaration du 4 octobre qui renforce et élargit les principes énoncés dans l'historique Déclaration conjointe Nord-Sud du 15 juin signée à Pyongyang en 2000. Les participants à la rencontre ont affirmé que ces deux accords conclus dans un esprit de réconciliation et de paix entre le nord et le sud de la Corée demeurent valables aujourd'hui comme moyen de renforcer les relations inter-coréennes et de faire avancer la nation vers la réunification, ce qui est le désir ardent de tous les Coréens.

La réunion de Moscou a permis aux délégués de partager leurs points de vue sur la meilleure manière de contribuer aujourd'hui à la consolidation de la paix sur la péninsule coréenne, en particulier face à la situation complexe que vit le peuple coréen et aux dangers de guerre contre la RPDC.

L'objectif principal du rassemblement a été d'affirmer le droit du peuple coréen à vivre en paix et la décision principale a été que la diaspora coréenne dans tous les pays intensifie ses efforts en faveur de la paix et de la justice sur la péninsule coréenne. Les participants se sont engagés à s'opposer aux menaces et aux exercices militaires en cours contre la RPDC, à l'accumulation d'armes stratégiques en Corée du sud et à la poursuite de la militarisation de la péninsule coréenne par les États-Unis.

La conférence d'une journée s'est terminée par un programme culturel et un souper.

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Ne touchez pas à l'Iran !

Exigeons des solutions politiques et non militaires

Le président Trump a déclaré qu'il ne certifiera pas les progrès réalisés par l'Iran dans l'application de l'accord nucléaire de 2015, appelé Plan d'action global conjoint. Cette certification est requise par la loi à tous les 90 jours et la dernière échéance était le 15 octobre. Trump a consenti à le faire deux fois auparavant et a maintenant décidé qu'il ne le fera plus. Il presse également le Congrès d'adopter une loi dans les 60 jours pour de nouveau imposer des sanctions à l'Iran, ce qui contrevient directement à l'accord. Les deux gestes sont considérés comme un pas vers la guerre avec l'Iran et font l'objet d'une grande opposition aux États-Unis et dans le monde.

Trump refuse de certifier les progrès de l'Iran bien que l'Agence internationale de l'énergie atomique ait confirmé que l'Iran respecte ses engagements. Le secrétaire à la Défense James Mattis a lui-même dit que le maintien de l'accord avec l'Iran était « dans l'intérêt de la sécurité nationale des États-Unis ». Les dissensions qui font jour dans l'exécutif à ce sujet sont un autre signe d'une crise sérieuse au sein des cercles dirigeants américains. Les mécanismes de résolution des différends, comme un Congrès, des partis politiques et des élections fonctionnels, ne contribuent plus à cet objectif. Les différentes factions au sein de l'exécutif et de l'armée et les services de renseignement et entre ces instances rivalisent entre elles, sinon font front commun, comme des cartels mafieux. La situation est telle que le président, qui est commandant en chef de l'armée, est ouvertement contredit par les généraux. Tout cela crée une situation dangereuse et accroît la possibilité d'une guerre élargie.

Le même phénomène se répète au niveau international. Le Plan global d'action conjoint a été négocié par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) plus l'Allemagne (P5+1) et l'Iran. La réaction de l'Union européenne aux gestes de Trump a été de rappeler qu'il ne peut pas abolir l'accord à lui-seul et qu'elle allait continuer de le respecter. La France et l'Allemagne en particulier ont leurs propres intérêts en Iran, comme en Syrie, et se heurtent depuis longtemps aux intérêts américains. La réponse de l'UE et sa disposition à tenir tête à Trump dans cette affaire sont le signe que la rivalité s'échauffe. La haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la sécurité, Frederica Mogherini, a dit quelques minutes après la sortie de Trump sur son refus de certifier le respect de l'accord par l'Iran qu'il ne s'agit pas d'un accord bilatéral et qu'« il n'appartient pas à un pays seul d'y mettre fin ». Elle a ajouté : « Nous ne pouvons pas nous permettre en tant que communauté internationale, et l'Europe à coup sûr, de démanteler un accord qui fonctionne et tient ses promesses. »

Pour justifier sa décision, Trump a repris l'approche américaine : « Ou bien vous êtes avec nous, ou bien vous êtes avec les terroristes. » Rappelons que selon cette logique ce sont les États-Unis qui décident qui est et qui n'est pas un terroriste. Dans son discours du 13 octobre, le président américain a dit que l'Iran « reste le premier État qui parraine le terrorisme dans le monde et il fournit de l'aide à Al-Qaïda, aux Talibans, au Hezbollah, au Hamas et à d'autres réseaux terroristes ». Il a ajouté : « Ce régime alimente les violences sectaires en Irak, ainsi que des guerres civiles au Yémen et en Syrie. » L'Iran est qualifié de terroriste tandis que les États-Unis, le plus grand terroriste du monde avec ses attaques aux drones, ses assassinats ciblés, ses bombardements et l'utilisation d'armes chimiques comme le phosphore blanc et l'uranium appauvri, serait le protecteur du monde. Des organisations comme le Hezbollah au Liban et le Hamas en Palestine sont qualifiées de terroristes tandis qu'Israël qui, avec le soutien des États-Unis, se livre régulièrement à des massacres et au génocide, ne le serait pas. L'Iran est blâmé pour les guerres au Yémen et en Syrie alors que ce sont les États-Unis qui les ont provoquées, notamment par le financement et l'armement de groupes terroristes en Syrie. Trump ne se soucie pas qu'on le croit ou non, il veut seulement que le diktat que ce sont les États-Unis qui décident de tout soit accepté. Tous, y compris l'Union européenne, doivent se soumettre à la décision des États-Unis sur qui est et qui n'est pas un terroriste sous peine de subir leurs foudres comme l'Iran et la Corée.

Les actions de Trump montrent également que les États-Unis n'ont pas d'autres solutions que l'usage de la force. La diplomatie et les solutions politiques sont écartées dans la mesure où la primauté du droit est écartée et qu'un gouvernement de pouvoirs de police est imposé. Les pouvoirs de police sont par définition le recours arbitraire à la force impunément contre quiconque ne se soumet pas.

Comme les guerres et les agressions américaines l'ont toutes démontré, l'usage de la force n'est pas une solution et ne fait que rendre la situation plus difficile encore. Pour que les solutions politiques priment, les peuples doivent développer leur politique indépendante et leur opposition à la guerre. L'Iran, par exemple, a demandé que le Moyen-Orient soit déclaré zone libérée d'armes nucléaires et il appuie le traité de l'ONU interdisant les armes nucléaires et la criminalisation de leur possession et utilisation. Joignons-nous à l'Iran en faveur d'un Moyen-Orient libre des armes nucléaires ! Joignons nos forces pour se donner un gouvernement antiguerre aux États-Unis et un processus politique qui pave la voie à un gouvernement antiguerre. La diplomatie et les solutions politiques sont nécessaires et ce sont les propres efforts d'organisation des peuples qui les rendront possibles.

(Traduit de l'anglais par LML )

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L'Espagne place la Catalogne sous son autorité directe

Appuyons le droit des Catalans de
décider de leur avenir! Non à la prise de contrôle par le gouvernement espagnol!


Célébrations à Barcelone pendant que le parlement catalan vote pour l'indépendance,
le 27 octobre 2017

Le 28 octobre, le gouvernement espagnol a placé la région autonome de Catalogne sous son autorité directe en ayant recours à l'Article 155 de la constitution de l'Espagne. Le premier ministre espagnol Mariano Rajoy a maintenant remplacé le président catalan Carles Puigdemont, dissous le parlement régional et appelé à une élection générale le 21 décembre. Le gouvernement Rajoy, connu pour ses mesures anti-peuple, s'est montré incapable de résoudre la crise politiquement et a refusé toutes les invitations au dialogue. Puigdemont et les 12 membres du cabinet catalan ne seront plus payés et pourraient être accusés d'usurpation de fonctions s'ils refusent d'obéir, rapportent les agences de nouvelles. Lors d'un bref discours télévisé à 14h30, Puigdemont a rejeté cette prise de contrôle et appelé les Catalans à s'y opposer pacifiquement. Il a dit que seul le parlement régional peut élire ou renvoyer le parlement catalan et que « nous allons continuer à travailler à bâtir un pays libre ».

Le directeur de la police régionale catalane, qui a lui aussi été limogé, a émis une déclaration dans laquelle il dit qu'il va se conformer à la décision de le congédier. La police régionale catalane a tweeté plus tard dans la journée que « protéger et garantir la sécurité de la population est notre priorité. Nous continuons à travailler normalement ». Les 17 000 membres de la police catalane avaient refusé de participer à la violence de l'État perpétrée par la police nationale espagnole pour empêcher la tenue du référendum du 1er octobre.

Le Marxiste-Léniniste lance un appel à tous d'appuyer le droit des Catalans de décider de leur avenir et dénonce la prise de contrôle du gouvernement catalan par le gouvernement espagnol et les menaces continues de répression et de violence de l'État de la part du gouvernement espagnol.

L'imposition de l'autorité directe du gouvernement espagnol sur la Catalogne s'est produite peu après le vote formel du parlement catalan en faveur de l'indépendance face à l'Espagne le 27 octobre. Ce vote a été un autre acte de défi envers le parlement espagnol qui avait escaladé la répression étatique pour criminaliser le droit des Catalans de décider de leur avenir. Cette répression a atteint un point culminant avec la violence policière massive qui a précédé et suivi le référendum non contraignant du 1er octobre, au cours duquel près de 1 000 personnes ont été blessées. Lors du référendum, 43 % des électeurs ont voté dont 90 % en faveur de l'indépendance. Plus récemment, le 17 octobre, la Haute Cour d'Espagne a ordonné que les dirigeants de l'Assemblée nationale catalane (ANC) et du groupe Omnium pour l'indépendance soient détenus sans caution en attendant une enquête pour sédition présumée en lien avec l'organisation du référendum du 1er octobre et des manifestations contre la répression d'État.

Juste avant le vote du 27 octobre, les députés des trois partis opposés à l'indépendance se sont retirés. Ceux qui sont restés ont voté 70 en faveur de l'indépendance, 10 contre, avec deux bulletins blancs. Le vote a été un scrutin secret pour se prémunir contre toute tentative de l'État espagnol de poursuivre ceux qui ont voté en faveur de l'indépendance. Le parlement catalan compte 135 sièges, dont 72 détenus par une coalition de partis favorables à l'indépendance. Auparavant, le président catalan Carles Puidgemont, tout en reconnaissant le résultat du 1er octobre, avait refusé de déclarer officiellement l'indépendance, et avait plutôt proposé que les effets d'une déclaration d'indépendance soient suspendus pendant deux mois pour permettre une période de dialogue.


Le parlement catalan vote pour l'indépendance par rapport à l'Espagne le 27 octobre 2017.

Dans la même veine, le 27 octobre, peu après le vote au Parlement catalan, le Sénat espagnol a autorisé le gouvernement Rajoy à appliquer l'article 155 de la Constitution. Cet article permet au gouvernement national de mettre l'une des 17 communautés autonomes et deux villes autonomes qui composent les gouvernements régionaux de l'Espagne sous autorité directe du gouvernement central.

Les communautés autonomes, qui correspondent à des régions et/ou des nations historiques au sein de l'Espagne, exercent l'autonomie dans les limites de la constitution espagnole et de leur statut autonome. La constitution espagnole actuelle a vu le jour en 1978 après la fin de la dictature de Franco. Elle stipule à l'article 155 « l'exercice par le Gouvernement des obligations des Communautés en cas de non-respect ». L'article 155 se lit :

« 1. Si une Communauté autonome ne remplit pas les obligations que la Constitution ou d'autres lois lui imposent ou si elle agit de façon à porter gravement atteinte à l'intérêt général de l'Espagne, le Gouvernement, après avoir préalablement mis en demeure le président de la Communauté autonome et si cette mise en demeure n'aboutit pas, pourra, avec l'approbation de la majorité absolue du Sénat, prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l'intérêt général mentionné.

« 2. En vue de la mise en oeuvre des mesures prévues au paragraphe précédent, le gouvernement peut donner des directives à toutes les autorités des Communautés autonomes. »[1]


Les Catalans célèbrent le vote pour l'indépendance le 27 octobre 2017.

Note

1. http://www.congreso.es/constitucion/ficheros/c78/cons_fran.pdf

(Sources : Quartz, BBC, Reuters, Guardian, Associated Press, New York Times. Photos: Catalan News, The Pileus, M. Yiannopfans)

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Vote à l'ONU contre le blocus de Cuba par les États-Unis

Actions le 1er novembre contre
le blocus tous azimuts

Le blocus étasunien de Cuba doit être levé!


Piquet à Montréal le 17 septembre 2017 pour exiger la levée du blocus
étasunien de Cuba

CALENDRIER D'ÉVÉNEMENTS


Le 1er novembre il y aura une journée internationale de protestations contre le blocus étasunien de Cuba à l'occasion du vote annuel contre le blocus à l'Assemblée générale de l'ONU. Le Réseau canadien pour Cuba (RCC) a lancé un appel aux groupes membres et à tous les Canadiens à participer à cette journée internationale en organisant des actions dans leur ville ou communauté.

Les récentes interventions du régime Trump soulignent l'importance des protestations du 1er novembre, écrit le RCC. L'administration Trump a expulsé 15 diplomates de l'Ambassade de Cuba à Washington et a suspendu le traitement de tout visa pour Cubains invités aux États-Unis ou désirant visiter les États-Unis. « Le régime Trump cherche par tous les moyens à fabriquer une crise diplomatique mais Cuba nie vigoureusement toute responsabilité dans les cas de problèmes de santé rapportés concernant certains diplomates américains et canadiens », fait remarquer le RCC.

« L'ONU rejette depuis 25 années consécutives les tentatives des États-Unis d'imposer leur volonté impériale à Cuba par la force à l'aide d'un blocus commercial, économique et financier. Cela démontre non seulement l'opposition implacable du monde à la politique criminelle des États-Unis à cet égard, mais aussi l'ampleur du soutien et du respect dont jouit Cuba dans le monde. »

La lutte pour mettre fin à la guerre économique des États-Unis contre Cuba continue. Le blocus « est une violation flagrante du droit international et constitue le principal obstacle au développement social de l'île, rappelle le RCC. Dans cette lutte, les nations et les peuples du monde, représentant la vaste majorité de l'humanité, ont déclaré d'une seule voix qu'ils sont du côté de Cuba. »

Entre-temps, la Mission permanente de Cuba à l'ONU fait remarquer dans un communiqué de presse publié le 25 octobre que le blocus n'est pas une affaire qui concerne seulement Cuba et les États-Unis puisqu'il a un impact sur tous les pays. Le blocus économique, commercial et financier de Cuba par les États-Unis « a une forte composante extraterritoriale qui affecte les relations des entreprises cubaines avec des entreprises dans des pays tiers », rappelle le communiqué qui cite ensuite les exemples suivants :

« 9 septembre 2016 : à cause des règlementations du blocus, la banque hollandaise Rabobank annule ses services financiers en rapport avec Cuba à l'entreprise Vereenigde Octrooibureaux (V.O.) qui est chargée de rénover les brevets du groupe entrepreneurial cubain BIOCUFARMA, si bien que ce dernier ne pourra plus lui verser les paiements concernant le maintien en Europe d'une quantité considérable d'inventions scientifiques associées à des produits biopharmaceutiques.

« 27 septembre 2016 : on apprend que, de juillet à septembre, six banques installées au Pakistan ont refusé à Cuba, parce que pays sanctionné par les USA, l'ouverture d'une lettre de crédit que la société pakistanaise de biotechnologie Macter International avait réclamée à la société cubaine Heber Biotec pour pouvoir acheter cent mille vaccins contre l'hépatite B.

« 7 octobre 2016 : L'Union des banques suisses refuse un virement de 20 000 francs suisses provenant de Cuba et destiné à payer la contribution annuelle de l'Assemblé nationale du pouvoir populaire à l'Union interparlementaire dont le siège est à Genève (Suisse).

« 31 octobre 2016 : la banque belge Fintro, filiale du groupe BNP Paribas-Fortis, refuse un virement d'un Belge à un Cubain sinistré du cyclone Matthew. BNP Paribas s'est vu infliger par l'OFAC, en 2014, une amende de 8 970 000 000 de dollars pour violation des sanctions visant Cuba, l'Iran, Myanmar et le Soudan. D'autres succursales de BNP Paribas ont refusé, à cause du blocus, un virement de 9 310 dollars d'un Belge à l'entreprise cubaine Ecotur S.A. ou ont refusé de financer une campagne publicitaire de l'agence de communication belge ECL-TMS parce que le client final est Cuba et que cette banque ne peut réaliser aucune opération ayant à voir avec l'île, pays sous sanction.

« 23 décembre 2016 : la succursale malaise de la société japonaise Tokyo Marine Insurance refuse de renouveler la police d'assurance concernant les véhicules de l'ambassade cubaine à cause des sanctions infligées à Cuba.

« 10 avril 2017 : la succursale canadienne de la société étasunienne Expedia interrompt les négociations en cours avec l'agence de voyage Hola Sun, représentante au Canada de la société Havanatur, en vue de parvenir à un accord de vente de billets d'avion vers Cuba, sous prétexte que Hola Sun apparaît sur la liste des Specially Designated Nationals and Blocked Persons de l'OFAC. »

Tous aux actions du 1er novembre pour protester contre le blocus étasunien de Cuba !
Non au blocus !


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Cuba publie son rapport annuel sur
les dommages causés par le blocus

Le blocus économique, commercial et financier exercé par le gouvernement des États-Unis contre Cuba depuis déjà près de 60 ans persiste et continue de causer des préjudices au peuple cubain et d'entraver le développement économique du pays.

Le 16 juin 2017, le président Donald Trump a signé le Mémorandum présidentiel de Sécurité nationale sur le renforcement de la politique des États-Unis à l'égard de Cuba, un décret dont l'un des principaux objectifs est de durcir le blocus contre l'île.

Le président Trump a, dans ce but, annoncé de nouvelles mesures coercitives contre Cuba et en a révoqué d'autres que son prédécesseur avait adoptées en vue de modifier certains aspects du blocus en matière de voyages et de commerce.

Il a également abrogé le décret présidentiel intitulé : Normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba par lequel le président Barack Obama avait reconnu, le 14 octobre 2016, que le blocus était une politique dépassée qu'il fallait éliminer.

Bien que le département du Trésor des États-Unis ait annoncé le 15 mars 2016 que Cuba pourrait désormais utiliser le dollar dans ses transactions internationales et que des banques étasuniennes octroieraient des crédits aux importateurs cubains pour acheter les produits étasuniens autorisés, Cuba n'a pas pu réaliser à ce jour la moindre opération internationale d'envergure dans cette monnaie.

Dans le Rapport de Cuba sur la résolution 71/5 de l'Assemblée générale des Nations unies intitulée Nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba par les États-Unis d'Amérique - Juin 2017, il est démontré que le blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba constitue le plus gros obstacle à la mise en oeuvre du Plan national de développement économique et social et en général au développement de toutes les potentialités économiques et du bien-être du peuple cubain, ainsi qu'aux relations économiques, commerciales et financières du pays avec les États-Unis et le reste du monde.

Le document explique pourquoi les mesures adoptées par l'administration Obama durant ses deux dernières années de mandat ont eu une portée limitée.

Les préjudices provoqués par presque soixante ans de blocus se chiffrent à 822 280 000 000 dollars, compte tenu de la dépréciation du dollar face à l'étalon-or sur le marché international, et à plus de 130 178 600 000 dollars à prix courants.

Durant la période que couvre ce Rapport, le blocus a causé des pertes s'élevant à 4 305 400 000 dollars. Pour situer ce chiffre en perspective, il suffit de dire que le ministère cubain de l'Économie et de la Planification a estimé que le pays avait besoin de deux à deux milliards et demi de dollars d'investissements étrangers directs par an pour assurer son développement économique. Autrement dit, le coût du blocus représente environ le double des investissements dont Cuba a besoin chaque année pour développer son économie.

Il est urgent que les États-Unis respectent les 25 résolutions adoptées par la communauté internationale représentée à l'Assemblée générale des Nations unies, dont les États membres réclament la fin de cette politique absurde et la levée unilatérale et inconditionnelle du blocus.

Indépendamment des mesures adoptées par l'administration Obama en 2015 et 2016 afin de modifier certains aspects pratiques du blocus, les lois et réglementations le sous-tendant restent en vigueur et sont appliquées par les agences du gouvernement étasunien, notamment par le département du Trésor et le département du Commerce, et, tout particulièrement, par l'Office of Foreign Assets Control (Office de contrôle des avoirs étrangers, OFAC).

En 2015 et 2016, l'administration du président Obama a mis en vigueur plusieurs mesures visant à modifier l'application de certaines dispositions du blocus, et même si elles ont constitué des pas positifs, elles se sont révélées insuffisantes en raison des entraves importantes à leur mise en oeuvre, et de la persistance d'éléments clés du blocus, ainsi que de nombreuses restrictions découlant de cette politique.

Le durcissement du système de sanctions des États-Unis contre Cuba marque un recul dans les relations bilatérales et dresse de nouveaux obstacles aux liens économiques et commerciaux déjà fort limitées et rares entre les deux pays. Les mesures adoptées par l'administration Trump non seulement entraîneront une réduction des voyages de citoyens de ce pays à Cuba mais imposeront de nouvelles prohibitions au secteur étasunien des entreprises et en lèsera les intérêts.

Le blocus a aussi porté préjudice aux échanges universitaires et scientifiques entre médecins et techniciens de la santé des deux pays, à cause du retard avec lequel les autorités pertinentes délivrent les visas nécessaires pour assister à des rencontres organisées aux États-Unis

Les pertes monétaires accumulées dans le secteur de la santé depuis que cette politique a été mise en place se chiffrent à 2 711 600 000 dollars, et pour la période analysée à plus de 87 millions de dollars.

Le blocus entrave les programmes cubains visant à assurer une éducation de qualité, universelle et gratuite à tous les niveaux, le secteur de l'éducation ayant enregistré des préjudices durant la période analysée se montant à 2 832 830 dollars.

L'industrie touristique enregistre aussi de lourdes pertes à cause du blocus, chiffrées pour la période concernée à 1 701 960 000 dollars.

Les communications et l'informatique, dont les télécommunications, ont également enregistré durant cette période des pertes évaluées à 768 922 110 dollars, soit 9 713 000 dollars de plus que pour la période précédente.

Pour Cuba, le développement intégral de l'industrie constitue une priorité dans la mesure où celle-ci concerne les secteurs stratégiques envisagés dans le Plan national de développement économique et social à l'horizon 2030, mais ils sont touchés eux aussi par le blocus, les pertes financières s'élevant à 59 225 936 dollars.

Le blocus contre Cuba doit cesser. Il s'agit du système de sanctions unilatérales le plus injuste, le plus sévère et le plus long jamais appliqué à un pays. À vingt-cinq reprises, l'Assemblée générale des Nations unies s'est prononcée à une majorité écrasante pour le respect du Droit international et l'application des buts et principes de sa Charte.

L'administration des États-Unis doit éliminer le blocus totalement, unilatéralement et inconditionnellement, ce qui serait en accord avec la demande de la quasi-totalité de la communauté internationale et avec l'opinion largement majoritaire de ceux qui, aux États-Unis mêmes, réclament la fin de cette politique injuste.

(Informations tirées du Rapport de Cuba sur la Résolution 71/5 de l'Assemblée générale des Nations unies intitulée Nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis d'Amérique ).

(24 octobre 2017)

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Le 100e anniversaire de la Déclaration Balfour

Palestine: nettoyage ethnique et dépossession (extraits)


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C'était le 2 novembre 1917 lorsqu'Arthur Balfour, le ministre britannique des Affaires étrangères, a publié sa déclaration infâme sous la forme d'une lettre écrite à lord Rothschild. On pouvait y lire :

« Le gouvernement de Sa Majesté considère favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif ..., qu'il soit clairement entendu que rien ne doit être fait qui puisse porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives existantes en Palestine. »

Il est intéressant de noter que le mot de cinq lettres « arabe » n'apparaît pas une seule fois dans ce document. Faire référence aux Arabes qui constituaient à l'époque 92 % de la population de la Palestine et possédaient 98 % de ses terres, en tant que communautés non juives, n'est pas simplement absurde mais délibérément frauduleux. Je n'ai pas besoin de vous dire que cette lettre n'a pas la moindre légalité car ce n'est pas à Balfour de prendre sur soi de tels actes de générosité envers la Palestine. Selon le Dr Arnold Toynbee, la publication de ce document décrit bien le rôle britannique :

« Nous avions pris l'initiative de donner quelque chose qui n'était pas à nous, nous promettions à un tiers des droits quelconques dans un pays constitué d'Arabes palestiniens. »

De même, l'écrivain juif bien connu, Arthur Koestler, l'a bien résumé lorsqu'il a décrit la Déclaration Balfour comme un document dans lequel « une nation a promis à une seconde le pays appartenant à une troisième nation ».

Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution no 181 qui recommande la partition de la Palestine en un État juif qui regroupe 56 % des terres, un État arabe sur 42 % des terres et une zone internationale à Jérusalem. À l'époque, les juifs dont une grande partie étaient des immigrants récents ou illégaux, constituaient le tiers de la population palestinienne et possédaient 5,6 % de ses terres. Dans la région qui a été attribuée à l'État juif, la moitié de la population était arabe (musulmans et chrétiens) et la moitié était juive.

Il est intéressant de noter que les temps n'ont pas changé depuis 1947 lorsque les États-Unis ont obtenu que l'Assemblée générale retarde le vote « pour gagner du temps afin d'aligner selon leurs propres opinions et par coercition, certains pays latino-américains, asiatiques et africains ». Le sous-secrétaire d'État Sumner Welles déclarait :

« Par ordre direct de la Maison-Blanche, toute forme de pression, directe et indirecte, a été utilisée pour s'assurer que la majorité nécessaire soit acquise. »

Par la suite, des combats ont éclaté entre Arabes et Juifs et au début de 1949, à la fin des combats, Israël occupait 78 % de la Palestine et environ 750 000 Palestiniens terrorisés ont été chassés ou ont fui leurs foyers.

La genèse de cet exode émane du concept inhérent à l'idéologie sioniste qui consiste à créer un État uniquement juif en Palestine, libéré des Arabes. Le puissant ordre du jour politique qui existe actuellement en Israël, tel que la politique du « transfert des Palestiniens » d'Israël et des territoires occupés, n'est pas nouveau. En 1897, Theodor Herzl y fait allusion dans ses notes personnelles, à l'occasion du premier congrès sioniste mondial à Bâle, en Suisse, où il présente ses plans pour créer un État juif en Palestine :

« Nous essaierons de repousser la population pauvre (arabe) de l'autre côté de la frontière en lui procurant de l'emploi dans les pays de transit, tout en lui refusant tout emploi dans son propre pays ... Le processus d'expropriation et de déplacement des pauvres doit être effectué discrètement et avec circonspection. »[1]

Ben Gourion, dans un discours prononcé au plénum du 20e Congrès sioniste à Zurich le 7 août 1937, déclarait :

« Le transfert d'habitants (arabes) a eu lieu par le passé, dans la vallée (Jerzeel), dans le Sharon (la plaine côtière) et dans d'autres endroits. Nous connaissons les actions du Fonds national juif à cet égard. Maintenant le transfert doit s'organiser à une échelle beaucoup plus importante. Dans de nombreuses parties du pays, de nouvelles implantations juives ne seront possibles que si la paysannerie arabe est transférée... Le transfert de la population est ce qui rend possible un plan très vaste de peuplement (juif). Heureusement, le peuple arabe possède de grandes zones vides (à l'extérieur de la Palestine). Le pouvoir juif dans le pays, qui ne cesse de croître, augmentera également nos possibilités de mener le transfert à grande échelle. Vous devez vous rappeler que cette méthode contient une idée sioniste et humaine importante, de déplacer des parties d'un peuple (c'est-à-dire, les Arabes de Palestine) vers leur propre pays et de les installer sur des terres inoccupées [en Syrie, en Transjordanie et en Irak]. »[2]

Encore une fois, le fait d'expulser un peuple de sa patrie, nous dit-on maintenant, est une « idée sioniste humaine ». Le professeur Israël Shahak l'a bien résumé :

« Vous ne pouvez pas avoir de sionisme humain, c'est en soi une contradiction. »

Dans une lettre adressée en 1937 à son fils Amos, Ben Gourion lui confie que lorsque l'État juif sera créé, « nous expulserons les Arabes et prendrons leur place ». En visite en juillet 1948 dans la nouvelle Nazareth conquise, Ben Gourion s'est exclamé : « Pourquoi y a-t-il tant d'Arabes ici, pourquoi ne les as-tu pas expulsés ?  »

Joseph Weitz, qui a été le représentant en chef de l'Agence juive, rapporte dans l'édition du 29 septembre 1967 de Davar, l'organe de l'Histadrout, que lui et d'autres dirigeants sionistes avaient conclu, en 1940, « qu'il n'y avait pas de place pour les deux peuples dans ce pays ». Il en vient à conclure que la réalisation des objectifs sionistes exigeait « une Palestine, ou au moins la Palestine occidentale (à l'ouest du Jourdain) sans les Arabes ». Il a écrit qu'il fallait « transférer les Arabes d'ici vers les pays voisins, les transférer tous et seulement après ce transfert, le pays pourrait absorber des millions de nos frères ». Voilà, en substance, le fondement de la politique du « nettoyage ethnique » que les forces sionistes ont adoptée en 1948 pour éliminer, par le massacre, ou la menace de massacre, et par la guerre psychologique, pratiquement toute la population arabe dans la région. Le territoire palestinien qu'ils ont conquis par des moyens militaires représente 78 % de la Palestine.




La Naqba de 1948 - expulsion de masse forcée de Palestiniens par les sionistes

Le 9 avril 1948, le massacre du village de Deir Yassin près de Jérusalem, où 250 hommes, femmes et enfants ont été assassinés de sang-froid et massacrés par le groupe terroriste Irgun Zwei Leumi, avec l'approbation du commandant des forces sionistes officielles à Jérusalem, David Shaltiel ; comme l'a récemment documenté Yitzhak Levi, un officier vétéran du renseignement israélien, où la Haganah a joué un rôle décisif dans cette expulsion. Ironiquement, le village de Deir Yassin avait conclu un accord de paix avec ses voisins juifs de Givat Shaul. Ce massacre n'était pas unique et de nombreux massacres similaires ont été perpétrés par les forces sionistes et les forces israéliennes pendant cette guerre. Un article paru le 6 mai 1992 dans le journal de Tel Aviv Hair, écrit par Guy Erlich, documente des preuves rassemblées par le journaliste juif américain Dan Kortzman, auteur de Genesis 1948, et l'historien Ariyeh Yitzhaki, d'au moins vingt grands massacres d'Arabes et de plus d'une centaine de massacres commis par les forces israéliennes. Yitzhaki déclare :

« Pour beaucoup d'Israéliens, c'était facile de s'accrocher à la fausse prétention que les Arabes avaient quitté le pays parce que c'était ce que leurs dirigeants avaient ordonné. C'est un mensonge total. La cause fondamentale de la fuite des Arabes a été la peur de la violence des Israéliens, et cette peur était fondée dans la réalité. »

L'historien Uri Milstein, célébré en Israël comme celui qui dissipe les mythes, confirme l'évaluation de Yitzhaki concernant l'ampleur des massacres et va même plus loin :

« Si Yitzhaki prétend qu'il y avait des meurtres dans presque tous les villages, puis-je dire que jusqu'à la création d'Israël tous les cas de combats ont pris fin par un massacre d'Arabes. Il y a eu des massacres d'Arabes durant toutes les guerres d'Israël, mais je ne doute pas que la guerre d'Indépendance ait été la plus sale. »

Dans le village de Duweima, un village arabe près d'Hébron, occupé sans combat par le bataillon 89 de la 8e brigade, quelque 80 à 100 civils ont été assassinés de sang-froid par les occupants. Plus tard, encore plus de civils ont été assassinés. Dans le village de Safsaf :

« Cinquante-deux hommes ont été attachés avec une corde, descendus dans une fosse et abattus. Dix ont été tués. Des femmes ont demandé grâce. Il y a eu trois cas de viol dont le viol d'une jeune fille de quatorze ans et quatre autres personnes ont été tuées. »

La politique de massacre comprenait entre autres une campagne de guerre psychologique, dont la terreur pour forcer les Palestiniens à fuir. Leo Heiman, officier de la Réserve de l'armée israélienne qui a combattu en 1948, écrit en juin 1964 dans Marine Corp Gazette :

« Alors qu'une panique incontrôlée se répandait dans tous les quartiers arabes, les Israéliens ont fait venir des jeeps surmontés de haut-parleurs qui diffusaient des enregistrements de 'sons d'horreur'. Ceux-ci comprenaient des cris, des gémissements et des lamentations remplies d'angoisse de femmes arabes, les hurlements de sirènes et le bruit des cloches d'alarme d'incendie, interrompus par une voix sépulcrale qui disait en arabe 'sauver vos âmes, vous les fidèles : les Juifs utilisent des gaz toxiques et des armes atomiques. Sauvez-vous, au nom d'Allah ! »

Des méthodes plus subtiles de guerre psychologique ont été utilisées par Yigal Allon, le commandant du Palmach, une force d'élite de la Haganah, qui est devenu plus tard ministre israélien des Affaires étrangères. Il écrit en 1948 dans Ha Sepher Ha Palmach  :

« J'ai rassemblé tous les mukhtars juifs (chefs), qui ont des contacts avec les Arabes dans différents villages, et leur ai demandé de chuchoter aux oreilles de certains Arabes qu'un grand renfort juif est arrivé en Galilée et qu'il va brûler tous les villages de la Houla. Ils devraient conseiller à ces Arabes, à titre d'amis, de s'échapper pendant qu'il est encore temps. La rumeur s'est répandue dans toutes les régions de la Houla. La tactique a atteint entièrement son but. »

Lorsque les Arabes n'ont pas réussi à fuir, comme c'était escompté, une combinaison de terreur et d'expulsion physique a été utilisée, comme dans le cas des villes de Lydda et Ramleh qui ont été occupées le 10 juillet 1948. Yitzhak Rabin le rapporte dans ses mémoires publiées dans l'édition du 23 octobre 1979 du New York Times  :

« Alors que les combats étaient encore en cours, nous devions nous attaquer au problème de la population civile, qui comptait environ 50 000 personnes. Nous sommes allés marcher à l'extérieur, Ben Gourion nous a accompagnés et Allon a réitéré sa question : 'Qu'est-ce qu'on doit faire de la population ?' B.G. a agité la main dans un geste qui disait : ‘Chasse-les !' »

Un des crimes de guerre israéliens s'est produit à cet endroit. Après la reddition de Lydda, un groupe d'hommes palestiniens s'est réfugié dans la petite mosquée Dahmash. Le commandant du troisième bataillon du Palmach, Moshe Kalman, a donné l'ordre de tirer plusieurs missiles sur la mosquée. La force qui a attaqué la mosquée a été surprise par le manque de résistance. Ils ont trouvé les restes des combattants arabes accolés aux murs de la mosquée. Un groupe de 20 à 50 résidents de la ville a ensuite été amené pour nettoyer la mosquée et enterrer les restes. Quand ils ont terminé leur travail, ils ont également été abattus et jetés dans les tombes qu'ils avaient eux-mêmes creusées. Le journaliste juif américain Dan Kortzman a appris l'événement de Moshe Kalman en travaillant sur son livre, Genesis 1948, qui décrit la guerre de l'Indépendance.

« Rabin et ses officiers ont chassé ces 60 000 civils de leurs maisons par la terreur, avec des avions qui volaient à basse altitude au-dessus de leurs têtes tirant ici et là sur des personnes et les forçant à courir. Le spectacle d'hommes, femmes et enfants terrorisés qui fuyaient l'horreur sous un soleil de plomb, après avoir parcouru 25 km jusqu'au village de Beit Nuba, où je les ai vus de mes propres yeux, est une scène que je n'oublierai jamais. Tout cela réfute et contredit la propagande sioniste à l'effet que les Palestiniens ont quitté leurs foyers volontairement et en réponse aux appels lancés par leurs dirigeants. »

Il importe de rappeler que cette pièce de propagande sioniste a d'abord été démolie par le Dr Erskine Childers qui a examiné les enregistrements de surveillance américains et britanniques de toutes les émissions provenant du Moyen-Orient en 1948. En 1961, il rapporte dans le Spectator  :

« En 1948, il n'y a pas eu un seul ordre, appel ou suggestion d'évacuer la Palestine par aucune des stations de radio arabes, à l'intérieur ou à l'extérieur de la Palestine. Par contre, il y a de nombreux enregistrements d'appels et de directives transmis en arabe aux civils palestiniens de demeurer en place. »

Les documents historiques démontrent clairement que le problème des réfugiés de Palestine a été créé en réponse à une politique sioniste claire qui a consisté à expulser de la terre de Palestine son peuple. Chaim Weizmann, le premier président d'Israël, décrit ce processus avec beaucoup de satisfaction comme « le miraculeux défrichement de la terre  ». Cependant, le médiateur de l'ONU, le comte Folke Bernadotte de Suède, déclare dans un rapport présenté à l'ONU :

« Ce serait une offense aux principes de la justice élémentaire si ces innocentes victimes du conflit se voyaient refuser le droit de retourner chez elles alors que les immigrants juifs affluent en Palestine, et, en fait, pavent la voie à une menace, celle du remplacement permanent des réfugiés arabes qui ont été enracinés dans la terre pendant des siècles. »

Le comte Bernadotte a payé cher cet énoncé de principe évident : le 17 septembre 1948 il a été assassiné à Jérusalem par la bande terroriste Stern, sur les ordres directs de Yitzhak Shamir. Toutefois, l'Assemblée générale des Nations unies a décidé, le 11 décembre 1948, dans sa résolution no 194 :

« De permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers ».

L'application de cette résolution, ainsi que la résolution no 181 du 29 novembre 1947, ont été réaffirmées et ont été transformées en conditions d'admission d'Israël à l'ONU dans la résolution no 273 du 11 mai 1949.

Malgré cela et malgré les résolutions répétées de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité de l'ONU qui ont exigé la mise en oeuvre de la résolution no 194 sur le retour des réfugiés, Israël continue de défier cette volonté internationale et, essentiellement, on peut dire que son appartenance aux Nations unies est illégitime, compte tenu de son refus de respecter les conditions qui lui ont été imposées. Non seulement cela, Israël a procédé en 1967, après l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, à l'expulsion de plus de 300 000 réfugiés palestiniens de leurs foyers ou de camps de réfugiés. Beaucoup d'entre eux ont été essentiellement expulsés une deuxième fois. La résolution no 237 du Conseil de sécurité, en date du 14 juin 1967, invitait le gouvernement d'Israël à faciliter le retour de ces réfugiés, et les résolutions similaires de l'Assemblée générale des Nations unies à cet effet demeurent lettre morte.

Il est évident pour quiconque a été témoin de l'histoire de cette région, que les Palestiniens sont toujours déterminés à retourner dans leur patrie et que leur lutte continue malgré les massacres répétés et une politique orchestrée de génocide qui nie leur existence nationale. Leurs sacrifices ont été documentés et se poursuivent, malgré la politique israélienne de terrorisme d'État et le bombardement continu de leurs camps de réfugiés au Liban et les pratiques oppressives qui sont utilisées contre eux par l'occupation de la Cisjordanie et de Gaza. Le regretté Dr Frank Epp décrit la tragédie du peuple palestinien en ces termes :

« Rarement un peuple a souffert en silence tant d'injustices pendant si longtemps, en attendant que les puissances en place soient en mesure de réparer le mal infligé. »

De même, c'est le distingué philosophe lord Bertrand Russell qui a déclaré, lors d'une conférence internationale en 1970, ce qui suit :

« La tragédie du peuple palestinien est que son pays a été 'donné' par une puissance étrangère à un autre peuple pour la création d'un nouvel État, ce qui a eu pour résultat que des centaines de milliers d'innocents sont devenus d'une manière permanente sans foyer. Leur nombre augmente encore, et combien de temps encore le monde est-il prêt à endurer ce spectacle de cruauté gratuite ? Il est tout à fait évident que les réfugiés ont droit à une patrie d'où ils ont été chassés, et le déni de ce droit est au coeur du conflit qui persiste. Aucun peuple dans le monde n'accepterait d'être expulsé en masse de son pays ; comment quelqu'un pourrait-il exiger que le peuple de Palestine accepte une punition que personne d'autre ne tolérerait ? Une résolution juste et permanente de la question des réfugiés dans leur patrie est un ingrédient essentiel de tout véritable règlement au Moyen-Orient. »

Notes

 1. Extrait de R. Patai, éd., The Complete Diaries of Theodor Herzl, Vol I.

 2. Benny Morris, Looking Back : A personal assessment of the Zionist Experience, Tikkun. 13 : 40-49, 1998.

* Cet essai est extrait de Dossier on Palestine et a été présenté pour la première fois lors d'une allocution à la Conférence sur la Palestine, à Vancouver, le 23 mai 1999.

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