Le Marxiste-Léniniste

Numéro 17 - 6 mai 2017

180e anniversaire des rébellions de 1837-1838 dans le Haut
et le Bas-Canada

Pour une constitution moderne qui
investit le peuple et non la couronne
du pouvoir décisionnel

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180e anniversaire des rébellions de 1837-1838 dans le Haut et le Bas-Canada
Pour une constitution moderne qui investit le peuple et non la couronne du pouvoir décisionnel
Assemblée historique à Saint-Ours, Québec : moment charnière du projet d'édification nationale des patriotes 


Les élections présidentielles du 7 mai en France
Les élections aggravent davantage la crise de l'État-nation français - Christian Legeais


180e anniversaire des rébellions de 1837-1838 dans le Haut et le Bas-Canada

Pour une constitution moderne qui investit le peuple et non la couronne du pouvoir décisionnel

En mai nous célébrons le 180e anniversaire des rébellions de 1837-1838 dans le Haut et le Bas-Canada. Cette année, le gouvernement fédéral prépare également les célébrations du 150e anniversaire de la Confédération.

Le Parti marxiste-léniniste du Québec vous invite à participer à une conférence sur la conception des droits pour laquelle les patriotes se sont battus en 1837-1838 et la conception contenue dans la Constitution du Canada telle qu'établie par la proclamation royale de 1867 appelée Acte de l'Amérique du Nord britannique. Dans les institutions établies par les Britanniques à l'époque, c'est la couronne qui est le siège de la souveraineté, pas le peuple. La conception des droits qu'elles continuent d'imposer a été définie dans le cours de la suppression de la nation du Québec et la dépossession et le génocide contre les peuples autochtones.

Tous celles et ceux qui se préoccupent de l'édification nationale aujourd'hui sont appelés à participer à cette importante discussion. C'est une discussion nécessaire pour établir l'orientation dont nous avons besoin pour ouvrir la voie au progrès de la société, affirmer les droits et mettre fin aux guerres d'agression et aux autres dangers qui menacent l'humanité.

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Assemblée historique à Saint-Ours, Québec : moment charnière du projet d'édification
nationale des patriotes


Journée des patriotes à Montréal le 23 mai 2016

Le 7 mai 1837, 1200 patriotes se sont rassemblés à Saint-Ours pour débattre et adopter la marche à suivre de leur mouvement. L'assemblée faisait suite au rejet par la couronne britannique des 92 résolutions adoptées par les élus à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada qui, avec le Conseil législatif nommé par le gouverneur de la colonie, formait le Parlement du Bas-Canada. Ces résolutions, où ils affirmaient leurs droits démocratiques, avaient été remises à la Chambre des communes britannique en avril 1834.

Le rejet des 92 résolutions par la couronne britannique a pris la forme d'un rapport de La Commission royale d'enquête sur tous les griefs affectant les sujets de Sa Majesté dans le Bas-Canada, mise sur pied en 1835, dirigée par Archibald Acheson, 2e comte de Gosford et gouverneur du Bas-Canada. Le rapport de la commission est utilisé par Lord John Russell ministre de l'intérieur au Parlement britannique, pour présenter, le 6 mars 1837, dix résolutions au Parlement de Londres. Celles-ci réaffirment le contrôle de la monarchie britannique sur les décisions prises au Bas-Canada.

Dans les résolutions 4 et 5 il est écrit : « Dans la situation actuelle du Bas-Canada, on ne saurait recommander que le Conseil législatif de cette province devienne électif, mais il est bon qu'on envisage des mesures pour que la population en arrive à accorder plus de confiance dans cette Chambre qu'elle ne lui en donne actuellement. « S'il est bon de réformer la composition du Conseil exécutif dans le Bas-Canada, il n'est pas à conseiller de lui donner la responsabilité que réclame pour lui la Chambre d'Assemblée de cette province. »

La résolution 8 quant à elle, réaffirme le contrôle de la couronne sur l'économie de la jeune nation : « Pour faire face aux arrérages dus sur les comptes des dépenses établies et ordinaires à l'administration de la Justice et du gouvernement civil de la province, il est bon qu'après avoir appliqué dans ce but telle somme jugée convenable, à la date du 10 avril 1837, cette somme provenant des revenus héréditaires, territoriaux ou extraordinaires de Sa Majesté, soit versée entre les mains du receveur général de la province ; que le gouverneur de la province ait le pouvoir de prendre sur les autres revenus de Sa Majesté telle somme qu'il sera nécessaire pour arriver à la somme de 142.160I 14s 6d., somme qui devra être versée entre les mains du receveur général de la province pour le paiement des comptes ci-dessus mentionnés. »

Dès que la nouvelle se propage, les patriotes organisent des assemblées publiques pour mobiliser les habitants en vue de répondre à cette négation de leurs demandes. Le journal La Minerve annonce dès le 20 avril, la tenue d'une grande assemblée à Saint-Ours, dans le comté de Richelieu.

Le 7 mai, les patriotes Siméon Marchessault, Charles-Olivier Côté et le docteur Wolfred Nelson prennent la parole devant la foule et 12 résolutions sont adoptées qui prendront le nom de Déclaration de Saint-Ours. En voici quelques extraits : « Que dans ces circonstances, nous ne pourrions regarder autrement le gouvernement qui aurait recours à l'injustice, à la force et à une violation du contrat social, que comme un pouvoir oppresseur, un gouvernement de force, pour lequel la mesure de notre soumission ne devrait être désormais que la mesure de notre force numérique jointe aux sympathies que nous trouverons ailleurs. » [...]


En 2016, le Parti marxiste-léniniste du Québec a publié cette brochure qui présente la position du PMLQ sur la question nationale:
il appelle à des arrangements constitutionnels modernes qui enchâssent une union libre et égale des peuples souverains du Québec, du Canada et des nations autochtones. Commandez-la du Centre national de publication.

« Que nous nions au Parlement anglais le droit de législater, pour ce qui regarde les affaires intérieures de cette colonie, contre notre consentement et sans notre participation et nos demandes, comme le non-exercice de ce droit par l'Angleterre nous a été garanti par la constitution et reconnu par la métropole lorsqu'elle a craint que nous n'acceptions les offres de liberté et d'indépendance que nous faisait la république voisine. » [...]

« Que cependant, comme notre argent public, dont on ose disposer sans aucun contrôle le gouvernement métropolitain, va devenir entre ses mains un nouveau moyen d'oppression contre nous et que nous regardons de notre devoir comme de notre bonheur de résister par tous les moyens actuellement en notre possession à un pouvoir tyrannique ; pour diminuer autant qu'il est en nous, ces moyens d'oppression, nous résolvons. » [...]

« Que nous nous abstiendrons, autant qu'il sera en nous, de consommer les articles importés et particulièrement ceux qui paient des droits plus élevés, tels que le thé, le tabac, les vins, le rhum, etc. Que nous consommerons de préférence les produits manufacturés en ce pays ; que nous regarderons comme bien méritant de la patrie quiconque établira des manufactures de soie, de draps, de toiles, soit de sucre, de spiritueux, etc. » [...]

« Que nos amis et frères de l'union politique de Toronto, méritent également nos remerciements pour la sympathie à notre égard qu'ils ont témoignée dans la série des résolutions passées le 17 avril dernier contre les mesures coercitives proposées par les ministres. » [...] « Que cette assemblée entretient la conviction que dans une élection générale, dont le pays est menacé à l'instigation d'hommes faibles et pervers, aussi ignorant de l'opinion publique dans la crise actuelle qu'ils sont dépourvus d'influence, les électeurs témoigneraient leur reconnaissance à leurs fidèles mandataires en les réélisant de nouveau et en repoussant ceux qui ont forfait à leurs promesses et à leurs devoirs et qui ont trahi le pays soit en se rangeant du côté de nos adversaires, soit en s'absentant lâchement lorsque le pays attendait d'eux l'expression honnête de leurs sentiments. »

Gosford fait alors adopter une proclamation où il est dit que les assemblées constituent une atteinte à la paix, interdit les « publications séditieuses » et incite la population à tout faire pour empêcher de tels discours. Bien que celle-ci soit affichée partout à Québec et dans divers comtés à partir du 17 juin 1837, le mouvement patriote refuse de se laisser intimider et poursuit ses rencontres et ses assemblées pour une République du Bas-Canada, menant à la rébellion de 1837-1838.

Sources

Les résolutions devant être proposées Lord John Russell à un Comité de la chambre sur les affaires du Canada. 1837. Grande-Bretagne, Parlement, Chambre des communes. Adoptées par la Chambre le 28 avril 1837, Londres (Baldwin Collection, Toronto Reference Library 320.971402 G675 BR. Voir le texte complet des résolutions.

(Basé sur un article paru dans Chantier politique le 10 avril 2017)

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Les élections présidentielles du 7 mai en France

Les élections aggravent davantage
la crise de l'État-nation français


Manifestation à Paris contre l'état d'urgence le 30 janvier 2016 (LDH)

Le second tour final des élections présidentielles françaises se tient ce dimanche 7 mai. Après le premier tour le 23 avril, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, qui ont reçu le plus de votes au premier tour (24,01 % et 21,30 % respectivement) selon les résultats officiels publiés par le ministère de l'Intérieur français, sont les candidats en lice au second tour.[1]

Loin de contribuer à la résolution des problèmes sociaux, économiques, culturels et politiques qui gangrènent la société française, les résultats des élections aggravent la crise dans laquelle est plongé l'État-nation français. En premier lieu, il est indéniable que les deux candidats en lice privent la classe ouvrière de sa propre voix dans ces élections. Quant aux élections comme telles, elles n'ont rien de libre ou d'équitable. Ces élections se tiennent sous un gouvernement de pouvoirs de police, sous l'état d'urgence, devenu permanent depuis deux ans. Cet état d'urgence a pour but avoué de « mener une politique de reconquête des zones de non-droit », les cités et les banlieues ouvrières, et de pacifier la résistance à l'ordre du jour néolibéral. Pour le premier tour de l'élection, le ministère de l'Intérieur a renforcé cet état d'urgence. Plus de 50 000 policiers et gendarmes (dont 12 000 rien que pour Paris) avec 7 000 militaires de l'opération Sentinelle ont été mobilisés pour « sécuriser » les 67 000 lieux de vote. Cela correspond à un quart des effectifs totaux des forces de l'ordre en France. Ce sera la même chose au second tour le 7 mai.

Les problèmes et les contradictions qui rongent la France sont ceux qui n'ont pas été résolu depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et surtout depuis la lutte de libération nationale du peuple algérien. Ces contradictions ressurgissent avec force depuis l'effondrement de l'Union soviétique qui était censé démontrer la supériorité de la démocratie occidentale et mettre fin à la guerre froide. Loin s'en faut, l'ordre du jour néolibéral qui a été adopté et la destruction nationale qu'il engendre ont accentué tous les problèmes en consacrant, au lieu de les éliminer, des privilèges accrus que font respecter les pouvoirs de la police.

Les problèmes actuels proviennent des arrangements instaurés au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Les impérialistes américains ont imposé le plan Marshall et l'OTAN à l'Europe dans le but avoué de la dominer, de conquérir de nouveaux marchés et d'endiguer le communisme dans le cadre de la guerre froide.

L'État et la Constitution de la Ve République sont eux-mêmes illégitimes. Ils sont issus d'un coup d'État militaire, le coup d'État militaire d'Alger le 13 mai 1958, dont le but était de garder l'Algérie française et d'écraser la lutte de libération nationale du peuple algérien. Les institutions de l'État de la Ve République reposent sur l'enterrement des aspirations du peuple français exprimées dans la Constitution de 1946 qui disait : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. » La Constitution de 1946 proclamait également comme « particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux fondamentaux » comme, entre autres, le droit au travail et l'emploi, le droit syndical, le droit de grève, la nationalisation des monopoles de fait ou des services publics nationaux, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs, l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture.

Cette constitution est en lambeaux, mais les dirigeants ne veulent pas répondre au besoin de renouveau provenant de la base de la société française qui lutte pour la dignité du travail et exige que les droits de tous soient défendus. Au contraire, les changements à la constitution ne sont envisagés que pour rendre le gouvernement de pouvoirs de police permanent et « légal ». C'est un mépris des principes démocratiques qui ne pourra jamais légitimer les attaques des classes dominantes contre la classe ouvrière et ses organisations. Cela ne pourra pas non plus légitimer l'offensive antisociale contre tous les travailleurs des villes et campagnes, la criminalisation de leurs luttes pour la reconnaissance de leurs droits, l'emprisonnement de dirigeants syndicaux, les attaques racistes organisées par l'État contre la classe ouvrière qui sont attribuées au peuple que l'on accuse de xénophobie et de racisme, la ghettoïsation des personnes d'origine maghrébine et africaine, la criminalisation et l'exclusion sociale des jeunes, la « crise des banlieues ».

Aujourd'hui, la lutte dans les rangs des dirigeants est très forte. Une faction représente des intérêts financiers qui s'efforcent de contrôler l'État français et veulent s'assurer une base pour faire concurrence à l'Allemagne surtout et exploiter directement les ressources et les marchés du pays et de l'empire néocolonial de la France. Le capital allemand n'est pas seul à pêcher en eaux troubles, l'impérialisme américain également qui veut un candidat qui sert ses intérêts. Les impérialistes américains cherchent à briser la France comme concurrent ou bien la contrôler pour dominer l'Europe avec leur pacte agressif de l'OTAN et l'Union européenne. Ils veulent l'utiliser comme tremplin pour dominer l'Asie et priver la France de son influence et s'emparer de ses intérêts au Moyen-Orient et en Afrique.


Manifestation contre l'OTAN à Strasbourg
le 4 avril 2009

La création de l'Union européenne poursuivait les mêmes objectifs. Les fondateurs de l'Union européenne, surtout les monopoles français, visaient avec la mise en commun des marchés européens, qui avait comme base la reconstitution des grands cartels monopolistes du charbon et de l'acier de l'avant-guerre, la protection des empires coloniaux, notamment sur le continent africain. Actuellement, le développement de l'Union européenne se fait par le transfert de la souveraineté des États souverains à des instances supranationales, notamment la Commission européenne, aux blocs, alliances et coalitions de guerre comme l'OTAN. Elle est l'abandon de la souveraineté des peuples et des pays au Moloch du capital financier international et annonce de graves dangers. Cela comprend les massacres des peuples africains que planifient les impérialistes sous couvert d'arguments social-darwinistes et néo-malthusiens selon lesquels la surpopulation est la cause des crises, notamment des crises migratoires, des guerres et de la famine.

Au nom du libre marché dans l'Union européenne, les privatisations des services publics et des biens publics nécessaires à toute société moderne se poursuivent à un rythme rapide. Tout ce qui avait été nationalisé au lendemain de la guerre est soit déjà privatisé, soit en cours de privatisation, notamment le secteur ferroviaire et des communications. Sous l'impulsion de la Commission européenne, au nom de l'unification des normes du travail dans l'Union européenne et de la modernisation des marchés, des lois anti-ouvrière néolibérales comme la Loi Travail de 2016 sont imposées et la juridiction française ne représente plus rien.

Les élections françaises sont une fraude parce que ce n'est pas le peuple qui définit l'ordre du jour et donne à la France un but qui le sert. Ce système, dans lequel le seul rôle du peuple est lors du vote de remettre à des forces de classe qui lui sont étrangères son droit politique de se gouverner lui-même, ne peut légitimer le résultat des élections. Les élections n'offrent aucune alternative à l'état actuel des choses. Lancer l'une contre l'autre deux factions qui servent des intérêts de classe étrangers pour neutraliser la classe ouvrière montre que même si l'ancien système bipartite est fini, sa forme continue d'être utilisée pour priver le peuple de toute intervention en ce qui concerne les candidats sélectionnés et s'assurer que leur programme ne représente pas les efforts du peuple pour s'investir du pouvoir de décider.

En fait, la comptabilisation des suffrages, y compris les votes blancs et nuls, au premier tour montre que plus de 65 % des votants n'ont choisi ni Emmanuel Macron ni Marine Le Pen pour le second tour et que ces deux candidats du second tour n'ont obtenu qu'un peu plus de 35 % du vote enregistré. Avec les abstentions, c'est 80 % des électeurs inscrits qui se voient imposer ces candidats de l'oligarchie.[2]

Le programme d'Emmanuel Macron est de rendre à la France sa grandeur en passant un nouveau « contrat de droits, de devoirs et de responsabilités ». Son nouveau contrat est basé sur la négation des droits et la destruction de tous les acquis sociaux. C'est la reprise du programme de Margaret Thatcher dont il est un admirateur. C'est l'offensive antisociale basée sur le libre-marché qui dit que la société n'a pas de responsabilité envers ses membres. Ce n'est pas un programme pour résoudre la crise et changer la situation en faveur du peuple. Son discours sur « l'esprit de conquête français », une phrase qu'il a ressorti lors du débat électoral du 3 mai, est un discours de bâtisseur d'empire. C'est la poursuite du même programme néolibéral qui a approfondi la crise de l'édification nationale de la France. Malgré cela, Emmanuel Macron est qualifié de centriste et l'élection en France est présentée comme un choc des idéologies avec Marine Le Pen qui représente ce qu'on appelle la position de l'« extrême droite xénophobe ».

Le programme de Marine Le Pen veut lui aussi renouer avec « l'esprit de conquête français » et « restaurer le roman national » français. Elle déclare que « le vent de l'histoire a tourné ! » et qu'il faut remettre la France en ordre. Marine Le Pen représente l'esprit de la France d'avant la révolution, son slogan : « Je le ferai au nom du peuple français » est « l'État, c'est moi » de Louis XIV. Son ordre du jour d'empire de « remettre en ordre notre pays par la reconquête des territoires perdus de la République » est contraire à l'appel de l'histoire. Elle déclare qu'elle va « remettre en ordre notre économie en valorisant le travail ; remettre en ordre notre système social en refusant la mondialisation des prestations ; remettre en ordre l'État en lui redonnant son autorité, ses moyens (justice, police, défense) ». Ce programme n'a même pas la prétention de répondre aux besoins du peuple français d'établir un nouveau régime pour se gouverner lui-même directement au lieu de donner le pouvoir de représentation à d'autres qui gouvernent par les pouvoirs de police.

Ce rêve d'une France « pastorale » est le fruit de l'imagination de Le Pen et une fraude pour établir un gouvernement de pouvoirs de police qui privilégie des intérêts privés particuliers. La France n'a jamais été pastorale ou bucolique pour la paysannerie, qui a été soumise à un joug féodal féroce avant la création de la République et à l'oppression capitaliste depuis. Aujourd'hui, les agriculteurs français sont à la merci du capital financier international et de son programme de libre-échange mangeur d'hommes, pas des « étrangers ». C'est le capitalisme agonisant qui entretient des relations féodales pour exproprier les paysans et les travailleurs migrants à l'échelle mondiale. Marine Le Pen oppose sa régression vers un passé pastoral à la « modernisation » de Macron vers un avenir sans espoir. Les deux appuient le recours aux pouvoirs de police sans entraves des oligopoles contre la classe ouvrière et le peuple. C'est précisément ce qui prive le peuple français du pouvoir d'apporter des changements en faveur du peuple. En même temps, cela montre la voie à suivre qui est que la classe ouvrière doit se constituer en la nation et investir le peuple de la souveraineté et s'unir avec les peuples du monde sur la base de leur cause commune.

Le libre-échange et le protectionnisme sont deux côtés de la même médaille. Les disputes actuelles concernant l'appartenance à l'Union européenne sont en réalité l'expression de dangereuses contradictions interimpérialistes et intermonopolistes pour le contrôle des ressources, des sphères d'influence et des zones d'exportation du capital et du travail. Les élections basées sur des formes nationales qui ne fonctionnent plus sont tout à fait impuissantes à résoudre ces contradictions. La solution au libre-échange n'est pas le « protectionnisme » et la solution au néolibéralisme n'est pas la réanimation des vieilles formes de l'État providence. La solution est que la classe ouvrière se constitue en la nation et engage la France dans un projet d'édification nationale moderne, basé sur l'internationalisme prolétarien et l'unité des travailleurs de tous les pays dans la réalisation de leur mission historique : s'investir eux-mêmes de la souveraineté plutôt que de l'abandonner à des intérêts privés représentés aujourd'hui par des oligopoles qui se déchaînent sur le monde et sèment la mort et la destruction sur leur passage.

Pour changer la direction de l'économie pour qu'elle soit au service du peuple, les travailleurs s'efforcent de prendre le contrôle de leurs affaires en mettant de l'avant leurs programmes et leurs revendications. C'est seulement ainsi qu'on règlera les comptes avec les vieilles forces désuètes qui s'appuient sur les vieilles valeurs coloniales et les nouvelles valeurs néocoloniales impérialistes et se sont emparées du pouvoir par la force et la fraude.

En 1871, le prolétariat de Paris a pris les armes et a créé la Commune de Paris, un puissant effort historique pour établir son propre pouvoir. La Commune de Paris a été brutalement écrasée par la classe dominante avec la complicité de l'envahisseur prussien, ouvrant une autre période de sombre réaction.[3]

Le contenu du pouvoir français n'a pas changé depuis que la réaction a pris le dessus, malgré toutes les formes que cela a pris. Dire que la lutte en France est entre des solutions d'extrême-droite et des solutions centristes est une fraude. La lutte est entre l'Ancien et le Nouveau. Accuser le peuple de xénophobie et d'idéologies d'extrême-droite ou tenter de le mobiliser pour qu'il appuie des candidats néolibéraux dits centristes ou de frauduleux mouvements comme En Marche d'Emmanuel Macron ne changera rien au fait que ceux-ci ne représentent pas des alternatives à la crise actuelle dans laquelle l'État-nation français est embourbé. Il est insensé de persister à présenter les choses comme étant un antagonisme entre des idéologies et des politiques de droite, d'extrême-droite, de centre ou de gauche, puisqu'en réalité tout cela ne correspond à absolument rien.

Nous sommes confrontés à un moment historique. Les vieilles formes établies par les constitutions des États-nations bourgeois tels que créés au XVIIIe et au XIXe siècle et qui ont donné naissance à la sorte de société civile nécessaire à la bourgeoisie pour protéger ses droits de propriété à ce moment-là ont fait leur temps, et sont des formes épuisées qui ne fonctionnent tout simplement plus.

Dans cette élection, les oligarques financiers sont engagés dans une concurrence de vie ou de mort pour saisir le pouvoir comme ils l'ont fait à maintes reprises dans le passé au moyen de formes telles les élections multipartites et la législature qui, dans la langue de la révolution française, se nomme Assemblée nationale. C'est ce qui a permis aux classes de propriétaires d'accéder au pouvoir et non au peuple qui, pourtant, au prix du sang versé, avait renversé les oppresseurs et avait cherché à s'investir du pouvoir souverain. La société civile, avec ses centaines d'organisations, d'institutions et d'agences, est réduite aujourd'hui à un gouvernement de pouvoirs de police qui a pour tâche de faire échec au mouvement du peuple pour s'investir du pouvoir. Les gouvernements de pouvoirs de police font en sorte que tous les droits qui étaient reconnus dans la période antérieure, toutes formes telles les législatures et les organisations de la société civile, toutes les lois, ne contribuent plus à l'objectif d'édification nationale mais aux intérêts privés étroits des grands oligarques financiers. La promesse de la révolution française de liberté, égalité, fraternité est en lambeaux. Ce qu'on appelle les partis traditionnels ne sont plus capables de fonctionner et ne sont pas aptes à gouverner puisque non seulement sont-ils corrompus mais ils sont avant tout impuissants à proposer à la France un objectif qui répond à ses besoins et aux besoins du peuple au XXIe siècle.

Ce que montrent ces élections, ce n'est pas le « choix impossible » auquel serait confrontée la classe ouvrière. La faillite des institutions et de l'État français des oligopoles montre que le seul choix est l'alternative. La classe ouvrière doit diriger le peuple pour établir le renouveau politique et une constitution moderne qui investisse véritablement le peuple de la souveraineté. Un authentique mouvement politique du peuple réalisera cette tâche historique.

La grande bourgeoisie est si désespérée qu'elle fabrique des mouvements sans mouvement, qui seraient un « renouveau » et « l'expression de la volonté populaire ». Une de ces fabrications est le « mouvement » En Marche d'Emmanuel Macron qui, s'il gagnent, devra s'implanter dans l'Assemblée nationale pour légitimer le mandat de servir le Moloch du capital au pouvoir en France dans sa concurrence avec le capital allemand et les États-Unis qui veulent dominer l'Europe. C'est le comble de l'absurdité et de l'incohérence.

Les ouvriers et le peuple français exigent un nouveau système, qui sera capable de réaliser la nécessaire édification nationale fondée sur l'affirmation et la défense des droits modernes inaliénables de toutes et de tous.

De graves dangers menacent le peuple français et les peuples d'Europe qui ont déjà souffert de deux guerres mondiales cataclysmiques. Les peuples du monde doivent en tenir compte et s'unir pour faire naître le Nouveau. La classe ouvrière et le peuple du Canada sont solidaires de la classe ouvrière et du peuple français dans leur lutte pour défendre leur droits et lutter pour les droits de toutes et de tous.

Notes

 1. Les résultats du premier tour des élections présidentielles française tenu le 23 avril.

Candidats
Voix
 
 
 
Nombre
% des inscrits
% des exprimés
icolas DUPONT-AIGNAN
1 695 186
3,56
4,70
Marine LE PEN
7 679 493
16,14
21,30
Emmanuel MACRON
8 657 326
18,19
24,01
Benoît HAMON
2 291 565
4,82
6,36
Nathalie ARTHAUD
232 428
0,49
0,64
Philippe POUTOU
394 582
0,83
1,09
Jacques CHEMINADE
65 598
0,14
0,18
Jean LASSALLE
435 365
0,91
1,21
Jean-Luc MÉLENCHON
7 060 885
14,84
19,58
François ASSELINEAU
332 588
0,70
0,92
En effet       
 7 213 797
15,16
20,01
Total
36 058 813
75,78
100,00%

 2. Le système de partis divise le peuple afin de le priver de pouvoir. Le résultat du premier tour aurait même été différent si le Parti socialiste, qui depuis le début de l'élection avec son candidat Benoit Hamon a été incapable d'augmenter son appui, s'était désisté en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Cela aurait pu donner à Mélenchon, considéré comme le candidat de la gauche, près de 27 % du vote, ce qui aurait éliminé Marine Le Pen du second tour. Un second tour mettant face à face ce que les « analystes financiers » et les médias monopolisés appelaient la gauche radicale et le centre devait être évité à tout prix et c'est pourquoi il était important que le candidat du Parti socialiste qui a remporté 6,2 % du vote demeure dans la course. Il peut maintenant réclamer un remboursement de dépenses électorales à même les fonds publics.

 3. L'État français indépendant a en fait été établi sous les rois de France Louis XIII (1601-1643) et Louis XIV (1638-1715). Son indépendance face au Vatican a été exprimée de façon éloquente quand Louis XIV a déclaré en 1655 « L'État, c'est moi ! » et créé sur cette base un État centralisé sans précédent dans l'histoire avec Jean-Baptiste Colbert comme contrôleur général des finances. Le contrôle de la Nouvelle-France a été arraché à la « Compagnie des Cents Associés » du cardinal Richelieu et placé sous Administration royale en 1663, avec un ministre de la Marine, un intendant, un gouverneur militaire et un « Conseil souverain ». Plus de cent ans plus tard, en 1789, la Révolution française, avec son mot d'ordre de « Liberté, Égalité, Fraternité » a créé l'État-nation bourgeois. Au nom du peuple, il a investi les classes possédantes et non la couronne de la souveraineté.

L'État-nation créé par la Révolution française a conféré la citoyenneté sur la base de la nationalité mais n'est jamais allé jusqu'à reconnaître le droit des sans culottes de gouverner. Il n'a pas conféré les droits de citoyenneté à ses sujets coloniaux des Antilles françaises ou d'Afrique du Nord, y compris l'Algérie, et le racisme de l'État français envers les Nord-Africains et les immigrants qu'il considère comme indésirables demeure jusqu'à aujourd'hui un de ses traits distinctifs.

La France a vécu une série de révolutions et de restaurations de la monarchie puis un coup d'État en février 1848 par Louis Napoléon Bonaparte au sujet duquel Marx a écrit ce qui suit dans Le I8 Brumaire de Louis Bonaparte  :

« Le 2 Décembre [1848], la révolution de février est escamotée par le tour de passe-passe d'un tricheur, et ce qui semble avoir été renversé, ce n'est plus la monarchie, ce sont les concessions libérales qui lui avaient été arrachées au prix de luttes séculaires. Au lieu que la société elle-même se soit donné un nouveau contenu, c'est l'État qui paraît seulement être revenu à sa forme primitive, à la simple domination insolente du sabre et du goupillon.[...] La société semble être actuellement revenue à son point de départ. En réalité, c'est maintenant seulement qu'elle doit se créer son point de départ révolutionnaire, c'est-à-dire la situation, les rapports, les conditions qui seuls, permettent une révolution sociale sérieuse. »

Marx conclut :

« Les révolutions bourgeoises, comme celles du XVIIIe siècle, se précipitent rapidement de succès en succès, leurs effets dramatiques se surpassent, les hommes et les choses semblent être pris dans des feux de diamants, l'enthousiasme extatique est l'état permanent de la société, mais elles sont de courte durée. Rapidement, elles atteignent leur point culminant, et un long malaise s'empare de la société avant qu'elle ait appris à s'approprier d'une façon calme et posée les résultats de sa période orageuse. Les révolutions prolétariennes, par contre, comme celles du XIXe siècle, se critiquent elles-mêmes constamment, interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli pour le recommencer à nouveau, raillent impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de leurs premières tentatives, paraissent n'abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et se redresser à nouveau en formidable en face d'elles, reculent constamment à nouveau devant l'immensité infinie de leurs propres buts, jusqu'à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière, et que les circonstances elles-mêmes crient :

Hic Rhodus, hic, salta !

C'est ici qu'est la rose, c'est ici qu'il faut danser ! »

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