Numéro 143 - 17 décembre 2016
Les résultats de
l'élection présidentielle aux États-Unis
Ce que cela signifie pour
le mouvement ouvrier
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In
Memoriam
Edward Alastair Haythornthwaite
13
mai
1952
-
14
décembre
2016
C'est avec beaucoup
de chagrin que le Parti marxiste-léniniste du Canada vous
informe que notre cher camarade Edward Alastair Haythornthwaite est
décédé du cancer le 14 décembre 2016. Le
Parti transmet ses sincères condoléances à sa
famille et à ses camarades et amis devant cette perte immense.
Alastair
était un travailleur industriel, machiniste pendant 35 ans. Il a
été élu par ses pairs agent d'affaires de
l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et
travailleuses de l'aérospatiale, district nord-ouest 250, un
poste qu'il a occupé
pendant neuf ans avant de retourner sur le plancher d'usine un peu
avant sa retraite en 2015. Dans sa nécrologie on lit qu'Alastair
« était le type de personne qui semble amadouer les
machines, les appareils et les véhicules, les faire fonctionner
mieux en se tenant tout simplement à côté d'eux. On
entend parler de gens comme ça mais on n'en voit pas tous les
jours.
« Dans son
métier, il construisait et réparait avec beaucoup
d'habilité des machines qui servaient ensuite à
construire et à réparer d'autres machines. Il
était un fier métallo. Il était aussi un
enthousiaste des trains miniatures et avait une passion pour
l'âge de la vapeur.
« Il a fait un
bac en Études syndicales en 2013 grâce à un
programme parrainé par son syndicat, réalisant ainsi un
rêve de longue date. »
Une des
réalisations dont il était le plus fier est le travail
qu'il a fait en tant que fondateur et président du Comité
commémoratif Joseph Mairs, qui tient une rencontre politique
annuelle à Ladysmith, sur l'île de Vancouver, en hommage
à Joseph Mairs, un martyr de la classe ouvrière de la
région mort en prison pour sa participation à la Grande
Grève du charbon de 1912-1914. La rencontre annuelle est
l'occasion de discuter de sujets politiques contemporains du mouvement
ouvrier sous la bannière : « Notre condition commune
».
Communiste toute sa
vie adulte, Alastair était un homme politique, un combattant
pour les droits des travailleurs et pour la politique
indépendante de la classe ouvrière. Il a
été candidat du Parti marxiste-léniniste du Canada
pour la circonscription de Cowichan-Malahat-Langford à
l'élection fédérale de 2015 durant laquelle il
fait campagne contre la participation du Canada à la guerre
impérialiste et pour le renouveau démocratique. «
Il s'est très bien débrouillé dans cette campagne
et il en a aimé chaque minute. »
Il manquera beaucoup
à ses camarades, sa famille et ses collègues de travail
et aux nombreux amis qu'il s'est faits au fil des années dans la
lutte pour un monde meilleur.
***
...Il est allé dans le
désert pour trouver son âme, a découvert qu'il
n'avait pas d'âme à lui tout seul, a découvert que
tout ce qu'il avait, c'était un petit bout d'une grande
âme. Le désert et la solitude inutiles : il doit former un
tout avec la grande âme. »
- John
Steinbeck, Les raisins de la colère
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Les résultats
de l'élection présidentielle aux États-Unis
• Ce que cela signifie pour le mouvement
ouvrier
• C'est en bâtissant le nouveau qu'on
doit affronter le gouvernement des pouvoirs de police -
L'Organisation marxiste-léniniste des États-Unis
Le programme de Trump
pour «redonner sa grandeur à l'Amérique»
• L'art de conclure un marché
• La paix par la force
• Le secteur manufacturier et l'industrie
À titre
d'information
• Résultats des élections
• La position des syndicats
• Multiplication des scénarios de guerre
civile
• Élimination du facteur
humain/conscience sociale
• Utilisation de robots du Web dans
l'élection américaine
Le 26 décembre
1862
• Le passé dans le présent
Les résultats de l'élection
présidentielle aux États-Unis
Ce que cela signifie pour le mouvement ouvrier
Le 10 décembre, le Parti
marxiste-léniniste du Canada a tenu une réunion à
Hamilton, en Ontario, sur la signification des résultats de
l'élection présidentielle américaines pour le
mouvement ouvrier. La
conférencière invitée était Kathleen
Chandler de l'Organisation marxiste-léniniste des
États-Unis. Rolf Gerstenberger, président du PMLC et
ancien
président de la section locale 1005 du Syndicat des
Métallos, a également pris la parole.
C'est la plus récente d'une série de
réunions à travers le pays organisées par le PMLC
pour permettre aux membres, supporters et amis du Parti ainsi qu'aux
collectifs de travailleurs de démêler ce qui se passe en
ce moment et ce que la présidence Trump signifie pour les
peuples des États-Unis, du Canada et du monde. La discussion a
commencé à Calgary le 6 novembre, à la veille
des élections du 8 novembre, suivie d'une réunion
publique à Ottawa le 12 novembre pour examiner les
déclarations émises par le Parti avant et après
l'élection.[1]
Il
y
a
ensuite
eu
deux réunions à
Montréal puis deux autres à Edmonton et Windsor, sans
compter les réunions des
organisations du Parti au niveau local. Toutes ses réunions
servent à créer un espace pour une discussion
sérieuse où les participants peuvent analyser les
événements pour aborder la situation actuelle de
façon proactive. Elles permettent de contrer la pression
constante, durant et après l'élection, qui pousse tout le
monde à réagir à chaque geste et commentaire de
Trump, faisant ainsi de lui le problème en tant qu'individu tout
en cachant la signification du recours à un gouvernement des
pouvoirs de police par les cercles dominants aux États-Unis.
À Hamilton, la présentation principale par
Kathleen Chandler a porté sur ce gouvernement des pouvoirs de
police qui s'implante progressivement aux États-Unis et sur
le besoin d'engager les forces populaires dans la discussion et la
concrétisation de ce que veut dire établir un
gouvernement antiguerre. Nous reproduisons le texte complet de
cette présentation ci-dessous.
Rolf Gerstenberger a parlé de
l'expérience des métallos de Hamilton à
défendre leurs droits, leurs emplois et l'industrie de l'acier
et a expliqué que cela leur donne une vue particulière
des événements aux États-Unis. Il a donné
l'exemple de la nomination par le président élu Donald
Trump de Wilbur Ross au poste de secrétaire au Commerce.
Il a rappelé qu'en combattant la fraude de faillite de Stelco
en 2003, les métallos ont dû étudier toute
l'industrie de l'acier au Canada et aux États-Unis. On leur
avait dit que les métallos américains avaient «
aidé » leurs compagnies et que c'était
maintenant au tour des travailleurs de Hamilton d'aider Stelco.
À l'époque, une
quarantaine d'aciéries américaines s'étaient
rangées sous la protection du Chapitre 11, plusieurs
d'entre elles forcées à la fin de déclarer
faillite, et cela a servi de prétexte pour réduire
les pensions de 250 000 retraités
de 10 % à 70 %. Quelque 190 000 de
ces retraités se sont par
la suite vus enlever leurs pensions et avantages sociaux, comme
« dommage collatéral » de l'achat et de la
revente
de plusieurs de ces aciéries par nul autre que Wilbur Ross.
Rolf a expliqué que la section locale 1005 a
catégoriquement rejeté toute utilisation fallacieuse de
la procédure de faillite pour voler les travailleurs. Certains
chefs syndicaux aux États-Unis avaient fait cette analogie
fameuse : « La maison est en feu,
vous avez quatre enfants, mais vous ne pouvez pas les sauver tous.
Lesquels allez-vous sauver ? » Les métallos de
Hamilton ont dénoncé cette position crapuleuse qui n'est
rien de moins qu'une capitulation aux politiques
néolibérales des riches. Ils ont répondu que
jamais des parents et des intervenants de
première ligne ne réagiraient à cette situation
d'urgence avec de tels calculs. Les intervenants de première
ligne font toujours tout en leur pouvoir pour sauver toutes les
victimes d'un sinistre, a dit Rolf. La seule position acceptable, a dit
Rolf, est
de défendre les principes et de mettre toute l'organisation
nécessaire en place et de mettre au point une stratégie
et des tactiques pour réussir. Wilbur
Ross avait prétendu qu'il fallait sacrifier les retraités
aux États-Unis parce que c'était un impératif
économique.
Certains leaders syndicaux considèrent toujours Wilber Ross
comme un ami des travailleurs et n'ont pas protesté contre sa
nomination
au poste de secrétaire au Commerce. Rolf a souligné que
ce choix de Trump donne une idée des priorités du
prochain gouvernement des États-Unis malgré ses
prétentions de vouloir s'occuper des « gens
ordinaires » et de soutenir les travailleurs.
Rolf a aussi parlé de la nomination au poste de
secrétaire au Travail d'Andrew Puzder, cet oligarque de la
restauration rapide et PDG du monopole qui possède les
chaînes de restaurants Hardee's et Carl's Jr. Il est connu pour
ses positions antiouvrières et favorables à l'utilisation
de
travailleurs « sans papier » comme main-d'oeuvre
à
bon marché. Rolf a expliqué que l'économie du
sud-ouest de la Californie ne fonctionnerait pas sans l'exploitation de
ces travailleurs vulnérables. Les positions ouvertement
antiouvrières d'Andrew Puzder ont provoqué une
levée de boucliers chez les syndicats américains. Puzder
était contre l'établissement du salaire minimum
à 10 $
l'heure par l'administration Obama et s'opposera certainement au
salaire minimum à 15 $. Il sera aussi contre le
maintien des pensions parce que, selon lui, plus aucune compagnie n'en
veut et elles sont un poids pour la société.
Un représentant des travailleurs
accidentés de l'Ontario a fait remarquer que ce que
préconisent Trump et son cabinet est précisément
ce qui est fait en Ontario sous le gouvernement libéral de
Kathleen Wynne. Par exemple, le projet de loi 70 du gouvernement
ontarien permettra aux employeurs de s'autorèglementer en
matière de santé
et sécurité. Il a expliqué que dans ce
modèle d'affaire ceux qui ne sont pas considérés
comme une valeur sont tout simplement abandonnés à leur
sort.
Concernant la disposition de Trump envers les
travailleurs et sa prétention de « redonner sa grandeur
à l'Amérique » en ramenant les emplois aux
États-Unis, Rolf a rappelé l'intervention du
président élu à l'usine Carrier en Indiana, un
fabricant de climatiseurs qui selon Trump aurait sauvé 1100
emplois d'un déplacement vers le
Mexique. Trump a dit sur Twitter que c'est ce qu'il allait faire pour
tous les travailleurs américains. Le représentant du
syndicat des
travailleurs de Carrier a fait remarquer que c'est seulement 800
emplois qui vont être épargnés et que
c'est par centaines qu'ils seront déplacés vers le
Mexique. Mais cela lui a coûté cher de dire cette
vérité, car Trump et d'autres par la suite l'ont assailli
de toutes parts avec des attaques personnelles et des menaces sur
Twitter. Trump s'est servi de Twitter pour attaquer le président
du syndicat. Il l'a traité de « bonze syndical »
pour
laisser entendre qu'il est une espèce de parasite et que les
syndicats perçoivent beaucoup trop de cotisations de leurs
membres. Le corps politique est ainsi mobilisé pour ou contre
les gazouillis de Trump et cela devient le « tout le monde en
parle » principal jusqu'à la prochaine attaque Twitter,
contre quelqu'un d'autre. Les gens partout dans le monde, pas seulement
aux États-Unis, sont censés spéculer sur chacun de
ses tweets, aussi
insignifiants
soient-ils. Réduire la politique à des attaques
personnelles et à des diffamations par les cercles dominants,
voilà à quel niveau en est rendue la gouvernance aux
États-Unis dans son désespoir de cause, a dit Rolf,
précisant que c'est ainsi que fonctionnent les pouvoirs de
police quand il n'y a plus de processus politique moderne, sans
parler du respect de la loi.
La principale chose à faire dans cette
situation, a poursuivi Rolf Gerstenberger, est de prendre des mesures
pratiques pour changer la situation en faveur des travailleurs.
À Hamilton, les métallos font face à la vente
prochaine de leur usine et au recours à la Loi sur les
arrangements avec les créanciers des compagnies pour
attaquer les
travailleurs actifs et à la retraite par des voies parfaitement
légales. Comment les travailleurs peuvent-ils se défendre
dans cette situation ? Le gouvernement et les
députés fédéraux disent que personne ne
peut rien faire puisque l'affaire est devant les tribunaux et que le
gouvernement fédéral n'est pas un intervenant dans ces
procédures. Par
contre, une fois que la vente sera conclue, il pourra donner de
l'argent
au nouveau propriétaire. Encore une fois, on nous propose la
logique honteuse de Wilber Ross que « pour sauver la
compagnie » certains retraités doivent être
sacrifiés. Les métallos de Hamilton ont vécu cette
expérience amère et savent que rendre les riches plus
riches ne va pas sauver la compagnie, a dit Rolf, et quiconque vous dit
le contraire essaie de vous berner pour obtenir ce qu'il veut.
Rolf Gerstenberger lors de sa présentation à la
réunion d'Edmonton le 15 novembre 2016
Rolf a ensuite parlé de la position de certaines
des
grandes centrales syndicales américaines. Certains
chefs syndicaux disent qu'ils ne sont pas d'accord avec les valeurs de
Trump, mais qu'ils sont tout de même disposés à
travailler avec lui pour ce qui est des emplois. Ils ont écrit
au président élu pour lui dire qu'il y a un terrain
d'entente possible sur l'économie. Mais comment les valeurs
peuvent-elles être séparées de l'économie, a
demandé Rolf, quand on sait que toutes ces
positions arriérées servent à diviser la classe
ouvrière pour
qu'elle ne soit pas en mesure de défendre ses
intérêts de classe dans un front uni ? Il a rappelé
à cet égard à quel point les médias ont
tout fait pour créer l'impression qu'il n'existe pas de classe
ouvrière unie aux États-Unis, que les travailleurs
américains ne sont pas une seule classe et se divisent en fait
en fonction de la race, du sexe, de la religion et ainsi de suite. Le
peuple serait divisé en fonction d'intérêts
disparates au
sein de la classe ouvrière. Ils ont tout fait pour nier que la
classe ouvrière est une seule classe avec des
intérêts de
classe distincts, que tous ont des droits du fait qu'ils sont des
êtres humains et doivent sur cette base ouvrir une voie au
progrès de la société.
Plusieurs thèmes de la présentation ont
été repris dans les discussions qui ont suivi. Une jeune
travailleuse a parlé de son expérience et dit qu'à
mesure que la politique dégénère, les gens sont
incités à voir les événements, comme les
élections américaines, comme un divertissement. Le
désir de mettre tout le monde en action pour défendre
leurs
droits a mené à des interventions intéressantes
sur l'importance de la discussion collective et des prises de
décisions collectives pour que les travailleurs puissent
démêler les choses et avancer en toute confiance. Des
métallos ont parlé de l'impunité des entreprises
comme US Steel qui s'en prennent au moyen de subsistance des Canadiens
et du
cynisme de ce gouvernement qui prétend se soucier du
bien-être des travailleurs. Les participants ont également
abordé le sujet du rôle de Bernie Sanders dans les
élections américaines, de l'intégration de
l'économie et des structures politiques du Canada à
celles des États-Unis et ce que cela signifie pour notre avenir,
et de ce que Trump entend
quand il dit qu'il veut administrer les États-Unis comme une
entreprise. Un autre thème important soulevé par les
travailleurs est la question de la guerre et de la paix et comment
faire avancer le travail pour un gouvernement antiguerre.
Les participants ont noté que ces discussions
permettent de clarifier les choses en apportant une conception du monde
à partir de laquelle examiner la situation aux États-Unis
et les développements qui s'y rapportent. Un participant a dit
que ces discussions calmes, sérieuses et informées sont
importantes et doivent continuer pour repousser la
pression à toujours parler de ce que Trump fait et dit
plutôt que de parler de nos propres intérêts et de
développer notre ordre du jour.
Réunion publique à Ottawa sur la signification des
résultats de l'élection américaine
le 12 novembre 2016
Réunion de Calgary à la veille des élections
américaines le 6 novembre 2016
Note
1. Voir 2016:
Élections
présidentielles
aux
États-Unis:
Déclarations
du
Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste)
C'est en bâtissant le nouveau qu'on doit
affronter le gouvernement des pouvoirs de police
- L'Organisation
marxiste-léniniste des États-Unis -
Nous reproduisons ci-dessous la présentation
faite par Kathleen Chandler de l'Organisation marxiste-léniniste
des États-Unis à une discussion organisée par le
PCC(M-L) le 10 décembre 2016 à Hamilton, en
Ontario, sur la signification du résultat des élections
américaines pour le mouvement ouvrier.
* * *
L'aspect le plus significatif du résultat des
élections présidentielles du 8 novembre est que les
cercles dominants des États-Unis optent pour un gouvernement des
pouvoirs de police. Ils tendent dans cette direction depuis longtemps,
surtout depuis l'administration de Bill Clinton et en mode
accéléré avec Bush et Obama. Il y a de toute
évidence une grande rivalité dans le camp des cercles
dominants
aux États-Unis et il est clair que l'élection n'a pas
permis d'aplanir les différends, comme elles sont censées
le faire. Il n'en demeure pas moins qu'ils ont choisi Donald Trump pour
étendre les pouvoirs de police, les rationaliser et leur enlever
toute entrave, ouvertement et en toute
impunité.
L'élection a également montré que
les vieux arrangements du gouvernement des lois sont finis. Les partis
politiques et le processus politique ne fonctionnent plus. Si les
dirigeants impérialistes et leurs médias
monopolisés cherchent à attirer l'attention de tout le
monde et à faire réagir tout le monde à chaque
tweet et commentaire de Donald
Trump, à créer l'impression que ce sont les choix
politiques de Trump qui sont le problème, ils le font pour
priver le peuple de la conception du monde qui l'amènera
à conclure que c'est à lui que revient la tâche de
donner naissance au nouveau, qu'il ne peut pas s'appuyer sur un camp ou
l'autre de la classe impérialiste pour résoudre les
problèmes auxquels il fait face. Le fait que les peuples des
États-Unis et du monde vont maintenant être
accablés par un gouvernement des pouvoirs de police sans entrave
aux États-Unis montre que les vieilles formes qui ont vu le jour
aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles ne parviennent plus à
conférer une légitimité aux gouvernements. Elles
ne
parviennent plus à convaincre les Américains de se
soumettre au pouvoir élitiste. Aujourd'hui ce pouvoir est
perçu comme un appareil pour que les riches s'enrichissent et
que les pauvres s'appauvrissent alors que le « rêve
américain » gît en lambeaux. Pendant ce temps,
l'agression gratuite et injustifiée est déclenchée
contre tout pays qui
refuse de se soumettre au diktat américain. Par
conséquent, les cercles dominants veulent le gouvernement des
pouvoirs de police mais ils veulent aussi le présenter comme
étant un gouvernement des lois. Ainsi le soir des
élections, les factions rivales se sont tout de suite
engagées à opérer la transition dans le calme
à la Maison-Blanche et ont tenu
à louer les vertus de la démocratie américaine.
Cela crée une situation pleine de dangers pour
les peuples au pays et à l'étranger. Nous devons
être proactifs et nous en tenir à notre propre programme
pour créer les nouvelles formes et donner naissance au nouveau.
Nous devons réagir à toutes les attaques contre le peuple
et le mouvement de résistance fera des progrès importants
si nous
sommes proactifs. La discussion politique et l'analyse de la
signification des résultats de l'élection
américaine sont le point de départ pour créer un
mouvement politique en faveur du peuple.
Les cercles dirigeants sont confrontés au
problème qu'ils veulent un gouvernement de pouvoirs de police
tout en maintenant la résistance du peuple en échec et en
préservant l'Union. Ils voient Donald Trump comme un dur
négociateur qui peut faire en sorte que les États-Unis ne
perdent pas leur place dans un monde où tout se joue à
couteaux
tirés. D'une part il va conclure des accords, sans doute en
secret, en utilisant les pouvoirs exécutifs qui lui reviennent
en tant que président. D'autre part, il utilisera la pleine
force des pouvoirs de police sans se soucier de
légitimité, au pays comme à l'étranger.
C'est ainsi que, dans son désespoir de cause, la faction de la
classe dominante représentée
par Trump croit faire avancer les choses en sa faveur.
Les pouvoirs exécutifs du président
comprennent le pouvoir de réguler l'immigration ;
l'application (ou la non-application) des lois sur
l'environnement ; la règlementation commerciale et
frontalière en faveur de l'annexion nord-américaine,
comme le Canada en fait déjà l'expérience ;
le recours à la guerre par les drones, à
la torture, aux forces spéciales, à la criminalisation de
ceux qui résistent au pays et à l'étranger. Les
pouvoirs de police seront appliqués sur le plan international,
possiblement par la conclusion d'accords directement avec les forces
militaires ou des leaders individuels de pays étrangers, en
contournant les gouvernements légitimes. Il s'agira de
rapports directs avec le président et les «
négociations » se résumeront davantage
à « des offres qui ne se refusent pas »,
puisque la menace des armes nucléaires restera sur la table.
Il est à noter que lorsque Trump a
annoncé la nomination de la gouverneure Nikki Haley de la
Caroline du Sud au poste d'ambassadrice à l'ONU, il a dit
qu'elle était une « négociatrice qui a fait ses
preuves ». C'était en référence aux
accords qu'elle a conclus pour attirer les monopoles, dont plusieurs
étrangers, en Caroline du Sud,
habituellement en leur offrant des millions de dollars des fonds
publics, le report des impôts, etc. Le récent accord
conclu par Trump avec le monopole Carrier est un exemple de ce à
quoi il faut s'attendre. Il a conclu l'accord secrètement avec
le PDG de la compagnie, dans le dos du syndicat. L'État de
l'Indiana, dont le gouverneur Mike Pence
vient d'être nommé vice-président des
États-Unis, a accepté de verser 7 millions $ au
monopole. Puis lorsque le président du syndicat, Chuck Jones, a
révélé les faits concernant le nombre d'emplois
qui resteront, c'est-à-dire 800 et non pas 1100 comme
l'a prétendu le président élu, Trump s'est
attaqué à lui
personnellement. Pour l'instant il s'est contenté de l'attaquer
sur Twitter mais cela permet de voir ce qui arrivera quand les
travailleurs, les gouvernements d'État et les gouvernements
étrangers oseront faire obstacle à un accord conclu par
Trump. Le rôle des attaques personnelles est d'attiser les
passions et d'abaisser le niveau du discours politique,
de manière à empêcher les gens de s'unir dans un
mouvement politique pour l'habilitation du peuple, la paix et les
droits.
Le mantra « jobs, jobs jobs » a permis
aux monopoles d'obtenir plus de 80 milliards $ par
année des fonds publics, ne serait-ce que des États et
des villes. Au moins trois quart de l'argent en subvention des
États et des villes est acheminé dans les coffres non
plus des entreprises locales mais des monopoles comme Boeing,
Intel, GM, Nike et Dow Chemical. Les entreprises
étrangères comme Royal Dutch Shell et Nissan en
reçoivent une bonne part elles aussi. Cela se fait souvent dans
le cadre de « méga-ententes », comme
le 5,6 milliards $ que l'État de New York a
versé à Alcoa ou le près de 9
milliards $ que le monopole de guerre
Boeing a soutiré à l'État de Washington. Les
sommes versées par les gouvernements dans ces ententes
colossales équivalent en moyenne à près
de 500 000 $ par emploi. Et trop souvent, la promesse
d'emploi ne se matérialise pas. Trump est maintenant en position
d'y aller à fond de train dans ce genre de magouilles et il aura
le
plein poids de la présidence pour le faire.
Pendant que Trump parle d'emplois, l'accord avec
Carrier sert les oligopoles et comprend vraisemblablement la promesse
de contrats d'approvisionnement futurs, comme pour les projets
d'infrastructures par exemple, ou les contrats de la défense.
Durant la campagne électorale, Donald Trump a
répété qu'il allait administrer le gouvernement
comme une entreprise, ce qui revient à dire que les besoins et
services sociaux ne feront plus partie des calculs. Dans son discours
de victoire il a dit : « J'ai passé ma vie dans le
monde des affaires et j'ai remarqué trop de projets et de gens
au potentiel inexploité partout sur la planète. C'est ce
que je m'engage à faire pour notre
pays. »
Les entreprises sont gérées en fonction
de la rentabilité et voient les êtres humains comme des
choses, voire des produits, dont on peut disposer. Les métallos
savent ce que veut dire être traités comme des choses --
d'être mis à pied et de perdre leur pension, de voir
leur communauté être détruite. La nomination de
Wilbur Ross au poste de
secrétaire au Commerce nous rappelle que c'est l'homme qui a
empoché des milliards de dollars avec l'achat d'aciéries
en faillite aux États-Unis et l'élimination des
prestations de retraite pour 190 000 métallos avant de
remballer et de revendre les usines. La responsabilité envers la
société et envers les besoins de la société
ne sont pas
des considérations prioritaires du gouvernement des pouvoirs de
police.
En examinant tous ces développements, il est
important de reconnaître que les pouvoirs de police sont par
définition des pouvoirs arbitraires et élargis
utilisés impunément. Il ne s'agit pas seulement des
agissements des forces policières et militaires, mais bien d'un mode
de
gouvernance choisi dans une situation où les cercles
dominants
n'ont pas de solutions et se voient forcés de bloquer le
désir de modernisation et de démocratisation.
L'État américain est fondé depuis ses origines sur
un pouvoir unitaire combinant deux aspects : le gouvernement des
lois (Constitution, traités, législations, tribunaux,
etc.) et les pouvoirs de police. Nous assistons aujourd'hui à
l'élimination du
gouvernement des lois et Trump s'apprête à le faire encore
plus ouvertement et avec une plus grande impunité que les
présidents qui sont passés avant lui.
Si le gouvernement des lois doit avoir au moins une
apparence de légitimité et sembler répondre aux
besoins sociaux, ce n'est pas le cas pour le gouvernement des pouvoirs
de police. La mission de celui-ci est de punir et de criminaliser pour
préserver l'État.
La légitimité du gouvernement n'est pas
une grande priorité non plus. La mission des pouvoirs de police
est de criminaliser et détruire quiconque se dresse sur leur
chemin, même des pays au complet, de détruire les forces
productives humaines si nécessaire. C'est ce qui s'est produit
en Libye et c'est ce qui se produit maintenant en Irak et en
Syrie. L'élection a montré par ailleurs que les cercles
dominants ne sont plus préoccupés par le maintien des
apparences d'un processus politique qui fonctionne aux
États-Unis, avec des partis politiques qui fonctionnent, tout ce
processus qui confère la légitimité de gouverner.
Donald Trump est l'incarnation de cette réalité.
La problématique de la légitimité
est très importante quand il s'agit d'établir nos
tactiques de résistance et pour faire avancer notre propre
programme de lutte pour des politiques d'habilitation du peuple dans le
cours de la défense des droits de tous et toutes. Un
gouvernement soucieux de la légitimité veut donner
l'impression « d'être à
l'écoute » du public et de défendre la
constitution, notamment la liberté de parole, la liberté
d'assemblée et le droit à la vie et à la
liberté. Le gouvernement des pouvoirs de police n'a pas ce
souci. Il criminalise la protestation et met cartes sur table :
si, en tant qu'individus ou en tant que collectifs, vous ne faites pas
ce
qu'on vous dit, vous
aurez affaire aux pouvoirs de police. La lutte actuelle à
Standing Rock est un exemple à la fois d'un gouvernement qui se
déchaîne et d'une résistance qui s'organise. Et
rappelons que cela se fait sous l'administration de Barack Obama, pas
sous celle de Trump.
Standing Rock
Malgré la prétention
répétée du gouvernement fédéral et
des médias que les protecteurs de l'eau à Standing Rock
sont sur des terres fédérales, quand on examine la carte
des États-Unis on voit bien qu'il s'agit d'un territoire sioux
non cédé. Il y a aussi le fait que le gouvernement est
tenu de faire une étude d'impact sur l'environnement, ce
que le Army Corps of Engineers, le génie civil du
département de la Défense, refuse de faire. Par ailleurs
de nombreuses lois et obligations issues de traités sont
violées et cela se fait ouvertement et de façon
répétée. C'est le gouvernement
fédéral qui a envoyé une lettre aux forces
policières du Sud Dakota et aux forces municipales leur disant
que
les protecteurs de l'eau commettaient une intrusion sur la
propriété.
Des centaines de personnes ont été
arrêtées et il y a eu des blessures graves du
côté des résistants, y compris des femmes et des
enfants. Malgré l'institution de postes de contrôle de la
Garde nationale sur des autoroutes publiques et l'utilisation
répétée de chars d'assaut, de gaz
lacrymogènes, de grenades incapacitantes et d'un canon à
eau
contre les résistants à des températures
atteignant le point de congélation, Barack Obama dit qu'il va
« laisser les choses suivre leur cours ». Il faudrait
donc se faire à l'exercice des pouvoirs de police sans
égard à la loi et continuer de se sacrifier
jusqu'à ce que M. Obama, ou quiconque est président,
décide que c'est assez.
Et si le Army Corps dit maintenant qu'il ne va pas
émettre de permis pour l'oléoduc avant une étude
d'impact, il n'a pas pour autant mis fin au projet. Les monopoles
concernés, dont le canadien Enbridge, avec des lignes de
crédit de milliards de dollars à leur disposition,
affirment eux que l'oléoduc sera complété. Ils
pourraient tout
simplement poursuivre la construction et payer les amendes et soyez
assurés qu'ils ne subiront pas une attaque armée de
l'État. Les pouvoirs de police servent à protéger
et à préserver l'État sans considération
aucune pour les intérêts du peuple. C'est pourquoi
beaucoup de protecteurs de l'eau ont décidé de rester et
disent être prêts à rester tout
l'hiver s'il le faut — pour protéger les intérêts
du peuple.
C'est un exemple de résistance dans les
conditions actuelles. Les Amérindiens engagés dans cette
bataille, des Sioux principalement mais aussi des centaines d'autres
tribus, appuyés par des gens partout au pays, rejettent
l'appellation de « manifestants ». Pour les forces
policières, un manifestant est quelque chose qu'on peut
contrôler : on peut lui dire où, quand et comment
manifester. Aux conventions démocrate et républicaine cet
été, les gens qui manifestaient se sont fait dire qu'ils
ne pouvaient pas avoir de sac à dos, de masque à gaz, de
perche de métal pour les drapeaux ou de corde. Autrement dit, on
nous réglemente comme des choses, pas comme des
personnes ayant des droits.
Les gens de Standing Rock ont pris la décision
qu'ils allaient être traités comme des êtres
humains. Ils sont des protecteurs de l'eau, l'eau qui sert à des
millions de personnes. Ils sont proactifs, ils manifestent là
où il le faut et de différentes manières. Ils se
sont arrangés pour avoir tout ce qui leur faut et pressent les
gens partout au pays de les
aider à cet égard. Ils ont mis au point leurs propres
moyens de communication et ils organisent pour unir tout le monde dans
l'action, tous fermement à la défense de leurs
revendications légitimes : la souveraineté, pas
d'oléoduc, la défense des droits de tous et toutes et la
protection de la Terre Mère. Ils interviennent pour priver les
oligopoles de leur capacité de priver le peuple de ce qui lui
appartient de droit.
Plus récemment, des milliers d'anciens
combattants sont venus se joindre à la résistance
à Standing Rock et ont défendu le campement contre les
menaces d'éviction du gouvernement. Cela a sûrement
créé une peur parmi les cercles dirigeants. Ceux-ci ne
veulent surtout pas que leurs soldats, actifs ou pas, soient insoumis.
Ils ne veulent surtout
pas qu'ils se joignent à la résistance. Ce sont les
peuples autochtones, leur lutte résolue pour leur droit
d'être et pour la protection de la terre et des droits, qui ont
inspiré cette prise de position. Le niveau de conscience qui est
généré au sujet de l'État et de
l'imposition des pouvoirs de police est une importante contribution
à la cause de tous ceux
qui résistent.
Imposition du gouvernement des pouvoirs de police tout
en maintenant la forme constitutionnelle de gouvernance
La lutte de Standing Rock montre également que
les cercles dominants impérialistes américains veulent
imposer et consolider un gouvernement des pouvoirs de police tout en
maintenant la forme constitutionnelle de gouvernance. Ils veulent
éviter de proclamer la loi martiale ou d'établir un
gouvernement ouvertement militaire. Trump est un
civil sans origine militaire. En tant que détenteur du pouvoir
exécutif il a la responsabilité de préserver
l'union tout en se libérant des entraves constitutionnelles.
Cette responsabilité lui est conférée par la
Constitution des États-Unis, notamment la clause sur le serment.
Par son serment le président s'engage à faire deux
choses : il jure
solennellement « de remplir fidèlement les fonctions de
président des États-Unis » et « dans
toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et
défendre la Constitution des États-Unis ». Les
fonctions de la présidence comprennent l'utilisation des
pouvoirs de police pour protéger l'État contre la
Constitution.
Aujourd'hui les cercles
dominants sont placés dans une situation où ils doivent
éliminer les entraves de la Constitution, comme le fait que
c'est le Congrès qui tient les cordons de la bourse, le fait que
les traités sont la loi fondamentale et les arrangements qui
découlent de la Déclaration des droits. Ils
espèrent le faire en exigeant la
soumission à leur version de la Constitution et à tout
pouvoir d'urgence qu'ils proclament au nom de la sécurité
nationale. Ces pouvoirs relèvent de l'exécution des
fonctions de la présidence. Les cercles dominants veulent
maintenir la forme constitutionnelle tout en se libérant des
entraves de la Constitution comme telle.
Par exemple, Obama a récemment autorisé
les Forces spéciales à se livrer à des
assassinats, des bombardements, la torture et d'autres
opérations clandestines partout dans le monde contre quiconque
est considéré comme une «
menace » par
le gouvernement américain. Y compris contre des citoyens
américains,
comme on l'a vu avec les attaques
au drone ordonnées par Obama. Nous savons que ces
opérations clandestines sont tout à fait illégales
et arbitraires et passent outre à l'application
régulière de la loi. Des noms sont ajoutés
à la liste de personnes à assassiner à la
discrétion du président — en les plaçant dans une
catégorie policière appelée «
menace », sans égard à la loi. Des
opérations de ce genre ont déjà été
exécutées dans pas moins de 147 pays. Avec la
nouvelle directive elles peuvent avoir lieu n'importe où.
Obama a essentiellement déclaré que
l'ouverture du monde entier aux menées des Forces
spéciales et à leurs opérations clandestines est
la
nouvelle norme. Il importe aussi de noter qu'il a restructuré la
chaîne de commandement, entre autres en éliminant les
commandants régionaux et en établissant essentiellement
un lien direct entre le président
et le général chargé du commandement du groupe
opérationnel interarmées (Joint Special Operation
Command). Il est aussi question d'un rapport direct entre ce
commandement et les forces policières et militaires à
l'étranger, comme en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France et
en Turquie, court-circuitant les canaux gouvernementaux
habituels. Tout se fait entre les différentes composantes des
forces militaires. Il ne fait pas de doute que cette restructuration,
qui concentre aussi le pouvoir entre les mains du président et
impose le commandement américain à des forces
étrangères, va se poursuivre avec Trump.
Il faut un gouvernement antiguerre
Il a récemment beaucoup été
question de la nomination de trois généraux dans le
cabinet de Trump. Certains prétendent que c'est une rupture avec
la tradition, que même le Pentagone est normalement sous la
responsabilité d'un civil. On en fait une affaire
constitutionnelle alors que ce ne l'est pas. Il y a eu des
présidents qui étaient des
généraux. Qu'on pense à George Washington ou
à Dwight Eisenhower. Il y a eu des militaires au cabinet, comme
Colin Powell. La réalité est qu'il existe une
énorme bureaucratie militaire qui reste essentiellement la
même de président en président. Cette bureaucratie,
qui est tiraillée par d'importants conflits et des
rivalités, comme on l'a vu durant
la campagne électorale, doit être unie puisqu'il faut
préserver l'union. Les nominations doivent être vues dans
cette perspective.
Que ce soit ces généraux ou des civils, ce
qu'il importe de voir est qu'on assiste à l'imposition d'un
gouvernement des pouvoirs de police et que ces nominations concourent
à cet objectif. Le débat sur le fait que certains sont
des généraux a pour effet d'éclipser cette
réalité, de détourner l'attention du fait que,
comme on l'a vu durant la
campagne, il n'y a aucune discussion sur la guerre et le besoin de
cesser toutes les activités agressives des États-Unis, de
ramener les soldats au pays. Là-dessus, c'est le silence.
Il appartient aux forces organisées comme nous
d'attirer l'attention sur la question des guerres américaines,
de soulever le besoin de s'organiser pour une alternative, pour
établir un gouvernement antiguerre. C'est ce que nous allons
faire dans les manifestations lors de l'assermentation du nouveau
président. Tout comme le gouvernement des pouvoirs de police
n'est pas une simple référence
à des actions policières du gouvernement, le gouvernement
de guerre ne fait pas seulement référence à
l'opposition à une guerre en particulier, comme celle en Irak
ou en Afghanistan. Il s'agit d'un gouvernement qui est contre
l'économie de guerre permanente et la gouvernance de guerre
à son
service. C'est un gouvernement qui entreprend de donner suite au
sentiment antiguerre de la majorité, d'établir les formes
sociales et le processus électoral qui permettent d'aller dans
cette direction. Quels seraient les traits caractéristiques du
gouvernement constitué sur une base antiguerre ? Notre
programme pour un gouvernement antiguerre
a plusieurs défis à relever.
Les cercles dominants américains sont
placés devant le fait que leur pouvoir économique
supérieur d'autrefois est en déclin et que la puissance
militaire n'est pas suffisante pour maintenir et étendre leur
empire mondial. Ils doivent affronter tant leurs rivaux traditionnels
que leurs alliés et tous ceux qui leur résistent. Ils
peuvent le faire
seulement en menaçant tout le monde et en faisant constamment
monter les enchères, y compris la possibilité de recourir
aux armes nucléaires. Cela a pour effet d'accroître la
violence et d'intensifier les rivalités, comme on le voit
déjà. Les États-Unis ne veulent pas renoncer
à leur empire mondial et ils sont prêts à risquer
une guerre mondiale et
une guerre civile au pays qui pourrait entraîner le monde dans sa
suite. Dans ces conditions, là où ils font face au
déclin, où ils n'ont pas de solution et sont incapables
de maintenir une processus politique qui confère une
légitimité à leur pouvoir, le gouvernement des
pouvoirs de police devient nécessaire, avec tous les dangers que
cela représente
pour les peuples du monde.
D'autre part, dans les conditions actuelles les cercles
dominants sont incapables de prédire où mèneront
leurs actions. C'était évident dans la guerre en Irak
où les États-Unis ont déclaré «
mission accomplie » en 2003 et pourtant leur guerre
criminelle continue à ce jour. Ils ne peuvent pas prédire
par exemple les conséquences s'ils
devaient entreprendre des procédures pour destituer Trump, une
idée qui a cours dans certains cercles. Il y a trop de forces en
rivalité, au niveau fédéral comme au niveau des
États, chacune avec son armée. La Californie, par
exemple, conteste ouvertement le pouvoir de Donald Trump en
matière d'immigration et elle est appuyée en cela par son
assemblée législative et son sénat, plusieurs
chefs de police et les maires de Los Angeles et de San Francisco. De
même à Chicago, New York, Philadelphie, Boston et
ailleurs. La mise en accusation de Trump pourrait provoquer
l'éclatement des États-Unis en États et/ou en
régions. L'abolition du collège électoral, qui est
un mécanisme pour la
préservation de l'union, est une possibilité, comme l'est
l'abolition de la certification du vote du collège
électoral par le Congrès. L'élimination de ces
mécanismes pourrait provoquer la rupture. Et pour ceux qui se
l'imaginent mal, ils n'ont qu'à penser à la vitesse avec
laquelle s'est rompue l'Union soviétique. Ils n'ont qu'à
se rappeler que plusieurs États,
comme la Californie, ont une économie assez solide pour se
constituer en pays. Il y a plusieurs autres scénarios de guerre
civile aux conséquences imprévisibles.
Même chose concernant la menace par les
États-Unis de recourir aux armes nucléaires. Qui sait
quelles conséquences cela pourrait avoir non seulement du point
de vue de l'éclatement d'une conflagration mondiale mais aussi
du point de vue d'une guerre civile aux États-Unis. Les cercles
dominants espèrent pouvoir se sortir de leur crise et de
la crise de leur système par l'institution d'un gouvernement des
pouvoirs de police.
Mais l'humanité, elle, ne peut affronter cette
situation et la résoudre en sa faveur que sur la base de la
lutte organisée des peuples pour leurs droits, y compris le
droit de se gouverner et de décider.
Le conflit d'intérêt décisif oppose
la classe dominante
à la classe ouvrière
Un autre sujet dont on parle beaucoup est que Donald
Trump, à cause de ses nombreuses entreprises et ses liens
d'affaires, est plus en « conflit
d'intérêt » que les présidents
passés. Ce cancan cache deux choses. D'abord il cache le fait
que le conflit d'intérêt qu'il faut résoudre est
celui qui oppose les cercles impérialistes et leur État
qui
protège et préserve les oligopoles à la classe
ouvrière. C'est le conflit entre les intérêts de la
classe dominante et les intérêts de la classe
ouvrière et la bataille pour déterminer qui peut faire
avancer la société et l'humanité entière
aujourd'hui. Au lieu de centrer notre attention sur ces
intérêts de la classe ouvrière et sur comment les
défendre et les
faire avancer, on nous invite à constamment réagir
à tout ce que Trump dit ou fait et à s'intéresser
à ses nombreuses propriétés.
La deuxième chose est que le problème
à résoudre est de briser le silence entourant la voix de
la classe ouvrière. Il faut trouver les moyens de
développer et de renforcer nos institutions
indépendantes, notre presse, nos instituts de recherche, notre
discussion politique, pour développer notre matériel de
penser pour être en mesure de défendre les
intérêts de la classe ouvrière et bâtir nos
propres institutions. Ce n'est pas notre responsabilité de
soutenir une faction de la classe dominante contre une autre et ce
n'est pas à nous de décider laquelle devrait sortir
vainqueur de cette rivalité. La classe ouvrière a au
contraire la responsabilité de diriger la lutte pour un tout
autre renouveau, un
renouveau qui sert ses intérêts et ceux des peuples.
C'est la défense des intérêts de la
classe ouvrière, vers l'abolition de l'esclavage salarié
et de tout esclavage en refusant d'être esclaves, en s'organisant
pour défendre les droits de tous et toutes sur tous les fronts,
qu'on trouvera une voie vers l'avant. Tout le bavardage à propos
des « conflits d'intérêt » de Donald
Trump détourne
l'attention de cette tâche la plus pressante. Il masque la
réalité des rapports sociaux et ne tient pas compte de la
possibilité que les travailleurs s'organisent autour de leurs
propres intérêts, de leur propre programme. Ces rapports
sociaux ont produit une richesse abondante et un pouvoir énorme
mais les êtres humains se voient refuser la possibilité
de les mettre à profit pour garantir les droits de tous, au pays
et à l'étranger. L'économie américaine, par
exemple, est deux fois ce qu'elle était en 1970, pourtant
plus de la moitié des familles américaines vivent au
même niveau de revenu que cette année-là tandis que
la richesse des oligopoles a plus que doublé et que les
inégalités se sont
accrues énormément. Cela est contraire aux
intérêts de la classe ouvrière et le débat
à propos de Trump ne contribue rien à la
résolution de ce problème.
C'est à la classe ouvrière qu'incombe la
tâche de diriger la lutte pour le nouveau, pour des rapports
sociaux modernes, pour une démocratie moderne qui investit le
peuple du pouvoir de se gouverner et de décider, pour des
définitions modernes qui affirment les droits qui appartiennent
à chacun du fait qu'il est un être humain. Nous ne
pouvons pas imiter l'ancien ni rester pris dans les vieilles
façons de faire, la vieille façon de tenir des
élections, la vieille façon d'aborder les
problèmes. Nous devons renforcer notre propre pensée, nos
propres discussions sur nos intérêts et comment les faire
avancer. Nous devons rallier le peuple autour de la tâche de
renforcer sa capacité de
refuser l'ancien et de commencer à conceptualiser des
arrangements politiques modernes. Les métallos ici à
Hamilton ont l'expérience des réunions du jeudi, un moyen
qu'ils se sont donné pour activer le facteur humain/conscience
sociale et prendre des positions politiques indépendantes. Cela
élève le niveau de la discussion politique et unit les
travailleurs autour de solutions à leur avantage plutôt
qu'à celui des riches. C'est une réalisation importante
et nous l'applaudissons. Nous croyons qu'elle doit être
reproduite. Nous avons besoin d'autres formes de ce genre pour engager
les travailleurs et les jeunes dans la défense de leur cause et
pour leur habilitation.
Partout aux États-Unis les jeunes prennent
déjà position par dizaines de milliers contre cette
direction brutale et proclament : Trump n'est pas mon
président ! Démocratie, pas oligarchie ! On
ne réussira pas à les faire taire. Parmi les jeunes comme
parmi les protecteurs de l'eau à Standing Rock, il y a une
reconnaissance que le processus politique en place n'est pas acceptable.
Nous intervenons de manière proactive, pour
avancer la lutte pour un processus politique qui investit le peuple du
pouvoir, qui mène à l'établissement d'un
gouvernement antiguerre, un gouvernement anti-esclavagiste, un
gouvernement qui sert les intérêts de la classe
ouvrière et du peuple au pays et à l'étranger.
Nous agissons dans ce sens
maintenant, nous organisons pour élever le niveau de la
discussion politique, pour l'axer sur les intérêts des
millions et des millions de travailleurs, pour engager plus de jeunes
et de travailleurs dans cet effort, pour dire que nous avons besoin de
notre propre démocratie, créée par
nous-mêmes, pas la démocratie des cercles dominants. C'est
une
nécessité du présent et c'est la classe
ouvrière qui peut faire avancer cette bataille.
Merci beaucoup de m'avoir invitée pour vous
expliquer nos vues.
Le programme de Trump pour
«redonner sa grandeur à l'Amérique»
L'art de conclure un marché
Donald Trump a fait campagne avec le slogan «
redonner sa grandeur à l'Amérique ». Dans sa
discussion sur la signification des résultats des
élections américaines, le PCC(M-L) a fait remarquer que
selon les déclarations faites par Trump lui-même, celui-ci
a l'intention de le faire en administrant les États-Unis comme
une entreprise où «
l'art de conclure un marché » devient un
élément central. Dans cette vision énoncée
par Trump, la personne de l'État et la personne de Trump
deviennent une seule et même chose. Le slogan joue aussi un
rôle important dans l'effort des cercles dominants pour propager
le chauvinisme américain pour noyer la position antiguerre de la
majorité. C'est fait pour convaincre les travailleurs surtout
d'appuyer la guerre contre la Chine et d'autres pays pour «sauver
des emplois».
Le PCC(M-L) a mentionné dans sa
déclaration sur les résultats des élections que
« les principaux arguments de sa campagne étaient que le
système américain est brisé ou truqué, que
la position des États-Unis dans le monde a été
affaiblie et que seulement un président avec une
personnalité forte comme lui peut remettre l'Amérique
dans le
droit chemin. Sa stratégie est d'être 'engagé' et
que tout est dans l'art de conclure un accord. Le soir de la victoire
il a dit : 'J'ai passé ma vie dans le monde des affaires
et j'ai remarqué trop de projets et de gens au potentiel
inexploité partout sur la planète' et 'c'est ce que je
m'engage à faire pour notre pays'. » [1]
Ce que cela signifie a été amplement
illustré au cours de la campagne et après celle-ci les
méthodes de Trump sont en fait bien
connues.
Le 23 juin 2015, lors d'un souper
parrainé par le Parti républicain de Maryland pendant les
primaires, Trump a dit que le problème d'Obama est qu'il
« n'est pas un négociateur. Je ne veux pas qu'il
négocie pour moi. Dans tout ce qu'il fait, il conclut de mauvais
marchés. Il ne sait pas ce que c'est un bon
marché ».
Pendant sa campagne, son mépris et ses
commentaires cinglants à l'égard de l'ambassadrice des
États-Unis au Japon, Caroline Kennedy, à l'effet qu'elle
est une négociatrice faible, ont montré clairement ce
qu'il entend faire une fois au pouvoir. Dans un discours à
Mobile, en Alabama, le 21 août 2015, Trump a dit :
« Le Japon est de retour. Ils ont Abe, qui est le
premier ministre, comme vous le savez. Et Abe est vraiment intelligent,
je veux dire, je l'ai rencontré une fois et il est très
futé. Et maintenant il négocie face à Caroline
Kennedy. Dans nos relations avec le Japon, le rôle de
l'ambassadeur est très important, parce que nous
négocions avec eux, il
faut quelqu'un de très futé. Quelqu'un avec un instinct
de tueur, n'est-ce-pas ? Un tueur intelligent, pas un tueur
stupide... [À l'émission 60 minutes], on lui a
demandé 'comment êtes-vous devenue ambassadrice ?'
Elle a répondu : 'Je ne sais pas trop, je cherchais un
emploi, je n'avais rien à faire, je suis allée à
la Maison-Blanche et je leur ai demandé si je pouvais avoir un
emploi. Y
a-t-il quelque chose que je peux faire ?' On lui a demandé
si le poste d'ambassadrice au Japon l'intéressait. Elle a
répondu 'Vraiment ? ...Ok, je le prends'. Elle n'arrivait
pas à croire qu'elle avait le poste. Pour le reste, elle a
passé son temps dans des soupers bien arrosés
avec Abe et avec tous ces gens à l'instinct de tueur... Elle va
faire tout ce qu'ils demandent. N'importe quoi. Moi, par contre, j'ai
les individus les plus intelligents, les plus durs et les plus sans
coeur et souvent les êtres humains les plus terribles du monde.
Je les connais tous. Ce sont des tueurs, de vrais négociateurs.
Certains sont des gens bien,
mais ils ne sont pas nombreux. J'emploierai les plus astucieux et les
plus intelligents, nous avons les meilleurs au monde mais nous ne les
utilisons pas. Nous employons des amis politiques, des diplomates, qui
ne connaissent rien aux affaires, des gens qui n'ont jamais conclu de
marché [...] »
Il laisse entendre ici que les négociations se
feront par des tueurs qui font des offres «qui ne peuvent pas
être refusées», appuyées par la menace du
recours aux armes nucléaires.
On l'a vu quand Trump a expliqué comment les
relations avec la
Chine (et le Japon) devraient être menées et qui devrait
être mis en charge, et il a parlé de son proche
associé le milliardaire Carl Icahn dont il a dit que «
c'est un homme d'affaire incroyablement brillant et coriace. Je l'ai
appelé. J'ai soupé avec lui l'autre soir. Je lui ai
dit : 'Tu sais,
Carl, je suis en avance, je mène dans tous les sondages'. Il
me répond : 'Tes affaires vont vraiment bien.' Lui non
plus n'en revient pas. Je lui dis : 'Si jamais je gagne, je veux
que tu t'occupes des négociations avec la Chine'. Je pourrais
même lui confier deux pays, la Chine et le Japon. Il me
dit : 'Absolument !
Absolument !' (Trump poursuit en ouvrant grand la bouche et les
yeux et en agitant des bras.) 'Je vais le faire.' C'est un
négociateur hors-pair. Et ce n'est pas le seul. Je connais les
meilleurs et je connais les pires. J'en connais dont la renommée
est exagérée et d'autres dont vous n'avez jamais entendu
parler qui sont encore meilleurs que
tous les autres. »
Bloomberg a parlé de l'instinct d'Icahn en
affaires et écrit qu'il « a quitté aux petites
heures la soirée de la victoire de Trump pour aller miser
près d'un milliard $ sur des actions
américaines ».
Dans son édition du 15 novembre, le New
York Times a rapporté que plusieurs dirigeants mondiaux ont
appelé la réception du Trump Tower à New York pour
essayer de parler au nouveau président élu, «
faisant des pieds et des mains pour apprendre comment et quand
contacter M. Trump ». Dans ses premières
conversations avec les dirigeants mondiaux, il « agissait sans
avoir avec lui de documents d'information du département
d'État », ont rapporté les médias.
Le 16 novembre, l'équipe de transition de Trump a
publié une liste de 29 dirigeants mondiaux avec lesquels
Trump et le vice-président Michael Pence se sont entretenus. Les
premières communications ont été avec les
dirigeants de l'Égypte et d'Israël.
Pendant toute la campagne les médias ont dit que
les dirigeants mondiaux étaient terrifiés par Trump. En
avril, un article d'Edward-Isaac Dovere et Bryan Bender pour Politico
disait que Trump avait jeté les dirigeants
mondiaux dans un « état de panique total ».
« Ils ont peur et ils essaient de comprendre jusqu'à quel
point tout
cela est réel », aurait dit un haut fonctionnaire
américain. « Tous posent des questions. Ils suivent notre
politique dans ses moindres détails. Ils demandent :
'Qu'est-ce que c'est ce phénomène Trump ? Peut-il
vraiment gagner ? Quel serait l'impact pour la politique des
États-Unis ou pour l'engagement des États-Unis dans le
monde ?' » Les médias en rajoutent sur la
mystique de Trump soi-disant grand négociateur en
décrivant ses faits et gestes comme étant amateurs,
improvisés et irréfléchis.
Le 2 décembre, selon les médias,
Trump aurait discuté au téléphone avec la
présidente de Taïwan (officiellement la République
de Chine, un État scissionniste de la Chine fondé par le
gouvernement réactionnaire du Kuomintang de Chiang Kai-shek
après sa défaite dans la guerre civile chinoise).
C'était la première fois
depuis 1979 qu'on fait mention d'un contact entre le
président des États-Unis et un dirigeant de Taïwan.
Les médias ont dit que Trump est naïf. Le 3
décembre, la Chine a déposé une plainte officielle
et l'administration actuelle des États-Unis s'est fait
rassurante en disant que la politique des États-Unis n'avait pas
changé. Trump a
réagi sur Twitter de façon cavalière, disant que
c'est la présidente de Taïwan qui l'avait appelé et
non le contraire. Quelques jours plus tard, le 5 décembre,
les médias ont dit que cette communication avait
été planifiée depuis plusieurs mois. Le
Washington Post, le New York Times et le New York
Daily News ont
publié des articles qualifiant ce geste de «
brillant », de « nouveau départ »,
de « la bonne chose à faire ».
Le 11 décembre, dans une entrevue avec Fox
News, Trump a déclaré que la politique d'une seule Chine
qui est celle des États-Unis depuis longtemps et selon laquelle
Taïwan fait partie de la Chine pourrait être changée.
Il a dit que cette question pouvait servir de levier dans les
négociations avec la Chine sur d'autres questions. « Je ne
vois pas pourquoi nous devons nous en tenir à une politique
d'une seule Chine sauf si nous concluons un marché avec la Chine
sur d'autres questions dont le commerce », a dit Trump. Il a
parlé des « irritants » qui subsistent avec la
Chine, comme la dévaluation de la monnaie, les taxes
frontalières et son « comportement
hostile » en mer de Chine méridionale. Le fait de
provoquer la Chine de cette façon pourrait aussi être une
façon de tester les eaux, au pays et à l'étranger,
pour déterminer l'appui à une guerre contre la Chine.
Trump a constamment attaqué la Chine durant la campagne pour
promouvoir le chauvinisme aux États-Unis et préparer le
terrain pour une possible agression.
Le 17 novembre, Trump a rencontré le
président du Japon Shinzo Abe, à sa résidence du
Trump Tower, sa première réunion avec un dirigeant
étranger en tant que président élu. Selon les
médias, la réunion a été «
organisée à la dernière minute » et
peu avant qu'elle ne se tienne « des choses comme l'heure,
l'endroit et qui
allait participer n'étaient pas encore décidées,
ce qui n'a pas manqué de causer de l'anxiété parmi
les hauts fonctionnaires japonais ». Un des conseillers
d'Abe a dit qu'il avait discuté avec des conseillers de Trump
depuis son arrivée aux États-Unis et qu'il avait appris
que « nous ne devons pas prendre au pied de la lettre chaque
déclaration
publique de M. Trump ». Suite à la réunion,
Abe a dit : « Il a pris le temps de me rencontrer bien qu'il
soit très occupé. Je suis convaincu que le
président élu Trump est un dirigeant en qui nous pouvons
avoir confiance. » Les États-Unis ont occupé
le Japon pendant longtemps et s'en servent comme base
d'opérations pour des attaques possibles contre la Chine et la
République démocratique populaire de Corée. Dans
une situation où grandit l'opposition à la
présence de bases militaires américaines en Corée
et au Japon, il est important de «gagner la confiance» du
Japon.
Trump a expliqué que ses déclarations
publiques doivent être comprises comme une façon d'ouvrir
les négociations. Dans un commentaire du 2 septembre suite
à sa rencontre avec le président mexicain Enrique Pena
Nieto, Trump avait dit que le président mexicain « n'est
pas d'accord en ce qui concerne qui va payer pour le mur. Mais
c'est ça une négociation et moi je vous dis que les
États-Unis ne défrayeront pas les coûts de ce mur.
C'est le Mexique qui va le faire. »
Dans un discours du 27 avril sur la politique
étrangère, Trump a dit que les États-Unis doivent
petre prêts à mettre leurs menaces à
exécution quand ils sont
contestés. « Dans une négociation, vous devez
être prêt à quitter la table. L'accord avec l'Iran
... montre ce qui se produit lorsque vous n'êtes pas prêt
à quitter la table. Lorsque votre adversaire
sait que vous ne quitterez pas la table, cela devient absolument
impossible de gagner. »
En ce qui a trait aux relations avec la Russie, L.
Todd Wood, « un ancien pilote d'hélicoptère des
opérations spéciales et courtier en titres de dettes de
Wall Street discute du modus operandi de Donald Trump dans un
article du 8 septembre du Washington Times.
« Quiconque a suivi de près le cycle
électoral de 2016 est en mesure de comprendre que Donald
Trump est toujours en négociation. Lorsque le candidat
républicain parlait d'empêcher les musulmans d'entrer au
pays 'jusqu'à ce qu'on puisse savoir ce qui se passe', il
présentait une ligne dure de négociation qui pourrait
être atténuée en
cours de route si nécessaire [...]
« Lorsqu'il parle de déporter 12
millions d'immigrants illégaux, il fait la même chose.
Maintenant qu'il semble prêt à adoucir sa position, il est
perçu comme étant plus modéré et cela
plaît à une plus grande partie de l'électorat. Je
crois que M. Trump fera ce qui est bien pour l'Amérique sur la
question de l'immigration, mais il faut
comprendre que le négociateur commence à négocier
bien avant que les médias annoncent que les négociations
officielles ont débuté.
« Je pense que M. Trump suit exactement la
même approche avec le président russe Vladimir Poutine. Il
prépare le terrain pour le succès qu'il envisage dans ses
négociations à venir avec Moscou. M. Trump a passé
du temps en Russie. Il a fait des affaires avec les Russes. Il comprend
leur façon de penser. Il comprend qu'ils respectent la
force, pas la faiblesse. Il comprend aussi qu'ils veulent être
respectés. Les commentaires de M. Trump faisant l'éloge
de M. Poutine comme un dirigeant fort « dans un système
différent » sont flatteurs pour l'égo du
président russe et le moment est bien choisi. Les médias
libéraux ont paniqué parce que M. Trump refuse de suivre
la politique
de l'administration Obama en ce qui concerne la Russie, mais il ne fait
rien d'autre que de dire des paroles gentilles tout en tenant un gros
bâton. [...]
Selon Todd, les Russes « ont un profond besoin de
respect et un grand désir de prestige. M. Trump tient compte de
ces besoins psychologiques. Il n'encense pas naïvement les Russes
comme l'avait fait George W. Bush et il ne cherche pas à apaiser
les Russes de façon incompétente comme l'ont fait
constamment Hillary Clinton et le président
Obama. Il ne ridiculise pas de façon narcissique la Russie comme
si elle était une puissance de troisième ordre qui ne
fabrique rien comme l'a insinué le président. Il ne se
moque pas de Poutine comme étant écrasé sur sa
chaise. Il traite le président de la Russie comme un dirigeant
digne de respect, tout en veillant aux meilleurs intérêts
des
États-Unis. »
Il est important de garder à l'esprit que les
négociations comprennent non seulement les accords d'affaires,
comme l'indique la nomination de Rex Tiller, PDG de Exxon Mobile, par
Trump, mais aussi les positionnements en cas de guerre contre la Chine
ou la Russie. On tente présentement de dresser la Chine contre
la Russie pour empêcher la formation d'une alliance entre elles
contre les États-Unis.
Le 8 mai 2009, CBS News a publié une
série d'articles sur « La psychologie de la
négociation de Donald Trump ». L'auteur, Geoffrey
James, y raconte l'histoire d'un de ses amis personnels qui venait
de vendre sa compagnie à Trump :
« Plutôt que de rencontrer M. Trump
immédiatement, ce qui était le plan original, mon ami a
été dirigé vers une salle de conférence
pour discuter des modalités finales avec quelques membres du
personnel de Trump.
« Les participants à la réunion ont
alors été informés que Trump allait arriver d'une
minute à l'autre. Un membre du personnel a confié
à mon ami : ' Vous devez comprendre que M. Trump ne serre
jamais la main de personne. Alors il ne faut pas vous offusquer s'il ne
vous tend pas la main, et ne tendez pas la vôtre '.
« Pendant que mon ami essayait de comprendre ce
que cela voulait dire, le membre du personnel a ajouté :
'M. Trump est un homme très occupé et il
préfère prendre des décisions rapidement. Donc, si
la réunion ne dure que cinq minutes, ne vous en faites pas,
parce que c'est normal pour lui d'agir ainsi'. Finalement, Trump
arrive. Il
se dirige directement vers mon ami et lui serre chaleureusement la
main. Trump passe quarante minutes avec lui et ils discutent de leur
affaire pour ensuite s'entendre sur les modalités finales.
« Et, comme vous l'avez sans doute deviné,
ces modalités étaient moins avantageuses que mon ami ne
l'avait espéré. »
Note
1. «Sur la
signification de l'élection présidentielle aux
États-Unis: La fin du 'business as usual', LML, 12 novembre 2016
La paix par la force
Pour « redonner sa grandeur à
l'Amérique », Donald Trump a aussi l'intention de
dresser les pays les uns contre les autres et de rétablir
l'hégémonie américaine en affaiblissant les
autres. Tout porte à croire qu'il va reprendre à son
compte la
doctrine de «la paix par la force» de Ronald Reagan.
On le voit aux politiques
mises de l'avant par Peter Navarro, le seul conseiller
économique de Trump ayant des lettres de créance
académiques. Navarro est professeur d'économie et de
politique publique à l'École
des affaires Paul Merage à l'Université de Californie
à Irvine et diplômé de l'Université Harvard.
Ses principales préoccupations en tant qu'économiste sont
sa crainte que les États-Unis ne perdent leur position de
domination mondiale et l'existence d'un conflit militaire imminent
entre les États-Unis et la Chine. Il aime aussi à faire
des prédictions
sur comment faire des coups de fortune à la bourse.
Navarro est coauteur avec l'ancien conseiller
économique de George W. Bush Glen Hubbard du livre Seeds of
Destruction : Why the Path to Economic Ruin Runs Through
Washington, and How to Reclaim American Prosperity (Les germes de
la destruction : comment la voie vers la ruine économique
passe par
Washington et comment rétablir la prospérité
américaine). Selon Navarro, le livre traite « du
problème le plus important de notre époque »,
soit « le fait que l'économie américaine
connaît depuis dix ans une croissance en deçà de
son potentiel et les craintes que cela engendre au sujet de la
prospérité future de la nation ».
Navarro a aussi écrit un livre en 2011, qui
est devenu un film Netflix intituté Death by China
(La mort aux mains de la Chine), qui décrit lui
aussi la relation économique entre les États-Unis et la
Chine comme étant « l'enjeu le plus crucial de notre
temps ». Dans le livre suivant qu'il a écrit
en 2015,
intitulé Crouching Tiger : What China's Militarism
Means for the World ( Tigre et dragon : ce que le
militarisme de la Chine signifie pour le monde), il affirme que le
livre « fournit l'examen le plus complet et le plus précis
de la probabilité d'un conflit entre les États-Unis et la
Chine » et « présente une analyse en
profondeur des voies possibles de la paix ».
Le livre de Navarro « démontre
l'importance de maintenir la puissance militaire américaine et
son niveau de préparation et de renforcer les alliances tout en
mettant en garde contre un optimisme complaisant qui repose sur
l'engagement économique, les négociations et la
dissuasion nucléaire pour garantir la paix ». Navarro
dit que les
prétentions de la Chine sur la mer de Chine méridionale,
si elles sont maintenues, pourraient bien « mener à
l'expulsion de la marine américaine de
l'Asie-Pacifique ».
En 2016, Navarro a soulevé la question des
cyberattaques alléguées des Chinois. Il a dit que les
trois cyberattaques principales sont :
1) Le vol des plans des entreprises
américaines.
2) Le vol des designs de matériel militaire
et l' « invasion » de pièces contrefaites.
3) Des attaques contre les « systèmes
de contrôle industriels » des infrastructures
essentielles comme les réseaux électriques, les
systèmes d'épuration des eaux, le contrôle du
trafic aérien, les métros et les
télécommunications.
Avant d'être nommé au poste de conseiller
de Trump, Navarro a salué les propositions de Trump pour des
représailles aux cyberattaques, sous forme notamment « de
sanctions commerciales sévères pour les pays qui font du
piratage, de bannissement de toute entreprise étrangère
qui pratique toute forme d'espionnage (cybernétique ou autre) et
de l'abrogation de tout accord commercial qui ne fournit pas de
protection adéquate de la propriété
intellectuelle. Navarro demande que des pouvoirs additionnels soient
conférés au FBI, dont la «
délégation » aux secrétaires de cabinet
de pouvoirs de police leur permettant d' « identifier et de punir
ceux qui font de l'intrusion cybernétique et
de donner carte blanche au FBI spécifiquement et au
département de la Justice généralement pour
poursuivre en justice les auteurs de crimes cybernétiques avec
le plein poids de la loi ».
Dans une entrevue du 25 août à
l'émission PBS Newshour, Navarro a expliqué la
nature de la politique commerciale de Trump à l'égard de
la Chine. Niant l'assertion que ces propositions sont «
protectionnistes », il a dit que « s'il impose des
tarifs à la Chine ou à tout autre pays qui triche, tout
ce qu'il cherche à faire
c'est défendre les États-Unis contre des pratiques
commerciales inéquitables ». Il a ajouté que
les tarifs ne sont pas la fin mais un « outil de
négociation pour mener des pays comme la Chine à mettre
fin à leurs pratiques commerciales déloyales ».
Navarro a dit que la « doctrine commerciale de
Trump » est que « l'Amérique va faire du
commerce avec tout pays en autant que les accords satisfassent à
ces trois critères :
« - augmenter le taux de croissance du PIB;
« - diminuer le déficit
commercial;
« - renforcer la base
manufacturière. »
Dans un article du 7 novembre signé
conjointement par Navarro et Alexander Gray, un autre conseiller de
Trump, et intitulé « La vision de paix par la force de
Trump en Asie-Pacifique », les auteurs parlent de
l'échec du Pivot vers l'Asie et du Partenariat transpacifique
(PTP) d'Obama-Clinton. Navarro et Gray y écrivent que «
Obama et Clinton ont qualifié le PTP de mesure de
sécurité nationale visant à contenir une Chine
montante. Comme l'a dit Ash Carter, le secrétaire à la
défense d'Obama, signer le PTP ' est aussi important pour moi
que d'ajouter un porte-avions ' ».
Navarro et Gray expriment leurs frustrations envers la
politique des États-Unis à l'égard de la
République populaire démocratique de Corée, qu'ils
qualifient de « patience stratégique », et leur
échec à stopper les efforts des Coréens pour se
défendre et défendre leurs système
économique et politique. Ils parlent d'autres «
défaites »
comme l'élection d'un nouveau président aux Philippines
qui a critiqué la politique étrangère des
États-Unis. Navarro et Gray écrivent que « la
déclaration sinistre d'Obama sur 'la ligne rouge' en Syrie a
elle aussi été perçue dans toute la région
de l'Asie-Pacifique comme une invitation ouverte à l'agression
contre les alliés et les partenaires des
États-Unis. »
Selon Navarro et Gray, les États-Unis «
ont devant eux d'excellentes occasions de rétablir leur position
géostratégique en Asie », qui proviennent
selon eux « principalement des mauvais calculs faits par la Chine
et de sa tendance à trop présumer des
situations ». Ils disent que « la marine
américaine est probablement la plus
grande source de stabilité régionale en Asie »
et que par conséquent « la seule mise en oeuvre du
programme naval de Trump va suffire à rassurer nos alliés
que les États-Unis demeurent fidèles dans le long
terme à leur rôle traditionnel de garant de l'ordre
libéral en Asie ».
Navarro et Gray décrivent en ces termes
l'approche de Trump :
« Premièrement, Trump va faire en sorte
que l'économie américaine ne sera jamais plus
sacrifiée sur l'autel de la politique étrangère
par la signature de mauvais traités de commerce comme l'Accord
de libre-échange nord-américain, ou l'autorisation
donnée à la Chine de se joindre à l'Organisation
mondiale du commerce et l'adoption du
projet de PTP. Ces accords ne font qu'affaiblir notre base
manufacturière et notre capacité à nous
défendre et à défendre nos alliés.
« Deuxièmement, Trump va poursuivre de
façon soutenue une stratégie de paix par la force, qui
était un axiome de Reagan que l'administration Obama a
abandonné. »
Navarro et Gray terminent leur article en faisant
l'éloge de Trump pour sa « claire compréhension des
éléments constitutifs d'une politique
étrangère victorieuse en Asie et dans le monde. Un de ses
piliers est la force intacte des États-Unis en appui aux
intérêts nationaux américains, où les mots
veulent dire quelque chose et où alliés et
concurrents savent que le président américain va faire ce
qu'il dit. Dans une administration Trump, ces qualités vont
contribuer à une Asie-Pacifique beaucoup plus stable, une
Asie-Pacifique qui sert pleinement et pacifiquement les
intérêts de l'Amérique et de ses alliés et
partenaires. »
Le secteur manufacturier et l'industrie
Un autre aspect du plan de Donald Trump pour «
redonner sa grandeur à l'Amérique » consiste
à ramener aux États-Unis les emplois perdus aux autres
pays dans le cadre de la mondialisation. On dit que Trump a
touché une corde sensible chez les électeurs
américains en parlant du sort des communautés qui ont
souffert des pertes
d'emplois manufacturiers et de la perte d'industries. Trump blâme
le Mexique et la Chine et dans certains cas les entreprises
elles-mêmes et s'est engagé à empêcher les
emplois manufacturiers de « quitter » le pays.
Depuis l'élection, Trump affirme avoir
déjà « sauvé » des emplois
à une usine Ford du secteur de l'automobile puis à
l'usine de climatiseurs Carrier en Indiana. Selon un article du Wall
Street
Journal, des dirigeants de Ford ont dit que leur
décision de ne pas déplacer la production de
modèle Lincoln vers le Mexique et
d'augmenter la production du modèle Escape au Kentucky
était « une façon relativement peu coûteuse
mais réelle de donner une victoire à M. Trump avant
même qu'il entre à la Maison-Blanche ».
Le 29 novembre, Trump a annoncé que, sans
doute à cause de son intervention personnelle, Carrier a
gardé en Indiana 1100 des 1400 emplois qu'il allait
relocaliser au Mexique. Dans un communiqué de presse émis
le jour suivant, Carrier dit que « les avantages que
l'État a consentis ont joué dans la balance »
et que
« les forces à l'oeuvre dans la mondialisation vont
continuer à nous forcer à rechercher des solutions si
nous voulons assurer la compétitivité à long terme
des États-Unis et des travailleurs
américains ». On a appris plus tard que ces avantages
comprenaient des baisses d'impôts d'une valeur de 7
millions $ sur 10 ans pour la
compagnie qui a fait 7,6 milliards $ de profits en 2015.
La compagnie mère de Carrier, la United Technologies, dont Trump
a rencontré le PDG, est également un fournisseur pour la
Défense, alors il est possibles que des ententes aient
été conclues sur ce front également.
Le président de la section locale 1999 du
Syndicat des Métallos à Carrier, Chuck Jones, a dit que
les travailleurs n'ont pas été mobilisés dans ce
processus, que ce soit par la compagnie ou par Trump. Il a par la suite
confirmé avec Carrier que la compagnie allait maintenir 730
emplois syndiqués et 70 emplois non syndiqués,
et non pas 1100, et que 550 emplois syndiqués allaient
être éliminés. Après que Jones ait fait
remarquer que le chiffre de 1100 emplois avancé par Trump
était faux, Trump l'a attaqué sur Twitter en disant que
« Chuck Jones, le président de la section 1999 du
Syndicat des Métallos, a très mal
représenté les travailleurs. Pas
surprenant que les emplois quittent les
États-Unis ! », et si la section locale des
métallos 1999 faisait son travail, elle aurait maintenu ces
emplois en Indiana. Passez moins temps à parler et plus de temps
à travailler. Réduisez les cotisations. »
Des travailleurs sur les lignes de piquetage à l'hôtel
Trump à Las Vegas le 21 avril 2016
|
Jones a rapporté qu'une demi-heure après
les Tweets de Trump, il s'est mis à recevoir des appels anonymes
sans arrêt de gens qui lui disaient « on s'en vient te
chercher », « me criant des noms, me demandant si j'ai
des enfants ». « Je vais devoir faire attention
à moi, ces gens-là savent quel genre d'auto je conduis,
et faire
attention à mes enfants », a dit Jones.
La meilleure indication de la manière dont Trump
entend « sauver des emplois » est le rapport qu'il
entretient avec ses travailleurs dans ses propres hôtels et
casinos. Les employés qui travaillent à l'hôtel de
Trump à Las Vegas se sont vus nier le droit de négocier
leurs salaires et leurs conditions de travailleurs depuis qu'ils se
sont
syndiqués plus tôt dans l'année. À son
hôtel à Washington, les travailleurs ont voté en
faveur de se syndiquer en décembre 2015 et l'organisation
de Trump a refusé d'accepter le résultat du vote. Les
travailleurs du Casino Taj Mahal de Trump à Atlantic City, au
New Jersey, ont déclenché la grève en juillet pour
demander entre autres choses
le rétablissement de leurs avantages sociaux et de leurs
prestations de retraite qui avaient été
éliminés lors des procédures de faillite
de 2014. Carl Icahn, un proche associé de Trump qui a
acheté le casino en 2014 a qualifié les demandes des
travailleurs d' « obstacle à toute possibilité de
rentabilité » et il a fermé l'entreprise
le 10 octobre, privant 3000 travailleurs d'un gagne-pain.
On lit dans un rapport publié le 17 octobre
dans Mother Jones que « l'entreprise de Trump a
encouragé les employés à investir leur
épargne-retraite dans les actions de la compagnie, selon un
recours collectif déposé par les employés contre
Hotels & Casino Resorts de Trump suite à la faillite
de 2004. Lorsque le prix des
actions est tombé à son plus bas, dans la période
précédant la faillite, la compagnie a forcé les
employés à vendre leurs actions avec des pertes
substantielles. Selon le recours collectif, plus de 400
employés ont perdu plus de 2 millions $ de leurs
épargnes pour la retraite. »
De même, celui que Trump a nommé
secrétaire du Travail, Andrew Puzder, qui est le PDG du monopole
de restauration rapide qui possède les chaînes Hardee's et
Carl's Jr., est contre l'augmentation du salaire minimum et la
réglementation relative aux heures
supplémentaires et est décrit comme étant «
antiréglementation ».
Puzder a dit que des politiques comme le salaire minimum «
encouragent l'automatisation » et que son monopole comme
d'autres de la restauration rapide investissent de l'argent en ce
moment pour mettre au point des machines qui vont remplacer la
main-d'oeuvre humaine.
Le choix de Trump pour le poste de secrétaire au
Commerce est Wilbur Ross, celui qui s'est mérité le titre
de « roi de la banqueroute » et de « sauveur des
industries américaines en faillite ». Il est devenu
célèbre en achetant et en «
restructurant » des entreprises en faillite pour les
revendre une fois allégées de toute
obligation envers les régimes de retraite et ayant
extorqué des concessions aux travailleurs au moyen du chantage
suivant : « Vous sauvez les emplois » ou vous
vous retrouvez avec rien. » Ross a agi de la sorte dans le
secteur du textile, minier et sidérurgique et il a
récemment acheté des centaines de millions de dollars de
dettes
de compagnies du secteur de l'énergie par le biais de sa firme
WL Ross & Co. dans une tentative de prise de contrôle
d'entreprises pétrolières et gazières en
difficulté advenant qu'elles doivent céder leur
propriété à des créanciers.
Le Wall Street Journal écrit que la
valeur sur le marché du International Textile Group Inc. de
Ross, « un amalgame d'entreprises de textile en faillite, ne
représente plus que quelques millions de dollars » et
que « la tentative [de Ross] de faire revivre l'industrie textile
des États-Unis a échoué à cause de la forte
concurrence
provenant de la Chine ». En 2004, Ross « s'est
joint à A.T. Massey Coal Co. pour acheter les actifs de
l'entreprise en faillite Horizon Natural Resources Co. en utilisant une
combinaison d'argent comptant et de dette », écrit le
Wall Street Journal . L'entreprise, renommée
International Coal Group, s'est mise à acheter de
plus petits producteurs de charbon et a été vendue
à Arch Coal en 2011 pour la somme de 3,4
milliards $.
Dans le secteur de l'acier, on dit que Ross a «
rabouté » les fabricants d'acier Bethlehem Steel,
Acme Steel, Weirton Steel et LTV Steel pour former le International
Steel Group en 2002. Il a placé le conglomérat en
bourse en 2003 et l'a vendu au milliardaire indien Lakshmi Mittal
deux ans plus tard pour la somme
de 4,5 milliards $. Environ 250 000 métallos
ont perdu leurs pensions.
À
titre d'information
Résultats
des élections
Le collège électoral élira le
président des États-Unis d'Amérique le 19
décembre : 538 grands électeurs
sélectionnés par les candidats et les organisations
républicaines
et démocrates des États se réuniront dans leur
État respectif et éliront, par bulletins
séparés, le président et le
vice-président.[1] Le
nouveau Congrès comptera les
votes électoraux le 6 janvier et doit certifier ou
contester le vote des grands électeurs. La loi requiert que le
représentant de la Chambre et du Sénat qui conteste le
vote des États le fasse par écrit pour qu'une objection
formelle soit inscrite au journal. Ce jour-là, le
vice-président Joe Biden (agissant comme président du
Sénat), présidera l'assemblée et
nommera les personnes qui ont été élues
président et vice-président et l'investiture du nouveau
président aura lieu le 20 janvier 2017 à midi.
Donald Trump, le candidat du Parti républicain,
a reçu la majorité des votes du collège
électoral, soit 306 grands électeurs contre 232 pour
Hillary Clinton, la candidate du Parti démocrate, suivant
l'élection présidentielle
du 8 novembre, ce qui fait de Trump le 45e président
élu des États-Unis.[2]
Sur les 232 millions d'électeurs
admissibles, plus de 95 millions (41 %) n'ont pas
voté. Trois millions sont inadmissibles en raison de leur statut
de criminels condamnés. Donald Trump a reçu
environ 63 millions de votes, ou 27 % du vote
admissible, alors qu'Hillary Clinton a reçu environ 65
millions de votes, ou 28 % du vote admissible.[3] Le candidat du Parti libertarien Gary
Johnson a reçu 4 millions de votes et la candidate du Parti
vert Jill Stein plus de 1 million de votes. Environ 2
millions de votes ont été répartis entre les
autres candidats, y compris les
votes « write-in » ( un vote où
l'électeur écrit le nom d'un candidat qui
n'apparaît pas sur le bulletin de vote) et parmi ces candidats on
compte ceux du Parti du socialisme et de la libération, du Parti
du monde des travailleurs, du Parti pour la paix et la liberté
de même que des candidats indépendants.
Il s'agit de la cinquième élection
américaine dans laquelle la personne qui a obtenu la
majorité du vote national ne remporte
pas le vote du collège électoral.
Des élections ont aussi eu lieu à la
Chambre des représentants et au Sénat. Dans les deux cas,
ce sont les candidats du Parti républicain qui ont
remporté la majorité des sièges, soit 239
contre 193 pour le Parti démocrate pour la Chambre
et 51 contre 48 pour le Sénat.
Les données des sondages à la sortie des
bureaux de scrutin
Selon les sondages effectués à la sortie
des bureaux de scrutin par CNN, 54 % des électeurs
avaient une opinion défavorable d'Hillary Clinton
et 60 % avaient une opinion défavorable de Donald
Trump. Dix-huit pour cent avaient une opinion défavorable des
deux candidats. Soixante-et-un pour cent ont dit que
Hillary Clinton n'était « pas honnête et digne de
confiance » et 63 % ont dit la même chose de
Trump. Vingt-neuf pour cent des répondants ont dit que ni l'un
ni l'autre était honnête. Cinquante-trois pour cent des
personnes interrogées ont dit « craindre » ou
être « préoccupées » par une
victoire de Clinton alors
que 56 % ont dit la même chose d'une victoire de Trump.
Soixante-dix pour cent ont dit que l'attitude de Donald Trump envers
les femmes les dérangeait « beaucoup » ou
« un peu ». Quarante-quatre pour cent ont dit qu'ils
seraient « enthousiastes » ou «
optimistes » suite à une victoire de Clinton
et 40 % ont dit la même chose de Trump.
Note
1. Les électeurs qui ne votent pas pour les
candidats qui ont reçu la majorité des voix dans leur
État sont qualifiés d'« électeurs sans
foi » et dans certains États ils peuvent être
poursuivis en justice, habituellement pour des amendes relativement
insignifiantes. Une telle chose ne s'est produite que quelques
fois depuis un siècle. Le Congrès pourra renverser toute
mesure du Collège électoral à sa session du 6
janvier.
2. Trump a été déclaré
gagnant dans les États suivants : Alabama, Alaska, Arizona,
Arkansas, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Dakota du Nord, Dakota du
Sud, Floride, Géorgie, Idaho, Indiana, Iowa, Kansas, Kentucky,
Louisiane, Michigan, Mississippi, Missouri, Montana, Nebraska, Ohio,
Oklahoma,
Pennsylvanie, Tennessee, Texas, Utah, Virginie occidentale, Wisconsin
et Wyoming. Clinton a été déclarée gagnante
dans les États suivants : Californie, Colorado,
Connecticut, Delaware, District de Columbia, Hawaï, Illinois,
Maine, Maryland, Massachusetts, Minnesota, Nevada, New Hampshire, New
Jersey, Nouveau-Mexique, New York,
Oregon, Rhode Island, Vermont, Virginie et Washington.
3. En 2012, le candidat républicain a
reçu 61 millions de votes et le candidat
démocrate 66 millions. En 2008, le score a
été de 60 millions de vote pour le candidat
républicain et de 69 millions pour le candidat
démocrate.
La position des syndicats
Un des plus grands problèmes auxquels la classe
ouvrière et le peuple américain font face c’est que la
voix de la classe ouvrière est réduite au silence. Non
seulement peu de travailleurs sont-ils syndiqués (le taux de
syndicalisation est tombé de 20% à 11% depuis 1983), mais
les centrales syndicales en général suivent la vieille
politique consistant à se rallier à une faction de la
classe dominante des États-Unis dans sa lutte pour le pouvoir,
ce qui laisse la classe ouvrière divisée. À cet
égard, la position des syndicats américains et des
syndicats internationaux basés aux États-Unis est
d’appuyer la démocratie américaine rongée par la
crise et de dire que c'est la voix du peuple américain qui s'est
exprimée dans l'élection de Trump. Certains syndicats
suggèrent que l'élection présidentielle a
donné
au peuple américain l'occasion de décider de la direction
du pays. Ils disent que c'est là l'essence-même de la
démocratie américaine, d'en arriver à un verdict
donné par le peuple. À cet égard, la plupart
admettent que leurs membres ont été profondément
divisés par cette élection et selon eux il s’agit d’une
division idéologique droite-gauche. Ils ignorent les
résultats qui démontrent qu'un nombre significatif de
travailleurs n'ont voté ni pour Clinton ni pour Trump et ont
plutôt choisi de ne pas participer dans une élection
où les candidats républicain et démocrate
étaient généralement considérés
comme les « deux personnes les plus détestées
».
Certains syndicats disent que les élections et
leurs résultats démontrent que le système
économique et politique est brisé et qu'ils sont un
réquisitoire contre le même « business as
usual en politique » tout en rêvant de maintenir ce
« business as usual ». Ce sentiment est bien
exprimé dans la déclaration émise par la AFL-CIO,
la centrale syndicale nationale qui représente un collectif de
syndicats. Son président Richard Trumka y dit ceci :
« Donald Trump a été élu
président. Les États-Unis sont un pays
démocratique, et les électeurs ont parlé.
L'AFL-CIO accepte le résultat de l'élection et
félicite le président élu Donald Trump. Avant
toute chose, cette élection est un réquisitoire contre le
'business as usual' en politique. »
Le peuple a parlé, dit l'AFL-CIO, et pourtant le
décompte du vote national montre que Clinton a reçu deux
millions de voix de plus que son adversaire. La centrale affirme que la
victoire de Trump est en grande partie due aux travailleurs en
colère qui font les frais d'une croissance qui se fait sans le
secteur manufacturier, d'une faible création
d'emplois et des emplois qui quittent les États-Unis, surtout
dans ce qu'on appelle les « champs de bataille des États
en déclin économique ». Selon l'AFL-CIO, les
« élites » ont tourné le dos aux
travailleurs, en particulier avec les accords de commerce mondiaux qui
délocalisent le travail à l'étranger. Cela aurait
fait pencher le vote au
Collège électoral en faveur de Trump, avec des victoires
dans les États fortement industrialisés de Pennsylvanie,
de l'Ohio, de l'Indiana, du Wisconsin et même du Michigan, tous
des États que les démocrates avaient remportés
récemment. L'AFL-CIO n'explique pas et ne tente pas d'analyser
comment le changement d'un oligarque de l'élite pour
un autre pourrait favoriser la classe ouvrière. Elle n'analyse
pas pourquoi les « travailleurs en colère »
devraient voter pour une oligarque aussi virulemment
antiouvrière que Clinton qui est une promotrice des ateliers de
misère en Haïti ou pour Trump qui s'est personnellement
attaqué à ses propres travailleurs d'hôtel et de
casino.
La centrale syndicale évite toute discussion
sérieuse qui pourrait expliquer pourquoi les travailleurs ne
sont pas préparés pour se défendre face a une
élection impérialiste ou pour aller de l'avant d'une
manière qui favorise les intérêts des travailleurs
et ne créée pas d'illusions à l'effet que Donald
Trump va le faire. Comment le mouvement
syndical organisé a-t-il contribué à laisser la
classe ouvrière sans sa propre vision, laquelle lui fournit une
base solide pour s'engager dans la lutte contre la démocratie
impérialiste et son système électoral avec une
conscience claire et des actions avec analyse ?
Certains dirigeants syndicaux semblent chercher une
façon de maintenir leur rôle au sein de la
société civile au moment même où Trump leur
lance toutes sortes de menaces dans ses hôtels et ses casinos de
même que dans ses discours où la rhétorique de
l'État policier est omniprésente.
La plupart des dirigeants syndicaux des
États-Unis souhaitaient la victoire de Clinton et ont fait
campagne à l'échelle du pays auprès de leur
membership pour qu'il vote pour elle. Les travailleurs canadiens
membres des syndicats internationaux basés aux États-Unis
ont même reçu des lettres de leurs dirigeants
américains les exhortant à voter
pour Clinton et à contester la vague de fond anti-Clinton qui
existait parmi leurs propres membres.
Les syndicats ont reconnu que la classe ouvrière
a été divisée pendant l'élection mais ils
n'ont pas analysé que c'est précisément un des
rôles principaux de ces institutions désuètes, qui
n'investissent pas le peuple du pouvoir, que de diviser la classe
ouvrière sur une base sectaire fondée sur l'appui
à l'un ou l'autre des partis oligarchiques La
division sectaire selon les lignes de partis place la classe
ouvrière dans la position vulnérable d'appuyer telle ou
telle faction dite de droite ou de gauche de l'oligarchie
financière et ce jusqu'à la participation dans une guerre
civile réactionnaire telle qu'elle est en train de germer aux
États-Unis qui ne sont pas si unis que leur nom l'indique. Le
fait
de mobiliser la classe ouvrière dans la politique
inter-impérialiste et inter-monopoliste des oligopoles et de
l'oligarchie financière affaiblit beaucoup le mouvement de la
classe ouvrière. La raison en est que cela obscurcit la division
fondamentale qui existe entre les classes aux États-Unis, en
particulier la lutte de classe entre la classe ouvrière et
ceux qui possèdent et contrôlent la richesse et la
propriété sociale comme c'est le cas des
représentants des oligopoles Donald Trump et Hillary Clinton.
La Fraternité internationale des ouvriers en
électricité (IBEW) ne voit que la division qui existe
entre ses dirigeants et ceux qui les ont suivis en votant pour Clinton
et les autres membres qui ont voté pour Trump.
« Cette élection a été
longue et parfois source de divisions mais, en tant que
confrères et consoeurs de l'IBEW, il y a plus de choses qui nous
unissent que de choses qui nous divisent et il faut plus que jamais que
nous travaillions ensemble dans les jours, les mois et les
années qui viennent », a dit le président de
la IBEW Lonnie R. Stephenson.
La question de comment réaliser cette
unité et de l'unité dans quel but n'est pas
abordée. On ne parle pas du besoin de la politique
indépendante de la classe ouvrière organisée par
et pour les travailleurs eux-mêmes avec leurs propres politiciens
ouvriers.
L'IBEW dit plutôt : « Ce qui s'est
passé mardi dernier a révélé
l'anxiété profonde qui existe parmi l'électorat
face à une classe moyenne en déclin, des salaires
stagnants et le sentiment que notre système politique est
truqué afin de servir le 1 % à la tête de
la société. »
Une classe ouvrière consciente de sa politique
indépendante ne se jetterait jamais dans les bras de gens comme
Trump parce qu'elle fait face à des difficultés. Au lieu
de tirer la conclusion qui s'impose et de reconnaître le besoin
de renforcer le front organisé de la classe ouvrière,
l'IBEW se déshonore par ses paroles de conciliation par
lesquelles elle prétend qu'il y a un « terrain
d'entente » entre les travailleurs et Trump.
« Dans la mesure où le président
élu Donald Trump est sérieux lorsqu'il dit vouloir
travailler à faire croître la classe moyenne et à
fournir de véritables opportunités aux travailleurs
américains, nous sommes prêts à travailler avec
lui. Sur des sujets comme le commerce, l'infrastructure, les emplois et
la sous-traitance, il peut exister un terrain
d'entente entre nous et je m'engage à le trouver »,
déclare le communiqué.
Ces questions sont précisément celles sur
lesquelles Trump et son nouveau cabinet, qui comprend Wilbur Ross comme
secrétaire au Commerce, n'ont démontré aucun
terrain d'entente avec la classe ouvrière. Pourquoi alors ne pas
tirer la conclusion qui s'impose sur la base de la
réalité dans laquelle se trouve le corps politique et
discuter de ce
que les travailleurs vont faire dans une telle situation ?
Certains dirigeants syndicaux américains tentent
maintenant de se trouver une niche où ils peuvent retourner pour
agir selon de manière « business as usual »
alors que les élections et les nominations de Trump à son
cabinet démontrent que l'élection américaine a
plongé le système impérialiste d'États
dominé par les États-Unis et le
monde entier dans une situation où le « business as
usual » n'existe plus.
La réalité existe telle qu'elle se
présente et pourtant certains dirigeants syndicaux qui
représentent les intérêts de la classe
ouvrière semblent enclins à chercher un « terrain
d'entente » avec le régime de Trump.
Désespérés, ils imaginent qu'un terrain d'entente
va apparaître de la promesse de Trump à l'effet qu'il va
changer la situation
que vivent les travailleurs en colère des États fortement
industrialisés. Les dirigeants syndicaux demandent à
Trump de remplir ses promesses et disent que les syndicats vont devoir
démontrer leur capacité à négocier avec des
gens avec lesquels ils ne sont pas d'accord. On en a un exemple dans la
déclaration que l'Association internationale des
machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIM) a
émise. L'AIM essaie de faire bonne figure et dit : «
En tant que syndicat de travailleurs, nous faisons affaire à
chaque jour à la table de négociations avec des gens avec
qui nous sommes en désaccord. Nous essayons de trouver un
terrain d'entente. C'est exactement ce que nous avons
l'intention de faire dans cette nouvelle situation. »
Le terrain d'entente, ce sont supposément les
emplois et ce serait l'ordre du jour de Trump également. Les
syndicats disent chercher un terrain d'entente avec Trump au sujet de
« choses » comme les emplois tout en ajoutant qu'ils
ont des divergences en ce qui concerne les « valeurs
fondamentales » et que là-dessus ils ne feront
pas de compromis. Il semble selon eux n'y avoir aucun lien entre les
emplois et les valeurs fondamentales. Ils ne tiennent pas compte du
fait que l'objectif de Trump et celui des travailleurs sont
diamétralement opposés. Pour Trump, les emplois sont des
choses et non des travailleurs ayant des droits et des
intérêts de classe qui sont en contradiction
avec les intérêts des gens qui possèdent et
contrôlent la propriété sociale.
Les dirigeants syndicaux américains disent
qu'ils font face à un dilemme et qu'ils doivent mettre en jeu
leur capacité de négocier afin de trouver un terrain
d'entente entre les emplois et leurs « valeurs
fondamentales » sur lesquelles ils ne vont jamais faire de
compromis. Dans ce dilemme, les « emplois » et la
création d'emplois
sont présentés comme des choses et non des relations dans
lesquelles les gens s'engagent afin de gagner leur vie et qui
permettent aux oligarques de s'emparer de la valeur ajoutée que
les travailleurs produisent. Parce que les emplois sont
considérés comme des choses et non des relations entre
les gens, en particulier entre les employés et les
employeurs, les dirigeants syndicaux présentent ces choses comme
étant détachées de valeurs fondamentales
concrètes qui reposent sur les droits de la classe
ouvrière et son aspiration à un équilibre dans les
relations entre les classes. Les emplois sont considérés
comme étant des emplois, rien de plus, dénués
d'idéologie et de quelque politique que
ce soit, déconnectées même de la lutte de classe
à la défense des droits et de la réalité
qui nous dit que sous l'impérialisme les emplois existent au
sein d'une relation sociale antagoniste dialectique entre la classe
ouvrière et ceux qui possèdent et contrôlent la
richesse sociale comme Trump et Clinton. Au sein de cette relation
sociale difficile, la
classe ouvrière lutte pour un équilibre qui à tout
le moins reconnaît les droits et prépare le terrain
à la construction du nouveau, en dehors de cette relation
sociale.
Selon de nombreux dirigeants syndicaux, la direction
dans laquelle Trump, ou Clinton, prennent l'économie n'a rien
à voir avec les relations qui existent entre eux et la
présidence Trump, en autant que des emplois sont
créés et que leurs « valeurs
fondamentales » sont respectées au moins en paroles
sinon dans les faits dans le tohu-bohu
de la lutte de classe. Les valeurs fondamentales demeurent
déconnectées de la réalité et
dénuées de contexte historique au sein du système
impérialiste d'États et certainement pas
connectées avec les conditions concrètes des luttes de la
classe ouvrière à la défense de ses droits et des
droits de tous.
Certains dirigeants syndicaux
disent reconnaître qu'il existe une division entre
eux-mêmes, qui ont fait campagne et voté pour Clinton
comme l'ont fait une partie des membres, et les autres membres qui ont
voté pour Trump. Ils ne semblent pas s'intéresser
à ceux qui n'ont pas voté ni vouloir savoir pourquoi les
gens votent d'une certaine
façon ou ne votent pas. Le vote se produit supposément en
dehors de tout contexte historique et on ne porte pas attention aux
nombreuses personnes qui ont participé de leur mieux dans des
actions avec analyse afin de s'opposer aux élections
impérialistes et à leur frauduleux processus
électoral et en luttant pour une alternative.
Les résultats de l'élection montrent que
la très vaste majorité qui a voté directement
contre Trump ou n'a pas voté se monte à environ 190
millions de personnes. Ce qu'il y a de commun à cette
majorité c'est que sa décision de s'opposer à
Trump ou au processus électoral impérialiste dans son
ensemble ne compte pas dans le système
politique américain. Cette majorité est
désaffranchie du résultat, lequel est une
présidence Trump et tout le pouvoir que cela comprend. Les
travailleurs sont privés de pouvoir localement,
régionalement et nationalement.
Le vote n'est pas le signe de l'existence d'un terrain
d'entente entre les travailleurs et l'oligarchie financière.
S'il révèle quelque chose, c'est plutôt la
répudiation d'un processus électoral impérialiste
qui a produit des candidats pro-guerre et racistes aussi
détestés. Pourquoi ne pas le dire, puisque c'est la
conclusion qui s'impose, et discuter de
comment les travailleurs vont s'organiser en un front puissant qui est
capable de défendre leurs droits par des actions avec analyse et
qui développe de manière ininterrompue la conscience
qu'ont les travailleurs de leur classe et leur unité dans la
lutte pour une nouvelle direction prosociale de l'économie et de
la société.
La multiplication des scénarios de guerre civile
Les contradictions aux États-Unis entre ceux qui
affirment les droits de l'État et ceux qui imposent les pouvoirs
fédéraux et les prérogatives des autorités
de divers niveaux sont si intenses que les scénarios de
guerre civile se multiplient rapidement. Surtout
depuis l'élection de Donald Trump à la présidence,
plusieurs
administrations déclarent qu'elles refuseront de suivre ses
ordres sur des questions comme l'immigration, les expulsions, les
services de police et même les opérations militaires
à l'étranger. La police de Los Angeles a
déclaré qu'elle ne coopérera pas avec les
autorités fédérales et le maire de la ville de New
York, Bill de Blasio et celui de Chicago,
Rahm Emanuel, en ont fait de même. Divers responsables de ce
qu'on appelle les villes sanctuaires, comme Boston, Philadelphie, San
Francisco et Seattle ont dit la même chose. [1]
Récemment, le gouverneur de l'État de New
York, Andrew Cuomo, a dit au sujet des
déclarations de Trump sur les expulsions massives qu'il
protégera les gens contre le racisme et la discrimination. New
York est connu pour ses attaques racistes organisées par
l'État, mais maintenant Cuomo tente de présenter
l'État comme étant contre la
discrimination et il le fait d'une manière qui défie
directement le gouvernement fédéral.
Dans une lettre ouverte à tous les
étudiants de l'État, Cuomo écrit : «
Après les propos durs qu'on a entendus durant la campagne,
beaucoup d'entre vous
s'inquiètent de ce qui pourrait se passer. Soyons clairs :
nous sommes dans l'État de New York, pas dans un État de
peur. Nous ne tolérerons pas la haine et le
racisme. » Il poursuit : « Tant que vous
êtes ici, vous êtes New-Yorkais. Vous êtes membres de
notre communauté et nous vous défendrons. » Il
souligne que New York a des lois strictes contre les « crimes
haineux » qui seront appliquées. Une ligne
téléphonique spéciale a été
créée pour signaler les cas de discrimination.
Cuomo répète encore une fois, « notre
responsabilité est de protéger tous ceux qui sont ici,
natifs ou immigrants, avec ou sans papiers. »
Deux choses sont particulièrement importantes
ici. L'une est l'affirmation de Cuomo, que « Tant que vous
êtes ici, vous êtes New-Yorkais ». Il ne dit pas
résidents de New York, ou que vous êtes des New-Yorkais et
des Américains, mais simplement des New-Yorkais. Pourquoi
souligner
cela en particulier ? Étant donné qu'il est
connu que les corps policiers de New York sont tous des instruments de
la discrimination et du racisme du gouvernement, on ne peut pas y voir
une défense des droits. C'est en fait plus une
déclaration qu'il pourrait utiliser ces forces de police contre
les organismes fédéraux. Ce ne sont pas les droits qu'il
protégera, comme le montrent ses
nombreuses actions de gouverneur contre les droits, mais plutôt
son autorité comme gouverneur par rapport à
l'autorité du gouvernement fédéral.
C'est ce que Cuomo indique
lorsqu'il dit qu'il protégera tous ceux qui sont ici à
New York, avec ou sans papiers. Cela ressemble à un défi
direct à Trump qui ne cesse d'attaquer les immigrants sans
papiers. Cela lui donne l'apparence d'un «
protecteur » des sans papiers, alors qu'en
réalité il s'agit davantage d'une déclaration pour
affirmer ses pouvoirs de gouverneur, tout en faisant passer son
gouvernement comme un appui dans la lutte contre la discrimination.
Cuomo, comme le maire de New York qui a fait des commentaires
similaires, indique qu'il a des forces armées
considérables à sa disposition pour l'appuyer dans les
négociations avec le pouvoir fédéral. C'est un jeu
dangereux dont les gens doivent tenir compte dans leurs luttes de
résistance.
L'idée promue par certains que le
problème des attaques racistes organisées par
l'État vient de Trump et que l'on peut compter sur les
gouvernements des États pour protéger le peuple est
dangereuse. Cuomo est un exemple représentatif de ceux qui font
de telles déclarations dans le cadre des actes individuels de
nature raciste qui se sont
produits, notamment sur les campus. Alors que ces actes sont largement
diffusées par les médias, ces mêmes médias
restent généralement silencieux sur la réponse
forte et unie à ces attaques des étudiants dans tout
l'État. De la même manière, les différentes
organisations qui agissent, bien avant et depuis l'élection de
Trump, y compris celles qui
réunissent musulmans et juifs pour défendre les droits,
sont ignorées. Pour chaque attaque, il y a des dizaines et des
dizaines d'actions pour soutenir les personnes ou les mosquées
ciblées. En même temps qu'il s'oppose aux actions par
lesquelles les gens défendent les droits de tous, donnant
l'impression qu'une partie du peuple est raciste et que
l'on peut s'appuyer sur le gouvernement pour protéger le peuple,
il essaie d'unir les gens contre les incursions du pouvoir
fédéral.
Les États racistes au niveau
fédéral et au niveau des États sont responsables
du racisme et de la discrimination contre le peuple, qui se manifestent
par l'incarcération de masse raciste et la
ségrégation des écoles et des quartiers. C'est
également ce que montrent les tueries continuelles de la police,
les brutalités policières, les attaques des
gouvernements contre les musulmans au pays et à
l'étranger. Les nombreuses enquêtes du département
de la Justice sur 17 corps de police ont exposé la
discrimination généralisée et l'usage abusif de la
force, mais cela n'a rien fait pour faire cesser ces injustices.
La résistance de l'État et des forces
locales à laquelle Trump fait face en ce qui concerne
l'immigration et la répression montre les difficultés
qu'ont les dirigeants impérialistes à imposer leur
diktat. Les différentes autorités rivalisent pour le
pouvoir et Trump pourrait ne pas réussir à les unir,
surtout si l'on considère que les différents maires
ont d'énormes forces de police à leur disposition.
La centralisation des pouvoirs de police entre les
mains de la présidence est en partie conçue pour
éviter la guerre civile en unifiant ou en détruisant les
différents corps de police pour mettre fin à leur
rivalité. Elle met en évidence un problème majeur
des dirigeants impérialistes. Maintenir l'unité de la
République est la responsabilité du
président, chargé de préserver l'État des
États-Unis. Diverses actions policières récentes,
notamment celle de Standing Rock où de nombreux policiers de
différents États et la Garde nationale ont
été massés ensemble pour réprimer la
résistance, font partie de ces efforts. Tout cela se fait au nom
de Rendre sa grandeur à l'Amérique.
La nomination de Trump du sénateur de l'Alabama,
Jefferson Beauregard Sessions, du nom du président de la
Confédération, Jefferson Davis, et du
général confédéré Pierre Gustave
Toutant-Beauregard, au poste de procureur général dans
son
cabinet représente également un effort pour unifier les
forces des dirigeants du Nord et du Sud alors que les
scénarios de guerre civile sont déjà
évidents. Le moyen qu'utilise Trump pour cela est
d'intégrer ouvertement ceux qui soutiennent l'esclavagisme dans
le Sud. Il reste à voir si cela réussira.
Sessions appuie aussi les plans de Trump de commencer
rapidement l'expulsion des immigrants et de le faire encore plus
rapidement qu'Obama. L'immigration est l'un des domaines où le
pouvoir exécutif peut agir avec une grande impunité et
prendre des mesures sans le Congrès.
Trump et Sessions soutiennent aussi l'expansion du
fichier du gouvernement précédent, le registre des
entrées et sorties (National Security Entry Exit Registry System
- NSEERS). Le NSEERS cible les non-citoyens vivant légalement
aux États-Unis ainsi que ceux qui y entrent légalement,
beaucoup avec des visas étudiants, de 25 pays
asiatiques et africains, en grande majorité des pays musulmans
comme l'Afghanistan, l'Égypte, l'Iran, l'Irak, le Liban, la
Libye, le Soudan et la Syrie. Ce registre a existé de 2002
à 2011, mais certaines parties en sont toujours en vigueur,
notamment le fichier biométrique géant de toutes les
personnes inscrites qui est utilisé par les
nombreux organismes de police à tous les niveaux.
L'utilisation d'un registre spécial n'est pas
une invention de Trump. Il fait partie de la direction de la
gouvernance vers une gouvernance des pouvoirs de police qui a
été développée et que Trump cherche
à renforcer et à étendre. C'est aussi un moyen de
rassembler au nom de la sécurité nationale les
différents organismes concernés. Ces
registres et les plans de créer d'autres fichiers
d'identité biométrique pour les immigrants, puis de tous
les travailleurs, sont des moyens de criminaliser les travailleurs et
de permettre aux dirigeants impérialistes d'imposer plus
facilement leur gouvernement de pouvoirs de police. C'est pourquoi
intensifier la résistance générale à toutes
ces mesures
est essentiel.
Note
1. À la suite de
nouvelles menaces de Trump d'expulsions massives suite à son
élection, les maires de plusieurs « villes
sanctuaires » ont déclaré explicitement qu'ils
ne changeront pas leur politique de non-coopération avec le
gouvernement fédéral en matière d'immigration. Il
s'agit
des maires de New York, Bill de Blasio, de Chicago, Rahm Emanuel, et de
Seattle, Ed Murray.
Trump a déclaré, qu'en tant que président, il
retirera les financements fédéraux aux villes qui ne
coopèrent pas avec les autorités fédérales
pour les expulsions.
Aux États-Unis, 31 villes sont des «
villes sanctuaires ». Bien que ce ne soit pas une
désignation officielle, le terme indique que soit par la
législation ou la pratique, les autorités
policières locales ne coopèrent pas avec l'agence
fédérale de contrôle de l'immigration (ICE). La
non-coopération avec l'ICE varie d'un endroit à
l'autre, et sans doute pour des raisons d'ordre pratique qui n'ont rien
à voir avec la défense des droits, par exemple pour
éviter des poursuites de la part des personnes injustement
incarcérées. Dans certaines villes, les autorités
policières ne remettent à l'ICE que les suspects
accusés de crimes graves.
Le maire De Blasio dit que d'ici la fin de
l'année, New York supprimera de sa base de données les
noms de centaines de milliers d'immigrants sans papiers qui ont
reçu une carte d'identité de la ville pour qu'ils ne
puissent pas être identifiés ou expulsés.
Le 14 novembre, le chef de police de Los Angeles,
Charlie Beck, a dit que le service de police de la ville ne changerait
pas sa politique, en place depuis 1979, qui interdit aux policiers de
faire des contrôles d'identité uniquement en vue de
vérifier si quelqu'un est illégalement dans le pays. Sous
Beck, le département de la police a
également cessé de rapporter les suspects de
délits mineurs aux autorités fédérales. De
la même façon, le porte-parole de la Police de Denver,
Doug Schepman, a déclaré dans un communiqué
que : « l'immigration relève des autorités
fédérales, pas des autorités policières
locales. Le Service de police de Denver n'a pas participé
à ces mesures
dans le passé et n'entend pas y participer dans
l'avenir. »
Cette situation soulève la possibilité
d'un affrontement entre les grandes villes américaines, comme
New York, Los Angeles et Chicago dont les importantes forces
policières sont de plus en plus militarisées, et l'ICE,
qui comme les autres agences fédérales a
été également fortement militarisée.
Élimination du facteur humain/conscience sociale
Au lendemain de l'élection, on a beaucoup
parlé du « choc » du camp Clinton devant la
victoire de Trump. Avant l'élection on avait beaucoup
parlé de la « supériorité sur le
terrain » du camp Clinton et on nous disait que c'est
grâce à cette supériorité que Clinton allait
l'emporter parce que Trump était faible sur ce front. La «
supériorité sur le terrain » d'Hillary Clinton
était l'organisation en place dans les États clés
et les régions appelées « Designated Market
Areas » (les marchés désignés, cette
expression inventée par la firme Nielsen Media Research pour
identifier les stations de télévision qui
réussissent le mieux à atteindre une région
donnée
et à attirer
les téléspectateurs.[1])
Les
marchés
désignés
étaient
censés
jouer
un
rôle
crucial
dans la victoire de Clinton. L'impression
avait été créée qu'en tant que candidate du
Parti démocrate, Clinton disposait d'une légion de
bénévoles, d'une organisation forte et de beaucoup
d'argent, mais elle a perdu malgré
tout. Certains disent maintenant qu'elle a perdu parce que son
équipe n'a pas «testé sur le terrain» ses
décisions et qu'elle a déployé «l'effort sur
le terrain» aux mauvais endroits
Cela vise à cacher
le fait que « le système électoral
américain, le système de partis politiques et de
gouvernance, est épuisé », comme l'a fait
remarquer Le Marxiste-Léniniste à la veille des
élections. « Plutôt que de rétablir un nouvel
équilibre dans le statu quo, les élections en cours sont
utilisées pour achever la
‘transformation' de la façon de gouverner : vers un
processus politique qui outrepasse les structures de parti et de
gouvernement », disait LML qui mettait en garde que
cette élection allait servir à instituer un gouvernement
des pouvoirs de police pour remplacer le gouvernement des lois.
Les élections présidentielles
américaines sont à cet égard un exemple de la
destruction des partis politiques, un des traits saillants de la crise
du système appelé démocratie
représentative. La destruction des partis politiques a pour
effet d'éliminer toute participation des membres du corps
politique à la gouvernance. Une fois que les partis
politiques ont cessé de fonctionner comme des organisations
primaires, le lien entre les gouvernés et ceux à qui ils
confient le gouvernement est rompu. Parler de participation citoyenne
à la gouvernance ne veut rien dire. D'autre part, il ne peut
être question d'égalité dans un système
fondé sur le privilège, où le seul rôle
véritable consenti à « nous
le peuple » est de remettre le pouvoir décisionnel
à un tout petit groupe de personnes. Aux États-Unis,
comme au Canada, en Grande-Bretagne et dans les autres pays qui ont
adopté ce système électoral, le processus est
conçu pour que « nous le peuple » n'intervienne
que durant une élection. L'appartenance à un parti
politique était
censée être le lien entre les membres individuels du corps
politique et le pouvoir politique, et devait permettre aux membres
individuels du corps politique d'avoir voix au chapitre sur la
sélection des candidats et des représentants et sur la
vision qu'ils défendent.
Ce lien avec les partis politiques a toujours
été une façon de préserver le pouvoir de
classe des propriétaires et au tournant du XXe siècle la
nature élitiste de cette démocratie
représentative qui ne fait que préserver les
privilèges des riches est devenue évidente, surtout avec
l'avénement du suffrage universel. Durant le XXe
siècle elle a servi les monopoles et aujourd'hui elle est
usurpée par les oligopoles qui ont pris le contrôle des
gouvernements et par conséquent du
processus politique et du système électoral.
La façon dont a été menée
la campagne électorale de novembre montre que les
différentes factions de la classe dominante se livrent une lutte
féroce pour le pouvoir suivant les intérêts de
puissants oligopoles. On a aussi
vu encore une fois que le but de l'élection et de l'assaut
médiatique est d'empêcher les gens de penser et d'agir
comme faisant partie d'un
mouvement politique du peuple qui change les choses en sa faveur.
La campagne Clinton
La stratégie de la campagne Clinton était
basée sur la collecte de renseignements publics et privés
et l'utilisation d'un algorithme sophistiqué appelé ADA,
du nom de la mathématicienne du XIXe siècle Ada, comtesse
de Lovelace.[2] Le
système lui disait quoi faire et où miser les ressources.
On trouve l'explication suivante dans un article de
John Wagner paru dans le Washington Post : « Ada
est un puissant algorithme informatique qui intervient dans
pratiquement toutes les décisions stratégiques des
directeurs de la campagne Clinton, y compris où et quand
déployer les candidats et son bataillon de porteurs et où
diffuser les annonces télévisées -- et où
et quand il était moins risqué de rester dans l'ombre.
« Si tout le monde savait que la campagne Clinton
utilisait des logiciels analytiques, le fonctionnement précis
d'Ada est resté bien caché, selon les aides de campagne.
L'algorithme tournait sur un serveur séparé du reste des
opérations de campagne comme mesure de précaution et
seuls quelques assistants proches du centre y avaient accès.
« Selon des aides de campagne, une masse de
renseignements publics et privés résultant de sondages
était injectée dans l'algorithme, en plus de
renseignements sur les électeurs minutieusement recueillis par
la campagne. Les données du vote anticipé ont
également été ajoutées une fois le vote
commencé.
« Avec toutes ces données, Ada a
produit 400 000 simulations de la course contre Trump par
jour. Les rapports produits donnaient au directeur de campagne Robby
Mook un tableau détaillé du champ de bataille dans les
États les plus susceptibles de créer un changement de
direction, lui fournissant un guide précis sur où
déployer
les ressources.
« Les grands déploiements de ressources,
comme les bureaux nationaux et les concerts très
médiatisés avec des vedettes comme Jay Z et
Beyoncé, dépendaient aussi en grande partie des
simulations produites par ADA.
« Les aides de Clinton étaient convaincus
que leur intervention, qui était beaucoup plus
sophistiquée que celle de la campagne Obama ou de Mitt Romney
en 2012, leur donnait un très grand avantage
stratégique sur l'équipe Trump.
« Ils disent que la Pennsylvanie a
été identifiée comme un État
extrêmement important très tôt dans la course, ce
qui explique pourquoi madame Clinton s'y est rendue si souvent et
qu'elle ait choisi de tenir son avant-dernier rassemblement à
Philadelphie le lundi soir. [...] [7 novembre]
« L'importance des autres États que
Clinton allait perdre, dont le Michigan et le Wisconsin, n'a pas
été évidente, ou elle est devenue évidente
trop tard. Madame Clinton s'est rendue à plusieurs reprises au
Michigan durant l'élection générale, mais ce n'est
que durant les derniers jours de la campagne qu'elle, Barack Obama et
son mari y ont
déployé un effort concerté. »
La campagne Trump
Le 16 novembre, Fox News a interviewé le
directeur de la campagne numérique de Trump, Brad Parscale,
durant laquelle il a expliqué son rôle. Parscale est un
partenaire de la firme de marketing Giles-Parscale. Selon le site Web
de la firme, Brad Parscale « met au point des stratégies
de marketing sur le Web et supervise tous les
aspects techniques et fonctionnels de ces
stratégies ».
Il a dit que les enfants de Donald Trump, Ivanka et
Eric Trump, l'avaient embauché à l'origine pour
gérer le site de promotion immobilière de la famille
Trump. « Une fois que j'aie obtenu le site Web de l'immobilier,
j'ai fait mon chemin chez les Trump. » Il a ajouté
qu'à présent il a « un très bon rapport avec
eux. Ils apprécient les
gens qui travaillent fort, ils apprécient la loyauté, ils
apprécient la réussite. »
Il affirme qu'il était «
à 95 % certain » que Trump allait
l'emporter. Son système informatique intervenait dans toutes les
décisions, « de l'achat de publicité
télévisée au choix des endroits pour le travail
sur le terrain, dans toutes les différentes opérations.
Disposant de toutes ces données, nous pouvions commencer
là où se
trouvaient les groupes cibles les plus susceptibles d'être
persuadés, faire sortir le vote et tout ce que nous avions
besoin de savoir. »
Il a donné l'exemple de la Pennsylvanie et du
Michigan. « Nous sommes allés dans d'autres zones aussi et
j'ai commencé à voir des données et à les
localiser. Nous faisions des milliers d'appels réels, du
web-tracking, nous avons déniché divers sondages et il en
est sorti ce qu'on appelle des modèles et des univers. Nous
avons commencé à
constater que nous étions en vie en Pennsylvanie ainsi qu'au
Michigan. Nous avons décidé d'acheter dans ces
régions. Nous nous sommes dits, achetons aussi ces
marchés désignés. Achetons ces électorats
ciblés. Nous avons commencé à constater que notre
situation s'améliorait. Le vendredi avant les élections,
j'avais prédit que nous allions
remporter 305 résultats électoraux. »
« Les résultats du vote anticipé
ont commencé à indiquer où nous
réussissions à atteindre nos cibles et où se
trouvaient les résultats positifs pour nous dans les endroits
où nous voulions faire sortir le vote.
« Les données ne mentent pas. Et c'est
ça l'aspect intéressant de nos données. J'avais
à mon service d'excellents scientifiques des données et
nous avions des équipes de ces scientifiques qui recueillaient
ces données de sorte à ce qu'elles puissent être
digérées et nous permettre de comprendre où nous
devions cibler les gens. »
« La seule erreur de calcul que j'ai faite est au
Wisconsin et au Colorado, que j'ai invertis. C'était
mon 305 ou mon 306. Cependant vous pouvez constater que nos
achats médiatiques en Pennsylvanie et la façon
différente de fonctionner étaient une bonne
stratégie et une bonne utilisation de nos
données. »
À la question à savoir comment
l'intervention du directeur du FBI et son annonce à l'effet
qu'il mènerait une nouvelle enquête sur le scandale des
courriels de Clinton avait eu un impact sur la campagne, il a
dit : « En fait, j'étais dans l'avion avec M. Trump
cette nuit-là. Je lui ai montré tous les chiffres avant
l'annonce de notre arrivée
hâtive. Les indécis penchaient de notre côté.
Les gens de ce pays étaient prêts pour un changement,
prêts pour quelque chose de nouveau. Ils s'en allaient
déjà dans cette direction. »
À la question au sujet de la vidéo d' Access
Hollywood dans laquelle on peut entendre Trump parler de ses
frasques auprès des femmes, il a dit : « Toute
campagne a des points forts et des points faibles, n'est-ce pas ?
Des hauts et des bas. Dans ces situations, il faut
réévaluer tes données, retirer et bâtir de
nouveaux
univers pour créer de nouvelles cibles. Il faut alors être
en mouvement, être dans le feu de l'action, échanger les
gens en fonction des données.
« Mon objectif est d'être un porte-voix
pour les gens, pour les entreprises, pour les candidats », a
dit Parscale. Il a dit qu'à la lumière des campagnes
précédentes : « Je pense que ce qui
était absent de ces campagnes était la science, celle qui
prend le digital, la télé, le travail sur le plancher, le
porte-à-porte et tous ces gens pour en
faire quelque chose de profitable. Jared (Kushner, le conjoint d'Ivanka
Trump) et moi avons géré les données
budgétaires. »[3]
« Il ne faudrait pas révéler tout
cela. Il faudrait en conserver une partie pour nous pour faire
davantage d'argent à le faire pour d'autres »,
Parscale a dit.
Comparaisons entre les campagnes de Trump et de Trudeau
S'adressant aux participants d'une conférence du
chapitre canadien de l'Institut international des communications
le 17 novembre, le « stratège
numérique » en chef des libéraux de Trudeau,
Tom Pitfield, a fait part de ses impressions sur la campagne de Trump
et de Trudeau et a conclu que les deux campagnes avaient
été menées
de la même façon.
« Mon impression générale est que
le président élu, Donald Trump, a mené une
campagne semblable à celle que nous avons menée avec
Trudeau et les raisons sont sans doute les mêmes. Nous n'avions
pas les banques de données qui étaient disponibles aux
autres partis à ce moment-là, donc nous avons dû
faire la démarche pour aller
nous-mêmes les chercher.
« Et pour ce faire, nous avons eu des
conversations honnêtes et engagées avec des gens afin
d'obtenir leur consentement, d'interagir avec eux, avec comme
résultat que nos données étaient meilleures, plus
fraîches, beaucoup plus d'actualité. »
Pitfield soutient que Hillary Clinton, contrairement
à Trump et à Trudeau, a mené une campagne «
hors-ligne » en s'appuyant sans doute trop sur les
médias traditionnels.
« Je pense que le tout relève davantage de
la chance que d'une intention délibérée. Je
présume que le camp de Hillary avait acheté toutes les
heures de grande écoute à la
télévision », a-t-il dit.
« Trump a dû réagir et il s'est
tourné vers les médias sociaux et y a découvert
tous les avantages à mener une campagne en ligne. Je soutiens en
effet que Hillary et son équipe ont remporté la campagne
hors ligne. Les données actuelles révèlent, par
contre, que, sans l'ombre d'un doute, Trump a dominé la campagne
en ligne. « Cela a permis
à ses gens, d'un point de vue de données, de faire des
essais d'intervention -- je ne tiens pas vraiment à approfondir
ce sujet -- mais lorsque vous menez une campagne comme celle de
Hillary, c'est toujours la même chose. Vous n'apprenez pas
vraiment grand-chose sur les gens que vous voulez interpeller parce que
c'est figé dans une forme
unique », a dit Pitfield.
« Lorsque vous avez un candidat comme Trudeau ou
Trump -- qui ont joué les trouble-fête et qui ont eu le
courage de dire ce qu'ils pensent -- cela crée des moments
où on peut constater comment le scénario de base se
compare aux changements. Et ces changements sont très
précieux -- vous apprenez quant déployer des ressources
de façon
plus efficace, comment livrer un message, les répercussions de
ces mesures sur les gens que vous avez ciblés et comment cette
perspicacité est de loin plus efficace. »
Comme pour tenter de trouver un quelconque lien entre
une telle campagne électorale et les êtres humains,
Pitfield a prétendu que le succès du «
scénario du changement » dépend directement de
la crédibilité du candidat.
Notes
1. Les Designated Market Areas (DMA) sont des groupes de
pays qui forment une région géographique exclusive dans
laquelle le marché domestique des réseaux de
télévision contrôle l'ensemble du temps
d'écoute. Il existe 210 régions DMA qui couvrent les
États-Unis, Hawaï et une partie de l'Alaska.
Les frontières DMA et les données DMA appartiennent
exclusivement à la compagnie Nielsen.
Selon la compagnie Nielsen : « Nous
étudions les consommateurs de plus de 100 pays afin
d'offrir la perspective la plus complète des tendances et
des habitudes à l'échelle mondiale. Et nous
évoluons constamment, non seulement en termes des endroits que
nous mesurons et qui nous mesurons, mais comment nos visions
peuvent augmenter votre profitabilité. »
2. Augusta Ada King-Noel, comtesse de Lovelace
(née le 10 décembre 1815 et
décédée le 27 novembre 1852 à
l'âge de 36 ans) était la fille du poète Lord
Byron et mathématicienne et auteur britannique. Son travail a
surtout porté sur le premier ordinateur mécanique
tout-usage
de Charles Babbage, la Machine analytique. Ses notes sur cette machine
comprennent ce qui est reconnu comme étant le premier algorithme
à être utilisé par une machine. On la
considère souvent comme la première programmeure
informatique.
3. Jared Kushner est le fils du milliardaire
américain de l'immobilier Charles Kushner. Il a pris la
relève comme PDG de la compagnie Kushner en 2008. Kushner
possède le New York Observer
et c'est lui qui aurait mis au point la campagne médiatique
numérique de Trump. Selon les médias il est de la famille
Trump et lui sert de conseiller durant la transition.
Utilisation de robots du Web dans
l'élection américaine
Des études réalisées avant et
après l'élection présidentielle du 8 novembre
attestent de l'utilisation sans précédent des
robots dans les médias sociaux connus sous le nom « agents
numériques ».
Selon un article du The Atlantic du 1er
novembre, dans l'élection « la taille,
la stratégie et les effets potentiels de l'automatisation
sociale sont
sans précédent — jamais n'avons-nous vu une telle guerre
totale des
agents numériques ». The Atlantic rapporte
que lors du dernier
débat, si Trump et Clinton ont immédiatement
condamné la
Russie pour ses tentatives d'influencer l'élection par des
cyberattaques, « aucun des candidats n'a mentionné les
millions
d'agents numériques qui travaillent pour manipuler l'opinion
publique
en leur nom ». Des chercheurs dans le domaine qui font
partie du Project on Computational Propaganda of the Oxford
Internet Institute
à
l'Université d'Oxford indiquent que « l'élection
américaine a vu
l'utilisation la plus répandue d'agents numériques dans
les tentatives
de manipuler l'opinion publique dans la courte histoire de ces outils
politiques automatisés. » Les récentes
découvertes du travail de Project on Computational
Propaganda peuvent être consultés à politicalbots.org.
Que sont les agents numériques ?
Un agent numérique est un robot logiciel qui
automatise des tâches
en ligne. Ils sont utilisés à des fins commerciales et
aussi de plus en
plus dans des campagnes électorales. Dans ce dernier cas, les
agents
numériques font référence aux comptes de
médias sociaux qui
automatisent l'interaction avec d'autres utilisateurs. Ils exploitent
des
comptes pour ressembler à de vraies personnes, produisent du
contenu et
interagissent avec de vrais utilisateurs. Les agents numériques
sur les
plateformes de médias sociaux sont capables de déployer
rapidement des
messages, se répliquer et se faire passer pour des utilisateurs
humains.
Les agents numériques sont facilement
programmables avec l'API
Twitter (interface de programmation d'application) et peuvent
être
déployés par quiconque a une connaissance de base de la
programmation.
Leur utilisation dans les campagnes politiques est appelée
« propagande
automatisée » ou « propagande
informatisée ».
Les gouvernements, les militaires, les candidats et
leurs agences
de commercialisation utilisent des agents numériques pour
tout : pour
créer des comptes factices qui attaquent des individus, dirigent
les
abonnés vers de fausses nouvelles, manipulent et
déforment les sondages
en ligne, gonfler artificiellement le trafic des médias-sociaux
et
la popularité des individus ou des campagnes, etc.
Alors qu'une personne pourrait publier sur les sites de
médias
sociaux au sujet d'une question plusieurs centaines de fois par jour au
mieux, les agents numériques peuvent gazouiller des milliers et
des
milliers de fois par jour. Cela fait grimper le nombre
d'éléments de
conversation particuliers sur les médias sociaux, ce qui les
fait se
propager,
« devenir viral ».
Les agents numériques sont aussi liés par
ce qui est appelé des «
réseaux de zombis » ou des réseaux d'agents
numériques. Ce sont des
comptes de réseaux sociaux contrôlés par des agents
numériques liés les
uns aux autres et construits pour envoyer des messages et se suivre les
uns les autres. Ils peuvent faire partie de centaines de
comptes uniques mais peuvent être contrôlés par un
utilisateur à partir
d'un seul ordinateur. Ils peuvent être utilisés pour
lancer des
attaques coordonnées contre des individus.
Les chercheurs indiquent que « les agents
numériques politiques
tendent à être développés et
déployés dans des moments politiques
sensibles où l'opinion publique est polarisée.
L'utilisation des agents numériques dans
l'élection américaine
Une étude, Bots and Automation over Twitter
during the U.S. Election, publiée le 17 novembre par
les chercheurs de Project on Computational Propaganda[1], révèle dans
quelle mesure les agents numériques ont été
utilisés lors de l'élection présidentielle
américaine de 2016.
Les auteurs indiquent que l'utilisation de comptes
automatisés
était délibérée et stratégique
durant l'élection. Ils soulignent que
les agents numériques attaquant la campagne Clinton
étaient plus
sophistiqués et ciblés que ceux ciblant la campagne
Trump.
L'équipe de recherche conclut que plus d'un
tiers des gazouillis
pro-Trump et près d'un cinquième des gazouillis
pro-Clinton entre le
premier et deuxième débat présidentiel provenaient
de comptes
automatisés, qui ont produit plus d'un million de gazouillis au
total.
Un agent numérique pro-Trump, @amrightnow, avait
plus de 33 000
abonnés et a inondé Twitter avec des «
théories de conspiration
anti-Clinton ». Il a
généré 1 200 publications lors du
dernier débat.
@loserDonldTrump a regazouillé toutes les
mentions de
@realDonaldTrump qui incluaient le mot « perdant » —
produisant plus
de 2 000 gazouillis quotidiennement.
L'étude indique que pour les deux premiers
débats présidentiels, il
y avait quatre fois plus d'agents numériques pro-Trump que
pro-Clinton.
Au dernier débat, cette différence s'est accentuée
— il y avait sept
agents numériques pro-Trump pour chaque agent numérique
pro-Clinton.
L'étude indique aussi que durant les heures
d'éveil, les comptes
grandement automatisés généraient entre 20
et 25 % du trafic sur
Twitter au sujet de l'élection durant les jours
précédents le vote.
Les auteurs notent que le rythme de campagne politique
automatisée
a chuté après le scrutin — « un rappel que les
militants et les
programmeurs derrière les comptes d'agents automatisés
désactivent
souvent leur automatisation lors de la victoire ».
Les résultats ont été basés
sur une collecte d'environ 19,4
millions de messages Twitter recueillis durant les neuf premiers jours
de novembre. Les gazouillis ont été
sélectionnés en fonction des
mots-clics[2]
identifiant certains sujets et identifiés comme étant des
publications
automatisées en
trouvant des comptes qui publiaient au moins 50 fois par jour. Ces
comptes sont décrits comme des agents numériques qui sont
« soit
irrégulièrement organisés par des personnes ou
activement gérés par des
personnes qui utilisent des algorithmes de planification et d'autres
applications pour automatiser les communications par les médias
sociaux ».
« Par exemple, les 20 premiers comptes, qui
étaient principalement
des agents numériques et comptes grandement automatisés,
avaient en
moyenne plus de 1 300 gazouillis par jour et ils ont
généré plus
de 234 000 gazouillis, notent les chercheurs. Les 100
premiers comptes,
qui utilisent toujours de
hauts niveaux d'automatisation, ont généré
environ 450 000 gazouillis à
un rythme moyen de 500 gazouillis par jour. » Ils
notent aussi qu'ils
s'attendent à ce que le nombre d'agents numériques soit
plus élevé ;
plusieurs agents numériques, après tout, sont construits
pour
contourner les méthodes évidentes
d'identification.
Les chercheurs notent qu'alors que l'élection
continuait, l'étendue
et la sophistication de l'utilisation des agents numériques a
augmenté,
en particulier ceux agissant contre Clinton ou pour Trump. Ils disent,
par exemple, que les mots-clics pro-Trump ont été
insérés dans de plus
en plus de combinaisons de mots-clics « neutres et
pro-Clinton », de sorte qu'au moment de
l'élection, 81,9 % du contenu
hautement automatisé comportait un message pro-Trump.
Ils ajoutent que les comptes automatisés
gazouillant avec des
mots-clics pro-Clinton ont également augmenté leurs
activités au cours
de la période de campagne, mais n'ont jamais atteint le niveau
d'automatisation derrière le trafic pro-Trump.
Le 4 août, l'auteur pour Vanity Fair,
Nick
Bilton,
a
écrit
au
sujet des affirmations de Trump d'avoir
plus
de 22 millions abonnés Twitter, affirmant que beaucoup
d'entre eux
étaient en fait des agents numériques. Il a
écrit : « Selon le site Status People, qui
suit le
nombre de comptes Twitter qui sont agents numériques, inactifs,
ou
réels, seulement 21 % des abonnés Twitter de
Trump sont de vrais
utilisateurs actifs sur la plate-forme. Les autres sont soit des agents
numériques, des agents numériques morts ou de vraies
personnes qui ne
sont plus connectées à Twitter. »
Bilton a également rapporté des agents
numériques utilisés pour
ridiculiser Trump. « Un exemple d'un tel agent numérique a
été créé par
Brad Hayes, un roboticien et chercheur en intelligence artificielle au
Massachusetts Institute of Technology, qui dirige un agent
numérique
appelé @DeepDrumpf. Ce petit agent numérique amusant, qui
a 22 000 abonnés essentiellement réels, utilise
un réseau neuronal qui
a été formé à gazouiller basé sur
les transcriptions passées du vrai
Trump. En regardant quelques exemples, l'agent numérique
@DeepDrumpf
montre combien il est facile de faire paraître quelque chose de
réel,
ou au moins comme une vraie communication de
Trump, même si c'est complètement faux. Un gazouilli, en
réponse à Ted
Cruz, notait : 'Si je suis élu président,
croyez-moi. Je vais apporter
une agression incroyable. J'amène cela en personne. @tedcruz #
Trump2016.' Un autre gazouilli se lit comme suit : 'Je peux
détruire la
vie d'un homme en le tirant sur le mur. C'est toujours ce
que je fais, tuer des gens et créer des emplois.' »
La campagne présidentielle de Hillary Clinton, Hillary
For
America, a créé un agent numérique pour
texter aux utilisateurs des citations
de Trump sur des questions choisies. Les gens qui se sont inscrits
à «
Text Trump » ont reçu des messages dans un style
destiné à imiter
Trump, leur demandant de remettre en question
[l'agent numérique] sur des sujets comme l'économie,
Hillary Clinton ou
la Chine. Lorsqu'ils répondaient avec des citations de Trump
lui-même,
les utilisateurs pouvaient taper « Source », et
recevoir des vidéos ou
des preuves textuelles que Trump avait dit ces choses.
Il est à noter que bien que l'accent soit mis
sur l'utilisation
d'agents numériques sur Twitter, en particulier les agents
numériques «
pro-Trump », leur utilisation contre Trump a
été moins médiatisée. Par
exemple, l'auteur américain Sasha Issenberg a été
interviewé par le
stratège en chef des données des libéraux pour les
élections
fédérales de 2015, Tom Pitifield, lors d'un
événement le 14 décembre
intitulé « Que vient-il de se passer ?
L'élection américaine de 2016
vue de l'intérieur », organisé par le
think-tank
néolibéral Canada 2020. Issenberg a noté que
dans les élections précédentes, la campagne Obama
avait un système par
lequel ses partisans
donnaient accès à la campagne à leur compte
Facebook qui, à l'aide
d'un agent numérique basé sur un algorithme, ils doivent
contacter et
comment (par les médias sociaux, appels
téléphoniques, etc.) dans un
effort pour les amener à voter pour Obama.
Dans un article du 1er novembre publié dans Atlantic,
deux
autres
auteurs
de
l'étude,
Samuel
Woolley et Douglas Guilbeault,
écrivent que les
agents numériques « font taire les gens et les groupes qui
pourraient
autrement avoir un enjeu dans une conversation. En même temps ils
font
en sorte que certains utilisateurs semblent plus populaires, ils
rendent les autres moins susceptibles de parler. Cette spirale de
silence aboutit à moins de discussions et de diversité
dans la
politique. En outre, les agents numériques utilisés pour
attaquer les
journalistes pourraient les inciter à cesser de faire rapport
sur des
questions importantes parce qu'ils craignent les représailles et
le
harcèlement. »
Dans un article du 19 octobre dans le Washington
Post
intitulé « Un gazouilli de débat sur quatre vient
d'un agent numérique.
Voici comment les découvrir », Caitlin Dewey
écrit : « Les agents
numériques ne cherchent pas à changer les coeurs et les
esprits - c'est
une tâche ambitieuse pour un peu de code. Au lieu
de cela, la plupart des agents numériques existent simplement
pour
embrouiller les faits, rendant difficile pour les spectateurs neutres
de discerner la vérité et plus facile pour les partisans
de rejeter
tous les points de vue qui peuvent les heurter. »
Reformulant Philip Howard, dit-elle, « Les agents
numériques, en
particulier ceux pro-Trump, ont tendance à faire circuler des
liens
vers des sites persuasifs de conspiration - souvent, ils sont la
principale force de maintien de ces liens en circulation. En fait, les
agents numériques de Trump tendent à être plus
sophistiqués que ceux de
Clinton,
en utilisant des mots-clics et en incluant des images qui les rendent
plus convaincants.
« Au cours du premier débat, les agents
numériques pro-Trump se
sont concentrés sur le scandale des courriels de Clinton et
Benghazi ;
et pendant le second, ils se sont penchés sur la question du 'je
l'envoie en prison'. Les agents numériques pro-Clinton, pendant
ce
temps, ont diffusé un certain nombre de messages au sujet des
impôts
de Trump pendant le premier débat, et ont pivoté vers son
traitement
des femmes dans le deuxième. »
Citant Howard, elle écrit : «
En 2008 et même en 2012, les agents
numériques Twitter étaient utilisés pour que
quelqu'un ait l'air plus
populaire. Maintenant, c'est plus à propos de garder une
communication
négative, la désinformation, la suspicion et même
le discours haineux
vivants. »
Notes
1. Bence Kollanyi, Philip N. Howard et Samuel C.
Woolley. « Bots
and Automation over Twitter during the U.S. Election. » Data
Memo 2016.4. Oxford, UK : Project on Computational
Propaganda.
www.politicalbots.org. Lié ici.
2. Un mot-clic est un commentaire ou une
déclaration commençant par le carré (#) que les
utilisateurs ajoutent à leurs publications des
médias sociaux
afin que tous ceux intéressés par le sujet auquel fait
référence le
mot-clic peuvent le suivre. Les utilisateurs voient
généralement les
publications des médias sociaux qui ont
été republiées par d'autres, ou liées ou
commentées par d'autres
utilisateurs. Cela est fait par l'utilisation des algorithmes des sites
de médias sociaux qui augmentent davantage la popularité
du contenu.
Le 26 décembre 1862
Le passé dans le présent
Le 26 décembre 1862, le
président des États-Unis Abraham Lincoln a ordonné
la pendaison sur la place publique de 38 Sioux pour avoir
demandé de la nourriture pour leur peuple affamé dans un
camp de concentration.
«Saint Paul le 27
décembre 1862. Monsieur le président, j'ai l'honneur
de vous informer que les 38 Indiens dont vous avez ordonné
l'exécution ont été pendus hier à Mankato,
État du Minnesota, à 10 heures du matin. Tout s'est
passé dans le calme, les autres prisonniers sont sous les
verrous.
-
Respectueusement,
H.H
Sibley,
brigadier-général»
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