Le Marxiste-Léniniste

Numéro 7 - 4 mars 2017

À la mémoire de Wendell Fields

In Memoriam
Wendell Fields


26 août 1957 - 1er mars 2017

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In Memoriam
Wendell Fields - 26 août 1957 - 1er mars 2017
Présentation devant le Comité permanent de la justice et des affaires sociales de l'assemblée législative de l'Ontario, 1999
À la défense du droit de conscience - Regina c. Fields, 1986

Tous à la Journée internationale de la femme le 8 mars!
Calendrier d'événements

La nécessité d'une nouvelle direction pour l'économie
L'approbation de l'oléoduc Keystone XL
Le tapage au sujet des oléoducs - Peggy Morton
Le programme de diversification pétrochimique de l'Alberta  - K.C. Adams
Les préoccupations légitimes face à la fracturation hydraulique - Fernand Deschamps

  Réformes néolibérales de la Loi sur les transports au Canada
Les travailleurs manifestent contre la déréglementation et la privatisation
Réforme antinationale du système de transport du Canada - Centre ouvrier du PCC(M-L)


In Memoriam

Wendell Fields

C'est avec beaucoup de chagrin que le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) vous informe que notre camarade Wendell Fields est décédé l'après-midi du 1er mars, à 13 h 55. Wendel a appris qu'il avait un cancer il y a à peine deux mois. Malgré la gravité de la maladie, il n'a jamais défailli dans sa détermination à aller de l'avant. Il y a cinq semaines seulement, le 21 janvier, malgré la maladie et la douleur, il a pris part aux marches de millions de personnes qui ont eu lieu aux États-Unis, au Canada et ailleurs dans le monde suite à l'assermentation du nouveau président des États-Unis. Il a confectionné une pancarte sur laquelle il appelait à défendre les droits des femmes et les droits de tous et à renouveler la résistance, à renouveler le Canada !

Nous transmettons nos sincères condoléances aux camarades et amis de Wendell et à ses frères et soeurs et aux autres membres de sa famille. C'est pour nous un réconfort de savoir que, par les soins affecteux et l'attention qu'il a reçus de tant de personnes, il nous a quittés en sachant combien il était apprécié et quel amour social et quelle tendre affection il leur a inspirés à toutes.

Wendell est né à Windsor, en Nouvelle-Écosse, le 26 août 1957. Lorsqu'il avait 10 ans, son père, le caporal Hugh Fields, et six autres parachutistes de la base des Forces canadiennes à Petawawa sont morts dans un exercice nocturne lorsqu'un fort vent les a détournés de leur trajectoire et qu'ils se sont noyés dans la rivière des Outaouais. Cette tragédie allait commencer des années de misère pour la famille de Wendell puisque sa mère Eileen a dû s'occuper à elle seule de cinq jeunes enfants.

C'est donc à un très jeune âge que Wendell a assumé une responsabilité  familiale en occupant des emplois à faible revenu, qui sont typiquement la seule option pour beaucoup de jeunes. De cette expérience, il a acquis une conscience des problèmes émanant du rapport entre la société et le bien-être de ses membres et de la responsabilité sociale. C'est ainsi que la politique est devenue un élément déterminant de sa vie.

Wendell a joint le travail du Parti alors qu'il était jeune homme et que lui et sa famille vivaient à Cambridge, en Ontario, dans les années 1970. Il écoutait la radio du campus de l'Université de Waterloo et a entendu parler de l'Alliance anti-impérialiste, une organisation de la jeunesse et des étudiants du PCC(M-L). Il a immédiatement été attiré par le travail du Parti pour organiser les travailleurs dans l'opposition au rejet du fardeau de la crise économique sur leur dos — lutte menée à l'époque avec le slogan « Faisons payer les riches ! » devenu par la suite la lutte pour que les gouvernements cessent de payer les riches aux dépens du bien-être du peuple.

Wendell s'est joint à la lutte du journal étudiant The Chevron en 1977. Les étudiants s'étaient ralliés à la défense de la liberté de presse lorsque le conseil étudiant a unilatéralement décidé de fermer le journal parce qu'il n'était pas d'accord qu'il soit ouvert à tous les points de vue politiques, en particulier ceux guidés par la théorie du marxisme-léninisme.

Après s'être joint à l'Alliance anti-impérialiste en tant que jeune activiste communautaire, dans les années qui ont suivi il a participé aux grandes batailles contre les attaques racistes et fascistes organisées par l'État, comme l'opposition à la formation de l'Escouade d'intervention tactique à Kitchener-Waterloo et au harcèlement et à la persécution du PCC(M-L). Il compte parmi ceux qui ont contribué à déjouer les coups montés de l'État contre le camarade Hardial Bains avec les accusations forgées de « complicité avec un immigrant illégal » suite à une descente de la police politique au centre de recherche du Parti à Kitchener-Waterloo. Il est devenu membre du Parti en 1979.

Wendell a travaillé comme mouleur dans une usine de plastique à Cambridge au début des années 1980 et n'a jamais raté une occasion d'être solidaire avec les travailleurs luttant pour leurs droits. En 1984, alors qu'il soutenait les grévistes d'une succursale de la Canada Trust à Cambridge, il a été arrêté et accusé d'« assaut contre un représentant de l'ordre » alors qu'en réalité la police avait violemment attaqué la ligne de piquetage pour permettre à des voitures de passer. Wendell a intenté des poursuites pour  voie de fait contre un policier qui l'avait blessé durant son arrestation. Durant son témoignage au procès, on lui a demandé s'il était membre du PCC(M-L), ce à quoi il a refusé de répondre parce que ce n'était pas pertinent pour la cause. Le juge lui a ordonné de répondre sous peine d'outrage au tribunal mais il a refusé et a été condamné à une peine de prison. Mais Wendell a fait appel de la sentence et un juge de la Cour d'appel de l'Ontario lui a donné raison, puisqu'il était dans son droit de ne pas répondre à cette question. Ce jugement a établi deux précédents dans la jurisprudence, inscrits comme tels dans le Martin's Annuel Criminal Code.

En 1987, après avoir été mis à pied de son emploi à Cambridge, Wendell a fait de Hamilton sa nouvelle demeure. Là, il a contribué au travail de la presse de masse sans parti, aidant à établir et à distribuer le New Hamilton Weekly. En plus de sa participation au travail constant du Parti, il est devenu actif dans le groupe de lutte à la pauvreté Hamilton Against Poverty, qu'il n'a cessé de soutenir depuis. Avec d'autres membres du groupe, Wendel a organisé une opposition à l'offensive antisociale du gouvernement conservateur de Mike Harris. Lui et ses camarades n'ont jamais cessé cette bataille malgré les gouvernements qui se sont succédés à tous les niveaux pour poursuivre cette offensive avec toujours plus de brutalité.

Wendell a mené une offensive idéologique informée contre les lois de l'offensive antisociale, exposant l'orientation régressive des politiques visant la destruction du concept même d'une société moderne responsable de ses membres. Il a combattu pour l'élaboration d'un programme prosocial face aux attaques contre les droits des travailleurs et les sections les plus vulnérables de la société. Wendell a vécu à la hauteur de la devise « Notre sécurité est dans la défense des droits de tous » et « Non c'est non ! » Il a refusé de rester les bras croisés devant la marginalisation de toute section du peuple, que ce soit sur la base des convictions politiques, de la race, de l'origine nationale, du sexe, des croyances religieuses, du statut social ou des capacités.

Il était aussi aux côtés des Six Nations du territoire de la rivière Grand contre l'empiètement illégal sur leurs terres à Caledonia et a participé aux luttes des personnes handicapées pour leurs droits et leur dignité et à de nombreuses autres batailles.

Wendell a été candidat du Parti marxiste-léniniste du Canada aux élections fédérales de 1997, 2000, 2011 et 2015 et a défendu la cause de l'habilitation du peuple. Dans une déclaration sur un réseau de câblodiffusion à Hamilton durant l'élection de 2015, il affirmait entre autres :

« Pour tous les travailleurs de la région de Hamilton, pour les plusieurs milliers de retraités et pour le bien de l'ensemble de la communauté, nous devons reconnaître le besoin du renouveau politique pour que nous puissions investir les Canadiens du pouvoir de décider de leurs affaires et ne pas laisser les partis politiques former les gouvernements en réduisant les citoyens et résidents au rôle de spectateurs tandis que les décisions sont prises dans les conseils d'administration des grandes sociétés et les coulisses du pouvoir. Nous avons besoin d'une nouvelle direction pour l'économie qui est établie par et pour le peuple dans laquelle ils ont l'autorité décisionnelle de mettre fin à la destruction de tout ce qu'ils ont bâti. »

Il a aussi été candidat indépendant aux élections provinciales  de 1999 en Ontario et candidat à la mairie de Hamilton en 1997, durant laquelle élection il a appelé à la création de mécanismes qui permettent aux résidents de Hamilton d'exercer un pouvoir décisionnel sur les affaires de la ville.

En tant qu'activiste à Hamilton, Wendell a été aux côtés des métallos dès les premiers jours de leur lutte épique contre le vol légalisé de US Steel avec la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en 2004. Rolf Gerstenberger, président du Parti marxiste-léniniste du Canada et ancien président de la section locale 1005 du Syndicat des Métallos, se rappelle :

« Wendell est déménagé à Hamilton aux alentours de 1987, lorsque nous avons commencé la publication du New Hamilton Weekly. Il s'est porté volontaire pour la distribution du magazine qu'il livrait dans les kiosques et les blocs appartements. À l'époque nous en imprimions 140 000 copies. Le magazine était payé par la publicité et distribué gratuitement, alors c'était tout un exploit que de le distribuer partout à temps. Notre projet n'aurait pas réussi sans tous ces héros canadiens méconnus.

« Wendel était un lecteur avide de littérature politique et un participant actif aux programmes du Parti. Il n'a jamais hésité à se porter volontaire pour les différents projets que nous avons lancés. Il s'est battu toute sa vie pour affirmer les droits que tous possèdent du fait qu'ils sont humains et elles étaient rares les manifestations à Hamilton où Wendell n'était pas présent. Il était actif dans le mouvement contre la guerre et dans l'opposition à la domination américaine du Canada. Il était un pilier de la lutte pour les droits des plus vulnérables à Hamilton. Et bien entendu, les métallos le connaissaient bien puisqu'il était à tous nos rassemblements, manifestations et événements. »

Tous ceux et celles qui ont connu Wendell et ont travaillé avec lui chériront à jamais sa fidélité aux principes, son esprit communiste révolutionnaire ainsi que sa chaleur humaine et sa camaraderie. Durant le traitement de son cancer, un membre du personnel de l'hôpital lui a demandé : « Qu'aimerais-tu faire plus que toute autre chose ? » À quoi il a répondu sans hésiter : « Je veux renverser ce système mangeur d'hommes et bâtir une société qui convienne à l'être humain. » Tel est l'esprit qui a caractérisé Wendell toute sa vie en tant que combattant communiste pour les droits de tous et pour la naissance d'un monde nouveau.

Dans une lettre qu'elle lui a adressée quelques jours avant son décès, la première secrétaire du Comité central du PCC(M-L) écrit :

« Très cher Wendell,

« Au nom de tout le Parti je te transmets nos plus sincères salutations communistes révolutionnaires, notre amour social et notre appréciation de ta contribution à bâtir le Nouveau au Canada et à la lutte pour la paix et la justice dans le monde.

« Une chose qui m'a toujours frappée chez toi est ton refus obstiné de permettre la marginalisation des préoccupations les plus importantes du peuple. Tu l'as fait en te plaçant toi-même sur la ligne de défense maintes et maintes fois, à tenir tête aux pouvoirs trouillards qui se prétendent démocratiques et humanitaires et qui tentent de présenter les gens comme toi, qui luttent pour humaniser l'environnement social et naturel, comme des extrémistes, des marginaux et des personnes superflues.

« Cher Wendell, jamais cette manoeuvre n'a réussi avec toi. Tu es intervenu dans des consultations publiques et des assemblées publiques. Tu as brigué un poste de député au parlement en tant que politicien ouvrier. Tu t'es joint à ceux qui ont bâti la base technique de la presse du Parti et de la presse sans parti. Tu as été aux côtés du Parti et du communisme moderne à travers toutes les épreuves. Tu as même fait jurisprudence à deux reprises, établissant des précédents dans la défense des droits de tous, surtout du droit de conscience. Tu nous as rendus fiers plusieurs fois.

« L'esprit du communisme moderne porte ton nom, Wendell Fields. Il est source d'inspiration sans pareil.

« À toi pour toujours. »

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Présentation devant le Comité permanent de la justice et des affaires sociales de l'assemblée législative de l'Ontario, 1999

Le camarade Wendell Fields a participé activement à la lutte de la classe ouvrière et de la jeunesse de l'Ontario contre l'offensive antisociale du gouvernement conservateur de Mike Harris. Pendant la « révolution du bon sens » du premier ministre Harris, qui s'attaquait aux droits et au bien-être des travailleurs et ciblait particulièrement les plus vulnérables avec ses coupures dans les dépenses sociales et la criminalisation des pauvres, Wendell a été inébranlable dans sa conviction que la société a le devoir de protéger ses membres en reconnaissant et en affirmant les droits de tous. Dans le cadre de ce travail, pendant la période du deuxième gouvernement majoritaire de Harris, Wendell a témoigné le 29 novembre 1999 devant le Comité permanent de la justice et des affaires sociales de l'assemblée législative de l'Ontario en tant qu'un des représentants de l'organisation Hamilton Against Poverty pour dénoncer le projet de loi 8, Loi de 1999 sur la sécurité dans les rues. Le texte intégral de l'intervention de Wendell est reproduit ci-après.

***

Mon nom est Wendell Fields. Je suis membre de Hamilton Against Poverty.

Depuis plus d'un an, le gouvernement et les médias monopolisés mènent une campagne bien financée de désinformation et de peur contre les jeunes, les pauvres et les jeunes « squeegees » qui sont décrits comme un danger pour la sécurité. Une fois qu'un climat de peur est établi, il sert à justifier l'introduction de lois sévères comme solution pour criminaliser les pauvres et les jeunes.

Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas considéré comme un danger pour la société et les Ontariens le fait de couper ou de réduire les programmes sociaux, lorsqu'il a coupé ou réduit les soins de santé, lorsqu'il a coupé ou réduit l'éducation ?

La pratique du squeegee et la mendicité sont une des conséquences de ces mesures. C'est un problème de société. On nous parle du « mauvais comportement » des mendiants et des jeunes « squeegees » pour que les questions de fond ne soient pas soulevées. Les raisons pour lesquelles des jeunes doivent « manier le squeegee » ou mendier pour vivre ne sont pas abordées ni ne sont prises en considération par ceux qui ont élaboré ce projet de loi. Les problèmes auxquels sont confrontés les jeunes « squeegees » et les mendiants ne sont pas pris en considération. Il ne vient pas à l'esprit de certaines personnes d'enquêter de quoi il en est et de régler le problème de fond. Pourquoi les gens mendient-ils ? Pourquoi des gens « manient le squeegee » ? Pourquoi la société ontarienne ne tient-elle pas compte du bien-être de tous les êtres humains ? Pourquoi la seule préoccupation du gouvernement de l'Ontario est-elle de rendre des monopoles concurrentiels sur le marché mondial ? Pourquoi ce gouvernement ne reconnaît-il pas qu'il a une responsabilité sociale envers tous les membres de la société ontarienne ?

Ce gouvernement représente un certain type de société qui refuse de reconnaître que les Ontariens ont le droit à un moyen de subsistance, le droit à une éducation gratuite de qualité, le droit à des centres de loisirs ouverts 24 heures par jour, le droit à leur conscience sociale. Au XIXe siècle, au Canada, selon la logique des criminologues et des travailleurs sociaux, l'agressivité s'expliquait comme une impulsion humaine innée. Le droit à l'alimentation, au logement, à l'éducation, à un soutien au revenu n'était pas garanti aux familles pauvres, ce qui a provoqué la malnutrition et la famine. Dans ces conditions, les jeunes étaient forcés de voler de la nourriture et d'autres produits de première nécessité pour survivre sur le plan biologique et soutenir leurs familles.

Aujourd'hui, quand le rôle du gouvernement est de tout faire pour assurer aux entreprises un rendement maximal de leurs investissements sur le marché mondial, il condamne les Ontariens à la misère en diminuant le financement des services de santé, de l'éducation et des programmes sociaux. Cela se fait aussi au nom d'avoir une économie forte, une économie dans laquelle la dette provinciale a plus que doublé, de 39 milliards $ en 1989 à 105 milliards $. Voilà votre économie forte.

Quand les jeunes essaient de survivre en offrant un service en échange d'un don volontaire, un pourboire, si on veut, en nettoyant les pare-brise, un service que rendaient les pompistes des stations-service autrefois, ils le font par nécessité parce que la société de l'Ontario n'est pas organisée pour garantir la satisfaction de leurs besoins.

Qu'est-ce que les jeunes et les pauvres ont ? Quel est le niveau de l'éducation qu'ils reçoivent ? Ont-ils accès à des installations récréatives ? Ont-ils de la nourriture ? Ont-ils un abri ? Ont-ils des vêtements chauds ? Est-ce que le gouvernement, lorsqu'il élabore un projet de loi, prend ces facteurs en considération ?

La société ontarienne est confrontée à des problèmes sociaux, économiques et politiques bien réels et ce projet de loi arbitraire pour mettre les jeunes au pas, pour les faire taire et les forcer à accepter leur situation, ne résoudra pas ces problèmes, et prétendre que ces problèmes sociaux n'existent pas ne marchera pas plus.

Les jeunes sont confrontés quotidiennement au chômage et à la misère. En essayant de résoudre ce problème en lavant quelques pare-brise, ils essaient de résoudre un problème social auxquels ils sont confrontés. Pour cela, ils sont méprisés, criminalisés et attaqués. Cependant, force est de constater que les jeunes ont le droit de penser, d'organiser et d'avoir un moyen de subsistance malgré le sort que leur réserve cette vieille société.

La pratique du squeegee est de travailler pour peu d'argent, pour tenter de survivre. Pour cela, les jeunes gens sont criminalisés. Dans la situation où leurs droits en tant qu'êtres humains ou leurs droits collectifs de jeunes gens sont niés, qu'ils se les voient refuser, certaines choses se produisent. Lorsque leur droit à un moyen de subsistance, à un logement, à l'éducation, etc. est refusé, les jeunes revendiquent avec énergie et affirment que la société a un devoir social, une responsabilité sociale de garantir leurs besoins de vivre comme des êtres humains. Ils s'organisent en équipe de squeegees et travaillent pour gagner un peu d'argent pour acheter de la nourriture et établissent leurs propres codes de travail. Le comportement des jeunes n'a rien de répréhensible. Ils demandent seulement de vivre. Ce ne sont pas les fauteurs de troubles.

Ce projet de loi vise à créer une atmosphère dans laquelle les jeunes ne remettent rien en question, dans laquelle ils ne pensent pas par eux-mêmes et se voient comme des criminels, privés d'un brillant avenir. L'esprit de la jeunesse, c'est d'avoir sa propre conscience, sa propre façon de penser et d'être exubérante, rebelle, d'avoir un esprit de résistance et de rébellion contre le statu quo. Il s'agit d'un facteur, il s'agit d'un symptôme d'être jeune et cela ne peut pas être étouffé par ce projet de loi.

Pour masquer le fait que cette vieille société ontarienne est incapable de régler les problèmes de la société, certains cherchent à créer une diversion. Les petites entreprises font face à des difficultés économiques. De grandes entreprises, comme Eaton, font faillite et sont avalées par les concurrents. L'économie ne peut subvenir aux besoins de tout le monde. Seuls les riches et le remboursement de la dette comptent.

Une économie qui dans le passé n'a pas garanti les droits humains du peuple et ne les garantit pas aujourd'hui n'est pas une économie forte. Comment une économie qui crée des démunis est-elle forte ? Pour nous détourner de cette réalité, on nous dit que les mendiants et les jeunes « squeegees » sont le problème. Ils sont attaqués et deviennent des boucs émissaires. Leur problème est cette vieille société et son système économique. Lorsque les jeunes « squeegees » et d'autres dans la société s'organisent pour défendre leurs droits, ils sont considérés comme un problème, une contrariété pour les riches entreprises, les banques, pour ce gouvernement.

Nettoyer les rues des mendiants, des jeunes « squeegees » et de ceux qui se battent pour leurs droits n'exprime pas le sentiment des Ontariens envers les leurs. Les mendiants et les jeunes « squeegees » ne sont pas bons pour la commercialisation touristique et pour la collecte des dollars des touristes, car ils montrent ce que la grande province de l'Ontario est en réalité. Ils montrent aux touristes exactement ce qu'est l'économie forte de l'Ontario. Les mendiants et les jeunes « squeegees » montrent ce qui arrive aux gens une fois que la santé, l'éducation et les programmes sociaux sont coupés, réduits et éliminés. Cacher cela ne guérira pas cette plaie purulente.

Quand un projet de loi est imposé aux jeunes et aux pauvres sans la participation des mendiants et des jeunes « squeegees », que ce soit « pour leur propre bien » ou « pour le bien de la société », alors ces règlements ne seront ni respectés ni appuyés. L'esprit de résistance de la jeunesse va être éveillé et c'est cet esprit qui leur permettra de surmonter la situation difficile qu'ils auront à affronter.

Ils prendront la responsabilité de s'organiser afin de lutter pour une société qui reconnaît et garantit leurs besoins et leurs droits, et pour une société qui satisfait les réclamations qui lui sont faites. Ce sont les vraies personnes, ce sont les vrais héros de l'Ontario et du Canada, ce sont les personnes qu'une société démocratique écoutera.

Plus précisément sur la question de la démocratie, un principe démocratique fondamental est que 50 % plus une voix est la majorité. Aucun parti politique au pouvoir n'a obtenu, et de loin, ce nombre de voix. Le gouvernement de l'Ontario actuel est au pouvoir avec moins de 25 % du vote des électeurs admissibles. Il n'a vraiment aucun droit démocratique légitime de nous gouverner.

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À la défense du droit de conscience

Wendell Fields a consacré sa vie à la défense des droits des travailleurs et s'est joint au Parti en 1979 dans le cadre de la bataille de la jeunesse et des étudiants de l'époque pour défendre la liberté de parole et d'expression.

Une de ses grandes causes a été la défense du droit de conscience. Il a démontré son courage à cet égard en 1984 quand il a refusé de se soumettre à l'intimidation d'un juge de la Cour d'appel de l'Ontario qui l'a menacé d'outrage au tribunal et d'emprisonnement s'il refusait de répondre à une question qui lui était posée concernant son affiliation politique. Wendell a été emprisonné pendant 30 jours mais il a été acquitté en appel par la suite.

Wendell refusait de répondre à cette question sur la base que cette information n'était pas pertinente à la cause, dans laquelle un policier était accusé de voie de fait contre lui lors d'une grève en juillet 1984. L'avocat de la défense du policier a tenté d'insinuer que ses convictions politiques justifieraient en quelque sorte l'assaut contre lui et qu'il appartenait à une organisation criminelle.

C'est exactement ce qui est fait aujourd'hui pour criminaliser toutes les forces qui veulent que les problèmes de l'économie, de l'environnement, de l'édification nationale, de l'exploitation des ressources, de la politique sociale, du processus politique et des affaires concernant la guerre et la paix soient discutés publiquement. L'État finance de soi-disant extrémistes de droite qui déversent leur haine contre différentes sections de la population et commettent des actes violents. Puis il blâme ceux qui défendent la cause de la justice et des droits, les accuse eux de se livrer à des crimes haineux, tout cela pour proscrire le droit de parole de tous les membres du corps politique et le droit de défendre des causes justes.

Wendell a gagné sa cause en 1986 sur appel dans l'affaire Regina c. Fields, qui a établi deux précédents juridiques. LML reproduit des extraits de la transcription du procès où tour à tour le procureur de la couronne puis le juge demandent à Wendell de dire s'il est membre du Parti marxiste-léniniste, ce qu'il a refusé de faire. Une grande défense juridique de la liberté de conscience et du refus de l'injustice.

***

La défense : M. Fields, le jour en question vous n'étiez pas membre de ce syndicat qui était en grève, pas vrai ?

Wendell Fields : Non, je suis un sympathisant du syndicat.

D : Non, contentez-vous de répondre à ma question. Je vous ai demandé : Vous n'étiez pas membre de ce syndicat ?

WF : Non.

D : Très bien, et en fait vous n'êtes membre d'aucun syndicat ?

WF : Non, c'est exact.

D : Bien, mais vous êtes cependant membre du Parti marxiste-léniniste ?

WF : Ah... je ne vais pas répondre à cela.

D : Eh bien je vous le demande.

WF : Mes convictions politiques ne sont pas en jeu ici.

D : Votre honneur, je demande une réponse à cette question.

Le juge : Oui, vous devez répondre à la question.

WF : Et si je refuse ?

Le juge : Et si vous refusez, vous pouvez être tenu coupable d'outrage au tribunal.

D : Je vous confirme que c'est pertinent, Monsieur ?

Le juge : Oui.

WF : Je vais refuser de répondre à la question.

D : Très bien, je vais finir mes autres questions et puis peut-être vous pouvez obtenir des conseils juridiques et répondre à cette question en temps voulu.

WF : Si j'étais un membre du NPD, auriez-vous demandé quelle était mon affiliation politique ?

D : Je ne me soucie pas de votre affiliation politique, je vous ai demandé si vous étiez membre du Parti marxiste-léniniste ?

WF : Eh bien, la question était orientée vers cela.

D : Je vous ai demandé spécifiquement si vous êtes membre d'un groupe appelé le Parti marxiste-léniniste ?

WF : Mon affiliation politique importe peu.

D : Je me fiche de la politique.

WF : Eh bien, de toute évidence la question montre que ce n'est pas le cas.

D : Je vous demande si vous êtes membre de ce groupe ? Je suggère que c'est la même chose que si je vous demande si vous êtes membre d'un gang de motards ?

WF : Je ne peux pas répondre à cette question.

D : Vous n'allez pas répondre ?

WF : NON.

D : D'accord, très bien, maintenant vous... revenons donc à la question que je vous ai posée plus tôt, et je veux une réponse parce que c'est important. Vous êtes membre d'un groupe appelé le Parti marxiste-léniniste ?

WF : Je vais refuser d'y répondre

D : Mais Son Honneur a exigé que vous répondiez ?

A : Oui, je sais, oui.

D : Votre Honneur, je veux une réponse à cette question parce qu'elle est pertinente en ce sens que cela concerne le but de la présente procédure et par là je veux dire les accusations et ainsi de suite, et je veux une réponse à cette question.

Le juge : Est-ce que vous refusez de répondre ?

WF : Oui, je refuse.

Le juge : Oui, eh bien je vais vous citer pour outrage au tribunal et je vais vous donner l'occasion de présenter une défense pour cette accusation, vous me comprenez ?

WF : Oui.

Pour lire le jugement au complet dans Regina c. Fields (en anglais), cliquer ici.

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Tous à la Journée internationale de la femme le 8 mars!

Calendrier d'événements

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) lance l’appel à tous à faire de la Journée internationale de la femme 2017 le 8 mars un succès.

Cette année, la Journée internationale de la femme a lieu au moment d’une prise de conscience au sujet du besoin de renouveler la résistance. Des millions de personnes ont manifesté pour exprimer leur opposition aux pouvoirs policiers que représente la nouvelle administration Trump aux États-Unis et pour répudier la misogynie, le racisme et l’agression qu'épousent les États-Unis et les autres grandes puissances, souvent au nom de valeurs progressistes. Beaucoup deviennent conscients du besoin de mouvements politiques à la défense des droits et contre la guerre. Comment identifier et surmonter les obstacles à la lutte des femmes pour leurs droits et contribuer à l’émancipation de l’ensemble de la classe ouvrière, voilà un problème qui occupe les pensées de plusieurs. Une conclusion qui s’impose de plus en plus est que les institutions actuelles sont anachroniques.

Il y a 106 ans, la première Journée internationale de la femme était célébrée autour d’un appel à la paix lancé par les femmes d’Europe à la veille de la Première Guerre mondiale. Depuis ses débuts, la Journée internationale de la femme a incarné l’esprit de l’internationalisme prolétarien parce qu'elle est centrée sur la lutte des femmes pour leur émancipation dans le contexte de l'émancipation de l'ensemble de la classe ouvrière et des peuples opprimés. Les femmes ont toujours été aux premiers rangs de la lutte pour les droits, pour la paix et pour le progrès de la société. Cela montre que l’affirmation des droits des femmes est inséparable de la lutte pour investir le peuple du pouvoir politique et de la lutte des travailleurs pour exercer une direction sur la société, pour bâtir leurs propres institutions et pour mettre fin à l’exploitation, à l’oppression et à la guerre.

LML publie un calendrier de célébrations, rassemblements et marches de la Journée internationale de la femme (lien ci-dessus) partout au Canada à compter du samedi 4 mars. Le PCC(M-L) encourage tout le monde à participer à ces événements et à se joindre au travail pour défendre les droits des femmes et les droits de tous.

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La nécessité d'une nouvelle direction pour l'économie

L'approbation de l'oléoduc Keystone XL


Manifestation contre la construction du pipeline Keystone XL à Washington le 6 novembre 2011
(TSA Clayton)

Le 24 janvier, le président des États-Unis Donald Trump a émis des décrets présidentiels approuvant les oléoducs Keystone XL et Dakota Access. Le décret présidentiel concernant Keystone XL invitait TransCanada Pipelines à refaire une demande de permis transfrontalier et demandait au département d'État américain de « faire tout ce qui est nécessaire et approprié pour faciliter un examen accéléré ». Le décret donne 60 jours au département d'État pour prendre une décision finale après qu'il ait reçu la nouvelle demande de permis.

TransCanada Pipelines a annoncé deux jours plus tard qu'il avait présenté une demande de permis présidentiel afin d'obtenir l'approbation de l'oléoduc Keystone XL. L'oléoduc va expédier du dilbit (du bitume mélangé à des solvants pour qu'il puisse circuler dans l'oléoduc) vers les raffineries de la côte du Golfe des États-Unis. Le décret présidentiel ne mentionne aucune condition que Trump voudrait négocier ou imposer autre que l'utilisation d'acier fabriqué aux États-Unis dans la construction de l'oléoduc.

Le premier ministre Justin Trudeau a réagi à ce développement en disant, lors de la retraite du cabinet fédéral à Calgary, que « cela fait plusieurs années que j'appuie [Keystone XL] parce qu'il va créer de la croissance économique et de bons emplois pour les Albertains ». Avec cette remarque, Trudeau semble vouloir donner l'impression que c'est un peu lui qui a poussé Trump à renverser la décision d'Obama de ne pas construire l'oléoduc. Plusieurs y voient le geste désespéré de quelqu'un qui voulait faire oublier ses paroles à l'effet qu'un travailleur de l'énergie en chômage d'Edmonton ne méritait pas les mêmes prestations d'assurance-emploi que les autres parce que le taux de chômage de la ville ne le justifiait pas.

Si on met de côté les motifs subjectifs qui ont pu inspirer Trudeau, que penser du contenu de sa remarque que la construction des oléoducs « va créer de la croissance économique et de bons emplois pour les Albertains » ? Les travailleurs organisés du secteur de l'énergie de même que la Fédération des travailleurs de l'Alberta et d'autres organisations se sont opposés à Keystone et à Keystone XL parce que ce sont des emplois qu'ils expédient par les oléoducs en exportant du pétrole brut. L'opposition aux oléoducs reflète l'opinion publique croissante qui demande l'établissement d'un ratio strict entre l'extraction et la vente de ressources naturelles et des investissements dans les industries de base régionales et nationales, dans le secteur manufacturier, dans les programmes sociaux et les services publics. On assiste à une prise de conscience que le Canada et ses régions ont besoin d'une nouvelle direction économique qui permette de bâtir une économie diversifiée qui retient la plus grande partie des revenus des exportations et les réinvestit dans l'échange et l'investissement pour la reproduction élargie. Cela développerait une vaste économie régionale interne forte et pouvant résister aux cycles d'essor et de contraction qui affectent aujourd'hui le système impérialiste d'États. Le Canada a besoin d'un projet d'édification nationale qui restreint la capacité de l'oligarchie financière de retirer de l'économie régionale et nationale la valeur nouvelle que les travailleurs produisent. En l'absence de cette direction, les Canadiens demeurent vulnérables aux crises économiques récurrentes.

Les oligopoles de l'énergie et leurs représentants politiques ont utilisé leur contrôle pour imposer à l'économie une dépendance étouffante aux exportations de pétrole et d'autres ressources naturelles, à leurs prix de marché mondiaux et à une demande incertaine. Les revenus de l'exportation sont dans leur plus grande partie retirés de l'économie régionale ou réinvestis dans la production et l'expédition d'une quantité encore plus grande de la même ressource naturelle. La construction de nouveaux oléoducs est l'exemple parfait de ce phénomène. Mais le mantra sans cesse repris que les oléoducs « créent de la croissance économique et de bons emplois » ne résiste pas à un examen plus poussé.

La capacité des oléoducs qui ont été approuvés ou sont en train d'être examinés dépasse la production prévue. Pris ensemble, le Keystone XL, l'oléoduc de Kinder Morgan approuvé récemment et le remplacement de la Ligne 3 d'Enbridge vont accroître la capacité des oléoducs d'environ 1,8 million de barils par jour (b/j). Le projet Énergie Est ajouterait un autre 1,1 million de b/j pour un total de 2,9 millions de b/j. L'industrie pétrolière par contre estime que la production des sables bitumineux va croître de 850 000 à 1 million de b/j d'ici 2025, une prévision qui repose sur un prix du pétrole qui va augmenter ou demeurer au niveau actuel. Les niveaux de production devraient augmenter dans les champs de pétrole de schiste américains de la Formation de Bakken (dans le Dakota du Nord) ou dans le bassin permien de l'ouest du Texas qui renferment de grands gisements disponibles par fracturation et profitables même aux prix de marché d'aujourd'hui. Trump développe très rapidement la politique d'Obama d'encouragement de la production pétrolière aux États-Unis.

L'Ouest canadien produit présentement environ 3,7 millions de b/j de pétrole amenés aux marchés par oléoduc ou par rail. Trois projets dans les sables bitumineux sont censés se matérialiser en 2017 - la phase 3 du Projet Horizon de Canadian Natural Resources Ltd., le projet Fort Hills de Suncor et le projet Hanginstone de Japan Canada - lesquels vont produire à eux trois environ 260 000 b/j. Personne ne remet en question la capacité des pipelines d'accommoder ce pétrole.

Une fois la nouvelle production de 2017 prise en compte, le tout se monte à moins de 100 000 b/j de nouvelle production annuellement d'ici 2025, vouée entièrement à l'exportation, sans valorisation ni raffinage. Cela représente des niveaux inférieurs à ceux des deux dernières années. Certains cependant maintiennent qu'on aura besoin d'une capacité additionnelle d'oléoducs de 2,9 millions b/j. Les chiffres ne concordent pas.

Les oligopoles qui possèdent et contrôlent l'industrie du pétrole et du gaz s'emparent de quantités énormes de valeur ajoutée que produit le dur labeur de la classe ouvrière. En guise d'exemple, le PDG de MEG Energy Bill McCaffrey a dit à Bloomberg que l'expansion prévue de 25 000 b/j de son projet de Christina Lake « va apporter un taux de rendement sur l'investissement de 50 %, soit un des taux de rendement les plus élevés de toutes les activités de la compagnie en ce moment ».

Cette richesse est investie conformément aux intérêts privés étroits des détenteurs du capital. Non seulement la propriété et le contrôle sont-ils exercés principalement de l'extérieur du Canada, mais la valeur ajoutée que produisent les travailleurs quitte l'économie pour suivre les propriétaires. Ce qui reste n'est pas utilisé pour diversifier la base économique. Plutôt que de servir à échapper aux cycles d'essor et de contraction et à garantir le bien-être du peuple, la dépendance excessive aux investissements dans le gaz et le pétrole aggrave les crises récurrentes et laisse le peuple et l'économie vulnérables et fragiles.

Comment la direction actuelle de l'économie pourrait-elle amener une solution à la crise économique qui affecte l'Alberta, au chômage et au fossé énorme qui existe entre les dépenses publiques et les revenus ? On ne changera pas la situation en continuant à faire la même chose qui a produit la crise actuelle. Ce que le gouvernement qualifie de taux de redevances « plus concurrentiels » et les différentes manoeuvres pour payer les riches qui sont mises de l'avant vont aggraver les choses parce qu'ils transfèrent des fonds publics dont on a tant besoin pour les investissements dans les programmes sociaux, des coffres du gouvernement vers ceux des riches qui sont déjà pleins à craquer. Cela perpétue la direction par laquelle non seulement les emplois s'enfuient dans les oléoducs mais aussi la richesse sociale que les travailleurs produisent.

Une autre objection sérieuse à l'augmentation des exportations d'énergie vers les États-Unis concerne la clause de proportionnalité de l'ALÉNA. Dans le cadre de l'ALÉNA, le Canada ne peut pas prendre de mesures de restriction des exportations qui réduirait la proportion de la production totale qui est disponible pour les exportations vers les États-Unis. Selon cette clause, les acheteurs américains de pétrole ne sont pas obligés d'acheter du pétrole du Canada, mais les producteurs de pétrole du Canada n'ont pas le droit de réduire leurs exportations vers les États-Unis. Autrement dit, si le projet Keystone XL va de l'avant et fonctionne à plein régime, le Canada devra maintenir la quantité de production totale exportée aux États-Unis en vertu de la clause de proportionnalité de l'ALÉNA. Cela constitue une violation sérieuse de la souveraineté du Canada et de son droit de prendre des décisions concernant la direction de l'économie, en consacrant par exemple le pétrole présentement exporté au secteur manufacturier et du raffinage au Canada ou en réduisant les investissements dans la production pétrolière et en utilisant ces fonds pour augmenter les investissements dans d'autres secteurs comme les programmes sociaux, les services publics et la fabrication manufacturière.

Quelle est la voie à suivre ? Les travailleurs savent très bien que la dépendance continuelle aux exportations de l'énergie, surtout du pétrole brut de l'Alberta, n'amènera pas la prospérité. Le problème à résoudre, c'est que les travailleurs ne sont pas ceux qui prennent les décisions, et que les seules propositions qui sont discutées sont celles des oligopoles, lesquelles servent leurs intérêts privés étroits et l'objectif stratégique de l'impérialisme américain de garantir l'approvisionnement en pétrole et autres ressources naturelles de ses forces armées qui en ont une soif insatiable.

La direction actuelle consistant à mettre le Canada à la merci du marché américain au sein d'une économie annexée centrée sur les ressources naturelles est périlleuse. La classe ouvrière doit discuter de ce qu'aurait l'air une édification nationale sous son contrôle. Elle doit renforcer sa conscience sociale et sa compréhension des possibilités qui s'offrent d'une nouvelle direction de l'économie et d'une voie vers l'avant pour la société. Une chose est sûre : la direction actuelle ne fonctionne pas et il faut porter une grande attention à ce problème.

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Le tapage au sujet des oléoducs


Manifestation contre le pipeline Kinder Morgan à Vancouver le 29 novembre 2016  (H. Syed)

Trudeau dit que les oléoducs « conduisent à la croissance économique
et à de bons emplois ».

L'idée que les oléoducs sont nécessaires pour créer des emplois mieux rémunérés est renforcée par les gouvernements provinciaux de l'Ouest et du fédéral ainsi que par l'industrie de l'énergie. Les droits des nations autochtones, les préoccupations environnementales et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre sont mis en opposition à ce qui est présenté comme une solution au chômage et aux graves problèmes de l'économie, en particulier le fait que des dizaines de milliers de travailleurs du secteur pétrolier sont présentement sans emploi.

La classe ouvrière est submergée par les promesses d'un nombre toujours plus gonflé d'emplois qui viennent avec la construction d'oléoducs, ce qui crée à la fois de faux espoirs et une fausse conscience. Le président Trump répète le nombre longtemps discrédité de 28 000 emplois créés aux États-Unis avec l'oléoduc Keystone XL. Au Canada, l'oligopole contrôlé par les États-Unis, Kinder Morgan, a initialement fixé le nombre d'emplois dérivés de son agrandissement de la ligne TransMountain à 2 000, mais il affirme maintenant que le jumelage de la ligne actuelle entraînera « l'équivalent de 37 000 emplois directs ». Après l'achèvement, seulement 90 travailleurs seront retenus pour exploiter les deux lignes. Que vont faire les 36 910 autres travailleurs de leurs emplois « équivalents » ?

Kinder Morgan affirme que la construction va nécessiter durant la période la plus intense jusqu'à 4 500 travailleurs durant deux ans. Ce qui n'est pas expliqué, c'est que la construction des oléoducs a lieu généralement en été, sauf dans les zones de muskeg ou de marais où les travaux peuvent se dérouler lorsque le sol est gelé. Les entrepreneurs font des soumissions sur des tronçons de l'oléoduc et la durée moyenne des travaux pour terminer une section est habituellement de trois mois ou moins, alors que les travaux sur un tronçon exceptionnellement long peuvent être d'une durée de quatre mois.

Non seulement le nombre d'emplois est-il gonflé, mais il est impossible de le vérifier. Qui plus est, le calcul des « emplois directs, indirects et induits » repose sur un scénario de tout ou rien : soit accepter les décisions prises par les oligopoles quant à la direction de l'économie, y compris une forte dépendance sur les investissements pour extraire et expédier le bitume dilué, soit rien. Ceux qui remettent en question cette logique sont dits déraisonnables et des opposants au développement économique. Même les alternatives existantes à l'exportation de bitume non raffiné ne sont pas discutées parce que les oligarques et leurs représentants politiques ne permettent pas que la discussion se tienne.

À titre de référence, une comparaison avec la construction et le fonctionnement futur de la raffinerie Sturgeon à Redwater, près d'Edmonton, est révélatrice. Le prix estimé de la production pour construire la raffinerie est de 8,5 milliards $, tandis que l'oléoduc TransMountain est estimé à 6,8 milliards $. Une comparaison montre que les investissements dans les oléoducs sont un choix mal éclairé par rapport à un investissement dans la capacité de raffinage pour servir le marché canadien.

La première phase de la raffinerie Sturgeon est maintenant presque terminée à Redwater, près d'Edmonton, la première nouvelle raffinerie construite au Canada depuis plus de 30 ans. Elle produira 80 000 barils par jour de carburant diesel à très faible teneur en soufre, ainsi que des diluants et du gasoil sous vide à faible teneur en soufre et d'autres produits pouvant être utilisés dans l'industrie pétrochimique.

Le Canada importe maintenant tous ces produits et toute la production de cette phase à la raffinerie Redwater servira le marché canadien. Une unité de gazéification prendra la partie la plus lourde et la portion la plus faible en valeur de la matière première bitumineuse et la transformera en hydrogène et en C02 pur, qui sera utilisé dans un système de captage du carbone pour être injecté dans les puits de pétrole existants dans le centre de l'Alberta pour « rehausser la récupération du pétrole dans des champs pétrolifères parvenus à maturité ».

Le projet aura pris quatre ans lorsqu'il sera terminé plus tard cette année. En juin 2016, 5 200 travailleurs étaient sur le chantier de construction, avec 3 000 autres travailleurs dans des chantiers modulaires autour d'Edmonton. Cela porte le nombre total de travailleurs de la construction à 8 200, tandis que la main-d'oeuvre dans les périodes de faible achalandage a été d'environ 5 000 travailleurs, y compris les ingénieurs et le personnel de North West Refining. Environ 500 travailleurs sont requis pour la production de la première phase. Deux phases supplémentaires ont été incluses dans la conception initiale mais leur avenir est incertain.

La raffinerie de Sturgeon traitera 78 000 barils de bitume par jour. La province fournira 75 % de la matière première du projet grâce à son programme de redevances en espèces pour le bitume (BRIK), tandis que les 25 % restants proviendront de Canadian Natural Resources. Canadian Natural Resources est propriétaire du projet dans le cadre d'une coentreprise 50/50 avec North West Refining. BRIK a été conçu sous le gouvernement d'Ed Stelmach pour encourager la valorisation, le raffinage et le développement pétrochimique dans la province. Depuis la crise financière de 2008 et la chute des prix du pétrole en 2014, les monopoles pétroliers ont perdu de l'intérêt pour la capacité de raffinage et de modernisation en Alberta, et la raffinerie Sturgeon est allée de l'avant seulement grâce à des arrangements dont les risques sont assumés par la population albertaine.

Le gouvernement paie à la raffinerie un droit de raffinage ou péage et conserve la propriété du bitume. Le gouvernement provincial détient également une participation de 25 % dans le projet par l'intermédiaire de l'Alberta Petroleum Marketing Commission, en autant que la « dette de rang inférieur » ne soit pas arrivée à échéance.

Ian McGregor, chef de la direction de Northwest Refining, affirme que le projet a des retombées environnementales importantes, en disant que le diesel produit a une teneur en soufre la plus faible de tout carburant diesel produit en Amérique du Nord. La capacité nécessaire pour opérer l'oléoduc est réduite du tiers car le débit de bitume peut être maintenu sans ajout de diluant. La raffinerie possède un système de captage du carbone qui expédiera environ 4 000 tonnes par jour de C02 par l'oléoduc de la raffinerie vers le centre de l'Alberta et vers l'usine d'engrais d'Agrium située à proximité, afin d'y injecter le CO2 dans les champs pétrolifères parvenus à maturité pour une récupération accrue du pétrole.

Les 4000 tonnes de CO2 par jour sont l'équivalent d'environ 1,5 mégatonnes par année. La production totale de CO2 des sables bitumineux est maintenant d'environ 70 mégatonnes par année et a été plafonnée à 100 mégatonnes par année.

« J'ai une conviction profonde qu'en Alberta nous sommes vraiment bons à produire des billots mais nous ferions mieux de cesser de le faire et de commencer à fabriquer des meubles sinon il n'y aura pas d'avenir pour nous », a déclaré récemment Ian McGregor, directeur général de Northwest Refining.

McGregor conteste la nécessité de nouveaux oléoducs, soulignant que pour l'expédition de bitume par oléoduc le diluant ajouté pour assurer le flot du bitume accapare environ un tiers de la capacité d'un oléoduc. Il a également souligné que l'ajout d'oléoducs pour l'exportation de dilbit (bitume dilué) pourrait bien laisser l'Alberta sans pétrole pour le raffinage et pour l'industrie pétrochimique, compte tenu des prévisions de la capacité de production pétrolière.

La raffinerie North West est construite en raison de la participation directe du gouvernement où l'État prend en charge les risques, tandis que la propriété et le contrôle demeurent entre des mains privées. Une autre solution consisterait à utiliser les investissements de l'État pour établir des capacités de raffinage et de production manufacturière sous le contrôle de la fonction publique et de la propriété de l'État, alors que des sociétés comme NW Refining agiraient comme sous-traitants.

Les travailleurs eux-mêmes, en particulier les travailleurs de l'énergie et de la construction, dont la situation est précarisée par la direction actuelle centrée sur l'extraction et l'expédition des ressources naturelles, doivent eux-mêmes trouver un moyen d'aller de l'avant avec leurs initiatives. Ni les individus qui vivent des privilèges de classe et du contrôle de l'économie, ni leurs représentants politiques n'ont intérêt à changer les choses si cela ne se traduit pas par une consolidation de leurs privilèges et de leur contrôle. Une nouvelle direction pour l'économie qui servira le peuple et permettra de construire des communautés dynamiques et florissantes ne peut venir que de l'initiative des travailleurs, de leurs alliés et de leurs propres représentants politiques, formant un mouvement puissant avec les institutions dont ils ont besoin pour engendrer le nouveau.

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Le programme de diversification
pétrochimique de l'Alberta

Non aux combines pour payer les riches -- place à un projet
d'édification nationale du XXIe siècle

Beaucoup de résidents de l'Alberta parlent de la nécessité de diversifier l'économie, du moins durant cette phase de ralentissement du cycle de forte expansion et de ralentissement. Surtout depuis l'effondrement des prix du pétrole dans les années 1980, lorsque les gouvernements parlent de diversification, ils veulent dire des combines pour payer les riches. Les intérêts derrière les monopoles privés reçoivent des subventions ou des prêts sans intérêt pour les « inciter » à effectuer des investissements. Le programme de diversification pétrochimique du gouvernement de l'Alberta (Alberta's Petrochemicals Diversification Program) ne s'écarte pas de ce modèle.

Le gouvernement a invité les oligopoles énergétiques à soumettre des propositions et en a ensuite retenu deux pour son programme de diversification pétrochimique. Ensemble, ils recevront 500 millions $ en subventions de la trésorerie de l'État lors du parachèvement de deux installations qui traiteront le propane extrait de gaz naturel afin de fabriquer des produits en plastique tels que le propylène et le polypropylène.

Le montant accordé aux deux oligopoles mondiaux est supérieur au montant total de 493 millions $ de redevances que le gouvernement de l'Alberta a réclamé des producteurs de gaz naturel en 2016. Les travailleurs devraient réfléchir sérieusement à cette utilisation rétrograde, voire criminelle, des fonds publics qui sont en fait une partie de la richesse sociale que les travailleurs de l'Alberta produisent et qui devrait leur appartenir de droit.

Une coentreprise entre les sociétés Pembina Pipeline Corporation et Petrochemical Industries Company (PIC) recevra jusqu'à 300 millions $ en crédits de redevances provinciales pour construire une usine intégrée de propylène et de polypropylène dans le comté de Sturgeon à un prix estimé de production de 4 milliards $. PIC est une filiale de la Kuwait Petroleum Corporation, la compagnie pétrolière nationale du Koweït.[1]

Inter Pipelines recevra jusqu'à 200 millions $ en crédits de redevances pour construire une installation de 1,85 milliard $ dans le comté de Strathcona. L'usine produira également du propylène et du polypropylène. Inter Pipelines est une filiale de Koch Enterprises, propriété des célèbres frères Koch, l'une des familles les plus riches au monde.[2]

Les combines pour payer les riches consistent en ceci : certaines des personnes les plus riches de la planète, qui ont accumulé des richesses sociales incalculables grâce au contrôle des ressources naturelles et au travail de centaines de milliers de travailleurs, sont invitées à piller les richesses naturelles de la Terre Mère en utilisant le travail acharné et l'expertise de la classe ouvrière de l'Alberta et l'infrastructure existante. Mais ce n'est pas suffisant pour les oligarques. Ils sont « encouragés » à piller le territoire et le labeur de la province avec un don promis d'un demi-milliard $ du trésor public.

Une fois la production en marche, les oligarques sont libres de faire ce qu'ils veulent avec la plupart de la nouvelle valeur que les travailleurs produisent, qui est déclarée propriété privée. En général, la nouvelle valeur que les travailleurs produisent n'est pas investie dans l'économie locale, mais transférée par ceux qui la contrôlent vers un endroit où un autre gouvernement offre des « incitatifs », sinon vers où ils prévoient faire de gros gains. Ce n'est pas la façon de diversifier l'économie, peu importe le titre grandiose donné au programme.

Ces oligopoles énergétiques des États-Unis et d'ailleurs ne peuvent fonctionner en Alberta sans travailleurs qualifiés formés pour la plupart dans les écoles publiques du Canada et pris en charge lorsqu'ils sont malades ou blessés par le système de santé du Canada. Ces raffineries ont besoin également du gaz naturel de l'Alberta et de l'infrastructure considérable nécessaire pour l'extraire du sol et le transporter aux usines.

Pensez-y un moment. Les investissements et la valeur produite dans tous les services publics, les programmes sociaux et l'infrastructure que ces usines requièrent pour opérer doivent être réalisés en échange de la valeur que les travailleurs produisent dans les nouvelles usines. Or, au lieu de cela l'État donne à ceux qui contrôlent les nouvelles usines la richesse sociale des caisses de l'État. Puis la plupart de la valeur ajoutée que les travailleurs dans ces usines produisent peut être transférée par les oligarques vers on ne sait où. Comment est-ce durable ? Comment cela fait-il croître l'économie ou crée-t-il la diversification ? Ce n'est pas l'édification nationale du XXIe siècle. Pour que l'économie de l'Alberta et du Canada se développe et se diversifie, devienne stable et sécuritaire, il faut que la valeur ajoutée produite en son sein soit retournée dans l'économie pour une reproduction élargie des différents secteurs, autant des moyens de production que des articles de consommation.

Comment financer les soins de santé, l'éducation, les soins aux aînés, les soins aux personnes les plus vulnérables, les infrastructures de transport et d'autres infrastructures, et une foule de programmes sociaux nécessaires, les services publics et le secteur manufacturier d'une société moderne quand ces compagnies consomment la richesse sociale produite par ces secteurs et refusent de payer pour ce qu'elles consomment ? Au lieu de cela elles exigent d'être payées pour le droit de les utiliser et de retirer la valeur ajoutée de l'économie pour l'utiliser ailleurs. Ces combines pour payer les riches tels que le Programme de diversification pétrochimique tant vanté, sont profondément irrationnelles et rétrogrades, et exacerbent les contradictions, les tensions et les conflits sociaux au sein de l'économie et de la société, les entraînant vers l'insécurité et les crises récurrentes.

Le ministre provincial du Développement économique et du commerce, Deron Bilous, a déclaré que le projet est nécessaire pour « attirer » les investissements vers l'Alberta plutôt que vers le Texas ou la Louisiane et « niveler les chances ». En d'autres termes, ces oligopoles tiennent les gouvernements en otage, en exigeant diverses combines pour payer les riches sinon ils vont ailleurs. Ce n'est pas un jeu auquel les gouvernements au Canada devraient participer. Le pillage du trésor de l'État au profit de l'émirat du Koweït et des Frères Koch des États-Unis est exactement le genre de transactions qui devraient être interdites par la loi en tant que corruption criminelle.

Même l'affirmation selon laquelle les usines ne seraient pas autrement construites est fausse. Le Canada a perdu son marché des États-Unis pour le gaz naturel en raison de l'intense fracturation hydraulique américaine, qui a entraîné une surabondance de propane. Ces usines sont en grande partie construites pour résoudre le problème de quoi faire avec le propane. S'ils peuvent être payés pour le faire, tant mieux pour eux, selon le point de vue des riches.

Les dangers posés par ces combines ne peuvent être ignorés. Le gouvernement de Don Getty, en Alberta, a fait de même lorsque les prix du pétrole ont fléchi durant les années 1980. Le déficit de l'État, qui est le résultat des politiques de payer les riches, a ensuite été utilisé par le premier ministre Ralph Klein comme prétexte pour lancer l'offensive antisociale la plus brutale de l'histoire du Canada. Tout a été sujet à des compressions lorsqu'il a été question des programmes sociaux et des services publics dont la population a besoin et qu'une société moderne exige. Aujourd'hui, les déficits de l'État, qui sont le résultat de ces nouvelles combines pour payer les riches et le refus d'examiner une nouvelle direction pour l'économie seront utilisés éventuellement par les Jason Kenneys et les autres du même acabit pour attaquer de manière revancharde le peuple et la société.

L'idée que les frères Koch et les émirats koweïtiens vont assurer l'avenir de l'Alberta est un non-sens. De tels marchandages ridicules resserrent la domination des très riches sur la richesse que la classe ouvrière produit et sur son potentiel futur. Loin de renforcer l'économie, cela l'affaiblit grâce aux contrôles et aux privilèges de classe, les riches soutirant de plus en plus la richesse de l'économie, des communautés locales et de la province et abandonnant la province à son sort lorsqu'une crise inévitable éclate.

Les travailleurs doivent poser la question évidente : si ces installations manufacturières font du sens, pourquoi l'Alberta ne financerait-elle pas sa propre entreprise d'État pour construire et exploiter l'installation au lieu de payer la compagnie pétrolière nationale koweïtienne et les frères Koch pour ce privilège ? La nouvelle richesse sociale produite par les travailleurs à ces usines de plastique serait alors disponible pour être versée dans l'économie sous forme d'investissements accrus dans les programmes sociaux, les services publics, les infrastructures et les autres entreprises publiques sans parler de la réalisation correcte de la richesse sociale que les usines consomment. C'est ce qu'on appelle l'édification nationale au XXIe siècle.

Note

1. La coentreprise Pembina Pipeline/PIC va nécessiter l'emploi de 2 000 à 2 500 travailleurs de la construction durant la plus grande période d'achalandage et prendra environ deux ans à être complétée. Une fois en exploitation l'usine emploiera environ 150 personnes qui transformeront 22 000 barils par jour de propane en polypropylène.

2. L'usine d'Inter Pipelines devrait prendre environ trois ans à être construite avec un nombre similaire de travailleurs employés dans la construction du pipeline Pembina et une fois complétée, environ 95 travailleurs pour transformer le propane en polypropylène.

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Les préoccupations légitimes face à
la fracturation hydraulique

Le 10 décembre dernier, le gouvernement libéral de Philippe Couillard a adopté le projet de loi 106, Loi concernant la mise en oeuvre de la Politique énergétique 2030 et modifiant diverses dispositions législatives. Le gouvernement tente d'apaiser les craintes et les préoccupations des municipalités, des agriculteurs et des populations locales qui vivent à proximité des zones d'activités de l'industrie pétrolière et gazière.

C'est un fait connu que le sous-sol du Québec recèle des quantités non négligeables de gaz naturel emprisonné dans une formation géologique appelée shale (ou schiste) d'Utica. Cette formation est présente dans les basses-terres du Saint-Laurent, entre Montréal et Québec. Il existe de plus un potentiel en pétrole entre Portneuf et Beaupré, près de Québec, provenant aussi de la même formation rocheuse. Le shale d'Utica est composé principalement de shales de faible perméabilité qui contiennent des quantités non négligeables de gaz naturel (surtout du méthane), lequel est déjà extrait en Pennsylvanie au moyen de la méthode appelée fracturation hydraulique (ou fracturation).

Parce que la formation de shale d'Utica est peu perméable, la seule manière de libérer le méthane (ou le pétrole) emprisonné dans le schiste est de forer un puits vertical qui est ensuite dévié à l'horizontale sur une distance variant entre 1 à 2 km. Une fois le puits foré, des quantités très importantes d'eau, soit plusieurs millions de litres ou l'équivalent de plusieurs milliers de camions-citernes remplis d'eau, sont pompées sous de grandes pressions dans le puits foré. Ces fluides sont enrichis d'un agent de soutènement (sable ou microbilles de céramique) qui va remplir les fractures causées dans le roc par l'eau pressurisée et permettre éventuellement au gaz emprisonné dans le schiste de s'échapper.


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Ce fluide injecté contient aussi environ 0,5 % d'additifs chimiques qui sont surtout des biocides toxiques destinés à empêcher le développement d'éventuelles bactéries qui compliqueraient le processus d'extraction. Tout ce processus de fracturation hydraulique et chimique (« fracking ») d'un puits est décrit comme « un puits par stimulation physique, chimique ou autre » à l'article 80 de la Loi 106.

Ce mélange de liquide une fois injecté sous pression est partiellement récupéré et déposé en surface quelques heures ou quelques jours plus tard dans des bassins de récupération, comme « une saumure » (terme utilisé dans la Loi 106) prête à être réutilisée ou stockée de manière permanente. Généralement les municipalités avoisinantes au puits refusent de traiter cette saumure car le système de filtration des eaux usées municipales n'est pas adapté pour filtrer les eaux usées complexes provenant des puits de fracturation hydraulique. Pour cette raison les opérateurs de ces puits ont souvent recours au stockage de cette saumure dans des réservoirs souterrains naturels ou créés par fracturation.

À qui incombe la responsabilité en cas de dommages environnementaux ?

On lit au 2e paragraphe de l'article 106 du chapitre IV de la Loi, intitulé « Plan de fermeture définitive de puits et de restauration de site » que l'entreprise responsable de forer les puits, une fois l'exploitation des puits terminée, doit fournir un rapport sur « l'état du territoire affecté par les activités » et, sur la base de ce rapport, le ministre donne son « avis » à savoir s'il y a ou pas « de risque pour l'environnement et pour la santé et la sécurité des personnes ».

Est-ce que l'avis du ministre est basé sur les meilleures pratiques scientifiques et environnementales de décontamination et de réhabilitation des sites de fracturation hydraulique ?

Ces meilleures pratiques comprennent le traitement des sites contaminés ou pollués et la remise du territoire endommagé ou dégradé dans un état où il peut être utilisé à nouveau. L'article 123 du chapitre VII de la loi intitulé « Récupération optimale des hydrocarbures et de la saumure » débute ainsi : « Le titulaire d'une licence d'exploration, de production ou de stockage doit récupérer les hydrocarbures et la saumure de manière optimale en utilisant les meilleures pratiques généralement reconnues pour assurer la sécurité des personnes et des biens, la protection de l'environnement et la récupération optimale de la ressource. » Selon la définition étroite que la Loi 106 donne des meilleures pratiques, la compagnie responsable des opérations de fracturation n'est pas tenue de décontaminer le site pour le réhabiliter à son état originel, encore moins de surveiller le site une fois que le puits est abandonné. C'est un fait bien connu que la plupart des opérations de fracturation ne vont récupérer qu'une partie des eaux usées et que la saumure s'infiltre dans les fractures existantes ou réactivées. On mesure ainsi à quel point est problématique même la définition restreinte que donne la Loi 106 des meilleures pratiques en ce qui a trait au stockage de la saumure « pour assurer la sécurité des personnes et des biens, la protection de l'environnement et la récupération optimale de la ressource ».

C'est le peuple qui est forcé de payer le prix de la fracturation

L'article 119 du chapitre VI, intitulé « Responsabilité et mesures de protection » se lit ainsi :

« Le titulaire d'une licence d'exploration, de production ou de stockage ou de raccordement, est tenu [...] de réparer le préjudice causé par le fait ou à l'occasion de ses activités, incluant la perte de valeur de non-usage liée aux ressources publiques, notamment en raison d'émanation ou de migration de gaz ou d'écoulement de pétrole ou d'autres liquides » mais en même temps « Le titulaire doit fournir la preuve, selon la forme et les modalités que le gouvernement détermine par règlement, qu'il est solvable pour le montant déterminé par le gouvernement. »

L'expérience des travailleurs au Québec et dans le reste du Canada est que lorsqu'une entreprise reçoit l'ordre de payer pour les dommages qu'elle a causés à l'environnement, elle cherche toujours à verser le moins d'argent possible, à ne pas restaurer les sites endommagés, contaminés, dégradés ou pollués de sorte qu'ils soient réutilisables et à ne pas indemniser ceux qui ont été affectés. Une fois les poursuites judiciaires épuisées, elle a recours à la faillite en vertu du droit commercial pour ne pas être forcée de faire les dédommagements requis.

À tout cela s'ajoutent les dangers causés par la réactivation de fractures et de failles dormantes qui se trouvent près des zones où s'effectue la fracturation hydraulique. Une étude effectuée en Alberta et en Colombie-Britannique ainsi qu'une autre effectuée aux États-Unis par le US Geological Survey ont découvert un lien entre l'augmentation de l'activité sismique dans plusieurs provinces ou États et l'injection d'eaux usées dans des puits de stockage. Ainsi, en 2011, un tremblement de terre de magnitude 5,7 a eu lieu en Oklahoma, près de puits de stockage d'eaux usées résultant de la fracturation, ce qui a détruit 14 maisons et blessé 2 personnes. [1] Cet événement s'est produit dans une zone qui n'est pas reconnue comme étant une zone sismique active. C'est un phénomène géologique qui représente le mouvement de fractures et de failles dormantes qui ont été réactivées par l'introduction de fluides (dans ce cas-ci des eaux usées résultant de la fracturation hydraulique) dans des réservoirs souterrains.

Des réservoirs souterrains pour entreposer les eaux usées, un sous-produit de la fracturation, sont souvent localisés dans des formations de roches poreuses qui sont généralement situées près de la surface mais plus profondes que la nappe phréatique pour éviter la contamination. Toutefois des scientifiques ont soulevé la question qu'en absence d'études à long terme pour surveiller le mouvement des eaux usées le long des fractures et des failles où se sont produits les tremblements de terre, comme ce fut le cas en Alberta, en Colombie-Britannique et en Oklahoma, il n'y a aucune garantie que ces saumures ne pourraient pas migrer vers les formations rocheuses contenant la nappe phréatique et ainsi les contaminer. Ce serait désastreux pour les municipalités et les fermes situées près des opérations de fracturation et qui dépendent uniquement des eaux souterraines pour approvisionner de manière sécuritaire les populations humaines et animales locales en eau potable.

La vallée des basses-terres du Saint-Laurent est située de part et d'autre du fleuve Saint-Laurent qui est parcouru par la faille majeure de Logan avec des failles secondaires connues et inconnues de part et d'autre du fleuve. De telles failles pourraient être réactivées suite aux opérations de fracturation des schistes et d'entreposage de saumure.


Manifestation le 16 août dernier contre le projet de loi 106

On doit demander au premier ministre du Québec sur quelle recherche scientifique repose la Loi 106 qui autorise les sociétés pétrolières et gazières à procéder au forage de puits à grande échelle pour la fracturation hydraulique et à l'entreposage d'eaux usées toxiques dans les basses-terres du Saint-Laurent. Le gouvernement du Québec doit dévoiler la base scientifique sur laquelle la loi repose. Il faut donner la possibilité à tous ceux qui sont concernés de contester les conclusions qui ont été tirées, ce qui d'ailleurs est une exigence de la procédure scientifique. Toute possibilité de danger pour la vie et l'environnement naturel et social, y compris pour l'eau, doit être examinée. Si cela n'est pas fait, la Loi 106 ne sera qu'un acte irresponsable mettant en danger la vie et la sécurité de dizaines de milliers de personnes et le bien-être général de l'environnement social et naturel.

Note

1. Becklumb, Penny et al, Le gaz de schiste au Canada - risques environnementaux et réglementation, Ottawa, Bibliothèque du Parlement du Canada, 2015, publication 2015-18-f, p.7.

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Réformes néolibérales de la Loi sur les transports au Canada

Les travailleurs manifestent contre la déréglementation et la privatisation


Vancouver le 23 février 2017

Le 23 février, les travailleurs du transport de Vancouver, de Prince Rupert et d'autres villes ont manifesté contre le plan du gouvernement fédéral de privatiser les ports et les aéroports et de démanteler le cabotage. Ils ont dénoncé l'appui exprimé par le gouvernement fédéral à l'examen de la Loi sur les transports au Canada, connu sous le nom de Rapport Emerson, qui avait été commandé par le gouvernement Harper en 2014. Le rapport recommande la déréglementation et la privatisation dans le but de remettre le contrôle des systèmes de transport maritime, aérien, ferroviaire et par camions aux oligopoles mondiaux au nom de rendre le Canada concurrentiel sur les marchés mondiaux.

À Vancouver, les travailleurs ont marché dans les rues du centre-ville, avec à leur tête des membres du Syndicat international des débardeurs et magasiniers (SIDM - Canada), du Syndicat international des marins du Canada (SIU), d'UNIFOR, du Syndicat des employés et marins des traversiers de la Colombie-Britannique et de l'Union Internationale des Opérateurs-Ingénieurs. Des représentants de l'Union maritime australienne, de la Fédération internationale des ouvriers du transport et de la Fédération des travailleurs de la Colombie-Britannique y étaient aussi. De nombreux travailleurs portaient un chandail sur lequel on pouvait lire : « Our Coasts, Our Jobs, Our Future » (Nos côtes, nos emplois, notre avenir).

Une des revendications principales des travailleurs maritimes était la défense du cabotage, le système qui fait en sorte que le transport maritime de marchandises dans les eaux canadiennes est effectué par des travailleurs canadiens, formés pour ce travail, sur des navires immatriculés au Canada. Le Rapport Emerson recommande que le cabotage soit déréglementé, en l'ouvrant aux vaisseaux étrangers, plusieurs portant pavillons de complaisance ou employant des travailleurs étrangers temporaires soumis à des conditions brutales. Les travailleurs ont aussi dénoncé l'Accord économique et commercial global (AÉCG) conclu récemment entre le Canada et l'Union européenne qui recommande lui aussi l'élimination du cabotage. Ils ont fait remarquer que le cabotage contribue à défendre les conditions de vie et de travail des travailleurs maritimes, à protéger les travailleurs étrangers très vulnérables de même qu'à protéger la sécurité et l'environnement dans les eaux canadiennes.


Le président du SIDM-Canada Rob Ashton s'adresse aux participants.

Rob Ashton, le président du SIDM-Canada, a déclaré : « Notre but est de protéger les familles de notre pays. [...] Si les entreprises et le gouvernement acquièrent la capacité de nous briser et de nous mettre à terre, qui va protéger les marins qui se présentent sur nos côtes, qui va les protéger quand ils ont besoin de protection ? Qui va protéger les travailleurs marginalisés qu'on fait venir dans ce pays comme main-d'oeuvre esclave, qui ne sont pas payés décemment et ne peuvent pas devenir des citoyens canadiens ? C'est nous les Canadiens qui devons nous tenir debout et faire face à ceux qui veulent faire du mal à nos gens et amènent des travailleurs ici pour les traiter en esclaves. Et comment allons-nous faire cela ? En nous tenant debout et en résistant ! »

Terry Engler, le président de la section locale 400 du SIDM-Canada, a dit que « les travailleurs se sont battus pour faire adopter des règlements qui protègent ces travailleurs, qui protègent la sécurité, qui délimitent la taille des équipages, pour que nous soyons en sécurité. Cela protège notre environnement parce que nous sommes en mesure de dire à quelqu'un 'que cette chose-là ne se fait pas ici'. Nous avons vu ce qui se produit dans le monde quand les entreprises sont libres de faire ce qu'elles veulent. Si nous perdons le cabotage, si nous n'avons pas de réglementation et d'inspecteurs, dont le nombre devrait être augmenté, le monde dans lequel nous vivons va être détruit encore plus qu'il ne l'est maintenant. »

Les travailleurs ont souligné qu'un des objectifs principaux de la déréglementation et de la privatisation est de briser la résistance des travailleurs syndiqués et de briser les syndicats en tant que ligne de défense des conditions de vie et de travail des Canadiens. Ils ont réitéré que les ports, les aéroports, les eaux navigables et tout ce que requiert l'économie moderne dont les Canadiens dépendent appartiennent au peuple et à la société et non aux intérêts privés.





(Photos : Docker Podcast, SIDM)

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Réforme antinationale du système de
transport du Canada

Le ministre fédéral des Transports Marc Garneau est en train de procéder à une réforme de la Loi sur les transports au Canada (LTC) et du système de transport du Canada. Le but officiel de la réforme est de mettre en oeuvre le plan Transports 2030 dans le contexte de l'objectif du gouvernement Trudeau de rendre le Canada concurrentiel sur les marchés mondiaux.

D'avril à septembre 2016, le ministre des Transports a tenu des consultations sur cinq thèmes : le renforcement de la sécurité des transports ; des corridors de commerce aux marchés mondiaux ; le transport écologique et innovateur ; le voyageur et les voies navigables, les côtes et le Nord.

On s'attend à ce que les changements à la LTC soient apportés dans le courant de l'année et dans les années qui viennent. Le ministre des Transports utilise comme guide aux changements le rapport connu sous le nom de Rapport Emerson. C'est un rapport que le gouvernement conservateur de Stephen Harper a commandé en juin 2014. David Emerson, un ancien membre du cabinet Harper, a présidé le comité chargé de l'examen. Le ministre Garneau a déposé le Rapport Emerson au Parlement le 15 février 2016. Il a qualifié le Rapport Emerson d' « excellent » dans ses discours, ajoutant que le gouvernement allait se guider sur lui pour sa réforme de la LTC.

Les travailleurs du transport ont averti les Canadiens que le gouvernement Trudeau s'apprête à adopter les recommandations du Rapport Emerson, lesquelles équivalent à de la destruction nationale. Ils font référence à la demande exprimée par le rapport d'aller à fond de train dans la déréglementation et la privatisation des services et de l'infrastructure de transport et dans l'imposition de frais d'usagers. Le rapport recommande notamment la privatisation des aéroports et des ports, et l'ouverture du cabotage dans les eaux navigables intérieures aux vaisseaux européens dont plusieurs battent pavillon de complaisance et imposent des salaires et des conditions de travail bien inférieurs aux normes établies. Le rapport recommande également des changements législatifs afin d'augmenter les limites de propriété étrangère jusqu'à au moins 49 % pour les transporteurs aériens exploitant des services de passagers commerciaux et jusqu'à 100 % pour les compagnies aériennes exploitant des services aériens tout-cargo et de spécialité. Dans un discours récent, le ministre des Transports a dit qu'il va commencer à mettre en oeuvre diverses mesures du Rapport Emerson en augmentant cette année à 49 % la limite de propriété étrangère pour les transporteurs aériens exploitant des services de passagers commerciaux.

La thèse du Rapport Emerson

Le Rapport Emerson est intitulé « Brancher le système de transports du Canada au reste du monde ». Il comprend 286 pages et il est accompagné de 230 pages d'annexes. Il débute par une lettre à la ministre des Transports du temps Lisa Raitt et comprend 13 chapitres, soit : Points de départ, Gouvernance, Liens entre commerce et transport, Le Nord, Innovation, Changements climatiques, Accès et accessibilité, Transport ferroviaire, Transport aérien, Transport maritime, Office des transports du Canada, Résumé et Recommandations. Le rapport définit le Canada comme une nation commerçante, dont la prospérité dépend du commerce international. On y lit : « Ce qui n'a pas changé au fil des décennies, et ce qui ne changera probablement jamais, c'est la réalité fondamentale du Canada : une vaste masse terrestre septentrionale où vit, en comparaison, une toute petite population. Nous dépendons du commerce international pour soutenir notre qualité et notre niveau de vie, lesquels sont particulièrement attrayants. Nous partageons le continent nord-américain avec le pays ayant l'économie la plus dynamique au monde, les États-Unis, et avec un des pays qui connaît une croissance économique tout aussi dynamique, le Mexique. L'intégration et la collaboration avec nos partenaires nord-américains sont à la fois une réalité et une nécessité, que ce soit en matière d'économie, de sûreté ou d'environnement. »

Cette nation canadienne, poursuit le rapport, fait maintenant face à un monde en bouleversement, et son avenir dépend de sa capacité à s'annexer à ce monde en crise et à y gagner une position concurrentielle. Tout le rapport repose sur l'argument fondamental que le Canada ne peut pas être maître de sa destinée en se dotant d'une économie prosociale diversifiée contrôlée par le peuple, où le commerce international agit comme support additionnel à l'économie domestique indépendante.

Au lieu de cela, en tant que nation commerçante dominée, qui ne possède ou ne contrôle même pas ses secteurs de base, le Canada n'est pas capable de contrôler la demande ou les prix pour ses ressources. Il n'a pas un mot à dire sur son développement économique et doit laisser toutes les décisions à ce sujet à des « investisseurs » inconnus qu'il faut convaincre d'investir avec des promesses de garanties de gros coups d'argent. Cette nation commerçante qui est à la merci du marché mondial ne peut pas se protéger des crises cycliques inévitables qui surviennent au sein du système impérialiste mondial d'États dominé par l'empire américain, que ce soit les crises économiques générales comme celle de 2008 ou les crises sectorielles comme la crise actuelle des prix de marché des produits à base de ressources énergétiques et d'autres produits qui se vendent en dessous de leur prix de production.

Le rapport indique à ce sujet :

« Depuis le dernier Examen, des changements dans les marchés mondiaux, des percées technologiques, des menaces contre la sûreté, des vulnérabilités environnementales et des tendances en matière de croissance économique et de développement au Canada ont mis en lumière une réalité propre au vingt et-unième siècle : nous vivons dans un monde étroitement interconnecté, en perpétuel changement et ce, bien souvent, sans avertissement....

« Bien que nos interactions avec les quelque 7,3 milliards d'habitants sur la planète permettent à notre population de 36 millions d'habitants de prospérer, nous ne sommes que des acteurs modestes sur la scène mondiale. En effet, nous réagissons aux événements qui surviennent à l'échelle planétaire, mais nous n'avons que très peu d'influence sur ceux-ci. Le fait que l'économie canadienne soit tributaire de l'économie mondiale a des répercussions importantes à deux niveaux. Dans un premier temps, le rôle des systèmes de transport et de logistique, pour le déplacement efficace des gens et des biens, est devenu de plus en plus important pour la compétitivité à l'échelle internationale. En effet, la logistique des transports et l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement sont aujourd'hui perçues par diverses organisations de recherche comme étant plus importantes pour la compétitivité mondiale que les taux des droits de douane et des tarifs. Dans un deuxième temps, l'instabilité et les changements qui surviennent à l'extérieur de nos frontières ont une incidence rapide et profonde sur la vie des Canadiens. Le défi majeur est donc de renforcer notre capacité d'adaptation rapide à des catastrophes naturelles et à d'autres perturbations prévisibles, mais aussi à des tendances et à des changements difficiles à prévoir et qui échappent la plupart du temps à notre contrôle.

« Les enjeux de sûreté mondiaux continueront de façonner les liens en matière de transport et d'échanges commerciaux. En raison de la montée de puissances militaires et nucléaires, jumelée à des tensions religieuses, ethniques et territoriales, les échanges diminueront avec certains pays et augmenteront avec d'autres. Pour que les systèmes de transport soient adaptés, il faudra intégrer des mesures de sûreté de plus en plus sophistiquées dans la chaîne de transport. »

Une fois que tout ceci est accepté comme un truisme, la seule perspective qui s'offre au Canada est de devenir une plaque tournante pour le commerce mondial entre les oligopoles mondiaux. Ce que le Canada apporte à ce commerce est principalement son abondance en ressources naturelles qu'il exporte sur les marchés mondiaux.

« La façon dont le ralentissement économique, la volatilité des marchés en Asie et la chute du prix des marchandises ont secoué l'économie et les finances publiques canadiennes au cours de l'année dernière rappelle avec force que l'économie canadienne est ouverte et de modeste envergure, ce qui la rend plus susceptible d'être influencée par les événements mondiaux. Même si la valeur du dollar canadien a baissé récemment et les taux d'intérêt sont bas, ce qui aide à améliorer la compétitivité du pays en ce qui concerne les coûts dans les échanges commerciaux et encourage l'investissement, le Canada ne devrait pas baser ses prévisions économiques sur la stabilité de cette situation. Le développement à l'échelle mondiale continuera à encourager la demande et la concurrence pour les produits agricoles, l'énergie et les autres ressources naturelles. Ces marchandises, qui dépendent de notre capacité de tirer parti des nouveaux marchés, représentent des occasions d'exportations considérables, lesquelles susciteront l'utilisation intensive des transports. »

Il découle de tout cela que le Canada participe à cette aventure en s'assurant que son système de transport est mû par ce que le rapport appelle la « concurrence », les « forces du marché » et la « commercialisation » de même que par la privatisation des avoirs nationaux, la déréglementation des politiques et l'utilisation accrue des frais d'usagers. Le pays tout entier doit être transformé en une gigantesque chaîne d'approvisionnement pour le transport principalement de matières premières et de produits semi-finis vers les marchés mondiaux tout en étant annexé à la Forteresse Amérique du Nord par un gouvernement impérialiste américain de pouvoirs de police au pays et internationalement.

Cet ordre du jour provient de l'appui enthousiaste exprimé par le gouvernement Harper au sujet de la pleine intégration nord-américaine que demandent les élites politiques et d'affaires des États-Unis.

En octobre 2014, le Council on Foreign Relations (Conseil des relations étrangères) a publié le rapport d'un groupe de travail qui présentait cet ordre du jour. Le groupe de travail était présidé par David H. Petraeus, général de l'armée américaine à la retraite, ancien directeur de la CIA et présentement président du KKR Global Institute, et par Robert B. Zoellick, ancien président du Groupe de la Banque mondiale et président du groupe des conseillers internationaux de Goldman Sach.

Le rapport mentionnait que l'initiative du Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP), une série de rencontres tenues entre les gouvernements américain, canadien et mexicain pour promouvoir des mesures visant à mettre les économies et les arrangements de sécurité de l'Amérique du Nord sous le contrôle des impérialistes américains, « n'était pas à la hauteur de ce qui est requis, soit une véritable transformation nord-américaine ». Le rapport décrivait de façon très détaillée cette transformation recherchée : « Le groupe de travail est d'avis que le défi qui se pose aujourd'hui est d'élaborer une vision nord-américaine, un concept d'objectifs de politiques et de coopération nord-américains, et de faire de cette politique une priorité. »

À ce moment-là, le gouvernement Harper avait tout de suite prévu d'investir 70 milliards $ de fonds publics dans un cadre la politique nationale des portes d'entrée et des corridors, dont faisait partie le Nouveau plan Chantiers Canada, afin de construire l'infrastructure nécessaire à la création d'une économie nord-américaine entièrement intégrée au service des intérêts oligopolistes. Plutôt que d'être des centres de développement économique où les gens peuvent gagner leur vie en bâtissant une économie diversifiée, équilibrée et prosociale, une économie contrôlée par et eux et où la plus grande partie de la valeur qui est produite reste dans la communauté et est mise à la disposition d'un développement économique soutenu et diversifié, les régions deviennent des portes et des corridors servant les oligopoles mondiaux et leurs aventures sur lesquels les gens n'exercent aucun contrôle.

Dans le contexte actuel, les oligopoles sont possédés et contrôlés à partir des centres de l'oligarchie financière. Mise à part la valeur que les travailleurs reproduisent et qui va à leurs salaires et avantages sociaux, la plus grande partie de la valeur ajoutée que les travailleurs produisent passe de ces portes d'entrée et corridors aux coffres privés des oligarques, aux centres de l'oligarchie financière à New York, Londres et Francfort. Cela laisse le Canada extrêmement vulnérable aux crises économiques mondiales, aux changements de prix des principaux produits, comme on le voit aux bouleversements qui sont causés par la chute des prix de marché du pétrole et de la potasse, de même qu'à la chute de la demande mondiale d'uranium, de cuivre, de charbon et d'autres ressources et aux attaques sectorielles spécifiques comme l'attaque organisée en ce moment par l'État américain contre la production canadienne de bois d'oeuvre.

La gouvernance

Le Rapport Emerson recommande la déréglementation et la privatisation tous azimuts des industries du transport pour que rien ne vienne entraver la capacité des sociétés privées à manipuler l'économie pour servir leurs intérêts étroits. Pour réaliser cette domination sans entraves des oligopoles, le rapport recommande que l'État canadien joue un plus grand rôle dans ce qu'il appelle le développement des chaînes d'approvisionnement en une chaîne nationale et s'assure que tous les avoirs de la société soient mis à la disposition de l'édification d'empire.

On lit dans le rapport : « Contrairement à d'autres pays comme l'Australie, le Royaume-Uni et l'Union européenne, le Canada ne dispose pas d'un cadre de concertation permanent réunissant les secteurs public et privé qui s'intéresse à l'intégralité du réseau national et dont l'objectif est de renforcer sa contribution à la prospérité économique. Des intérêts divergents, mais néanmoins cruciaux, notamment en ce qui concerne l'investissement dans les infrastructures, la recherche, l'innovation et l'environnement doivent se concerter en se concentrant sur les transports. Bien que Transports Canada soit la principale organisation responsable de ce secteur, il n'existe aucun mécanisme permettant de tenir compte de l'ampleur et de la diversité des intérêts dans ce domaine, tant aux niveaux interministériel et intersectoriel qu'à l'occasion des pourparlers fédéraux-provinciaux.

« Le but serait d'intégrer ces politiques à un cadre national pour la construction et l'optimisation du réseau des transports au cours des prochaines 20 à 30 années. Une telle stratégie définirait les besoins en investissements, l'infrastructure propice au commerce ; elle contiendra une description de l'environnement réglementaire et politique approprié et assurerait une stabilité à long terme pour les investissements et ceux qui investissent dans le réseau.

Le rapport décrit ensuite un processus dans lequel les intérêts privés mondiaux assument de plus en plus la gouvernance directe de l'État en devenant eux-mêmes les preneurs de décisions en ce qui concerne ce qui doit être privatisé et dérèglementé, comment la valeur que les travailleurs produisent doit être distribuée et toutes les autres questions d'importance.

« À la suite de l'Examen, il est recommandé que Transports Canada, en collaboration avec les provinces, les territoires et l'industrie, dirige l'élaboration d'un cadre national sur les transports et la logistique fondé sur des données probantes et des mesures du rendement précises et claires » et « la mise en oeuvre de la nouvelle structure de gouvernance proposée, basée sur une approche collaborative des secteurs public et privé ». Il poursuit : « Faire participer le secteur privé en tant que source de connaissances et d'expertise lors de l'établissement des priorités permettrait aussi d'obtenir de meilleurs résultats. Les décisions importantes relatives aux investissements seraient fondées sur des données probantes et prises en tenant compte de mérites objectifs et dans le but de maximiser les résultats et de garantir la transparence du procédé. »

Le rapport ne cache pas que son objectif est de remettre tout pouvoir aux intérêts privés des oligarques qui possèdent et contrôlent la richesse sociale qui est disponible pour les grands investissements. Cela comprend les épargnes mises en commun de la classe ouvrière que l'oligarchie financière contrôle.

« À la suite de l'examen, il est recommandé que le gouvernement du Canada prenne des mesures pour attirer plus d'investissements du secteur privé pour le financement des projets d'infrastructure de transport, notamment :

« a. définir les priorités nationales à partir du plan d'infrastructure de transport et de la liste de projets, recenser les biens moins essentiels qui pourraient être privatisés et attirer l'attention sur les projets et les initiatives qui pourraient intéresser les investisseurs du secteur privé ;

« b. travailler avec les investisseurs institutionnels et les caisses de retraite pour envisager l'utilisation d'autres outils ou mécanismes permettant d'attirer et de tirer partie des investissements du secteur privé dans les infrastructures de transport. Voici ce qui doit être fait dans le cadre de cet effort :

« i. examiner la politique financière et le cadre réglementaire en vigueur afin de s'assurer que le système ne décourage pas systématiquement les investissements du secteur privé dans les projets de transports canadiens ;

« ii. proposer des modifications législatives visant à éliminer ces obstacles, dont le règlement limitant les investissements provenant des caisses de retraite ;

« iii. encourager et aider les institutions financières privées à établir des fonds d'investissement dans les infrastructures de transport qui permettraient aux investisseurs privés (petits et grands) d'atténuer les risques grâce à une mise en commun des fonds et des investissements ;

« iv. adopter des politiques et un cadre réglementaire stable qui protégeront autant que possible les flux de trésorerie des investisseurs et inspireront aux investisseurs institutionnels une plus grande confiance dans les projets de PPP et d'infrastructure privés.

« En conclusion, cela favoriserait un échange intéressant d'idées et le partage d'expertise. Les membres pourraient participer à des tribunes bilatérales, comme le Conseil de coopération en matière de réglementation Canada -- États-Unis qui a été créé pour accroître la transparence et la coordination en matière de réglementation entre les deux pays. »

Portes d'entrée et corridors

Le Rapport Emerson accorde beaucoup d'importance aux portes d'entrée et aux corridors en tant qu'éléments-clés de la chaîne d'approvisionnement. Il en donne la définition suivante :

« Les "Portes d'entrée"' sont les principaux points de convergence du flux international de personnes et de marchandises. Il s'agit des ports maritimes, des aéroports et des postes frontaliers Canada -- États-Unis (voies terrestres ou maritimes, ponts internationaux) qui servent de points d'entrée et de sortie du pays.

« Un "corridor de commerce et de transport" , selon la Banque mondiale, est un ensemble coordonné d'infrastructures de transport, de logistiques et de services qui facilitent le commerce et le flux du transport entre les principaux centres d'activité économique. Un tel corridor peut comprendre des points de transfert, comme des centres intermodaux et des centres de distribution, où les marchandises changent de mains ou sont transférées d'un mode de transport à un autre. »

Le rapport recommande que les structures de gouvernance publique-privée soient mises à profit pour renforcer les portes d'entrée et les corridors existants : l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique, la Porte et le Corridor de commerce de l'Atlantique et la Porte continentale et le Corridor de commerce Ontario-Québec.

Le rapport mentionne que les conditions du commerce mondial fluctuent, que les marchés sont volatiles et que des crises se produisent, ce qui fait que ces immenses infrastructures se retrouvent souvent peu utilisées mais il n'entrevoit aucune autre direction pour l'économie que de continuer dans la même voie. Cette direction comprend la privatisation et l'expansion des portes d'entrée et des corridors qui existent, la construction de nouvelles portes et de nouveaux corridors et l'appropriation d'encore plus de terrains à l'avance en vue d'une expansion encore plus grande.

Le rapport fait la recommandation suivante :

« À la suite de l'Examen, il est recommandé que le gouvernement du Canada mette sur pied un programme national de protection des corridors au cours des cinq prochaines années, en collaboration avec Transports Canada, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et les gouvernements provinciaux comme partenaires. L'objectif de ce programme serait de :

a) protéger les corridors de commerce et de transport. Les efforts devraient comprendre, sans s'y limiter, la détermination du tracé potentiel des corridors et les besoins pour les emprises, la consultation des intervenants et du public, et l'acquisition des terrains requis le long des corridors ;

b) protéger les terrains industriels essentiels pour l'agrandissement des installations des portes, dans le but de créer un inventaire des zones portuaires industrielles et de préserver ces zones, en prévision d'une éventuelle croissance du commerce.

c) ajouter aux titres enregistrés des terrains situés à proximité d'un corridor de commerce et de transport existant ou futur ;

d) s'associer aux administrations municipales et au secteur privé afin d'améliorer les écrans acoustiques et les normes antivibrations dans les règlements de construction des ensembles résidentiels dans les quartiers adjacents à un corridor de commerce et de transport existant ou futur. »

Le rapport qualifie cette soumission aux projets d'édification d'empire des oligopoles mondiaux d' « édification nationale ». Il essaie de masquer le désespoir et le comportement irresponsable que représentent la braderie du pays aux investisseurs mondiaux sur lesquels les gens n'ont aucun contrôle et le fait de mettre les avoirs de la nation et la capacité des travailleurs canadiens à la disposition des folles aventures de l'oligarchie financière recherchant de grands coups d'argent et à la merci des crises économiques inévitables et des guerres commerciales d'un monde qui est au service des intérêts privés étroits rivaux et de l'édification d'empire.

Le Rapport Emerson ne constitue pas une base pour la réforme et l'amélioration du système de transport du Canada et des lois qui le gouvernent. Il est une tentative dangereuse de mettre l'ensemble des services et de l'infrastructure de transport et en fin de compte des ressources naturelles du pays et du temps de travail des travailleurs à la disposition des aventures vouées à la crise des oligopoles mondiaux à la recherche du profit, de la domination et de l'édification d'empire. Il attaque le droit des Canadiens de bâtir leur propre système de transport qui sert l'édification nationale de même qu'une économie indépendante diversifiée qui subvient à ses besoins d'une façon réellement moderne afin de garantir le bien-être du peuple et d'humaniser l'environnement social et naturel.

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