Numéro 19 - 13 mai 2017
150e anniversaire de la
Confédération
Le besoin urgent de donner au Canada une
constitution moderne et une définition moderne des droits
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150e
anniversaire
de
la
Confédération
• Le besoin urgent de donner au Canada une
constitution moderne et une définition moderne des droits
180e anniversaire des
rébellions de 1837-1838 dans le Haut et le Bas-Canada
• Conférence à Montréal
sur la conception des droits dans les constitutions canadiennes de 1840
et de 1867
Présentations
• Les
choses et les phénomènes se révèlent -
Centre
d'études
sur
les
idéologies
• Le besoin d'institutions modernes
basées sur la défense des droits de tous et toutes -
Le
Collectif
Joseph
Montferrand
150e anniversaire de la
Confédération
Le besoin urgent de donner au Canada une constitution
moderne et une définition
moderne des droits
Le 1er juillet sera le 150e anniversaire de la
Confédération, la date à laquelle l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique de 1867 est
entré
en vigueur. Cette loi du parlement britannique unissait les provinces
du Canada-Ouest et du Canada-Est (appelées Haut-Canada et
Bas-Canada
avant l'Acte d'union de 1841),
le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse pour former le
Dominion du Canada. L'AANB de 1867 a été «
rapatrié » au Canada en 1982 en y ajoutant la Charte canadienne des droits et
libertés et il demeure à ce jour le cadre
constitutionnel du Canada bien qu'il soit devenu complètement
anachronique. Non seulement maintient-il que la reine d'Angleterre est
la souveraine et chef d'État du Canada mais il n'offre pas de
garantie pour les droits des citoyens et résidents. Les
arrangements de partage des pouvoirs qu'il établit entre le
fédéral et les provinces sont aussi fondés sur une
époque depuis longtemps révolue. Puis ces vieux
arrangements continuent de nier le droit du Québec à
l'autodétermination et à imposer des rapports coloniaux
aux peuples autochtones.
Cela en soi nécessite une réflexion
sérieuse. Après près de 150 ans, deux guerres
mondiales et la fin de la division bipolaire du monde, la constitution
et la définition des droits qui en découle doivent
être modernisées pour répondre aux exigences de
l'époque. Au lieu de reconnaître cette
réalité, le gouvernement libéral de Justin Trudeau
a lancé un programme pour le 150e anniversaire de la
Confédération en 2017 pour «
célébrer nos valeurs communes, nos réalisations,
la richesse de notre environnement et notre place dans le
monde ». Les thèmes officiels proclamés par le
gouvernement pour les célébrations sont « la
diversité et l'inclusion, la réconciliation avec
les peuples autochtones, l'environnement et la jeunesse ».
Un organisme privé appelé Celebrations Ottawa Inc. est
responsable d'organiser les manifestations officielles et a
reçu 210 millions $ en fonds publics du gouvernement.[1] Par l'entremise de cet organisme, le
gouvernement «
investira de façon stratégique dans des activités
qui soutiennent la vision du 150e anniversaire et encouragent la
participation des Canadiens ». Autrement dit, ceux qui
soutiennent la « vision » préconisée par
les institutions de l'État de 1867 recevront un soutien
officiel.
Qui a décidé de cette vision ? Que
deviennent les activités de ceux qui ont une autre vision ?
Ces derniers ne sont-ils pas en droit de recevoir un soutien
gouvernemental ? Le gouvernement a décidé que ceux
qui partagent sa vision défendent les « valeurs
canadiennes ». Cela laisse entendre que ceux qui
épousent une
vision différente ne partagent pas les « valeurs
canadiennes ». Cela n'a aucun sens. S'il y a une valeur
commune que les Canadiens partagent, c'est le droit de tous les
êtres humains à leur conscience, à la vision du
Canada qu'ils jugent bon d'épouser. Le gouvernement dit que
notre force réside dans notre diversité, par laquelle il
distingue
différentes caractéristiques basées sur la langue,
la religion, l'apparence, la couleur de la peau, la race, l'origine
ethnique, les capacités, etc. Dans tout cela, le droit de
conscience -- ce qui nous distingue en tant qu'êtres humains -- n
'est pas considéré comme une « valeur
commune ». Si c'est le cas, qu'est-ce que cela nous dit de
la base sur
laquelle les droits de citoyenneté sont conférés
aujourd'hui ? Le droit d'être de chacun doit être le
fondement même de la définition des droits au XXIe
siècle, mais le gouvernement n'en tient aucun compte.
Depuis l'an dernier, le Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) tient des réunions, des
séminaires et des discussions sur les questions importantes
posées par Canada 150 pour engager les citoyens et
résidents de tous les
milieux dans le travail pour le renouveau démocratique et pour
moderniser la
Constitution sur la base du principe que les droits nous appartiennent
du fait que nous sommes des êtres humains et de la
nécessité d'une union libre et égale du
Québec, des nations autochtones et du reste du Canada.
Le PCC(M-L) souligne qu'il s'agit d'une tâche
historique, pas une question de choix de politique. Cela est
nécessaire pour que les travailleurs qui produisent toute la
richesse puissent occuper la place qui leur revient au centre de
l'histoire et apporter les changements nécessaires pour
surmonter les problèmes auxquels la société est
confrontée
aujourd'hui dans les domaines de l'économie et de
l'environnement naturel et social.
Pour contribuer à cette discussion, LML
publie un rapport de la Conférence organisée à
Montréal le 7 mai par le Parti
marxiste-léniniste du Québec à l'occasion du 180e
anniversaire des rébellions de 1837-1838 dans le Haut-Canada et
le Bas-Canada. La conférence avait pour thème: Pour une
Constitution moderne qui investit le peuple et non la couronne
du pouvoir décisionnel ! » Suivent ensuite les
interventions principales à la conférence.
Note
1. Le
gouvernement fédéral a mis de côté 210
millions $ pour les célébrations de Canada 150,
dont 20 millions $ pour le financement de grands
événements comme les festivités sur la colline du
Parlement à Ottawa. Selon les communiqués du
gouvernement, le reste de l'argent sera affecté
à des « Projets Signature pancanadiens » (des
projets pancanadiens de grande envergure) et des activités
« communautaires ». Il y a deux catégories
d'événements qui n'auront pas droit au financement de
l'État: ceux qui portent sur la Constitution et ceux qui portent
sur l'histoire du Canada, deux sujets considérés comme
« porteurs de divisions ».
Au début de mai, Patrimoine Canada a
annoncé les destinataires de 113 millions $
pour ces catégories de projets acceptables. D'autres annonces
seront
faites dans les
prochaines semaines, à l'approche de l'anniversaire officiel
du 1er juillet.
Le financement
fédéral destiné à des projets
approuvés varie de 30 000 $
à 416 000 $ et inclut la transformation du
centre-ville de Calgary en jeu de serpents et échelles
(416 000 $), un spectacle de marionnettes géantes
à Kootenays Ouest (30 000 $) et l'installation d'un
immense drapeau au sommet d'un mât de 15 étages
à Windsor pour un coût de 150 000 $. Le
grand projet du drapeau canadien devait être inauguré en
février devant 300 000
personnes à Windsor selon le gouvernement.
L'événement est maintenant prévu pour le 20
mai. Un autre 4,8 millions $ a été
alloué au voyage de 150 jours d'un brise-glace entre
Toronto, en Ontario, et Victoria, en Colombie-Britannique, en
empruntant le passage du Nord-Ouest avec la promesse de faire
participer 20 millions de Canadiens à ce périple.
Les projets plus coûteux, de 10,5 millions $, sont la
visite d'une quarantaine de grands voiliers à Québec et
un spectacle multimédia nommé Sesqui qui mettra en
vedette une coupole interactive et un film de 360 degrés en
tournée à travers l'Ontario.
Parmi les autres événements prévus
il y aura le défi du Tri-Conic à Port Alberni, en
Colombie-Britannique, qui a reçu 80 000 $ pour
une compétition entre des coureurs et une machine à
vapeur et entre des cyclistes et un navire. Il y aura la Tournée
du sofa rouge, au cours de laquelle les Canadiens sont invités
à s'asseoir
sur le sofa en cuir et à partager ce que le Canada signifie pour
eux. La société de production derrière la tour a
reçu 198 000 $ en financement
fédéral. Les petits projets communautaires comprennent
des mosaïques et des courtepointes dans lesquels les personnes
mettront en commun leurs efforts pour créer de grandes oeuvres
d'art. Les villes de Selkirk et de Steinbach, au Manitoba, ont
reçu 6 000 $ chacune pour des murales
Canada 150 composées de centaines de petites tuiles.
Les arts et la culture sont au centre de plusieurs
projets. Le gouvernement finance au coût
de 500 000 $ le projet Dansons Ensemble Canada 2017
de l'École nationale de ballet du Canada, qui préparera
une chorégraphie qui sera interprétée par un
million de Canadiens le 2 juin. Le Ross Creek Centre for the
Arts en Nouvelle-Écosse mettra en scène une
comédie musicale retraçant le mouvement des suffragettes
au Canada avec une subvention de 50 000 $. L'Orchestre
symphonique de l'Île-du-Prince-Édouard a reçu une
subvention de 115 000 $ pour organiser un concours de
poésie et les oeuvres gagnantes seront
mises en musique.
D'autres projets sont centrés autour de sites
Web et d'applications (tels que Passeport 2017, qui utilisera une
subvention de 1,3 million $ pour aider les utilisateurs
à trouver des événements de Canada 150).
Les 180 millions $ en fonds
fédéraux ne reflètent pas le coût total des
projets, qui nécessitent aussi des fonds d'autres sources comme
les subventions des municipalités et les dons privés.
Environ 300 millions $ supplémentaires
ont été budgétisés par le gouvernement
Trudeau pour réparer les infrastructures culturelles et
récréatives, comme les complexes sportifs, dans le cadre
d'un programme de financement de Canada 150.
180e anniversaire des rébellions
de 1837-1838 dans le Haut et le Bas-Canada
Conférence à Montréal sur la
conception
des droits dans les constitutions canadiennes de 1840 et
de 1867
Cette année nous soulignons le 180e
anniversaire des rébellions de 1837-1838 dans le Bas-Canada
et le Haut-Canada. Ces rébellions avaient comme objectif
d'engendrer
des arrangements par lesquels le peuple serait investi de la
souveraineté et non la couronne britannique. Le Parti
marxiste-léniniste du Québec (PMLQ) a tenu une importante
conférence à Montréal le 7 mai pour examiner
la cause des Patriotes de 1837-1838 dans la Bas-Canada et comment
cette lutte a été réprimée de façon
brutale par les Britanniques. Une attention particulière a
été apportée à la conception des droits
mise de l'avant par les Patriotes, ainsi qu'à la conception des
droits imposée par les
Britanniques par le biais des constitutions de 1840 et
de 1867. La conférence a surtout examiné l'histoire
en prenant le présent comme point de départ — en se
basant sur les conditions d'aujourd'hui et sur ce qu'elles
révèlent — popur revenir sur le passé afin
d'enrichir notre capacité à résoudre les
problèmes et à ouvrir la voie du progrès de la
société aujourd'hui.
À cet
égard, la conférence a commencé par traiter des
questions d'historiographie, la façon d'étudier
l'histoire, et de théorie politique, qui traite des relations
entre les gens et de la société que ces relations
engendrent. Elle a lancé un appel militant à combattre
les tentatives de diviser le peuple dans le but de maintenir le statu
quo, une pratique introduite par les colonialistes britanniques et
soutenue par
l'État anglo-canadien sur la base de la
suppression de la jeune nation du Québec et sur l'expropriation
des peuples autochtones et les tentatives de génocide contre
eux. Elle part d'une conception des droits dans laquelle les droits
sont des privilèges et sont accordés et retirés
selon le bon vouloir de « la couronne ».
Plusieurs travailleurs et jeunes
ainsi que des gens de tous les milieux ont participé à
cette conférence. La
discussion a été
très animée. Il y a eu une intervention très
intéressante sur la crise que vit la France aujourd'hui à
cause du refus de renouveler son projet d'État-nation qui est en
crise. Il y a également eu une intervention sur les relations
entre les patriotes du Haut-Canada et du Bas-Canada et sur l'aide
qu'ils ont
reçue des révolutionnaires américains de
l'époque. Une autre intervention de grand intérêt a
été celle d'un
organisateur des travailleurs de la construction du Québec sur
l'État des droits aujourd'hui. Il a expliqué comment
l'État utilise ses institutions pour s'assurer que les
travailleurs ne puissent pas agir à
la défense de leurs droits tels la santé et la
sécurité sur les chantiers.
La lutte des Patriotes épousait les
idéaux les plus avancés de l'époque.
C'était un projet
d'édification nationale basé sur la cause anticoloniale,
sur l'abolition du système seigneurial féodal, sur
l'accès aux droits de citoyenneté de façon
égale et sans distinction fondée sur les origines ou les
croyances -- et sur l'établissement d'une constitution qui
enchâsse ces idéaux en tant que loi du pays sous forme de
république. Cette cause était comparable aux grandes
guerres d'indépendance en Amérique latine et dans les
Caraïbes qui faisaient rage au cours de cette période ainsi
qu'au mouvement national en Italie et à des
développements semblables dans d'autres pays. Les mouvements de
l'époque ont mené à
la formation de l'Association internationale des travailleurs par Marx
et Engels en 1864 et, en 1871, à la Commune de Paris. Les
Patriotes
ont lutté pour des institutions conformes aux besoins de
l'époque et par conséquent leur rébellion a
été écrasée par les Britanniques par la
force des armes, la suspension des libertés civiles, les
arrestations de
masse, l'incendie de maisons, la pendaison de douze Patriotes et l'exil
forcé de 64 autres.
En traitant de la façon dont les travailleurs et
la société sont attaqués aujourd'hui, la
conférence a clairement montré la nécessité
que les mouvements politiques du peuple prennent en main le travail
pour une constitution moderne qui enchâsse les droits qui
appartiennent à tous en vertu de leur être. Il est donc
urgent d'établir une cohésion
au sein du corps politique fondée sur la politique
indépendante de la classe ouvrière pour ouvrir la voie au
progrès et pour conjurer les dangers de guerre.
Dans ce numéro, LML publie les deux
principales présentations de la conférence du 7 mai,
celle sur l'historiographie et celle sur la conception des droits
contenue dans les constitutions de 1840 et de 1867. Des
réunions locales sur ces sujets sont présentement
organisées par les branches du PCC(M-L) partout au
pays à l'occasion de Canada 150. Pour de plus amples
informations ou pour vous joindre au travail, faites parvenir un
courriel à bureau@cpcml.ca.
Présentations
Les choses et
les phénomènes se révèlent
- Centre d''études
idéologiques -
Cette conférence se tient à l'occasion
du 180e anniversaire des rébellions de 1837-1838 dans
le Haut-Canada et le Bas-Canada ainsi que dans le contexte des
célébrations organisées par le gouvernement du
Canada pour le 150e anniversaire de la création de la
Confédération par proclamation royale en 1867. Il
est intéressant
de voir que le Canada accorde des millions de dollars aux
organisations, groupes communautaires et individus qui veulent
organiser des célébrations mais seulement en autant
qu'ils n'abordent pas deux sujets en particulier : la Constitution
et l'histoire.
Nous ne venons pas à cette conférence en
tant qu'historiens, ce que nous ne prétendons pas être,
bien qu'il y ait des historiens parmi nous. Cela ne veut pas dire
cependant que nous n'avons pas notre propre historiographie. Nous avons
notre historiographie et elle est partisane. Nous regardons l'histoire
à partir du présent, nous allons dans le
passé pour pouvoir mieux préparer un avenir pour tous. En
partant du présent, en partant de ce qui se révèle
en ce moment et de ce que le présent demande, nous retournons
dans le passé seulement pour enrichir la
révélation du présent et pour être mieux en
mesure de nous attaquer au présent.
Tout le monde est invité à contribuer
à cette discussion mais soyons clairs sur une chose. Le but de
la discussion n'est pas de donner une autre interprétation de
telle ou telle notion, telle ou telle période de la
préhistoire de la société humaine. Le but de la
discussion est de contribuer au développement de la
théorie politique moderne, surtout la
théorie politique moderne qui est basée sur notre propre
pensée, celle que nous créons nous-mêmes.
À cet égard, nous entendons souvent dire
que l'histoire a un préjugé de genre ou de race, qu'elle
établit une supériorité culturelle ou qu'il y
a l'histoire noire, l'histoire autochtone, etc. À l'occasion
du 150e anniversaire du Canada il y a une autre
interprétation qui vient sous la rubrique «
L'autre 150 ».
En ce qui concerne le préjugé de genre,
il est vrai que les femmes et les hommes jouent un rôle
différent dans toutes les sociétés, dans les
sociétés de classes comme dans les sociétés
sans classes. Cela vient du fait qu'ils jouent des rôles
objectivement différents dans la production et la reproduction
de la vie. Par contre, le rapport entre les
hommes et les femmes, les rôles qu'ils jouent dans la vie
sociale, n'ont pas d'incidence sur la théorie politique en
place. Ces rapports sont le produit d'autre chose. La politique est
l'expression concentrée de l'économie mais la
théorie politique, si elle veut être fidèle
à elle-même, ne se préoccupe pas de la
différence des rôles entre hommes et
femmes. On peut dire que la théorie politique est aveugle au
genre. Elle est aussi aveugle à la couleur de la peau et aveugle
à l'origine ethnique, à la langue, à la religion,
à la richesse et aux capacités. La théorie
politique fait partie de la superstructure d'une base économique
donnée. Avant l'avènement de la société de
classes, le processus de
production était social et l'expropriation de la production
était sociale également. Cette base économique est
par la suite niée et s'ensuit la société de
classes. La théorie politique est liée à la forme
du processus de production et à la forme de la
propriété des moyens de production.
L'oppression des femmes commence avec
l'avènement de la société de classes, en
même temps que l'exploitation de l'être humain par
l'être humain. Parmi les exploités il y a des hommes et
des femmes, bien que l'exploitation des femmes soit pire puisqu'elles
subissent aussi la discrimination du fait qu'elles sont femmes. La
théorie politique
ne reconnaît que les rapports que les êtres humains
établissent entre eux, lesquels rapports déterminent le
caractère de la société à chaque
période donnée.
On dit souvent que l'histoire est écrite par les
vainqueurs, et c'est vrai. Beaucoup de facteurs ont contribué
à l'interprétation des différents
événements historiques, y compris le
préjugé et le parti pris, même les nôtres.
Mais le préjugé et le parti-pris ne sont pas la
même chose. On peut comprendre les préjugés des
différentes interprétations si
l'on s'interroge sur le but visé. Par contre le parti-pris,
c'est la fidélité à une cause, en faveur de ceux
qui veulent investir le peuple du pouvoir souverain afin de pouvoir
ouvrir la voie au progrès de la société. Ça
c'est un parti pris envers une cause précise.
Par exemple, les Britanniques voyaient les choses par
le prisme de leur pouvoir d'État et de leur objectif, qui
était de maintenir ce pouvoir. Ils ont déclaré
qu'au Canada il y avait deux factions en guerre l'une contre l'autre,
deux supposées « races », les Anglais et le
Français, et que les institutions britanniques favorisaient
l'unité des
factions en guerre. À ce jour, la politique basée sur
l'identité vise une seule et même chose : diviser le
peuple et l'empêcher d'acquérir une conception du monde
qui lui sert à s'orienter et à intervenir de
manière à résoudre les crises dans ses
intérêts.
On ne peut pas parler des événements
de 1837-1838 sans parler du pouvoir d'État, et lorsque nous
parlons du pouvoir d'État, nous devons reconnaître que
l'État sert à priver le peuple d'une conception du monde.
C'est ce qu'ont fait les Britanniques lorsqu'ils ont supprimé la
nation naissante du Québec en 1837-1838, surtout avec
l'Acte d'Union adopté par le parlement britannique
en 1840 et proclamé au Canada en 1841. L'Acte
d'Union a donné une importante partie du territoire et de la
population du Bas-Canada au Haut-Canada et leur a accordé tous
deux une représentation égale à l'Assemblée
législative du Canada uni. (Le Bas-Canada
avait une population de 650 000 habitants et le Haut-Canada
seulement 400 000.) Il fusionnait aussi leur dette, de sorte
que le Bas-Canada, qui avait une dette d'à
peine 370 000$, devait maintenant accepter la moitié
de l'énorme dette de 5 millions $ que le Haut-Canada
venait de contracter dans
son projet d'empire. C'est ainsi qu'ils ont créé un
« équilibre » entre deux soi-disant factions en
guerre. Cet « équilibre » n'a pas
créé l'harmonie, puisqu'il n'y avait aucune
équivalence malgré la redistribution brutale du
territoire, de la population et de la dette. L'Assemblée a
été paralysée en conséquence et c'est ce
qui a mené à la
proclamation royale de 1867. L'important à retenir est que
le pouvoir d'État privait ainsi le peuple d'une perspective
favorable et ce blocage est demeuré depuis. Les efforts
d'organisation du peuple continuent d'être sapés par les
institutions dites démocratiques qui sont issues de cet
arrangement.
L'assemblée des Six Comtés les 23 et 24
octobre 1837 a réuni quelques 6000 patriotes à
Saint-Charles, dans le Bas-Canada, en défi à la
proclamation interdisant les
assemblées publiques.
Le blocage qui empêche de reconnaître et de
défendre les intérêts généraux,
c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux, affecte tout le
peuple et l'ensemble des collectifs et touche à toutes les
sphères d'activité. Cela comprend tous les rapports entre
les humains. Non seulement les rapports mais aussi les règles
régissant ces rapports et donc toutes
les questions relatives à la guerre et à la paix,
à la pauvreté, à l'environnement, etc.
Il est important de reconnaître que selon la
bourgeoisie, les institutions qui ont vu le jour aux XIXe et XXe
siècles n'ont pas besoin d'être renouvelées pour
affirmer les droits aujourd'hui. Elle ne voit pas la
nécessité de créer de nouvelles formes parce que
le contenu qu'elle défend, les droits basés sur le
privilège, demeure le même.
En 1837-1838, les Britanniques ont réprimée la forme
républicaine préconisée par les Patriotes du
Bas-Canada qui était révolutionnaire à
l'époque pour s'assurer que le contenu républicain ne
voit pas le jour. La leçon que nous tirons de ces
événements est que sans défendre la forme
révolutionnaire, on ne peut pas défendre le contenu
révolutionnaire. Cela touche au coeur du problème auquel
nous sommes confrontés aujourd'hui.
Lénine, le grand dirigeant de la classe
ouvrière de Russie, a expliqué l'existence d'une lutte
entre le contenu et la forme et souligné que le rejet de la
forme mène au remaniement du contenu. La république
naissante de la nation du Québec a été
écrasée par les Britanniques et leurs pouvoirs de police
ont établi ce qu'on appelle les institutions et
traditions démocratiques du Canada. Il est impossible de
concevoir que ces mêmes institutions et leurs fondements
idéologiques puissent servir à résoudre les
problèmes d'aujourd'hui.
Les choses et les phénomènes se
révèlent. Que révèlent les choses et les
phénomènes sur la scène politique
aujourd'hui ? N'indiquent-ils pas un besoin de moderniser la
théorie politique ? Cette modernisation ne se fait pas en
regardant le passé. Le travail commence par le présent.
La discussion doit concentrer sur ce que révèle la
situation présente et examiner le passé sous cet angle.
En commençant par le présent, c'est-à-dire en
commençant par ce que le présent révèle et
exige, nous regardons le passé seulement pour enrichir la
révélation du présent et pour être mieux en
mesure de nous attaquer à la situation actuelle. L'ensemble de
toutes les révélations donnera un aperçu
de ce qu'une chose ou un phénomène révèle
dans les conditions et circonstances données. C'est pour cela
que la conscience humaine est relative. La connaissance, pour
être utile à l'être humain, doit comprendre toutes
les choses et tous les phénomènes que le monde
révèle. Elle doit être basée sur
l'expérience de tout ce qui existe en ce
moment.
La tâche à laquelle nous sommes
confrontés, la tâche de moderniser la théorie
politique canadienne et québécoise, n'est pas une
tâche universelle ; elle appartient aux
Québécois et aux Canadiens qui sont engagés dans
la lutte pour créer une société moderne sans
exploitation de l'être humain par l'être humain et s'unir
à tous ceux et
celles qui font de même ailleurs dans le monde. Partout dans le
monde les peuples y contribuent en développant leur propre
philosophie et théorie politique, suivant leurs conditions. En
dernière analyse, il y a une seule théorie, c'est la
théorie du matérialisme dialectique et historique. Si
tous s'attaquent à leur situation sur cette base, ils mettront
à
profit l'énergie colossale inhérente à cette
théorie pour la modernisation de leur société et
leur propre modernisation en tant que peuples et êtres humains.
Nous ferons nous aussi notre contribution à cette théorie.
Nous désirons exprimer notre confiance dans
notre succès parce que nous avons une riche histoire qui est
basée d'abord sur la vie et sur les luttes à finir des
peuples autochtones pour vivre en harmonie avec la nature et
résoudre les problèmes des rapports entre humains. La
Confédération iroquoise s'est guidée sur la Grande
Loi de la Paix et
les autres nations autochtones avaient des guides semblables avant la
Conquête. Nous avons les luttes des premiers voyageurs, des
colons et des métis, lorsque les lois coloniales
définissaient les règles et les actes de génocide
et que les droits étaient définis suivant les
définitions coloniales. Et nous avons toutes les manifestations
des luttes du peuple
pour s'investir du pouvoir de décider pendant 500
années de contact européen.
Ajoutons à cette histoire le fait que
nous-mêmes sommes les filles et les fils et les
représentants d'une classe ouvrière et d'un peuple
instruits et combattants, doués d'un profond sens de justice, de
démocratie, de paix et de liberté. Avec tous ces
éléments en notre faveur, nous allons certainement
réussir !
Le besoin d'institutions modernes basées sur la
défense des droits de tous et toutes
- Le Collectif Joseph Montferrand -
Introduction
On mentionne souvent cette idée que Karl Marx a
empruntée de Hegel selon laquelle tous les
événements et personnages historiques se
répètent deux fois. Marx précisait :
« La première fois comme tragédie, la seconde
fois comme
farce. »
Au Québec la farce de la division du
peuple sur une base linguistique et ethnoculturelle a assez
duré ! La tragédie de l'Acte d'Union
de 1841 basé sur les conclusions du rapport Durham qui
divisait le peuple entre
« canadien-français » et
« canadien-anglais » se répète et
prend différentes formes.
Tragédie ou farce, la crise existentielle qui
subit le Canada est insurmontable tant que nous gardons la forme de
l'État anglo-canadien aujourd'hui sous la mainmise des
oligopoles au service de l'impérialisme américain. La
cause de cette crise est que les gouvernants britanniques
qui ont fondé
le Canada par une proclamation royale en 1867 ont investi
la Couronne de la souveraineté et le peuple depuis ce
temps-là n'a jamais été capable de s'investir
lui-même du pouvoir souverain. Aujourd'hui la souveraineté
demeure entre les mains de la Couronne, à la disposition de
grands oligopoles, y
compris de leurs forces et services privés de
sécurité et du renseignement. C'est la même chose
pour la nation
du Québec que les Britanniques ont supprimée par la force
comme condition pour imposer ce qu'ils appellent leurs institutions
démocratiques. Cet État anglo-canadien est aujourd'hui
l'expression de la vieille politique pourrie de diviser le peuple pour
le maintenir à l'écart du pouvoir souverain. Il
empêche l'édification d'un État moderne et
souverain basé sur la reconnaissance
des droits. Il faut en finir avec l'historiographie qui divise le
peuple
et maintient le statu quo qui nous plonge dans des crises de plus en
plus profondes, y inclus le danger de guerre mondiale.
Carte des frontières du Haut-Canada et du Bas-Canada en 1840
Aujourd'hui alors que nous célébrons
le 180e anniversaires des rébellions dans le Haut-Canada et
le Bas-Canada, le renouvellement des institutions et du processus
politique
est bloqué peu importe quel parti politique est au pouvoir. Du
« fédéralisme d'ouverture » au
fédéralisme de coopération, de la profession de
foi libérale à la défense du multiculturalisme
à l'adoption par la Chambre des communes d'une motion professant
une nation ethnoculturelle du Québec ainsi que les
notions de « l'autre 150 » qui pleure pour
avoir des valeurs « canadiennes
françaises » plutôt que des valeurs
« canadiennes anglaises ». (Cette notion de
« L'autre 150 » laisse entendre que les
Canadiens ont
peut-être raison de célébrer, « mais pas
nous ». Autrement dit, pas de problème avec la
constitution canadienne et la couronne, sauf que le Québec en
veut une pareille, sinon une pareille à celle de la France en
crise !)
Depuis la prétention des conservateurs avant ce
gouvernement Trudeau de vouloir « en finir avec les vieilles
querelles constitutionnelles » à la prétention
de Justin Trudeau que le problème n'existe pas alors que son
gouvernement insiste par contre pour que le Canada soit intervenant
dans la poursuite en justice contre la loi 99 de
l'Assemblée nationale, qui déclare que seul le
Québec peut décider de la question à poser dans un
référendum jusqu'à, finalement, la renonciation de
la promesse de Trudeau de réformer le système
électoral, le
blocage se poursuit. Il est clair que l'État anglo-canadien et
ses représentants ne veulent pas d'une constitution qui
reconnaisse le droit du Québec à
l'autodétermination et qui redéfinisse le partage des
pouvoirs et les droits de tous sur une base moderne.
Cette subversion et ce blocage comprennent aussi
l'adoption d'une politique d'intégration des immigrants qui
viole le droit de conscience en imposant un serment d'allégeance
aux « valeurs » qu'elles soient «canadiennes
» ou « québécoises ». Cette
politique ne fut pas
introduite au
Québec par un gouvernement dit nationaliste ou xénophobe
mais par le gouvernement libéral de Jean Charest. Sa
réponse au rapport de la Commission Bouchard-Taylor fut de
reprendre le slogan des accommodements raisonnables des
bâtisseurs d'empire à l'époque de la
conquête, puis
à l'époque de la Rébellion et tout au long de la
création des institutions dites démocratiques au
Québec. Le contenu de cette politique a toujours
été les accommodements de tous les éléments
qui s'opposent à la prise du pouvoir par le peuple. Voilà
l'histoire des institutions démocratiques du Québec qui
expriment le blocage qui refuse de répondre aux besoins
réels de la société sur la base d'une
définition moderne des droits. Une telle politique ne peut
développer l'unité fraternelle du peuple, qui est une
condition
nécessaire au progrès de la société.
Cette subversion a son écho chez les partis
politiques au pouvoir et dans l'opposition au Québec qui font de
la langue, des « accommodements raisonnables »,
de la « diversité ethnoculturelle » et des
« valeurs québécoises » des
sujets de débat perpétuel et passionnel pendant que le
peuple est dépourvu des moyens d'aborder ces problèmes et
de leur trouver une solution sur une base moderne. Ainsi, les questions
de la langue et des valeurs sont tout ce qu'ils ont à offrir. Au
nom d'une crise identitaire, tout est offert sauf un projet
d'édification nationale à l'image et avec les objectifs
de la classe ouvrière, à qui l'histoire a assigné
la tâche d'investir le peuple du pouvoir souverain. D'autres
forces sont également emportées dans le tourbillon
à cause de leur refus de prendre position, leur refus de voir
que les
partis politiques et le système électoral comme moyen
pour le peuple de donner à d'autres un soi-disant mandat de
gouverner en son nom sont désuets. Elles s'illusionnent que les
partis au pouvoir peuvent ou veulent régler les problèmes
sur une base moderne.
Dans le cours de la lutte à la défense
des droits de tous, il est important d'analyser comment le contenu et
la forme des institutions dites démocratiques qui ont
été imposés avec l'écrasement de la
Rébellion et de voir la définition des droits des
bâtisseurs d'empire que
ces institutions défendent.
Au cours de notre enquête, on s'aperçoit
qu'au Canada tout est affaire de soi-disant accommodements
raisonnables, plus particulièrement tout est affaire
d'accommoder la classe ouvrière à ce que la bourgeoisie
considère comme raisonnable et de surmonter les
différends entre les factions de
la classe dominante et ses agences en s'accommodant elles aussi les
unes aux autres. Évidemment, aujourd'hui, à cause du
néolibéralisme et de l'objectif de rendre les monopoles
les plus puissants concurrentiels sur les marchés mondiaux, la
crise des accommodements raisonnables sert surtout à
blâmer le peuple, à l'accuser de racisme, de
xénophobie, de vouloir des solutions d'extrême droite, etc.
En étudiant la question, on s'est aperçu
que cette crise était en fait la vieille politique de diviser
pour régner dans une nouvelle bouteille mais avec une nouvelle
étiquette, celle de se battre pour une identité qui nous
est propre.
La politique identitaire fut la politique
utilisée par les colonialistes et bâtisseurs d'empire
britanniques depuis le XVIIIe siècle pour diviser le peuple,
semer la haine et les tensions afin de briser l'unité
fraternelle du peuple et ainsi le maintenir à l'écart du
pouvoir souverain et de bloquer la
résolution du problème de la subjugation des peuples
autochtones et de la nation du Québec. Au
Québec et au Canada, cette politique a depuis pris
différentes
formes historiques selon les besoins de l'époque, elle est au
coeur de l'histoire canadienne et transpire de tous les actes
constitutionnels, de l'Acte de Québec de 1774
à la Charte
Canadienne des droits et libertés de 1982 en passant
par l'Acte d'Amérique du Nord Britannique de 1867.
En plus, c'est précisément la politique
réactionnaire à la base du soi-disant bilinguisme et
multiculturalisme du gouvernement de Justin Trudeau avec son slogan
« unité dans la diversité ».
La modification des frontières après l'Acte de
Québec de 1774 et après l'Acte
constitutionnel de 1791
Il est essentiel d'aborder cette histoire comme la
science l'exige, et comme le matérialisme historique l'enseigne,
c'est-à-dire en tant que développement de la lutte de
classe à la lumière du besoin historique d'harmoniser
l'intérêt individuel avec l'intérêt collectif
dans le
contexte des intérêts généraux de la
société tels que définis par la classe
ouvrière et le peuple eux-mêmes. Une première
tâche est de reconnaître que c'est seulement en tant que
membres du corps politique que tous sont égaux. Il faut se
défaire de
cette pratique des démocraties dites représentatives dans
lesquelles le seul rôle qu'on accorde aux citoyens est de cocher
une boîte sur un bulletin de vote pour remettre leur pouvoir
décisionnel à des gens qui gouvernent en leur nom mais
qui ne les représentent pas.
Les points saillants de l'histoire constitutionnelle
canadienne au cours de laquelle se sont développées et
établies les institutions dites démocratiques sont en
fait des périodes de haute trahison de la part des
élites.
Nous présentons ici un très bref survol
de certains faits historiques qui permet de voir le
développement des formes qu'a prises la politique de diviser
pour régner des colonialistes britanniques au Canada et ensuite
de l'Église catholique et de toutes les élites, que ce
soit celles qui
représentent l'État anglo-canadien ou son homologue au
Québec.
La définition des droits après la
Conquête
Au lendemain de la victoire contre la France
en 1763, les Britanniques se rendirent compte qu'en soi la
victoire militaire ne suffisait pas. Notons que la révolution
américaine a commencé en 1765, à peine deux
ans après l'adoption du Traité de Paris par lequel la
France
concédait la Nouvelle-France à l'Angleterre. À
peine trois mois après la conquête, les soldats de sa
Majesté faisaient face aux dangers qui suivaient aux
États-Unis - un soulèvement autochtone dirigé par
le chef outaouais Pontiac. Les Britanniques se retrouvaient dans une
situation
où il leur fallait gouverner un territoire récemment
conquis alors que la révolte grondait également dans
leurs colonies plus au sud. Ils avaient besoin d'une population docile
au service de leurs intérêts au Québec et sur le
plan mondial dans leur rivalité avec les puissances coloniales
européennes.
Les oppresseurs coloniaux adoptèrent une
série de mesures qui, plus tard, dans l'empire britannique en
Amérique du Nord, allaient être
caractérisées comme étant la politique britannique
des accommodement raisonnables mais qui était au fond la
politique coloniale
éprouvée du « divide et impera »
(diviser pour régner).
Après avoir joué un rôle de premier
plan dans la conquête militaire de la Nouvelle-France, notamment
sous les ordres de James Wolf, James Murray fut le premier gouverneur
de la Province de Québec après l'administration militaire
qui dura jusqu'en 1664. Murray comprit que la
couronne britannique devait rechercher l'appui de certains seigneurs
français et du clergé catholique pour pacifier le reste
de la population. Bien que les conditions de la colonie en exigeassent
la suppression, sa majesté imposa le « serment du
teste ». Le « serment du teste »
existait en Angleterre depuis la période de la reine
Élisabeth et visait essentiellement l'exclusion des catholiques
romains de toutes charges administratives et judiciaires. En
échange du privilège d'accéder à certaines
fonctions, on devait renier l'autorité du pape ainsi que
certains dogmes romains
comme l'Immaculée Conception et la transsubstantiation. Ce n'est
que plus tard, face à l'instabilité de la situation
coloniale en Amérique du Nord, à l'occasion de la
proclamation de l'Acte de Québec de 1774, que sera
aboli le « serment du teste ».
Guy Carleton, deuxième gouverneur de la colonie
nouvellement britannique, reconnut également la
nécessité de se gagner l'appui des élites
seigneuriales et cléricales. Il enjoignit qu'on nomme plusieurs
d'entre eux au conseil qui servait de gouvernement et que les fils de
certains seigneurs soient
nommés officiers de l'armée. Pour Carleton, il
était nécessaire de prendre ces mesures et d'accommoder
les élites francophones, particulièrement le
clergé, notamment par l'intégration de cette élite
au pouvoir par l'acceptation de la religion catholique, de la langue
française, et de certaines coutumes, car, jugeait-il,
« aussi longtemps que les Canadiens seront privés de
toute position de confiance et de places profitables, ils ne pourront
oublier qu'ils ne sont plus sous la domination de leur souverain
naturel ».
La préservation de la langue française,
de la religion catholique et du droit civil français ainsi que
des droits des seigneurs féodaux était également
liée au besoin qu'avaient les Britanniques de restructurer
l'économie. Beaucoup de capitalistes, marchands et entrepreneurs
français retournèrent en France après la
conquête. Une grande partie du clergé catholique quitta
également, de même que des administrateurs, des juges,
etc. Les Britanniques voulaient que les entrepreneurs et
propriétaires fonciers qui étaient restés dans les
campagnes se
constituent en une nouvelle administration. Un clergé catholique
bien implanté qui prêchait l'acceptation du statu quo et
qui était étroitement lié à l'aristocratie
féodale n'était pas sans utilité pour la classe
dominante. Ces couches supérieures de la nation du
Québec étaient plus qu'heureuses d'accepter l'offre des
colonialistes britanniques. C'est ainsi que sont nés les grands
« accommodements » entre les élites
coloniales britanniques et les élites francophones.
Cette politique prit une forme concrète avec l'Acte
de
Québec
de 1774, sous le règne de Carleton,
qui assurait la continuation du clergé catholique, du
régime seigneurial, du vieux droit civil français et
d'autres coutumes et traditions qui ne posaient pas de menace au
pouvoir des
conquérants. Cependant, l'Acte de 1774 ne garantissait pas
l'établissement d'un gouvernement représentatif ni aucun
droit véritable pour le peuple, ce qui allait devenir le cri de
ralliement des Patriotes durant la Rébellion de 1837. En
échange du droit de préserver leurs coutumes et
leur religion, les habitants du Québec devaient prêter le
serment d'allégeance à la couronne britannique. Deux
colonialistes britanniques, York et Grey, écrivirent, en
préparation de cet Acte : « ... les
conquérants sages, après s'être assurés de
la possession
de leur conquête, agissent avec douceur et permettent à
leurs sujets conquis de conserver toutes leurs coutumes locales,
inoffensives de leur nature. »
Les patriotes dans les tranchées à la bataille de
Saint-Charles le 25 novembre 1837
L'Article V de l'Acte de 1774 accorde aux
catholiques le droit de pratiquer leur religion et déclare les
pleins droits du clergé. L'Article VI fait de même en ce
qui concerne la religion protestante et son clergé. L'Article
VII déclare qu'en échange, tout habitant du Québec
doit faire le
serment suivant :
« Je, A.B, promet sincèrement et
affirme par serment, que je serai fidèle, et que je porterai
vraie foi et fidélité à Sa Majesté le roi
Georges... et que je ferai tous mes efforts pour découvrir et
donner connaissance à Sa Majesté... de toutes trahisons,
perfides
conspirations, et de tous attentats, que je pourrai apprendre se tramer
contre lui. »
L'Acte de 1791 maintiendra le même serment
pour toute personne désirant être élue à
l'Assemblée législative nouvellement créée.
Très accommodante, sa Majesté autorise que le serment
« soit prêté en anglais ou en
français suivant le cas ». Aussi, l'Acte de 1791
assure la protection des titres des propriétés
seigneuriaux au Bas-Canada et crée ce que l'on appellera les
réserves du clergé dans le Haut-Canada. C'est en effet
l'Acte de 1791 qui divisera pour la première fois le Canada
entre Haut et Bas Canada. L'objectif est d'ouvrir le territoire aux
Loyalistes ayant déserté les 13 colonies
après la révolution américaine. Mais surtout,
l'Acte de 1791 vise à consolider le pouvoir colonial en
restructurant l'administration de la colonie. On crée une
Assemblée
législative élue sans aucun pouvoir réel. On
renforce le rôle et le pouvoir du Gouverneur et du Conseil
législatif nommé par le gouverneur au détriment de
l'Assemblée législative élue dont l'ensemble des
lois doit être approuvé par le gouverneur et son
conseil.
Ainsi, « la Clique du
Château » -- une référence au
château Saint-Louis, résidence du gouverneur et
siège du gouvernement -- réunira la bourgeoisie marchande
anglaise du Bas-Canada et dominera les affaires politiques, judiciaires
et commerciales
jusqu'aux années 1830, début du mouvement patriote.
Il importe de noter que les Britanniques ne se sont pas
sentis obligés d'abolir le français. C'était en
effet une des « coutumes inoffensives » qu'ils
permirent à la population de conserver. Par exemple, le Conseil
législatif avait le droit de tenir ses
délibérations en
français, bien que les procès-verbaux fussent
rédigés en anglais. Les proclamations et les
arrêtés étaient rédigés en anglais et
en français. Les Britanniques se satisfaisaient parfaitement
d'exercer leur pouvoir dans l'une ou l'autre des deux langues, en
autant que leurs fins
soient servies. Malgré tout, la question de la langue ne fut pas
spécifiquement débattue à l'époque. Elle
demeura sans solution. Formée sous les soins des colonialistes
britanniques, la nouvelle élite dirigeante du Québec
devint vite une partie de la famille royale. La question est que
lorsqu'il s'agit de profits, la langue et la religion n'ont plus la
même importance. Les classes dominantes dans tous les pays du
monde parlent le langage de l'argent, de la loi de la jungle et ont foi
dans le statu quo. Voilà leur seule langue et leur seule
religion véritables.
La définition des droits donnée par la
lutte des Patriotes dans leur projet d'édification nationale
Un officier britannique lit l'ordre d'expulsion après la
défaite de la rébellion des Patriotes,
ce à quoi les Patriotes répondent le point levé :
« Trahison ! »
Encore aujourd'hui, l'establishment et ses historiens
suivent la voie tracée par Lord Durham en réduisant la
lutte menée par les Patriotes à un conflit interethnique
entre francophones et anglophones. Ce sont précisément
les institutions de la couronne ne répondant pas aux aspirations
du
peuple et aux exigences de l'époque que refusèrent les
Patriotes.
Voici une citation du fameux Rapport Durham qui
déclarait, après l'écrasement sanglant de la
rébellion des Patriotes de 1837-38 contre le pouvoir de la
couronne britannique dans le Haut-Canada et le Bas-Canada, que
c'était
une affaire de « races » :
« Je m'attendais à trouver un conflit
entre un gouvernement et un peuple ; je trouvai deux nations en
guerre au sein d'un même État : je trouvai une lutte,
non de principes, mais de races. Je m'en aperçus : il
serait vain de vouloir améliorer les lois et les institutions
avant que
d'avoir réussi à exterminer la haine mortelle qui
maintenant divise les habitants du Bas-Canada en deux groupes
hostiles : Français et Anglais. »
Pourtant, deux choses sautent aux yeux lorsque l'on
étudie cette période de l'histoire. Premièrement,
il est frappant de voir comment les Patriotes ont su identifier le
blocage par les formes sociales de l'époque et avancer un projet
d'édification nationale basé sur les idéaux les
plus
avancés de l'époque et répondant aux
problèmes tels qu'ils se posaient alors. Deuxièmement, on
remarque qu'aujourd'hui, les formes sociales et les institutions
soi-disant démocratiques qui bloquent l'avancement de la
société sont celles directement héritées de
ces
bâtisseurs d'empires qui ont combattu les Patriotes et qui ont
construit le Canada en niant la nation québécoise -- et
toutes les nations autochtones -- et en attisant le racisme et en
semant la division.
Les Patriotes ont su identifier le blocage par les
formes sociales de l'époque. Il s'agissait essentiellement de
vaincre le colonialisme et d'abolir le système seigneurial pour
construire sur ces ruines un État-nation répondant aux
aspirations de l'époque. Les Patriotes d'ici, comme partout en
Amérique
au XIXe siècle, étaient des républicains contre un
régime colonial. Cela se voit dans les 92
résolutions de 1834 qui affirmaient entre autres que le but
était de créer les arrangements conformes aux
intérêts de chaque habitant « sans distinction
d'origine ni
de croyance ». On le voit également dans toutes les
résolutions adoptées lors de la vague d'assemblées
publiques de l'été 1837 et dans la
Déclaration d'indépendance de la République du
Bas-Canada proclamée à l'hiver 1838.
Ainsi, au coeur de cette grande expression de la
volonté populaire, les Patriotes proclamèrent
« par ordre du gouvernement provisoire » un
important manifeste appelé « Déclaration
d'indépendance de la République du
Bas-Canada ». Ils y
énoncèrent les principes et les droits
démocratiques propres à une république.
L'article 3 appelle à la défense des droits de
tous : « 3. Que sous le gouvernement libre du
Bas-Canada, tous les individus jouiront des mêmes droits :
les sauvages ne seront plus
soumis à aucune disqualification civile, mais jouiront des
mêmes droits que tous les autres citoyens du
Bas-Canada. » L'article 15 proclame que c'est le peuple
qui rédigera sa constitution : « Que dans le
plus court délai possible, le peuple choisisse des
délégués, suivant la présente division du
pays en comtés, villes et bourgs, lesquels formeront une
convention ou corps législatif pour formuler une constitution
suivant les besoins du pays, conforme aux dispositions de cette
déclaration, sujette à être modifiée suivant
la
volonté du peuple. »
Cette lutte n'avait rien d'une lutte interethnique. On
le voit dans les symboles patriotes, le drapeau patriote symbolisant
l'unité du peuple du Bas-Canada. On le voit aussi dans
différentes batailles menées par le parti patriote qui,
par exemple, s'était porté à la défense de
la pleine
reconnaissance des droits civiques de la communauté juive du
Bas-Canada. En 1807, Ezekiel Hart, un juif élu dans la
circonscription francophone de Trois-Rivières, s'est fait
refuser son siège à l'Assemblée
législative. Le tout se termina en 1832 par l'adoption d'un
projet de loi
déposé par John Nielson du parti patriote qui abolissait
toute discrimination, en termes de droits civiques, à l'endroit
des Juifs.
La haine du peuple du
Bas-Canada n'était pas dirigée contre les Canadiens
anglophones ni contre le peuple britannique. Au contraire, le peuple du
Bas-Canada et le peuple anglais partageaient la même haine contre
les impérialistes et les exploiteurs britanniques. Les
échanges entre les organisations
ouvrières londoniennes et les comités patriotes en
témoignent. Après avoir tenu une assemblée de
protestation contre les résolutions Russell et avoir soumis
à la Chambre des Communes une pétition soutenant les
revendications des Canadiens, la London Workingmen's Association
fondée par Karl Marx avait envoyé un message au
Comité central des Patriotes dans lequel on peut lire :
« Puissiez-vous voir le soleil de l'indépendance
luire sur vos cités croissantes, sur vos foyers joyeux, vos
épaisses forêts et vos lacs
glacés ! » La
réponse du Comité central des Patriotes affirme pour sa
part : « Nous n'avons aucune querelle avec le peuple
d'Angleterre. Nous faisons la guerre uniquement aux agressions
d'oppresseurs tyranniques qui vous oppriment aussi bien que
nous. »
Il est même tout à fait anachronique de
parler de lutte entre Canadiens-français et Canadiens-anglais,
puisqu'à l'époque, tous étaient Canadiens tout
court ! Un porte-parole patriote s'expliquait ainsi lors de sa
parution devant un comité de la Chambre des Communes :
« Dans les documents écrits, tous sont appelés
Canadiens qui sont du côté du Canada, et tous sont
appelés non Canadiens qui sont contre le peuple
canadien. » Encore une fois, la division entre
Canadiens-français et Canadiens-anglais est une invention des
colonialistes
exploiteurs et sert leur politique de diviser pour régner.
Malgré ces évidences, on continue de
colporter, avec Lord Durham, que 1837-38 était une lutte
des francophones contre les anglophones. Ces calomnies
perpétuent la politique de diviser pour régner des
bâtisseurs d'empire du XIXe siècle et servent à
occulter le coeur du
problème. Comme aujourd'hui, le coeur du problème
était les institutions dites démocratiques
désuètes et le blocage par les formes sociales.
Plutôt que de répondre aux exigences de l'époque et
de renouveler ces institutions, les colonialistes se sont
accrochés au statu quo
en réprimant dans le sang la révolte de 1837-38. La
Rébellion fut écrasée par la force des armes, avec
la suspension des libertés civiles, des arrestations massives,
l'incendie de demeures, la pendaison de 12 patriotes et l'exil
forcé de 64 autres. Plus de 1 700
personnes furent jetées en prison. Rien qu'à
Montréal, 816 personnes furent arrêtées
en 1838, sur une population de 30 000 personnes. Par
rapport à la population de Montréal aujourd'hui, ce
serait l'équivalent de 40 000 personnes. De ce
nombre, 108 furent traduits en cour martiale. C'est sans compter
les centaines qui durent fuir aux États-Unis pour éviter
la persécution, y compris dix accusés de
« meurtre » qui faisaient face à la peine
de mort s'ils revenaient au pays. Et tout cela sans parler des villages
de la
vallée du Richelieu qui ont été rasés,
complètement brûlés. Ces événements
marquèrent la suppression de la nation naissante du
Québec dont l'existence continue d'être niée
jusqu'à ce jour en la privant de son droit à
l'autodétermination en tant qu'entité légale
indépendante, libre de former une union avec le reste du Canada
si tel est son propre désir.
Les définitions des droits dans l'Acte d'Union
de 1840
La réponse aux aspirations démocratiques
des peuples du Haut-Canada et du Bas-Canada en 1837-38,
après leur
répression militaire et la pendaison des patriotes qui ont
refusé de s'accommoder aux institutions britanniques, fut
l'envoi du Lord Durham pour étudier la situation et faire ses
recommandations
à Londres. On a fait de Durham un symbole de la volonté
d'assimiler les francophones. L'ensemble de son rapport est
effectivement rempli de passages haineux à l'égard des
habitants du Bas-Canada parlant français. Mais l'esprit du
rapport traduit plutôt un profond chauvinisme et un mépris
désolant pour tout ce qui n'est pas britannique au service des
intérêts fonciers et commerciaux britanniques.
Au-delà de ce racisme patent, il y a une volonté de faire
de la jeune nation une colonie véritablement britannique, de
langue anglaise certes, mais de culture britannique surtout, afin d'en
assurer la
stabilité pour leurs intérêts financiers.
Le passage suivant met en lumière les
véritables motivations de la politique de Durham qui n'est pas
tant une question de faire disparaître une langue, mais bien une
affaire de domination et de maintien du pouvoir colonial :
« En vérité, je serais
étonné si, dans les circonstances, les plus
réfléchis des Canadiens français entretenaient
à présent l'espoir de conserver leur nationalité.
Quelques efforts qu'ils fassent, il est évident que
l'assimilation aux usages anglais a
déjà commencé. La langue anglaise gagne du terrain
comme la langue des riches et de ceux qui distribuent les emplois aux
travailleurs. [...] Il s'écoulera beaucoup de temps, bien
entendu, avant que le changement de langage s'étende à
tout le peuple. [...] Mais je répète qu'il faudrait
commencer par changer tout de suite le caractère de la province,
et poursuivre cette fin avec vigueur, mais non sans prudence que le
premier objectif du plan quelconque qui sera adopté pour le
gouvernement futur du Bas-Canada devrait être d'en faire une
province anglaise ; et à cet effet que la
suprématie ne soit jamais placée dans d'autres mains que
celles des Anglais. [...] Dans l'état où j'ai
décrit la mentalité de la population
canadienne-française, non seulement comme elle est aujourd'hui,
mais pour longtemps à venir, ce ne serait de fait que faciliter
un soulèvement
que de lui confier toute autorité dans la province. Le
Bas-Canada, maintenant et toujours, doit être gouverné par
la population anglaise. Ainsi, la politique que les exigences de
l'heure nous obligent à appliquer est d'accord avec celle que
suggère une perspective du progrès éventuel et
durable de
la province. »
Aussi clairement que cela : pour assurer le
« progrès éventuel et durable de la
province » il faut empêcher que soit
« confiée toute autorité dans la
province » à sa « population ».
C'est dans cet esprit, et selon les recommandations de
Durham, que fut adopté l'Acte d'Union de 1840
à l'occasion duquel on donna une partie du territoire du
Québec à l'Ontario et une partie de la dette de l'Ontario
au Québec ! C'est chez Lord Durham et dans l'Acte
d'Union que l'on trouve les germes de la division du peuple sur une
base ethnoculturelle.
L'évolution de la définition des droits
dans la période 1840-1867
La période 1841-1867 est très
intéressante : on nous la présente comme
étant une période de grande victoire pour la
démocratie au Canada, c'est effectivement une période
très importante d'implantation des institutions que l'on dit
démocratiques, mais en même temps, c'est en fait une
période de haute
trahison et de capitulation. Tous les hauts faits de l'implantation de
ce
qu'on présente comme étant la démocratie
canadienne sont en fait des hauts faits de la trahison nationale de la
part des élites du Québec. C'est pour cela que les
institutions
dites démocratiques sont des accommodements raisonnables qu'on a
institués sur la base de la négation du Québec.
Durant cette période, l'idée du
« bon sujet » était mise de l'avant par
les élites accommodées. Le bon sujet est celui qui est en
marge de la conduite des affaires politiques, celui qui s'en remet
à la monarchie pour se faire guider et s'accommode des
institutions dites
démocratique de l'Empire.
Toute cette idée de bon sujet est mise de
l'avant par Papineau lors du débat sur le rappel de l'Union
en 1849. Ce dernier clame que les canadiens-français sont
tranquilles et loyaux à la couronne et que sur cette base
l'Union est un désaveu envers les libertés des
francophones. Cette
idée est reprise plus tard par George-Étienne Cartier qui
d'une part, défend le huis clos des conférences sur le
projet de Confédération et d'autre part estime que le bon
sujet s'en remet à la volonté des parlementaires. Les
« Canadiens-français » sont des
bons sujets selon Cartier puisqu'ils ont permis de développer
les institutions britanniques en Amérique.
Parmi ces élites accommodées, le
représentant le plus illustre est sans doute Louis-Hippolyte
Lafontaine. Anobli en 1854 pour ses bons services envers la
couronne, ce dernier à été l'un des plus grands
capitulards et le principal promoteur de la conciliation avec l'Union
de 1840.
Lafontaine y voyait même une opportunité, « un
beau risque » dira-t-on beaucoup plus tard...
Dans une adresse du 25 août 1840, au
lendemain même de l'Union, c'est en ces termes qu'il en parlait
aux électeurs de son comté : « Elle
[l'Union] est un acte d'injustice et de despotisme, en ce qu'elle nous
est imposée sans notre consentement [...]. S'ensuit-il que les
Représentants du Bas-Canada doivent s'engager d'avance, et sans
garanties, à demander le rappel de l'union ? Non, ils ne
doivent pas le faire. »
Dans le même discours, Lafontaine se rallie aux
institutions politiques des bâtisseurs d'empire en prenant soin
de souligner la justesse de la solution Durham. Lafontaine rejetait
« l'opposition à outrance ». Il disait
qu'il valait mieux faire des compromis et accepter de jouer le jeu pour
participer au
pouvoir. Bref, concilier et abandonner le projet d'édification
nationale en échange de miettes d'influences. C'est ainsi
qu'en 1842, Lafontaine acceptait de participer au gouvernement et
à l'administration de la colonie de sa majesté. Il
déclarait fièrement : « Oui sans notre
coopération active, sans notre participation au pouvoir, le
gouvernement ne peut fonctionner de manière à
rétablir la paix et la confiance qui sont essentielles au
succès de toute administration. »
En 1849, alors qu'il s'opposait à
l'abrogation de l'Union de 1840, il vantait les mérites de
sa politique de conciliation et de sa participation au pouvoir
colonial : « Mais si vous et moi, M. l'orateur n'avions
pas accepté la part qui nous fut faite en 1842, dans
l'administration des
affaires du pays, où en serait aujourd'hui nos
compatriotes ? Où
en serait notre langue que, contre la foi des traités, un
gouverneur avait fait proscrire par une clause de l'acte d'Union ?
Cette langue, la langue de nos pères, serait-elle aujourd'hui
réhabilitée, comme elle vient de l'être dans la
manière la plus solennelle, dans l'enceinte et dans les actes de
la Législature ? »
Cette politique de conciliation avec les institutions
politiques qui ont pour but de maintenir le peuple à
l'écart du pouvoir souverain pèse lourd sur le
Québec encore aujourd'hui.
Conclusion
La bataille de Saint-Charles le 25 novembre 1837 (tableau de Lord Charles Beauclerk)
La Rébellion de 1837-1838 est un
événement important dans l'histoire du Québec et
du Canada et il faut en saisir la signification pour comprendre la
situation aujourd'hui et ne pas se laisser détourner par le
chantage des forces de l'establishment selon qui la souveraineté
du Québec
équivaut à « la destruction du
Canada ». Au contraire, l'établissement de
l'État moderne du Québec sur sa propre base demeure
nécessaire pour résoudre la crise constitutionnelle en
faveur du peuple en mettant fin à l'emprise des institutions
établies
issues de la répression du projet d'édification nationale
des patriotes de 1837-1838. Ce sont les institutions dites
démocratiques basées sur les « accommodements
raisonnables », les arrangements que les oligarques
britanniques ont jugés « raisonnables »
pour renforcer la domination coloniale britannique établie
après la défaite de la France sur les plaines d'Abraham
en 1759 et après que le Québec soit passé de
colonie française à colonie anglaise. Le pouvoir
britannique a divisé le peuple sur une base ethnoculturelle et
enchâssé cette division dans l'Acte d'Union de 1840.
Depuis, la stratégie de diviser pour
régner a servi, d'abord à l'État britannique et
maintenant à l'État canadien, à imposer le diktat
des élites dominantes au peuple du Québec et au peuple du
Canada. Il est clair qu'après la Rébellion
de 1837-1838, tous
les patriotes qui refusaient de se concilier avec ces soi-disant
accommodements raisonnables ont été soit pendus, soit
exilés et que les institutions démocratiques actuelles du
soi-disant gouvernement responsable, sorties de l'infâme Acte
d'Union , ont comme but d'écarter le peuple de tout
arrangement de partage du pouvoir. La situation actuelle montre que la
cause pour laquelle les patriotes ont combattu en 1837-1838
appelle aujourd'hui la classe ouvrière à se constituer en
la nation et à investir le peuple du pouvoir souverain de
décider de ses affaires politiques, économiques, sociales
et
culturelles et de celles de la nation.
C'est d'autant plus urgent à l'heure où
les gouvernements du Québec et du Canada intensifient la
braderie des ressources naturelles et humaines, cherchent à
établir de nouveaux arrangements qui facilitent l'annexion
politique, économique et militaire du Canada et du Québec
aux
États-Unis des monopoles d'Amérique du Nord et
restructurent l'État au service des monopoles les plus puissants
dans le cadre du projet d'empire américain. Plus ils refusent de
partager le pouvoir, plus ils parlent d'« accommodements
raisonnables ».
Le résultat de ces politiques de destruction de
la nation est que les élites dominantes ont plongé le
Québec et le Canada dans une crise politique et
constitutionnelle sans précédent. Leur refus d'ouvrir la
voie au progrès de la société se voit dans leurs
tentatives croissantes
d'imposer la politique de division en fonction de la langue, de
l'origine nationale, de la culture, des croyances, de la couleur de la
peau, du sexe et autres considérations. Nous assistons
quotidiennement aux querelles de factions qui rivalisent pour savoir
qui est le meilleur représentant des valeurs du Québec,
qui
réduisent l'identité du peuple québécois
à l'aspect linguistique et divisent le corps politique en
fonction de l'appartenance ethnoculturelle pour arriver à
imposer un nouvel « accommodement raisonnable »
pour continuer de nier au peuple son droit d'être et son droit de
décider des arrangements dont il a besoin pour s'épanouir.
Devant ces assauts contre la conscience, les
travailleurs et le peuple du Québec ont un choix à
faire : ou bien continuer sur la voie tracée par les
colonialistes britanniques il y a deux cents ans avec la politique
consciente et meurtrière de diviser pour régner
perpétuée par les
élites au nom de « l'unité dans la diversité
»,
ou bien trouver les moyens de mettre fin à cette situation et de
bâtir l'unité fraternelle des peuples sur la base de la
reconnaissance et de la défense des droits de tous. Seule la
classe ouvrière peut parvenir à résoudre
cette question par la voie du renouveau et du progrès contre la
subversion et le blocage du renouvellement des institutions promu par
les cercles dominants.
L'incitation aux passions sur la question de la langue,
des différences ethnoculturelles et des valeurs ne vise pas le
renouveau démocratique, elle fait partie de la vieille
stratégie britannique de diviser pour régner, qui est
à la base des institutions dites démocratiques qui
privent toujours le peuple de
son droit de se gouverner. Alors la tâche de la classe
ouvrière et du peuple du Québec et du Canada est de
briser toute tentative de prétendu « consensus
social » pour diviser le peuple sur des bases racistes. Le
renouveau démocratique est la solution à ce
problème qui dure depuis
deux cents
ans, la subjugation de la nation du Québec par les institutions
dites démocratiques qui privent le peuple du pouvoir souverain.
Au sujet de Joseph Montferrand
Sculpture de Jos Montferrand à Mattawa
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Le Collectif Jos Montferrand, basé en Outaouais,
prend son nom de Joseph Montferrand (1802-1864) qui a travaillé
comme draveur et bûcheron dans le Haut-Canada et le Bas-Canada,
surtout
dans la vallée de l'Outaouais. Aussi appelé Joe Mufferaw,
il est considéré comme un héros des travailleurs
par sa force et son courage légendaires, surtout en opposition
au traitement brutal des travailleurs canadiens par les employeurs
britanniques. Ses exploits ont lieu en grande partie durant la
période précédant la Rébellion de
1837-1838, durant ces années de protestations où
l'insurrection grondait. Selon les récits que les gens en ont
fait, il est devenu célèbre à l'âge de 16
ans, en 1818, alors qu,il mesurait déjà six pieds quatre
pouces. À
l'époque, la marine britannique organisait des tournois de boxe
sur ses navires de guerre dans différents coins du monde et
déclarait un « champion mondial de la boxe». Au
Canada, les soldats sur les navires britanniques dans le port de
Montréal raillaient et provoquaient la foule de Canadiens
rassemblés, ridiculisaient leur impuissance devant leur
«Champion mondial de la boxe». Cette
année-là, le
jeune Jos Montferrand releva le défi. Il monta sur le ring et
jeta au tapis le « champion du monde » d'un seul coup de
poing. Jos fut déclaré « champion du monde »
à son tour, avec une bourse en prix, mais il refusa le titre et
donna l'argent aux pauvres gens dans le besoin. Il est
immortalisé entre autres dans les chansons Johnny Monfarleau
de La Bolduc, Jos Montferrand de Gilles Vigneault et Big
Joe Mufferaw de Stompin' Tom Connors.
(Les
illustrations sont tirées de L'esprit
révoluitonnaire dans l'art québécois, Robert-Lionel Séguin, 1972.)
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Marxiste-Léniniste
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