Le Marxiste-Léniniste

Numéro 29 - 29 juin 2017

Mettons fin au statut colonial de Porto Rico !

Oscar López Rivera témoigne devant le Comité des Nations unies sur la décolonisation

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Oscar López Rivera est chaleureusement applaudi lors de son témoignage devant le Comité spécial de l'ONU sur la décolonisation le 19 juin 2017.

Mettons fin au statut colonial de Porto Rico !
Oscar López Rivera témoigne devant le Comité des Nations unies sur la décolonisation
Un plébiscite fallacieux sur un statut d'État américain
Crise et colonialisme à Porto Rico - Olga Sanabria Davila


Mettons fin au statut colonial de Porto Rico !

Oscar López Rivera témoigne devant le Comité
des Nations unies sur la décolonisation

Le combattant pour l'indépendance portoricaine Oscar López Rivera, qui a été finalement libéré le 17 mai après 36 années passées en détention en tant que prisonnier politique, continue de mener la lutte pour le droit du peuple portoricain d'être souverain et pour mettre fin à l'exploitation coloniale par les États-Unis. Après avoir été accueilli en héros à Chicago et à New York le 19 juin, Oscar s'est adressé au Comité spécial sur la décolonisation de l'ONU. Dans ses remarques préliminaires, il a exprimé sa gratitude envers tous ceux qui ont épousé la cause de la libération nationale de Porto Rico et a transmis l'esprit indomptable du peuple portoricain qu'il incarne :

« J'ai passé cinq décennies à servir ce que je crois est la plus juste et noble cause que n'importe quel citoyen portoricain peut servir. Cela a été un acte d'amour et mon devoir en tant que citoyen. Et parce que je crois que lorsque l'on sert une cause juste et noble, ce n'est jamais un sacrifice même si cela signifie donner sa vie. Je dis cela pour que les gens sachent que pour moi, servir une cause juste et noble a été l'expérience la plus libératrice que j'aie vécue, et que malgré toutes les choses horribles qu'ils m'ont faites pendant les années que j'ai passées en prison, je suis rentré chez moi la tête haute, avec mon honneur, ma dignité et plus fort d'esprit que le jour où j'ai été envoyé en prison. »

La présence d'Oscar au comité n'aurait jamais été possible sans sa persévérance et celle de ses camarades, de ses compatriotes et des peuples du monde qui ont combattu pendant des décennies pour la libération de tous les prisonniers politiques et pour la juste cause de l'indépendance de Porto Rico. À cet égard, la présentation d'Oscar est une réalisation importante pour tous ceux qui sont concernés et un encouragement majeur à cette cause importante.

Le Marxiste-Léniniste salue Oscar López Rivera et le peuple héroïque de Porto Rico qui luttent pour la libération nationale et en appelle aux Canadiens à appuyer cette juste lutte. Elle est liée aux luttes qui se mènent au Canada, au Québec et dans le monde par le principe fondamental qui veut que les peuples doivent être les décideurs de toutes les affaires qui les concernent. LML transmet ses meilleurs voeux à Oscar à l'occasion de sa tournée des États-Unis et de la prochaine étape de sa vie alors qu'il continue de défendre les droits et la dignité du peuple portoricain.

La présentation d'Oscar devant le Comité spécial
des Nations unies

Porto Rico a été occupé en 1898 par les États-Unis comme butin de guerre, après que les États-Unis aient prévalu lors de la guerre hispano-américaine. La lutte du peuple portoricain pour sa libération nationale, déjà en cours, a été recentrée de l'Espagne sur les États-Unis. La demande que soit mis fin au statut de Porto Rico comme colonie américaine a été présentée à maintes reprises au Comité spécial de l'ONU par les Portoricains et appuyée par Cuba, le Venezuela et d'autres pays, et réitérée par le Comité par de nombreuses résolutions.

Dans sa présentation au comité, Oscar a souligné que même s'il n'y a plus de combattants pour l'indépendance de Porto Rico détenus comme prisonniers politiques dans les prisons américaines, il existe encore de nombreux prisonniers politiques aux États-Unis, notamment Ana Belen Montes, « qui a choisi de servir une cause juste et d'aller en prison plutôt que de faire le sale travail de l'Agence centrale du renseignement américain ». Il a souligné l'hypocrisie des États-Unis sur cette question, qui cherchent par exemple à faire libérer des criminels contre-révolutionnaires justement condamnés au Venezuela et qui refusent de traduire en justice « les terroristes embauchés par eux qui ont tué des independentistas au Porto Rico ou d'arrêter de pratiquer le crime du colonialisme et de permettre aux Portoricains d'exercer leur droit inaliénable à l'autodétermination et permettre à Porto Rico d'être une nation indépendante et souveraine ».

En ce qui concerne les crimes en cours commis par le colonialisme des États-Unis à Porto Rico, Oscar a souligné :

« Qu'est-ce que le colonialisme des États-Unis a fait à Porto Rico et au peuple portoricain ? Permettez-moi de partager avec vous certains des problèmes les plus dommageables causés par le colonialisme à Porto Rico, que j'ai observés depuis mon retour dans ma patrie bien-aimée. Aujourd'hui, il y a plus de cinq millions de Portoricains qui vivent dans la diaspora, alors qu'il y en a moins de trois millions et demi qui vivent à Porto Rico. J'ai retrouvé un Porto Rico sous le contrôle du Conseil fédéral de contrôle des finances imposé par le gouvernement des États-Unis [en 2016] qui a le pouvoir de dicter aux colonialistes qui administrent la colonie ce qu'ils doivent faire, surtout lorsqu'il s'agit du paiement de la dette de 72 milliards $ que Porto Rico doit aux banques et aux fonds spéculatifs. Et j'ai vu un processus accéléré de gentrification qui se traduit par la construction d'unités de condominiums aux coûts d'un million $ ou plus.


À San Juan à Porto Rico, le 1er mai 2016, une bannière qui dit « Conseil fédéral de contrôle
des dépenses -- Asservissement colonial »

« Puisque je sais ce que la gentrification fait aux pauvres, je sais que les condominiums de luxe ne sont pas construits pour eux. Les pauvres sont déplacés ; une fois que les logements coûteux sont construits, ce sont seulement les riches et les super-riches qui peuvent y vivre. A Culebra, Vieques et le long des côtes dePorto Rico, où les plages sont les plus belles, la construction d'immeubles de luxe domine déjà le paysage. Les colonialistes qui administrent la colonie donnent des incitatifs aux promoteurs et aux acheteurs étrangers, et refusent de le faire pour les petites entreprises et les petits propriétaires. Au contraire, les petites entreprises et les petits propriétaires se voient taxés au maximum. La gentrification force les gens à déménager, et très probablement à émigrer vers la diaspora. Cela va accroître le dépeuplement de Porto Rico.

« Depuis qu'il a envahi et occupé Porto Rico, le gouvernement des États-Unis a toujours eu l'objectif de le dépeupler. En 1900, il avait déjà forcé les Portoricains à émigrer vers des endroits éloignés comme Hawaï et le Sud-Ouest continental des États-Unis. Après la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement des États-Unis a commencé une autre vague d'émigration forcée. La plupart des terres que les Portoricains pauvres ont été forcés d'abandonner a été utilisée pour des bases militaires et pour la construction d'hôtels de luxe pour mettre sur pied une industrie touristique. Et la dernière vague a débuté il y a 17 ans de cela. Plus d'un million de Portoricains se sont installés parmi la diaspora, ce qui a causé la plus grande fuite de cerveaux dans l'histoire de Porto Rico, parce que la plupart des émigrants sont des professionnels, des médecins, ingénieurs, enseignants, architectes, infirmières et d'autres travailleurs de la santé. Si l'École de médecine de Porto Rico diplôme 100 médecins, 85 % d'entre eux doivent émigrer. Il n'y a pas d'emplois pour la plupart des jeunes professionnels. Leur seule option est d'émigrer.

« Imaginez si une telle perte de population se produisait dans votre pays. Tout pays qui perd les deux tiers de sa population, y compris ses ressources humaines les plus développées, ne peut s'attendre à une économie saine et une bonne qualité de vie pour ses citoyens. Et à Porto Rico, nous commençons à voir les effets négatifs de cette dernière vague d'émigration. Nous sommes déjà témoins d'une population vieillissante qui devient de plus en plus pauvre et des services médicaux et sociaux qui leur sont de moins en moins disponibles. Leur avenir semble sombre. Et en même temps les jeunes qui sont en âge de se reproduire quittent Porto Rico, et plus d'étrangers achètent les condominiums chers ou vivent dans des communautés réservées aux classes favorisées.

« Si le déplacement des Portoricains et le dépeuplement de Porto Rico sont un problème alarmant, ce que le Conseil fédéral de contrôle des dépenses force les administrateurs colonialistes de Porto Rico à faire est encore plus inquiétant. Ainsi, d'ici le mois d'août, 169 écoles seront fermées. Les enseignants vont perdre leur emploi et les communautés, en particulier les plus pauvres, perdront leurs écoles. Dans les coulisses, les colonialistes promeuvent de plus en plus leurs plans de privatisation. Ça ne leur suffit pas que la privatisation de Porto Rico ait plongé son économie dans la pire situation de son histoire.

« Mis à part la fermeture de 169 écoles, cela menace l'avenir de l'Université de Porto Rico. L'objectif du Conseil de contrôle des dépenses est de soutirer près d'un demi-milliard $ du budget de l'université. En même temps, il cherche des moyens d'augmenter les frais de scolarité et de forcer l'Université de Porto Rico à fermer certains de ses onze campus et de vendre une grande partie de ses propriétés, particulièrement celles qu'elle a utilisées dans le passé pour des expériences. Ce que le Conseil semble vouloir faire est de tenter de privatiser le réseau universitaire. Tout l'argent qui sera retiré du système d'éducation publique sera utilisé comme paiement pour remplir les coffres des banques et des fonds spéculatifs. Alors que les Portoricains seront plus pauvres et plus démunis, les colonialistes et le secteur bancaire deviendront plus riches. Ainsi, Puerto Rico devient de plus en plus démuni et en même temps dépeuplé de sa population indigène.

« Malgré le fait que l'avenir de Porto Rico semble très sombre, de nombreux Portoricains pensent que c'est le meilleur moment pour mener avec succès un processus de décolonisation. Nous savons que la majorité des Portoricains aiment Porto Rico, notre identité nationale, notre culture, notre langue et nos origines. Nous voyons que Porto Rico peut devenir une nation forte et un atout pour l'économie des pays des Caraïbes et d'Amérique latine. Nous disposons des ressources humaines et des autres ressources de base pour transformer Porto Rico en [un jardin d'Eden] qu'il a le potentiel de devenir.

« Parce que nous en sommes là, nous demandons à ce Comité de saisir l'Assemblée générale du problème de la décolonisation de Porto Rico et de lui demander de s'acquitter de ses responsabilités pour mettre fin à la colonisation de Porto Rico par le gouvernement des États-Unis.

« Le colonialisme est un crime contre toute l'humanité. Si le gouvernement des États-Unis est le pays des lois qu'il prétend être, il lui appartient de décoloniser Porto Rico en adhérant aux principes du droit international qui interdisent le crime du colonialisme.

« J'espère que vous ferez tout en votre pouvoir pour mettre fin au statut colonial de Porto Rico, pour nous aider à faire de Porto Rico la nation qu'elle a le potentiel d'être et une nation qui fait partie de la communauté des nations.

Le 19 juin également, la vice-représentante permanente adjointe de Cuba à l'ONU, Ana Silvia Rodriguez, a déposé une ébauche de résolution au Comité en appui au droit de Porto Rico à l'autodétermination. Cette résolution, qui est parrainée par le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, la Russie et la Syrie, a été adoptée par consensus et est la 36e résolution du genre que ce comité a adoptée.


Oscar López Rivera est accueilli chaleureusement par des étudiants et des enseignants de l'école secondaire Dr. Pedro Albizu Campos à Chicago, le 13 juin 2017.

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Un plébiscite fallacieux sur un statut
d'État américain

Le 11 juin, un nouveau plébiscite soi-disant non contraignant a été tenu à Porto Rico portant sur les options suivantes : que Porto Rico devienne un État américain, maintienne son statut actuel de territoire non incorporé (statut de commonwealth) ou accède à l'indépendance. Il s'agissait du 5e plébiscite sur le sujet depuis 1967. Lorsque les résultats de ce plébiscite frauduleux ont été annoncés, on n'a pas mentionné le haut taux d'abstentions et le fait que le peuple portoricain en a assez de ces efforts répétés pour donner une légitimité aux décisions des colonialistes. Selon ces résultats présentés de façon intéressée, on estime que 97 % des votes enregistrés ont été en faveur du statut d'État américain, 1,3 % en faveur du statut de commonwealth et 1,2 % en faveur de l'indépendance.

Rien n'est plus faux. Le site web Latino Rebels fait remarquer ce qui suit : « Selon la commission électorale officielle de Porto Rico, seuls 23 % des Portoricains ont voté. Dans un pays connu pour ses hauts taux de participation (entre 50 et 80 %), le pourcentage officiel de 23 % est bas. Vraiment bas. [...] Il s'agit du plus petit nombre de votes en faveur du statut d'État américain depuis 1967. En 2012, environ 834 000 Portoricains ont voté pour ce statut. En 1988, leur nombre était d'environ 728 000. En 1993, environ 788 000 personnes ont voté pour ce statut. En 1967, 274 000 personnes ont voté dans le même sens. En même temps, ce vote a été le pire en ce qui concerne l'option du commonwealth. Boycott ou non, les faits parlent d'eux-mêmes : le nombre de gens qui ont voté pour le maintien du statut actuel est d'environ 6800, soit la dernière place. »

TeleSur a rapporté que « les groupes favorables à l'indépendance, de concert avec trois partis politiques, ont appelé au boycott du vote pour protester contre le fait que le gouvernement a dépensé 7,5 millions $US au beau milieu d'une crise budgétaire qui a obligé l'île à adopter de sévères mesures d'austérité, ce qui a illustré d'une façon encore plus aigue son statut colonial alors que le pays ne peut pas résoudre la crise sans l'approbation des États-Unis.

« Les critiques ont aussi fait remarquer que le département de la Justice des États-Unis n'a pas appuyé le plébiscite. »

Ce qui ressort clairement de ces résultats et de la participation aux plébiscites antérieurs c'est que l'appel au boycott du plébiscite par les forces pro-indépendance et les autres partis qui appuient le statut actuel de commonwealth a été entendu et que ce soi-disant résultat de 97 % des gens en faveur de l'intégration aux États-Unis n'a aucune légitimité.

Un porte-parole du gouverneur Roselló a dit qu'il va maintenant demander au Congrès de respecter le résultat comme un appui au statut d'État américain. Roselló et d'autres ont décrit cela comme le « Plan Tennessee » où un territoire américain se déclare lui-même un État puis envoie une délégation à Washington, DC, pour gagner l'approbation du congrès, comme le Tennessee l'a fait en 1796. Bien que la crise économique que connaît Porto Rico est liée fondamentalement à son statut de colonie des États-Unis, Roselló et les autres croient qu'un changement de statut va aider à résoudre le problème de la dette de 123 milliards $US de Porto Rico (qui comprend une dette de 50 milliards $US dans les fonds de pension) et lui permettre de devenir un « centre diplomatique et un centre des affaires des Amériques ».

Compte tenu de l'assaut néolibéral mené par les États-Unis contre Porto Rico, promouvoir l'annexion plus poussée par les États-Unis comme une façon de résoudre le problème de la dette de Porto Rico ou les autres problèmes n'est pas une « solution » que le peuple portoricain préconise. C'est précisément ce que démontrent les résultats du plébiscite du 11 juin et l'abstention des Portoricains. Cela ne va pas détourner le peuple de la réalisation de la nécessité historique de remporter l'indépendance face au colonialisme des États-Unis.

(Source : Latino Rebels et TeleSUR)

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Crise et colonialisme à Porto Rico


Manifestation du Premier Mai à San Juan à Porto Rico. Le slogan est en opposition au
Conseil fédéral de contrôle des finances.

Au cours des années 60, l'État associé libre du Porto Rico était promu comme un modèle de progrès et de démocratie dans les Caraïbes en raison de son industrialisation accélérée, du développement de son infrastructure, de ses systèmes d'éducation et de santé et de son système constitutionnel de gouvernement.

Cependant, depuis quelque temps maintenant, plusieurs réseaux médiatiques des États-Unis et internationaux et des rapports économiques parlent de la dette publique astronomique de Porto Rico, de ses obligations qui ne valent plus rien, du Conseil fédéral de contrôle des finances qui a été imposé par les États-Unis au gouvernement élu de Porto Rico et qui est chargé de mettre de l'ordre dans les finances publiques du pays. Ce Conseil a été établi par la loi PROMESA du Congrès des États-Unis.

Présentement, la dette de Porto Rico est évaluée à 69 milliards $ US, (elle était de 32 milliards $ en 2006), un an après le début de la récession à Porto Rico qui devrait se poursuivre pendant des années.

Au-delà des obligations de Porto Rico qui n'ont plus de valeur, son taux de chômage est évalué à entre 13 et 14 %, le pays est affligé par un taux de pauvreté de 44,9 % et son économie dépend depuis des décennies des investissements américains, des bas salaires, des exemptions d'impôts pour les sociétés étrangères et des fonds fédéraux des États-Unis.

Des données sur la population et sur la démographie montrent que le modèle portoricain est en plein dérapage. La nouvelle vague de migration portoricaine vers les États-Unis est ininterrompue et a surpassé le nombre record de 500 000 atteint lors de la migration des années 40 et 50. Avec la migration actuelle, la population portoricaine aux États-Unis a atteint 5,1 millions dont 30 % sont des professionnels -- en particulier des médecins et des médecins spécialistes -- alors que la population à Porto Rico est une population vieillissante de moins de 3,5 millions de personnes.

Le système constitutionnel de gouvernement établi à Porto Rico en 1952 avec la mise sur pied de l'État associé libre s'est avéré une fraude et un échec parce qu'il a gardé intact tout le fondement de la crise actuelle qui est le statut colonial de Porto Rico. En fait, les déclarations récentes des branches exécutives, judiciaires et législatives des États-Unis montrent clairement que la souveraineté portoricaine est soumise aux pouvoirs pléniers du congrès des États-Unis, tandis que la loi PROMESA et l'établissement du Conseil fédéral de contrôle des finances ont rendu caduque l'autonomie fiscale de l'île.

Ce sont les législations du Congrès américain qui gouvernent Porto Rico en ce qui trait aux relations internationales, au commerce, aux questions monétaires, à la migration et l'immigration, au trafic maritime (ce sont les lois maritimes des États-Unis qui s'appliquent à Porto Rico), aux douanes, aux relations de travail et à l'organisation syndicale, aux patrouilles frontalières, à l'espace aérien et au transport, aux communications, à la défense et maintenant au domaine fiscal et à de nombreux autres domaines.

Il faut aussi préciser que le Conseil fédéral de contrôle des finances a comme mission de veiller à ce que le Porto Rico rembourse sa dette et équilibre son budget. Son plan est de forcer le gouvernement de Porto Rico à :

- faire des compressions de 450 millions $ dans le budget des 11 campus de l'Université de Porto Rico ; - couper deux milliards cinq cent mille dollars dans le budget de la santé ;
- couper entre 17 et 20 milliards $ dans le budget général du gouvernement ;
- réduire de 20 % la semaine de travail des fonctionnaires si le Trésor n'a pas en main 500 millions $ d'ici le 30 juin 2017 ;
- éliminer la prime de Noël des fonctionnaires ;
- réduire leurs payes de vacances ;
- réduire le nombre d'agences gouvernementales de 131 à 35 ;
- privatiser l'indemnisation des accidentés du travail, les parcs nationaux et les centres de vacances ainsi qu'un grand nombre d'autoroutes, de ports et d'aéroports ;
- accroître de 1 milliard $ les coûts de certains services et de l'immatriculation automobile, des taxes foncières et d'autres taxes, des contraventions, des postes de contrôle, des péages, des permis, du transport urbain ;
- réduire la journée de travail des enseignants et des travailleurs des cafétérias d'école si le Trésor n'a pas en main 200 millions $ d'ici le 30 avril 2017 ;
- privatiser des avoirs publics.

Récemment, le lauréat du prix Nobel Steven Steiglitz a dit que les mesures prévues sont plus draconiennes que celles qui ont été imposées à la Grèce pendant sa crise de la dette, et qu'elle vont juste exacerber la crise actuelle. Plusieurs économistes portoricains ont prédit que ces mesures vont causer une contraction de l'économie d'entre 8 et 10 %. Les sacrifices imposés par ces mesures, loin d'améliorer l'économie et la vie des Portoricains, ne vont qu'aggraver la situation. Les appels à un audit indépendant de la dette de Porto Rico n'ont pas été entendus.

Pour ce qui est de sa politique de protection de l'environnement, de son équilibre écologique, des changements climatiques et du réchauffement de la planète, le Porto Rico est là encore subordonné à des agences, des intérêts, des politiques et au pouvoir des États-Unis. Il s'agit d'une situation extrêmement dangereuse pour la population portoricaine car Porto Rico est un petit pays insulaire des Caraïbes. Parmi les autres mesures de stimulation du développement économique à Porto Rico il y a l'accès accéléré aux permis pour les projets d'infrastructure et pour divers autres projets de construction. Cela comprend aussi des études d'impact environnemental accélérées qui vont miner la protection de l'environnement.

Dans le contexte actuel de crise fiscale et économique, la législature portoricaine a adopté une loi de la faillite en vertu de laquelle les entreprises publiques de l'île pourraient déclarer faillite et être ainsi en mesure de restructurer leur dette. (La dette d'une seule société publique portoricaine -- la Société hydroélectrique -- est évaluée à 9 milliards $ US). Suite à une poursuite judiciaire entreprise par des créanciers, cette loi a été renversée par la Cour fédérale extraterritoriale des États-Unis qui opère à Porto Rico. L'ancien commissaire résident de Porto Rico à Washington, Pedro Pierluisi, a cherché à faire adopter une loi qui ferait en sorte que la loi de la faillite fédérale soit applicable à Porto Rico mais il a échoué. Le vaste mouvement à Porto Rico pour faire exempter l'île de l'application de la législation maritime des États-Unis a été ignoré.

Face à cette situation, le peuple portoricain a déjà commencé à se mobiliser. Les étudiants de l'Université de Porto Rico dans huit des campus ont déclaré une grève indéfinie et on s'attend à ce que les étudiants des autres campus les rejoignent. Pendant ce temps, le personnel non-enseignant de l'université a aussi déclenché la grève. Les syndicats se sont récemment unis pour organiser une marche massive sous la bannière d'une coalition multisectorielle contre les plans du Conseil fédéral de contrôle des dépenses.


Les étudiants organisent des grèves sur plusieurs campus de l'Université de Porto Rico du 28 mars au 7 juin 2017 pour dénoncer une coupe néolibérale massive de 450 millions $US dans
le budget de l'université pour faire payer au peuple une dette qu'il n'a pas contractée. La bannière dit : « Pourquoi les coupables ne paient-ils pas ? »

Le président et le congrès des États-Unis ont refusé de toucher à la question de la dette portoricaine. Cette approche a pour effet de priver le Porto Rico d'un plan de sauvetage et d'outils qui lui permettraient de faire face à la crise. Pour que le problème soit résolu, il faut que les États-Unis reconnaissent leur responsabilité pour la crise à Porto Rico et mettent fin à la relation colonialiste du Porto Rico avec les États-Unis.

Cependant, comme le soulèvent les nombreux éditoriaux des principaux quotidiens de Porto Rico, El Nuevo Dia et El Vocero, les trois branches gouvernementales des États-Unis ont refusé de se commettre et font même preuve d'indifférence(sauf pour ce qui est de l'établissement du Conseil fédéral de contrôle des finances pour forcer le Porto Rico à rembourser sa dette).

Plusieurs porte-parole du Porto Rico ont dit que la communauté portoricaine aux États-Unis peut jouer un rôle déterminant à l'heure actuelle puisque plus de la moitié de la population portoricaine vit présentement aux États-Unis où elle participe à la vie politique et détient un pouvoir d'influence sur l'opinion publique sur la question de Porto Rico et sur d'autres questions. Lorsque le Porto Rico n'était pas perçu comme un problème, il était simplement « balayé sous le tapis ». Mais maintenant que le Porto Rico est perçu comme un problème, la diaspora portoricaine aux États-Unis peut exercer et exerce déjà une pression en faveur de justes solutions à la crise actuelle.

La relation de pouvoir et la subordination politique de Porto Rico aux États-Unis montrent la nécessité de la solidarité, surtout sur la question de mettre fin au statut colonial que les États-Unis ont imposé à Porto Rico depuis leur invasion de l'île en 1898, il y presque cent dix-neuf ans.

Le colonialisme est un anachronisme historique qui a depuis longtemps été déclaré contraire au droit international et aux droits humains. Les Nations unies ont souvent réitéré le droit du peuple portoricain à l'autodétermination et à l'indépendance conformément aux lois internationales, en particulier la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale des Nations unies (1960) qui selon plusieurs est la Grande Charte de la décolonisation.

L'engagement envers la démocratie à la base est totalement conforme à l'appui à la décolonisation de Porto Rico car le colonialisme est entièrement contraire à la démocratie. Un pays qui est gouverné par un autre pays ne connaît pas la démocratie, même s'il y a des élections à tous les quatre ans comme à Porto Rico, où même les élus locaux actuels ont perdu leur maigre pouvoir au Conseil fédéral de contrôle des dépenses créé par les États-Unis.

Le contrôle des États-Unis des domaines essentiels de la vie portoricaine et la présence du Conseil fédéral de contrôle des dépenses montrent la nécessité d'appuyer la décolonisation. C'est une question de principe parce que le colonialisme est contraire aux droits humains, à l'autodétermination et à la démocratie.

Les Portoricains sont un peuple distinct du peuple des États-Unis. Avant l'invasion de Porto Rico par les États-Unis en 1898, la nation portoricaine avait été forgée par plus de quatre cent ans pendant lesquels notre culture et notre identité nationales se sont développées de façon claire et distincte de tous les autres peuples du monde.

Les plébiscites, les référendums et les autres mesures du genre prises à Porto Rico n'ont rien réglé parce qu'ils n'ont pas été de libres exercices d'expression de la volonté du peuple portoricain. Ils se sont tenus dans un contexte de domination coloniale, d'occupation militaire, de répression et de persécution des forces de l'indépendance, un contexte de dépendance économique et de législations coloniales et de législations adoptées par le Congrès des États-Unis. On ne peut donc pas dire que leurs résultats ont été le reflet de la volonté véritable du peuple de Porto Rico. Le peuple n'y a pas exercé son autodétermination.

Alors que les États-Unis ont toujours maintenu qu'ils accepteraient la volonté et la décision du peuple portoricain en ce qui a trait à son statut, ils ont toujours fait obstacle au processus en disant que la question est de nature intérieure et n'a rien à voir avec les Nations unies.

En même temps, les forces portoricaines favorables à l'indépendance et même d'autres forces qui recherchent d'autres alternatives reconnaissent le rôle que les Nations unies doivent jouer et ont toujours invoqué la résolution 1514 (XV) de l'ONU. Ces forces reconnaissent que l'expression de la volonté du peuple portoricain en ce qui concerne sa future relation avec les États-Unis doit être un exercice libre, lequel est possible uniquement dans le cadre du droit international sans quoi le facteur déterminant dans tout exercice du genre va être la relation de pouvoir de domination des États-Unis sur le Porto Rico.

Manifestation à New York, le 30 septembre 2016

On dit de plus en plus de la situation actuelle de crise fiscale et économique qu'il s'agit d'une crise politique qui met en lumière le statut colonial de Porto Rico et la nécessité de résoudre d'abord cette question sans quoi les questions fiscales et économiques ne pourront pas être résolues. Peu importe les préférences en termes d'options sur le statut de Porto Rico, il existe présentement au pays un sentiment général à l'effet que la situation actuelle et le statut colonial doivent être résolus. S'il existe des différends au sein des principaux partis politiques portoricains sur les options à adopter, il reste que selon ce que préconisent les dirigeants des partis favorables à un État portoricain et la plupart des dirigeants du parti de l'État associé libre, le pays doit se défaire de son statut colonial.

Les mouvements sociaux actifs aujourd'hui à Porto Rico sur les droits des femmes, les droits civils, l'habilitation communautaire, l'environnement, la jeunesse, les sports, la culture, le travail, les initiatives économiques coopératrices et locales et sur un grand nombre de questions, se heurtent inévitablement au mur du statut colonial qui les empêche d'atteindre leurs objectifs.

Ces mouvements et le mouvement pour l'indépendance s'entrecoupent dans bien des cas. Conjugués aux efforts des Portoricains aux États-Unis et à la solidarité du peuple des États-Unis et de notre région latino-américaine et caraïbe et d'autres pays, ils forment une base qui rend possibles l'indépendance et la démocratie futures de Porto Rico.

Un véritable exercice d'autodétermination à chances égales pour toutes les options devra être mené sous l'égide du droit international de la décolonisation. Malgré cela, d'importants secteurs favorables à l'indépendance et à la souveraineté ont uni leurs forces et décidé de participer au plébiscite légiféré par le gouvernement pro-annexionniste actuel du Porto Rico. Si les nombreuses embûches qui jalonnent le processus sont surmontées, les deux options présentées seront : 1) le statut d'État et 2) l'indépendance/libre association. La tenue d'un tel plébiscite, fixé pour le 11 juin 2017, pourrait réserver des surprises surtout si l'appui à la deuxième option d'indépendance/libre association est fort.

D'une façon ou d'une autre, la lutte contre le Conseil fédéral de contrôle des dépenses des États-Unis qui gouverne maintenant le Porto Rico et contre le colonialisme et pour l'indépendance doit aller de l'avant et la solidarité avec le Porto Rico doit s'intensifier.

Olga Sanabria Davila est la présidente du Comité pour le Porto Rico aux Nations unies.

(Cet article a été d'abord publié le 19 avril 2017 sur le site de Movimiento Independentista Nacional Hostosiano. Photos : Univision, El Nueva Dia, K.N. Gonzalez.)

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