Le Marxiste-Léniniste

Numéro 137 - 9 novembre 2016

99e anniversaire de la Déclaration Balfour

Joignez la campagne du centenaire
de la Déclaration Balfour

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La Grande-Bretagne doit accepter sa responsabilité et mettre fin à sa complicité dans la colonisation de la Palestine


De 1917 à 2017: la Palestine disparaît

Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères Arthur Balfour déclarait le 2 novembre 1917 : « Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif [...] étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine [...]. »

La Campagne du centenaire de la Déclaration de Balfour
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99e anniversaire de la Déclaration Balfour
Joignez la campagne du centenaire de la Déclaration Balfour
Comment la Grande-Bretagne a détruit la Palestine, ma patrie - Ramzy Baroud
L'acte le plus odieux
La déclaration Balfour et la création du Royaume de l'Arabie saoudite - Nu'man Abd al-Wahid


99e anniversaire de la Déclaration Balfour

Joignez la campagne du centenaire de
la Déclaration Balfour

Le 2 novembre était le 99e anniversaire de la Déclaration Balfour, une lettre de 1917 envoyée par le secrétaire d'État britannique des Affaires étrangères à un important dirigeant sioniste britannique promettant une terre en Palestine pour la colonisation étrangère. Cet acte criminel de l'empire britannique de « donner » la terre d'un autre peuple usurpé pour la colonisation durant la Première Guerre mondiale a créé les conditions pour toutes les atrocités qui allaient être commises contre les Palestiniens. Il a mené à la proclamation d'un État sioniste. Il est à l'origine du génocide actuel et de la saisie des terres palestiniennes. Le travail est en cours dans plusieurs pays pour préparer le centenaire de cet événement en 2017.

Il sera important de garder à l'esprit les objectifs et la stratégie géopolitique de l'empire britannique à l'époque. Le premier ministre Lloyd George et son secrétaire colonial Winston Churchill informaient le chef de la fédération sioniste Chaim Weizmann en 1921 que pour eux la Déclaration Balfour « a toujours signifié la création éventuel d'un État sioniste ». Pour s'assurer que la minorité sioniste ait l'avantage, Lloyd George a dit à Churchill : « Vous ne devez pas donner un gouvernement représentatif à la Palestine. » Le chercheur Nu'man Abd al-Wahid note : « Les nouveaux colons juifs européens devaient être la garde prétorienne de l'Égypte et spécifiquement du canal de Suez. En tant que tels, dans les mots de Winston Churchill, les Juifs européens seraient alors ‘particulièrement en harmonie avec les intérêts véritables de l'empire britannique' plutôt que d'être des ‘résidents non assimilés dans tous les pays'. »[1]

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) condamne l'acte infâme connu sous le nom de Déclaration Balfour et les crimes qui continuent d'être perpétrés contre le peuple palestinien. Il est aussi important de garder à l'esprit la collusion des gouvernements canadiens successifs dans l'édification d'empire, le projet sioniste, son agression délibérée et ses guerres préventives. Durant la Première Guerre mondiale, le gouvernement Borden, à la requête de Lloyd George, facilitait le recrutement en Ontario par David Ben-Gurion pour la « légion juive », qui marchait sur Jérusalem avec la force expéditionnaire britannico-égyptienne du général Edmund Allenby seulement cinq semaines plus tard, le 9 décembre 1917.

Ramallah, Palestine, 2 novembre 2016

En 1947-48, la contribution du ministre canadien des Affaires étrangères Lester B. Pearson à la légalisation de l'occupation de la Palestine historique aux Nations unies lui a valu le titre ignominieux de « Balfour Canadien » et son rôle durant l'invasion tripartite de l'Égypte, l'occupation du canal de Suez et l'invasion de l'Égypte lui ont valu un prix pour le « maintien de la paix ». Puis le 18 mai 1948, le conseil des ministres du Canada décidait de reporter le débat sur l'application de la Loi sur l'enrôlement à l'étranger à la Palestine pour faciliter le recrutement militaire des Canadiens par la Haganah, une organisation paramilitaire établie pour supprimer la résistance palestinienne.

Aujourd'hui le gouvernement de Justin Trudeau poursuit la criminalisation de toute opposition au sionisme et au terrorisme d'État d'Israël au Canada et à l'étranger sous prétexte que c'est de l'« antisémitisme ». Il l'a répété concernant la résolution du 13 octobre de l'UNESCO, l'organisation culturelle des Nations unies, qui condamnait Israël pour les restrictions d'accès à la mosquée Al-Aqsa par les musulmans à Jérusalem et reconnaissait Israël comme un occupant étranger. Et pendant qu'il tient ce discours le gouvernement Trudeau prétend être contre l'islamophobie et en faveur de la tolérance.

Les Canadiens ont maintes fois exprimé leur dégoût de ce type d'« amitié » avec le sionisme israélien. Nous nous joignons aux peuples du monde pour exiger que cesse l'occupation, que le droit de retour des Palestiniens soit reconnu et que des réparations leur soient faites.

La Campagne du centenaire

La Campagne du centenaire de la Déclaration Balfour a été lancée le 2 novembre avec des événements dans une dizaine de villes. Elle demande au gouvernement britannique des excuses pour la Déclaration Balfour et sa répudiation officielle et différentes mesures de justice. Il y a eu des manifestations le 2 novembre à Jérusalem, Ramallah, Nazareth et Gaza en Palestine ; au Caire en Égypte ; à Amman en Jordanie ; à Damas en Syrie ; à Beyrouth au Liban ; à Londres en Angleterre ; à Édinbourg en Écosse ; et à Belfast en Irlande. Il y a eu des manifestations devant plus de 25 ambassades britanniques dans le monde et à Damas le lancement a été marqué par une conférence nationale.

La déclaration de la campagne se lit comme suit :

« Nous appelons la communauté internationale et toutes les personnes éprises de paix et de justice à se joindre à la campagne pour demander au gouvernement et au parlement du Royaume-Uni :

« 1. de désavouer la Déclaration Balfour et son rôle dans le déplacement et la dépossession du peuple palestinien ;

« 2. de présenter des excuses officielles au peuple palestinien arabe pour avoir rendu possible par la Déclaration Balfour le déplacement et la dépossession du peuple palestinien ;

« 3. de reconnaître sa responsabilité morale et légale historique dans les torts causés en conséquence de la mise en oeuvre de la Déclaration Balfour ;

« 4. de faire des réparations au peuple palestinien suivant les principes et dispositions du droit international, de la justice et de l'équité, qui garantissent le droit de retour des réfugiés palestiniens dans leur patrie et le droit à l'autodétermination. »


Gaza, Palestine, 1er novembre 2016


Gaza, Palestine, 2 novembre 2016

Des comités ont été formés dans plusieurs pays pour préparer le centenaire. À Gaza, les Palestiniens ont manifesté les 1er et 2 novembre. Le 2 novembre au quartier général de l'ONU, des orateurs ont demandé à la communauté mondiale de prendre le parti du peuple palestinien dans sa lutte pour l'affirmation de ses droits. Ils ont aussi lancé l'appel à approfondir l'unité autour de la cause palestinienne devant l'agression israélienne, soulignant l'importance de l'Organisation de libération de la Palestine en tant qu'organisation de tous les Palestiniens.


Beyrouth, Liban, 2 novembre 2016



  Amman, Jordanie, 2 novembre 2016

Le Comité national de la Jordanie pour le 100e anniversaire de la Déclaration Balfour organise présentement des séminaires et entreprend de ramasser des centaines de milliers de signatures qu'il veut présenter à la Chambre des communes et au gouvernement britannique. À Damas, l'évènement a accueilli plusieurs organisations qui représentent plus de 500 000 Palestiniens vivant en Syrie, des syndicats, des organisations politiques, sociales et religieuses ainsi que Bouthainaa Shaaban, conseillère politique du président de la République arabe syrienne. L'événement a mis en lumière les ressemblances entre la division coloniale du Levant et la prise de contrôle étrangère de la Palestine, d'une part, et les efforts impérialistes actuels pour diviser la Syrie et l'Irak à l'aide de combattants étrangers.


Damas, Syrie, 2 novembre 2016

En Angleterre, la campagne Des excuses pour Balfour a organisé un événement à la Chambre des Lords le 31 octobre, parrainé par la baronne Jenny Tonge. Majed Al-Zeer, le président du Centre du droit de retour des Palestiniens, a affirmé : « Nous voulons la reconnaissance officielle de la souffrance palestinienne. Nous nous engageons à lutter pour l'autodétermination des Palestiniens. »


Chambre des Lords, Angleterre, 31 octobre 2016


Devant le Parlement écossais à Édinbourg : la députée du Parti national écossais Sandra White et la député travailliste Claudia Beamish


Belfast, Irlande, 2 novembre 2016

La Campagne populaire palestinienne contre la Déclaration Balfour a émis un communiqué qui se lit comme suit :

« La Déclaration Balfour a été imposée par la puissance coloniale britannique, qui n'avait aucun droit juridique ni légitimité pour subjuguer la Palestine. Elle a illégalement cédé notre patrie, la Palestine, au mouvement sioniste. La Déclaration Balfour avait comme objectif de créer une base coloniale occidentale en Palestine, par la création d'une patrie nationale pour les Juifs en Palestine, aux dépens du peuple palestinien.


Protestation lors de la lecture de la Déclaration Balfour à Jérusalem en 1919

« Le Royaume-Uni, avec des superpuissances comme alliés, continue de jouer un rôle majeur en défendant Israël et son appareil colonial d'apartheid, de colonies de peuplement et de nettoyage ethnique des Palestiniens, lui conférant une légitimité. C'est ce qui permet à Israël d'agir avec impunité et l'incite à continuer de nier aux Palestiniens leurs droits fondamentaux : le droit à l'autodétermination et le droit de retourner à leurs maisons natales desquelles eux et leurs ancêtres furent déracinés en 1948. Aujourd'hui, la Grande-Bretagne prête main-forte aux États-Unis dans la perpétuation du néocolonialisme.

« Sans les politiques coloniales britanniques qui se sont poursuivies dès les premiers jours du soi-disant mandat britannique en 1917 jusqu'au retrait des Britanniques de la Palestine en 1948, la catastrophe palestinienne qui perdure depuis cent ans n'aurait jamais eu lieu. Les politiques coloniales britanniques comprirent le nettoyage ethnique de près de 300 000 Palestiniens par l'expulsion et le refus de la citoyenneté, le vol des propriétés des Palestiniens qui furent ensuite accordées aux colons israéliens, des armes et de la formation aux colons israéliens, l'écrasement de la résistance palestinienne par les moyens les plus horribles imaginables, et la destruction de la société palestinienne et de son tissu social. Ces politiques ont éventuellement mené à la partition de la Palestine et à la création d'Israël.

« La catastrophe vécue par le peuple palestinien en 1948 se poursuit aux mains d'Israël, aidé par les États-Unis, et suivant les mêmes vieilles politiques et législations établies par les Britanniques telles que les lois de confiscation des terres, la démolition de maisons, la détention ‘administrative', les déportations, la répression par la violence et l'expulsion continue de près de 79 millions de Palestiniens à qui on nie les droit humains et nationaux fondamentaux, tout particulièrement le droit de retour et le droit de vivre normalement dans la patrie qui est leur.

« Et comme la catastrophe (nakba) du peuple palestinien n'aurait jamais eu lieu sans l'appui militaire, diplomatique, économique continu et l'appui des médias envers Israël par les Britanniques et l'occident qui se poursuit jusqu'à ce jour, nous, les Arabes palestiniens en Palestine et dans toute la diaspora, y compris les organisations et les associations de la société civile palestinienne, appelons toutes les personnes éprises de liberté du monde, tous ceux et celles qui croient aux droits humains, à la justice et aux valeurs humaines fondamentales à se joindre à nous et à notre campagne. »

Pour la Campagne du centenaire de la Déclaration Balfour, cliquez www.bdcc2017.com.

Note

 1. Nu'man Abd al-Wahi, « The Empire's Balfour Declaration and the Suez Canal », Churchill's Karma, 20 décembre 2012

(Photos : Balfour Declaration Centenary Campaign, Balfour Apology Campaign, O. Aqarbeh, K. Abdelmajeed, I. Hijjawi, Maan News, M. Asad, A. Khalefa)

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Comment la Grande-Bretagne a détruit
la Palestine, ma patrie


  La route qui mène nulle part du peintre Ismail Shammout (1930-2006) qui fut expulsé de Lydda en 1948. Le sort des réfugiés est dépeint dans beaucoup de ses tableaux. (Displaced Palestinians)

Quand j'étais enfant dans un camp de réfugiés à Gaza, j'attendais le 2 novembre. Ce jour-là, chaque année, des milliers d'étudiants et d'habitants du camp descendaient sur la place principale, brandissant des drapeaux et des pancartes pour la Palestine et condamnant la Déclaration Balfour.

À vrai dire, mon attente était motivée en grande partie par le fait que les écoles fermeraient inévitablement ce jour-là, et qu'après une confrontation courte mais sanglante avec l'armée israélienne d'occupation, je rentrerai tôt auprès de ma mère si aimante et je mangerai un snack et regarderai des dessins-animés.

À l'époque, je n'avais aucune idée de qui était réellement Balfour, et comment sa « déclaration » avait tout au long des années changé le destin de ma famille et, par conséquent, ma vie et aussi celle de mes enfants.

Tout ce que je savais, c'est que Balfour était une très mauvaise personne et qu'à cause de son terrible méfait, nous survivions dans un camp de réfugiés entourés d'une armée violente et d'un cimetière toujours en pleine expansion et rempli de « martyrs ».

Des décennies plus tard, le destin m'amènerait à visiter l'église de Whittingehame, une petite paroisse, où Arthur James Balfour est maintenant enterré.

Alors que mes parents et mes grands-parents sont enterrés dans un camp de réfugiés, un espace toujours tenu à part sous un siège perpétuel et des difficultés incommensurables, le lieu de repos de Balfour est une oasis de paix et de calme. La prairie toute vide tout autour de l'église serait assez grande pour accueillir tous les réfugiés de mon camp.

Et en définitive, je suis devenu pleinement conscient de pourquoi Balfour était une « très mauvaise personne ».

Autrefois premier ministre de Grande-Bretagne, puis ministre des Affaires étrangères à la fin de 1916, Balfour a promis ma patrie à un autre peuple. Cette promesse a été faite le 2 novembre 1917 au nom du gouvernement britannique sous la forme d'une lettre envoyée au leader de la communauté juive en Grande-Bretagne, Walter Rothschild.

À l'époque, la Grande-Bretagne n'avait même pas le contrôle de la Palestine, laquelle faisait encore partie de l'Empire ottoman. Quoi qu'il en soit, ma patrie n'a jamais été la propriété de Balfour pour qu'il puisse la transférer ainsi à l'aveuglette à quelqu'un d'autre. Sa lettre disait : « Le gouvernement de Sa Majesté considère favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif et mettra tout en oeuvre pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant entendu que rien ne devra être fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives existantes en Palestine, ou les droits et le statut politique dont jouissent les juifs dans tout autre pays. »

Il concluait : « Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste. »

Ironiquement, les membres du parlement britannique considèrent aujourd'hui que l'utilisation du terme « sioniste » est à la fois antisémite et abusive.

Le gouvernement britannique ne manifeste aucun remord après toutes ces années. Il n'a jusqu'à ce jour pris aucune mesure liée à une quelconque responsabilité morale, même symbolique, pour ce qu'il a fait endurer aux Palestiniens. Pire encore, il est maintenant occupé à vouloir contrôler le langage utilisé par les Palestiniens pour qualifier ceux qui les ont privés de leur terre et de leur liberté.

Balfour n'était de loin pas le seul responsable... Certes, la Déclaration porte son nom, mais en réalité, il était le fidèle agent d'un empire qui avait des plans géopolitiques à très grande échelle, non seulement concernant la Palestine mais aussi tout le monde arabe.

Juste un an plus tôt, un autre et sinistre document avait été signé, bien que secrètement. Il avait été approuvé par le haut diplomate britannique Mark Sykes et par François Georges-Picot du côté français. Les Russes furent informés de l'accord, car ils devaient également recevoir un morceau du gâteau ottoman.

Le document indiquait que, une fois les Ottomans vaincus, leurs territoires -- dont la Palestine -- seraient divisés entre les les partis victorieux potentiels.

En fait, juste avant qu'il ne devienne premier ministre, David Cameron a déclaré, devant le groupe des « Conservateurs amis d'Israël », qu'il était lui aussi « sioniste ». Dans une certaine mesure, se déclarer sioniste reste un rituel à respecter pour certains dirigeants occidentaux...

L'accord Sykes-Picot, également connu sous le nom d'Accord pour l'Asie mineure, a été signé en secret il y a exactement 100 ans, deux ans après la Première Guerre mondiale. Il illustrait la nature brutale des puissances coloniales qui rarement associaient la terre et ses ressources aux peuples qui y vivaient et en avaient la propriété.

La pièce maîtresse de l'accord était une carte marquée de lignes droites par un crayon épais. La carte a déterminé en grande partie le sort des Arabes, en les divisant selon diverses hypothèses très hasardeuses de lignes tribales et sectaires.


La carte de l'accord Sykes-Picot de 1916

Une fois la guerre terminée, le butin devait être divisé en sphères d'influence :

- La France recevrait les zones marquées (a), qui comprenaient la région du sud-est de la Turquie, le nord de l'Irak -- y compris Moussol et sa région, et la plus grande partie de la Syrie et du Liban.

- Les zones qui revenaient aux Britanniques étaient marquées par la lettre (b), avec la Jordanie, le sud de l'Irak, Haïfa et Acre en Palestine, ainsi qu'une bande côtière entre la mer Méditerranée et le Jourdain.

- La Russie se verrait accordé Istanbul, l'Arménie et le détroit stratégique turc.

La carte improvisée consistait non seulement en lignes, mais aussi en couleurs, avec un langage qui prouvait bien que les deux pays considéraient la région arabe d'un point de vue purement matérialiste, sans porter la moindre attention aux répercussions possibles du découpage de civilisations entières dont l'histoire était faite de coopérations et de conflits.

On peut lire dans cet extrait de l'accord :

« ... dans la zone bleue, la France, et dans la zone rouge la Grande-Bretagne seront autorisées à établir une administration ou un contrôle direct ou indirect, selon ce qu'ils désireront et qu'ils jugeront [nécessaire] à propos d'organiser un État arabe ou une confédération d'États arabes. »

La zone de couleur brune, quant à elle, a été désignée comme devant être sous administration internationale, dont la nature devait être décidée après de nouvelles consultations entre la Grande-Bretagne, la France et la Russie. Les négociations Sykes-Picot se terminèrent en mars 1916 et furent officielles, bien que signées secrètement le 19 mai 1916. La Première Guerre mondiale se termina le 11 novembre 1918, après quoi la division de l'Empire ottoman fut sérieusement entamée.

Les mandats britanniques et français ont été étendus sur des entités arabes divisées, tandis que la Palestine a été livrée au mouvement sioniste un an plus tard, quand Balfour a transmis la promesse du gouvernement britannique de sceller le destin de la Palestine, condamnant celle-ci à vivre dans une guerre et une instabilité perpétuelles.

L'idée des « artisans de la paix » occidentaux et des « honnêtes négociateurs », qui sont très présents dans tous les conflits du Moyen-Orient, n'est pas nouvelle. La trahison britannique des aspirations arabes remonte à plusieurs décennies. Les Britanniques ont utilisé les Arabes comme des pions dans leur « Grand Jeu » contre d'autres prétendants coloniaux, et uniquement pour ensuite les trahir tout en se présentant comme des amis à la générosité sans borne.

Nulle part ailleurs cette hypocrisie n'a été autant mise en évidence que dans le cas de la Palestine. À partir de la première vague de migration juive sioniste en Palestine en 1882, les pays européens ont contribué à faciliter l'immigration tout à fait illégale de colons, avec leurs ressources, s'installant dans de nombreuses colonies, grandes et petites.

Donc, quand Balfour a envoyé sa lettre à Rothschild, l'idée d'une patrie juive en Palestine était déjà une réelle possibilité.

Pourtant, de nombreuses et arrogantes promesses avaient été faites aux Arabes pendant les années de la Grande Guerre, alors que le leadership arabe auto-désigné se rangeait aux côtés des Britanniques dans leur guerre contre l'Empire ottoman. Les Arabes s'étaient alors vus promettre une indépendance immédiate, dont celle des Palestiniens.

L'idée dominante entre les dirigeants arabes était que l'article 22 du Pacte de la Société des Nations devait s'appliquer aux provinces arabes qui étaient gouvernées par les Ottomans. Il avait été dit aux Arabes qu'ils devaient être respectés en tant que « mission sacrée de civilisation », et que leurs communautés devaient être reconnues comme des « nations indépendantes ».

Les Palestiniens voulaient croire qu'ils étaient également inclus dans cette civilisation « sacrée » et méritaient tout autant leur indépendance. Leur attitude positive en juillet 1919, en tant que délégués et votants lors du Congrès pan-arabe qui a élu Faisal comme roi d'un État incluant la Palestine, le Liban, la Transjordanie et la Syrie, et leur soutien sans défaut à Sharif Hussein de La Mecque, étaient la preuve de leur désir d'une souveraineté si longuement convoitée.

Lorsque les intentions des Britanniques et leur collusion avec les sionistes sont devenues trop évidentes, les Palestiniens se sont rebellés, une rébellion qui 99 ans plus tard n'a jamais cessé, car les terribles conséquences du colonialisme britannique et de la main mise sioniste sur la Palestine n'ont cessé au fil de toutes ces années.

Les tentatives pour calmer la colère palestinienne n'ont servi à rien, surtout après que le Conseil de la Société des Nations en juillet 1922 ait approuvé les termes du Mandat britannique sur la Palestine -- accordé initialement à la Grande-Bretagne en avril 1920 -- sans consulter les Palestiniens. Ceux-ci vont alors disparaître des centres d'intérêt britanniques et internationaux, mais pour réapparaître comme des émeutiers sans grande importance, des fauteurs de troubles et des obstacles aux magouilles anglo-sionistes.

Malgré des assurances occasionnelles, l'intention britannique d'assurer l'installation d'un État exclusivement juif en Palestine devenait de plus en plus claire avec le temps.

La Déclaration Balfour n'avait rien d'une aberration, car elle a effectivement ouvert la voie au nettoyage ethnique à grande échelle qui a suivi, trois décennies plus tard.

Dans son livre Before Their Diaspora, le chercheur palestinien Walid Khalidi a bien mis en évidence la forte compréhension collective entre les Palestiniens sur ce qui s'était passé dans leur patrie il y a près d'un siècle :

« Le Mandat, dans son ensemble, a été considéré par les Palestiniens comme un condominium anglo-sioniste et ses termes comme un instrument pour la mise en oeuvre du programme sioniste. Il a été imposé [aux Palestiniens] par la force, et ceux-ci ont considéré qu'il était légalement et moralement invalide. Les Palestiniens constituaient la grande majorité de la population et possédaient la plus grande partie de la terre. Il était inévitable que la lutte qui en découlât serait centrée sur ce statu quo. Les Britanniques et les sionistes étaient déterminés à le renverser, les Palestiniens à le défendre et à le préserver. »

De fait, cette histoire reste en constante répétition : les sionistes ont revendiqué la Palestine et l'ont renommée « Israël » ; les Britanniques continuent de les soutenir, sans jamais cesser de vouloir flatter les Arabes ; le peuple palestinien reste une nation géographiquement fragmentée entre les camps de réfugiés, dans la diaspora, occupés militairement ou traités comme des citoyens de seconde zone dans un pays où ont vécu leurs ancêtres depuis des temps immémoriaux.

Alors que Balfour ne peut pas être rendu responsable de tous les malheurs qui ont frappé les Palestiniens depuis qu'il a communiqué sa courte mais infâme missive, la notion que sa « promesse » incarnait — celle d'un mépris total des aspirations du peuple arabe et palestinien — a été reprise d'une génération à l'autre par les diplomates britanniques, de la même façon que la résistance palestinienne au colonialisme a été transmise entre les générations.

Dans son essai dans Al-Ahram Weekly, intitulé « Vérité et réconciliation », le regretté professeur Edward Said écrivait : « Jamais la Déclaration Balfour ni le mandat n'ont spécifiquement concédé des droits politiques aux Palestiniens, en opposition aux droits civils et religieux en Palestine. L'idée d'une inégalité entre Juifs et Arabes a ainsi été bâtie initialement par la politique britannique, puis par les politiques israéliennes et étatsuniennes. »

Cette inégalité se poursuit, et en même temps la perpétuation du conflit. Ce que les Anglais, les premiers sionistes, les Américains et les gouvernements israéliens suivants n'ont pas compris et continuent d'ignorer à leur propre péril, c'est qu'il ne peut y avoir de paix sans justice ni égalité en Palestine, et que les Palestiniens continueront de résister tant que les raisons qui ont inspiré leur rébellion il y a près d'un siècle demeureront en place.

Quatre-vingt-dix-neuf ans plus tard, le gouvernement britannique doit toujours avoir le courage moral d'assumer la responsabilité du mal qu'il a fait au peuple palestinien.

Quatre-vingt-dix-neuf ans plus tard, les Palestiniens refusent plus que jamais que leurs droits en Palestine soient rejetés, que ce soit par Balfour ou par ses pairs modernes dans le « gouvernement de Sa Majesté ».

(Al-Jazeera 2 novembre 2016. Traduction : Chronique de Palestine)

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L'acte le plus odieux

La Déclaration Balfour de 1917 a été et continue d'être l'acte le plus odieux jamais commis par l'empire britannique. À l'occasion de son anniversaire, Stuart Littlewood souligne que cette déclaration « marque le début de la colonisation qui se poursuit toujours de la Palestine et a semé les germes d'un cauchemar interminable pour les Palestiniens, ceux qui ont été forcés de fuir sous la menace des armes et ceux qui ont réussi à rester dans les restes déchiquetés de leur patrie sous occupation militaire brutale d'Israël ».

Stuart Littlewood analyse les événements qui ont préparé le terrain pour un siècle de nettoyage ethnique et de déni des droits des Palestiniens. LML publie des extraits de son article qui explique cette tragédie qui « a bouleversé la vie des Palestiniens ».

***

Pendant des siècles, longtemps notre terre asservie
par les rois turcs aux lames aiguisées.

Nous avons prié pour en finir avec la malédiction du Sultan,
le Britannique est venu et a dit ce verset.

« C'est la Première Guerre mondiale, si vous êtes d'accord
pour lutter avec nous, nous allons vous libérer. »

Dans la guerre que nous avons menée aux côtés de la Grande-Bretagne,
notre sang a été versé pour la fierté arabe.

À la fin de la guerre les Turcs furent battus,
notre seul gain, les mensonges de la Grande-Bretagne.

Ces vers simples de Stephen Ostrander percent la montagne de rhétorique et vont à la source du conflit arabo-israélien.

Il y avait un État juif en Terre Sainte, il y a quelque 3 000 ans, mais les Cananéens et les Philistins étaient là les premiers. Les Juifs, l'un de plusieurs groupes d'envahisseurs, sont partis et sont revenus plusieurs fois et ont été expulsés par l'occupation romaine en l'an 70 de notre ère puis en 135. Depuis le VIIe siècle, la Palestine a été principalement arabe. Au cours de la Première Guerre mondiale, le pays a été « libéré » du joug turc ottoman après que les puissances alliées, dans une lettre de Sir Henry McMahon à Hussein ibn Ali, chérif de La Mecque en 1915, aient promis l'indépendance aux dirigeants arabes en échange de leur aide pour vaincre l'allié de l'Allemagne.

Cependant, un nouveau mouvement politique juif, connu sous le nom de sionisme, trouvait la faveur de l'élite dominante à Londres, et le gouvernement britannique a été persuadé par le porte-parole principal des sionistes, Chaim Weizman, de leur livrer la Palestine pour établir leur nouvelle patrie juive. L'engagement antérieur donné aux Arabes, qui occupaient et possédaient cette terre depuis 1 500 ans, plus longtemps, disent certains historiens, que les Juifs l'ont jamais fait, semblait avoir été oublié.

Les sionistes, nourris de l'idée qu'une ancienne prophétie biblique leur en donnait les droits, ont cherché à expulser les Arabes en implantant des millions de juifs d'Europe orientale. Ils avaient déjà créé des collectivités agricoles et fondé une nouvelle ville, Tel-Aviv, mais en 1914, la population juive n'était que de 85 000 et la population arabe de 615 000. L'infâme Déclaration Balfour de 1917, en fait une lettre du ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Balfour, à l'éminence de la communauté juive en Angleterre, Lord Rothschild, était une promesse d'aide à la cause sioniste au mépris manifeste des conséquences pour la majorité indigène. Se disant une « déclaration de sympathie à l'adresse des aspirations juives et sionistes », cette déclaration se lit :

« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine .... »

Balfour, un sioniste converti, a écrit plus tard :

« Pour ce qui est de la Palestine, nous ne proposons aucunement de consulter les souhaits des habitants actuels du pays... Les quatre grandes puissances sont engagées vis-à-vis du sionisme, et le sionisme, qu'il soit juste ou faux, bon ou mauvais, représente beaucoup plus en tradition séculaire, en besoins actuels, en futurs espoirs, que le désir et les préjudices des 700 000 Arabes qui habitent aujourd'hui cette terre. »

Il y avait de l'opposition. Lord Sydenham a fait cette mise en garde :

« Le mal causé par le débarquement d'une population étrangère sur un pays arabe... [est un mal] auquel on pourrait ne jamais remédier... Ce que nous avons fait, par des concessions faites, non pas au peuple juif, mais à une section extrémiste sioniste, est d'initier une véritable plaie à l'Est, et personne ne peut dire jusqu'où s'étendra cette plaie. »

La Commission américaine King-Crane de 1919 a jugé qu'il s'agissait d'une violation flagrante de principe. « Aucun des officiers britanniques que la Commission a consultés n'a pensé que le programme sioniste pourrait être appliqué sans avoir recours à la force des armes. Ce qui en soi est une preuve d'un profond sentiment de l'injustice du programme sioniste. »

Il y avait d'autres raisons pourquoi les Britanniques se dirigeaient vers une catastrophe. Un accord secret, appelé les accords Sykes-Picot, avait été conclu en 1916 entre la France et la Grande-Bretagne, avec l'aval de la Russie, pour redessiner la carte des territoires du Moyen-Orient pris à la Turquie. La Grande-Bretagne devait prendre Haïfa, l'Irak et la Jordanie. La région maintenant appelée la Palestine a été déclarée une zone internationale. Les accords Sykes-Picot, la Déclaration Balfour et les promesses faites plus tôt dans les lettres de Hussein-McMahon se recoupent tous.[...]

L'Organisation sioniste a demandé la permission de soumettre sa proposition pour la Palestine à la Conférence de paix de Paris de 1919, profitant de la demande britannique de se faire accorder un mandat sur la Palestine afin de mettre en oeuvre la Déclaration Balfour. Les sionistes ont présenté un mémoire dans lequel ils affirmaient que « la terre elle-même a besoin de rédemption. Une grande partie de celle-ci est déserte. Son état actuel est un reproche permanent. Deux choses sont nécessaires pour cette rédemption, un gouvernement stable et éclairé et un complément à la population actuelle qui doit être énergique, intelligent, dévoué au pays et soutenu par les importantes ressources financières qui sont indispensables au développement. Une telle population, seuls les juifs peuvent la fournir. »


Manifestation à Jérusalem en 1920 en faveur d'une nation arabe dirigée par Damas

Des juifs américains influents se sont opposés à cette déclaration et ont remis au président Woodrow Wilson une contre-déclaration contre le plan des sionistes et lui ont demandé de la présenter à la Conférence de paix. Dans cette déclaration, ils disaient que le plan de réorganiser les juifs comme une entité nationale avec une souveraineté territoriale en Palestine « non seulement dénature la tendance de l'histoire des Juifs, qui ont cessé d'être une nation il y a 2 000 ans, mais implique la limitation et l'annulation possible de revendications plus larges des juifs pour obtenir la pleine citoyenneté et les droits humains dans tous les pays et terres où ces droits ne sont pas encore garantis. Pour la simple raison que l'ère nouvelle dans laquelle le monde est entré vise à établir partout des gouvernements fondés sur les principes d'une véritable démocratie, nous rejetons le projet même d'un foyer national pour le peuple juif en Palestine ».

Prévoyant l'avenir avec une précision étonnante, ils poursuivaient : « nous nous réjouissons des propositions annoncées de la Conférence de la paix d'appliquer concrètement les principes fondamentaux de la démocratie. Le principe, qui affirme l'égalité des droits de tous les citoyens d'un État, sans distinction de croyance ou d'origine ethnique, devrait s'appliquer de manière à exclure toute ségrégation que son origine soit nationaliste ou autres. Cette ségrégation va créer inévitablement des différences entre les parties de la population d'un pays. Un tel plan de ségrégation est nécessairement réactionnaire dans sa tendance, antidémocratique en esprit et va entièrement à l'encontre des pratiques de gouvernement libre, comme le montre particulièrement l'exemple de notre propre pays. »

La contre-déclaration citait Sir George Adam Smith, un érudit biblique renommé et un expert reconnu sur la région, qui a déclaré : « Ce n'est pas vrai que la Palestine est le foyer national du peuple juif et d'aucun autre peuple... Il n'est pas non plus exact d'appeler ses habitants non juifs ' arabes ', ou de dire qu'ils n'ont laissé aucune image de leur esprit et n'ont pas d'histoire, la Grande Mosquée mise à part... Ni nous ne pouvons éluder le fait que les communautés chrétiennes ont été [là] plus longtemps que les juifs l'ont jamais été... Ce sont des questions légitimes, nourries par les revendications du sionisme, mais les sionistes n'ont pas encore eu à les confronter pleinement. »

L'Amérique, l'Angleterre, la France, l'Italie, la Suisse et toutes les nations les plus avancées du monde, poursuit la contre-déclaration, sont composées de représentants de plusieurs races et religions. « Leur gloire réside dans la liberté de conscience et des cultes, dans la liberté de pensée et de coutumes qui lient les disciples de nombreuses religions et civilisations dans les liens communs de l'union politique... Un État juif implique des limitations fondamentales quant à la race et à la religion, ou alors le terme ' juif ' ne signifie rien. Unir l'église et l'État, de quelque façon que ce soit, comme dans le cadre de l'ancienne hiérarchie juive, serait un bond en arrière de deux mille ans.

« Nous demandons à ce que la Palestine constitue un État libre et indépendant, gouvernée par un gouvernement démocratique qui ne fait aucune distinction de croyance, de race ou d'origine ethnique et possède une puissance adéquate pour protéger le pays contre l'oppression de tout genre. Nous ne souhaitons pas voir la Palestine, maintenant ou à tout moment dans l'avenir, organisée comme un État juif.  »

Mais apparemment Wilson n'a pas présenté le document à la Conférence.

En 1922, la Société des Nations a placé la Palestine sous mandat britannique, qui a intégré les principes de la Déclaration Balfour. L'immigration juive serait facilitée « dans des conditions appropriées » et une loi sur la nationalité permettrait aux juifs qui s'installent définitivement en Palestine d'acquérir la citoyenneté palestinienne (ce qui contraste fortement avec la loi actuelle pour juifs seulement d'un Israël dominant). Mais le haut commissaire a vite recommandé un arrêt de l'immigration des juifs de crainte que cela ne crée une classe de paysans arabes sans terre. La même année le gouvernement britannique, conscient des craintes arabes à l'effet que la Déclaration Balfour était interprétée de façon « exagérée » par les sionistes et leurs sympathisants, a publié un Livre blanc afin de clarifier sa position.

« Il [le gouvernement britannique] désire attirer l'attention sur le fait que les termes de la déclaration précitée n'envisagent pas que la Palestine dans son ensemble sera convertie en un Foyer national juif mais qu'un tel foyer sera établi en Palestine. À ce sujet, on a remarqué avec satisfaction que dans une réunion du Congrès sioniste qui est l'assemblée exécutive suprême de l'Organisation sioniste, réunion tenue à Carlsbad en septembre 1921, une résolution fut votée donnant une expression officielle du but poursuivi par les sionistes, soit la détermination du peuple juif à vivre avec le peuple arabe dans l'unité et le respect mutuel et en collaboration avec lui pour faire du foyer commun une communauté florissante, dont l'édification peut assurer à chacun de ses peuples un développement national non perturbé...

« Il convient également de souligner que la commission sioniste, devenue l'exécutif sioniste de Palestine, n'a jamais eu le désir d'avoir une part dans l'administration générale du pays. La situation très particulière attribuée à l'Organisation sioniste à l'Article IV du projet de mandat pour la Palestine n'implique pas ces fonctions. Cette position spéciale se rapporte aux mesures qui devront être prises en Palestine concernant la population juive. On envisage que l'Organisation sioniste pourra contribuer au développement général du pays mais elle n'aura aucun titre à prendre dans son gouvernement.

« En outre, il est prévu que tous les citoyens de Palestine seront palestiniens, il n'y aura pas d'intention qu'ils, ou toute autre section d'entre-eux, devraient posséder un autre statut juridique.

« Il faut que la communauté juive de Palestine puisse se développer numériquement par l'immigration, déclare avec ambiguïté magistrale le Livre blanc. Cette immigration ne saurait toute fois dépasser en volume la capacité d'absorption économique du pays, quelle qu'elle puisse être au moment envisagé. Il est indispensable de veiller à ce que les immigrants ne soient pas une charge pour l 'ensemble de la population de la Palestine et qu'ils ne privent pas la population actuelle de ses possibilités de travail. »

Cependant, le Livre blanc nie catégoriquement qu'une promesse a été faite aux arabes avant la Déclaration Balfour.

« Il n'est pas exact, comme cela a été présenté par la délégation arabe, que, au cours de la guerre, le Gouvernement de sa Majesté se soit engagé à ce qu'un gouvernement national indépendant soit immédiatement établi en Palestine. Cette représentation repose principalement sur une lettre datée du 24 octobre 1915, de Sir Henry McMahon, alors haut-commissaire de sa majesté en Égypte, au chérif de la Mecque, maintenant le roi Hussein du Royaume du Hijaz. Cette lettre est invoquée comme contenant la promesse faite au chérif de la Mecque de reconnaître et de favoriser l'indépendance des Arabes sur les territoires indiqués dans sa proposition. Mais cette promesse était accompagnée dans la même lettre d'une réserve déclarant que cette promesse ne s'appliquait pas, entre autres territoires, à la partie de la Syrie située à l'ouest du district de Damas. Le Gouvernement de Sa Majesté a toujours considéré que cette réserve s'étendait au vilayet de Beyrouth et au sandjak indépendant de Jérusalem. La promesse de Sir H. McMahon ne s'appliquait donc pas à toute la Palestine située à l'ouest du Jourdain.

« Néanmoins, l'intention du Gouvernement de sa Majesté est de favoriser la mise en place d'une autonomie gouvernementale complète en Palestine. Mais il est d'avis que, dans les circonstances particulières de ce pays, cela devrait se faire par étapes progressives... »

Dès lors, la situation est allée de mal en pis. [...]

En 1937, la Commission Peel a déclaré que les promesses britanniques faite aux Arabes et aux sionistes étaient inconciliables et impraticables. Trop tard, la Grande-Bretagne a abandonné son engagement envers les sionistes et a commencé à parler d'un État palestinien ayant une majorité arabe garantie et une protection pour les minorités.

Les sionistes ont réagi de manière furieuse. Leur aile militaire clandestine, la Haganah et d'autres groupes armés, ont déclenché un règne de terreur à l'approche de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont poursuivi leurs attaques contre les Britanniques après la guerre et ont tenté d'amener des centaines de milliers de réfugiés juifs.

En 1946, ils ont fait sauter l'aile sud de l'hôtel King David à Jérusalem, qui abritait le siège du gouvernement britannique mandaté, tuant 91 personnes. Cette action terroriste a été ordonnée par David Ben-Gourion en représailles à l'arrestation des membres de la Haganah, de l'Irgun et de Stern soupçonnés d'attaques contre les Britanniques. Puis il a mieux réfléchi et a annulé l'opération ; mais Menachem Begin qui dirigeait l'Irgun est allé de l'avant. Ben-Gourion et Begin, dont la tête avait été mise à prix en tant que terroriste recherché, sont devenus des premiers ministres israéliens.

Carte 1 : 1947 Partition de la Palestine par les Nations unies. Dans le cadre du plan de partition des Nations unies, les Juifs ont reçu 55% du pays (y compris les villes portuaires de Tel Aviv, Jaffa et Haïfa, la mer de Galilée et le Néguev riche en ressources), mais ils ne représentaient que seulement le tiers de la population ( 548 000 par rapport à 1 750 000) et ne possédaient que 6% du territoire.

Tout au long de cette période, les États-Unis ont été réticents à permettre aux Juifs fuyant l'Europe d'entrer dans les espaces vides de l'Amérique du Nord, préférant jouer la carte sioniste et les voir s'engouffrer en Palestine. En 1945, le nouveau président américain, Harry Truman, a offert cette excuse aux Arabes : « Je suis désolé, messieurs, mais je dois répondre à des centaines de milliers de personnes qui souhaitent ardemment le succès du sionisme ; je n'ai pas des centaines de milliers d'Arabes parmi mes électeurs. »

Toutefois, Truman a été fréquemment exaspéré par le lobby sioniste et une délégation a été expulsée un jour de la Maison-Blanche pour son comportement grossier. Il a écrit : « Je crains beaucoup que les Juifs soient comme tous les laissés pour compte. Quand ils arrivent au sommet, ils sont tout aussi intolérants et cruels que ceux qui l'étaient avec eux lorsqu'ils étaient opprimés. »

L'auteur américain Gore Vidal a écrit quelque chose de très intéressant. « Vers la fin des années 1950, ce potineur de renommée mondiale et historien d'occasion qu'était John F. Kennedy m'a raconté qu'en 1948, Harry S. Truman était quasiment abandonné de tous lorsqu'il s'est présenté à la présidence. Un sioniste américain lui a alors apporté deux millions $ en espèces, dans une valise, à bord de son train de campagne qui sillonnait le pays. ' C'est pourquoi notre reconnaissance d'Israël a été faite si rapidement.' Ni Jack ni moi n'étions antisémites (contrairement à son père et à mon grand-père). Nous avons pris cela comme une anecdote drôle de plus à propos de Truman et de la corruption sans remords de la politique américaine. »

À ce moment-là, ce monstre auquel la Grande-Bretagne avait insufflé de la vie était hors de contrôle. Les Arabes, trompés et dépossédés, ont été outrés. Depuis ce temps, l'impact a été mortellement dommageable aux relations entre l'Occident et l'Islam. Cette escalade de la violence a poussé Gandhi à déclarer que « la Palestine appartient aux Arabes dans le même sens que l'Angleterre appartient aux Anglais ... Ils [les Juifs] ont erré sérieusement en cherchant à s'imposer à la Palestine avec l'aide de l'Amérique et de la Grande-Bretagne, et maintenant celle du terrorisme ouvert ».

Alors que le mandat allait se terminer en 1948, une Grande-Bretagne épuisée a remis le problème aux Nations unies et s'est préparée à quitter la Terre sainte, laissant un baril de poudre avec la mèche allumée. Les Nations unies nouvellement formées ont pensé qu'elles sauveraient la situation en divisant la Palestine en États arabe et juif et en faisant de Jérusalem une ville internationale. Mais cela a donné aux Juifs 55 % de la Palestine alors qu'ils représentaient seulement 30 % de sa population. La Ligue arabe et les Palestiniens l'ont évidemment rejetée.

La partition de la Palestine par les Nations unies n'a jamais fait l'objet d'un examen minutieux. À l'époque, comme l'ont souligné certains commentateurs, les membres de l'ONU ne comprenaient pas les États africains, et la plupart des États arabes et asiatiques étaient encore des régimes colonialistes. L'ONU était essentiellement un club de colonialistes blancs. Les Palestiniens eux-mêmes n'avaient aucune représentation et ils n'étaient même pas consultés.


  Carte 2 : Israël et les territoires palestiniens occupés. À la fin de la guerre de 1948, Israël contrôlait 78 % du pays, y compris la moitié du territoire qui avait été attribué par l'ONU aux Palestiniens. Environ 750 000 Palestiniens vivant dans ce qui est devenu Israël sont devenus des réfugiés : seuls 100 000 sont restés chez eux. Plus de 418 villages (les deux tiers des villages de la Palestine) ont été systématiquement détruits par Israël après que leurs résidents aient quitté ou aient été chassés. Les zones arabes ont alors été réduites à 22 % du pays, la Cisjordanie a été saisie par la Jordanie et la bande de Gaza par l'Égypte. La Ligne d'Armistice de 1949 (la « Ligne Verte ») demeure de fait la frontière de l'État d'Israël jusqu'à aujourd'hui. Depuis 1988, date à laquelle les Palestiniens ont reconnu Israël à l'intérieur de cette frontière, elle a été à la base de l'option des deux États.

Le premier vote n'a pas atteint la majorité des deux tiers requise : 25 pour la partition, 13 contre et 19 abstentions. Pour assurer le succès au second vote, beaucoup de pression a été exercée sur les petits pays, mais en vain. À la troisième tentative, la France a été persuadée de « se rallier » après que les États-Unis aient menacé de retirer l'aide d'après-guerre désespérément nécessaire. Le 29 novembre l'ONU a voté pour diviser la Palestine en trois parties : un État juif s'étendant sur 14 000 km carrés avec quelque 558 000 Juifs et 405 000 Arabes palestiniens ; un État arabe de 11 500 km carrés avec environ 804 000 Arabes palestiniens et 10 000 Juifs ; et Jérusalem, qui comprenait les principaux sites religieux, qui serait un « corpus separatum », administré internationalement.

Ce découpage ridicule a été rapidement suivi par des incidents honteux à Deir Yassin, Lod et Ramle. Des centaines de milliers d'Arabes palestiniens ont été déracinés de leurs foyers et de leurs terres et, à ce jour, ils n'ont pas le droit de revenir. Ils n'ont reçu aucune compensation et, après leur expulsion, les milices juives ont rasé des centaines de villages et de villes arabes. Dès que la Grande-Bretagne eut plié bagages, Israël a déclaré son État le 14 mai 1948 et s'est immédiatement mise à étendre son contrôle sur toute la Palestine.

Le lendemain, le 15 mai, est commémoré par les Palestiniens comme la Journée d'al-Nakba (la catastrophe), qui a vu le début d'une campagne de terreur militaire qui a forcé trois quarts de million de Palestiniens à quitter leur patrie pour faire de la place à un nouvel État juif. On dit que quelque 34 massacres ont été commis dans le cadre de la poursuite des ambitions territoriales d'Israël.

Un événement qui est gravé à jamais dans la mémoire palestinienne est le massacre de Deir Yassin par des groupes terroristes sionistes, l'Irgoun et la bande de Stern. Un matin d'avril 1948, 130 de leurs commandos ont effectué un raid à l'aube sur ce petit village arabe avec une population de 750 personnes, à l'ouest de Jérusalem. L'attaque a été d'abord repoussée et c'est seulement lorsqu'un commando de la Haganah est arrivé avec des mortiers que les villageois arabes ont été submergés sous l'assaut. L'Irgoun et la bande de Stern, réalisant l'embarras d'avoir dû faire appel à de l'aide, ont entrepris une opération de « nettoyage » durant laquelle ils ont systématiquement assassiné et exécuté au moins 100 résidents, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées. L'Irgoun a ensuite exagéré le nombre, le faisant passer à 254, pour effrayer d'autres villes et villages arabes. La Haganah a minimisé sa part dans le raid et a ensuite déclaré que le massacre « a déshonoré la cause des combattants juifs de même que les armoiries juives et le drapeau juif ».

Deir Yassin a marqué le début sinistre d'un programme délibéré d'Israël de dépeupler les villes et villages arabes, et de détruire les églises et les mosquées, pour faire de la place aux survivants de l'Holocauste et à d'autres Juifs. Dans n'importe quelle langue, il s'agissait d'un exercice de nettoyage ethnique dont les répercussions ont créé aujourd'hui environ 4 millions de réfugiés palestiniens.

En 1949, les sionistes s'étaient maintenant emparés de près de 80 % de la Palestine, provoquant une réaction de résistance dont ils se plaignent si amèrement aujourd'hui. Beaucoup de Juifs condamnent la politique sioniste et ont honte de ce qui a été fait en leur nom.

La résolution 194 des Nations unies avait demandé à Israël de laisser les Palestiniens retourner sur leurs terres. Elle a été adoptée de nouveau à maintes reprises mais Israël ne la respecte toujours pas. Les Israéliens sont également accusés de violation de l'article 42 de la Convention de Genève du fait qu'ils amènent des colons dans les territoires palestiniens qu'ils occupent, et du viol du droit international par leur occupation de la bande de Gaza et de la Cisjordanie.

Mais l'expulsion et le transfert ont toujours été un élément clé du plan sioniste. Selon l'historien Benny Morris, aucun dirigeant sioniste d'envergure n'a pu concevoir une future coexistence sans une séparation physique claire entre les deux peuples. David Ben-Gourion, le premier des premiers ministres israéliens, aurait dit : « Avec le transfert obligatoire, nous avons une vaste région (pour la colonisation) ... Je soutiens le transfert obligatoire. Je n'y vois rien d'immoral ».

À une autre occasion, il a fait preuve d'une candeur étonnante lorsqu'il a déclaré : « Si j'étais un dirigeant arabe, je n'aurais jamais de relations avec Israël. Nous nous sommes emparés de leur pays. Bien sûr, Dieu nous l'a promis, mais qu'est-ce que cela veut dire pour eux ? Notre dieu n'est pas le leur. C'est vrai que nous sommes originaires d'Israël, mais il y a 2 000 ans de cela, et en quoi cela les intéresse-t-il ? Il y a eu l'antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz mais est-ce leur faute ? Ils ne voient qu'une chose : nous sommes venus ici et avons volé leur pays.

Le général Moshe Dayan, le héros de la Guerre des Six Jours (1967), a fait savoir aux Palestiniens vivant dans les territoires occupés que « vous allez continuer à vivre comme des chiens et quiconque voudra quitter pourra le faire et nous verrons où ce processus nous mènera ». Cela semble avoir été l'attitude générale depuis ce temps-là.

En 1967, Israël a perçu un certain nombre de menaces arabes visant à contrer les ambitions sionistes, y compris un blocus de son port de la mer Rouge. Dans une série d'attaques préventives contre l'Égypte, la Syrie, la Jordanie et l'Irak, Israël a réussi à doubler la superficie des territoires sous son contrôle.

En effet, lors de la Guerre des Six Jours de 1967, Israël a confisqué plus de 52 % des terres en Cisjordanie et 30 % de la bande de Gaza, violant à la fois le droit international et la Charte des Nations unies qui affirment qu'un pays ne peut légitimement faire des gains territoriaux par la guerre. On a rapporté qu'Israël a démoli 1338 maisons palestiniennes en Cisjordanie et arrêté quelque 300 000 Palestiniens sans procès.

L'ONU a adopté la résolution 242 du Conseil de sécurité, soulignant « l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la guerre » et demandant « le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ». Elle a été largement ignorée ce qui n'a fait qu'accroître la discorde au sein de la région.

Le plus notoire des premiers ministres israéliens, Ariel Sharon, a acquis sa réputation en 1953 lorsque son escadron de la mort clandestin, l'unité 101, a dynamité des maisons et massacré 69 civils palestiniens, la moitié d'entre eux des femmes et des enfants, à Qibya en Cisjordanie. Ses troupes ont par la suite détruit 2 000 foyers dans la bande de Gaza, déraciné 12 000 personnes et déporté des centaines de jeunes Palestiniens vers la Jordanie et le Liban.

Puis, en 1982, il a planifié et dirigé l'invasion israélienne du Liban, ce qui a entraîné un nombre massif de morts parmi les Palestiniens et les Libanais, en grande partie des enfants. Un tribunal israélien l'a trouvé indirectement responsable du massacre des Palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Shatila et l'a démis de ses fonctions. Mais il n'est pas demeuré longtemps à l'arrière-scène.

À la fin de 1967, il n'y avait que trois colonies juives illégales en Cisjordanie et à Jérusalem. À la fin de 2005, le total était de 177. « Lorsque nous aurons colonisé la terre », a déclaré le chef d'état-major d'alors des forces de la défense israélienne, Rafael Eitan, en 1983, « tout ce que les Arabes seront capables de faire est de courir un peu partout comme des coquerelles prisonnières dans une bouteille ».

En 2015, il y avait 196 colonies israéliennes illégales en plus de 232 colonies servant d'avant-poste en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, selon l'Institut de recherche appliquée à Jérusalem, et plus de 750 000 colons qui y résident.[...]

(Stuart Littlewood, « Déplorable Balfour : A Story of Betrayal », le 29 octobre 2016)

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La déclaration Balfour et la création du
Royaume de l'Arabie saoudite

L'alliance secrète entre le Royaume de l'Arabie saoudite et l'entité sioniste Israël n'a rien de surprenant pour quelqu'un qui a étudié l'impérialisme britannique. Le problème c'est que très peu de gens entreprennent des études ayant pour sujet l'impérialisme britannique. En effet, il suffit de consulter le programme universitaire ou postuniversitaire d'une université britannique pour constater qu'il n'existe à peu près pas de module d'études politiques sur l'empire britannique et encore moins un baccalauréat ou une maîtrise en la matière. Bien sûr, s'il s'agit d'approfondir votre connaissance du carnage mené par l'Europe dans les quatre ans entre 1914 et 1918, il sera relativement facile de trouver une institution qui saura enseigner cette matière. Par contre, si vous voulez approfondir vos connaissances sur le comment et le pourquoi de la guerre menée par l'empire britannique contre le genre humain pendant près de quatre cents ans, alors, bonne chance. Force est d'avouer que, strictement du point de vue de l'establishment britannique, un tel constat est tout à fait incroyable.

Selon le journal américain, Foreign Affairs, vers la fin de 2014, le ministre saoudien du pétrole, Ali al-Naimi, aurait déclaré : « Sa majesté le roi Abdullah a toujours été un modèle de bonnes relations entre l'Arabie saoudite et les autres États et Israël ne fait pas exception ». Récemment, le successeur d'Abdullah, le roi Salman, a fait part des mêmes inquiétudes qu'Israël sur la bonne entente grandissante entre les États-Unis et l'Iran pour ce qui est du programme nucléaire iranien. Certains ont même soulevé qu'Israël et le royaume de l'Arabie saoudite formaient un « front uni » dans leur opposition à l'entente nucléaire. C'est loin d'être la première fois que les sionistes et les saoudiens sont d'un commun accord face à un quelconque ennemi. Au Yémen du Nord dans les années soixante, les Saoudiens ont financé une armée de mercenaires dirigée par les impérialistes contre les républicains révolutionnaires qui avaient imposé leur autorité après avoir renversé l'autoritaire Imam. L'Égypte de Gamal Abdul-Nasser appuyait militairement les républicains, tandis que les Britanniques incitaient les saoudiens à financer et à armer ce qui restait des supporters de l'Imam. Aussi, les Britanniques ont organisé les Israéliens qui ont approvisionné en armes pas moins de quatorze fois les complices des Britanniques au Yémen du Nord. Les Britanniques ont, en effet, unifié militairement et en secret les sionistes et les saoudiens au Yémen du Nord contre leur ennemi commun.

Cependant, il faut remonter aux années vingt si nous voulons apprécier à sa juste valeur les origines de cette alliance informelle et indirecte entre l'Arabie saoudite et l'entité sioniste. La défaite de l'empire ottoman par l'impérialisme britannique pendant la Première Guerre mondiale a donné lieu à trois autorités distinctes dans la péninsule arabe : le chérif de Hedjaz, Hussein ben Ali (à l'ouest), Ibn Rashid de Haïl (au nord) et Emir Ibn Saud de Nejd (à l'est) et ses partisans religieux fanatiques, les wahhabites.

Ibn Saud est entré tôt en guerre, en janvier 1915, du côté des Britanniques, mais a sitôt été défait et son homme de main britannique, William Shakespeare, fut tué par l'allié de l'empire ottoman, Ibn Rashid. Cette défaite a grandement nui à l'utilité d'Ibn Saud pour l'empire et a laissé ce dernier militairement affaibli pendant un an.[1] C'est le chérif qui a contribué le plus à la défaite de l'empire ottoman en changeant de camp et en dirigeant la soi-disant « révolte arabe » en juin 1916 qui a permis d'éliminer la présence turque en Arabie. Il s'était laissé convaincre de changer ses allégeances après que le Haut Commissaire britannique en Égypte l'eut convaincu, via la correspondance de Henry McMahon, qu'un pays arabe unifié de Gaza au Golfe persique serait établi suite à la défaite des Turcs. Les lettres échangées entre le chérif Hussein et Henry McMahon portent le non de Correspondance McMahon-Hussein.

Dès la fin de la guerre, il est tout à fait naturel que le chérif s'attendait à ce que les Britanniques respectent leurs engagements, ou du moins, ce qu'il percevait comme étant leurs engagements tels qu'exprimés dans la correspondance ci-haut mentionnée. Pour leur part, les Britanniques voulaient que le chérif accepte la nouvelle réalité de l'empire qui se traduisait par une partition du monde arabe entre eux et les Français (l'accord Sykes-Picot) et la mise en oeuvre de la déclaration Balfour qui garantissait « une nation au peuple juif » en Palestine qui se ferait par la colonisation par les juifs européens. Cette nouvelle réalité était le contenu du traité Angleterre-Hedjaz, rédigé par les Britanniques, traité que le chérif a refusé catégoriquement de signer.[2] Après tout, la révolte de 1916 contre les Turcs portait le nom de la « révolte arabe » et non de la « révolte de Hedjaz ».

Le chérif a même affirmé que jamais il n'abandonnerait la Palestine au nom de la déclaration Balfour de l'empire. Il a toujours refusé d'accepter l'établissement du sionisme en Palestine ou d'accepter les nouvelles frontières aléatoires tracées dans toute l'Arabie par les impérialistes britanniques et français. Suite à ces prises de position, les Britanniques se sont mis à l'accuser d'« obstructionnisme », de « nuisance » et d'avoir une attitude « récalcitrante ».

Les Britanniques ont alors envoyé un message clair au chérif à l'effet qu'ils n'hésiteraient pas à prendre des mesures draconiennes pour l'inciter à reconnaître la nouvelle réalité peu importe le service qu'il leur avait rendu pendant la guerre. Suite à la conférence du Caire en mars 1921, lorsque le nouveau secrétaire colonial, Winston Churchill, a rencontré toutes ses forces actives au Moyen-Orient, T.E. Lawrence (i.e. d'Arabie) fut envoyé pour rencontrer le chérif mais surtout pour l'acheter et pour l'intimider à accepter le projet colonial sioniste britannique en Palestine. Au début, Lawrence et l'empire lui offrirent 80 000 roupies, ce que le chérif rejeta du revers de la main.[3] Lawrence lui offrit donc un versement annuel de 100 000 livres[4] que le chérif rejeta à nouveau, refusant de vendre la Palestine au sionisme britannique.

Voyant que les offres monétaires ne donnaient pas le résultat escompté, Lawrence menaça le chérif d'une prise de contrôle par Ibn Saud. Lawrence prétendait que la « survie politique et militaire de Hedjaz en tant que royaume hachémite indépendant et viable était totalement dépendante de la volonté politique de la Grande-Bretagne, qui avait les moyens de défendre et de maintenir son règne dans la région ».[5] Tout en négociant avec le chérif, Lawrence rencontra les autres dirigeants de la péninsule arabe pour leur dire que s'ils ne se soumettaient pas aux Britanniques et s'ils formaient une alliance avec le chérif, l'empire allait déchaîner Ibn Saud et ses Wahhabites, qui étaient « à la disposition » des Britanniques, contre eux.[6]

Au même moment, après la conférence, Churchill se rendit à Jérusalem où il rencontra le fils du chérif, Abdullah, qu'on avait nommé dirigeant, ou « émir », d'un nouveau territoire, la « Transjordanie ». Churchill informa Abdullah qu'il devait tenter de convaincre « son père d'accepter le mandat palestinien et de signer un traité à cet effet », sans quoi « les Britanniques s'apprêtaient à déchaîner Ibn Saud contre Hedjaz ».[7] Entretemps, les Britanniques s'apprêtaient à lancer Ibn Saud contre le dirigeant d'Haïl, Ibn Rashid.

Ibn Rashid avait rejeté toutes les ouvertures que l'empire britannique lui avait fait par le biais d'Ibn Saud pour qu'il devienne un autre parmi tant d'autres de ses fantoches.[8] En surcroît, Ibn Rashid avait étendu son territoire au nord de la nouvelle frontière palestinienne mandatée jusqu'aux frontières de l'Irak à l'été de 1920. Les Britanniques s'inquiétaient d'une possible alliance entre Ibn Rashid, qui contrôlait le nord de la péninsule, et le chérif, qui en contrôlait l'ouest. Aussi, l'empire cherchait à ce que les routes terrestres entre les ports palestiniens sur la mer Méditerranée et le Golfe persique soient sous le contrôle de quelqu'un qui leur serait favorable. À la conférence du Caire, Churchill donna son accord à un officier impérial, Sir Percy Cox, à l'effet qu' « Ibn Saud devrait ‘pouvoir occuper Haïl' ».[9] Avant la fin de 1920, les Britanniques donnaient à Ibn Saud une « 'subvention' mensuelle de 10 000 livres en or, en plus de sa subvention mensuelle régulière. Il recevait aussi de généreux approvisionnements en armes, avec un total de 10 000 carabines, d'importantes armes de siège et quatre canons-obusier » avec l'aide d'instructeurs britanniques et indiens.[10] Enfin, en septembre 1921, les Britanniques lancèrent Ibn Saud contre Haïl qui a officiellement capitulé en novembre 1921. C'est suite à cette victoire que les Britanniques offrirent un nouveau titre à Ibn Saud, qui ne s'appellerait désormais plus « Émir de Nejd et chef des Tribus » mais plutôt « Sultan de Nejd et de ses dépendances ». Haïl n'était rien de plus qu'un État sous la dépendance de l'empire du sultan de Nejd.

L'empire continua d'entretenir l'illusion à l'effet que le chérif -- maintenant qu'Ibn Saud était à ses frontières et armé jusqu'aux dents par les Britanniques -- allait se concilier avec la partition de l'Arabie et le projet colonial sioniste britannique, mais il déchanta rapidement. Une nouvelle ronde de pourparlers entre son fils Abdullah, agissant au nom de son père en Transjordanie, et l'empire, résulta en une entente de principe donnant le feu vert au sionisme. Lorsque le chérif prit connaissance de l'entente accompagnée d'une lettre de son fils lui demandant d'« accepter la réalité », il refusa de la lire et décida plutôt de composer lui-même une ébauche de traité dans lequel il rejetait les nouvelles partitions en Arabie ainsi que la déclaration Balfour et il l'expédia sitôt à Londres pour qu'il soit ratifié ![11]


Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud avec Sir Percy Cox

Dès 1919 les Britanniques ont peu à peu réduit la subvention d'Hussein, à tel point que dans les premières années de 1920, ils l'ont coupée. Pendant ce temps, ils continuaient de subventionner Ibn Saud.[12] Après trois nouvelles rondes de négociations à Amman et à Londres, l'empire constata que Hussein ne céderait jamais la Palestine à la Grande- Bretagne et à son projet sioniste ni n'accepterait-il les nouvelles partitions des terres arabes.[13] En mars 1923, les Britanniques informèrent Ibn Saud de la fin des subventions à son intention non sans lui accorder directement une « bourse » de 50 000 livres, l'équivalent d'une subvention annuelle.[14]

En mars 1924, un an après que les Britanniques eurent accordé la « subvention » à Ibn Saud, l'empire annonça qu'il avait mis fin à toute discussion avec le chérif Hussein, sachant qu'ils n'arriveraient pas à un arrangement.[15] En l'espace de quelques semaines, les forces d'Ibn Saud et de ses disciples wahhabites commencèrent à administrer, selon l'expression du secrétaire des Affaires étrangères britanniques, Lord Curzon, ce qui devait être le « coup final » porté contre le chérif Hussein, prirent d'assaut la capitale d'été de Taïf du chérif Hussein et attaquèrent le territoire du Hedjaz. L'empire s'adressa ensuite aux fils du chérif, à qui il avait accordé des royaumes en Irak et en Transjordanie, pour leur dire de ne fournir aucune assistance à leur père assiégé, ou, en termes diplomatiques, de ne pas « encourager l'ingérence à Hedjaz ».[17] À Taïf, les wahhabites d'Ibn Saud procédèrent à leurs massacres habituels, tuant femmes et enfants et allant dans les mosquées pour y tuer les érudits islamiques traditionnels.[18] Ils saisirent le lieu le plus sacré de l'Islam, la Mecque, à la mi-octobre 1924. Le chérif Hussein fut forcé d'abdiquer et s'exila au port d'Akaba à Hedjaz. Il fut remplacé en tant que monarque par son fils Ali qui fit de Hedjaz sa base gouvernementale. Alors qu'Ibn Saud s'apprêtait à assiéger le reste d'Hijazi, les Britanniques se mirent à incorporer le port nordique de Hedjaz à la Transjordanie. Craignant que le chérif Hussein ne se serve d'Akaba comme base de ralliement pour les Arabes contre l'empire d'Ibn Saud, l'empire annonça sans équivoque au chérif qu'il devait quitter Akaba sans quoi Ibn Saud le prendrait d'assaut. Pour sa part, le chérif Hussein riposta qu'il n'avait « jamais reconnu les mandats imposés aux pays arabes et qu'ils contestait toujours le gouvernement britannique qui avait fait de la Palestine un domicile national pour les Juifs ».[19]

Le chérif Hussein fut chassé d'Akaba, le port même qu'il avait libéré des mains de l'empire ottoman pendant la « révolte arabe ». Il quitta le port le 18 juin 1925 à bord du HMS Cornflower.

Ibn Saud débuta son siège de Djeddah en janvier 1925 et la ville se rendit enfin en décembre 1925, mettant fin au règne de plus de mille ans des descendants du prophète Mohammed. Les Britanniques reconnurent officiellement Ibn Saud en tant que nouveau roi de Hedjaz en février 1926 et d'autres puissances européennes ont immédiatement fait de même. En 1932, l'empire renommait le nouvel État wahhabite unifié le « Royaume de l'Arabie saoudite ». Un certain George Rendel, un officier travaillant au bureau du Moyen-Orient des Affaires étrangères de Londres, prétend être l'auteur du nouveau nom.

Sur le plan de la propagande, les Britanniques ont servi les wahhabites et leur prise de contrôle de Hedjaz de trois façons. Ils ont d'abord dit de l'invasion par Ibn Saud qu'elle était motivée par le fanatisme religieux plutôt que par les considérations géopolitiques de l'impérialisme britannique.[20] Cette supercherie est promue encore aujourd'hui, comme en a témoigné récemment le documentaire acclamé du BBC, « Bitter Lake » d'Adam Curtis, dans lequel l'auteur prétend que c'est « la forte vision d'intolérance du wahhabisme » qui avait incité les « bédouins » à créer l'Arabie saoudite.[21] Deuxièmement, les Britanniques ont toujours décrit les fanatiques wahhabites d'Ibn Saud comme étant une force anodine et incomprise qui ne cherchait qu'à redonner à l'Islam son contenu original dans sa forme la plus pure.[22] Même aujourd'hui, ces djihadistes islamistes sont décrits dans les termes les plus anodins lorsque leurs insurrections sont appuyées par les Britanniques et par l'Occident comme ce fut le cas dans les années quatre-vingt en Afghanistan et encore aujourd'hui, en Syrie, alors que les médias occidentaux disent d'eux qu'ils sont des « rebelles modérés ». Troisièmement, les historiens dépeignent Ibn Saud comme étant une force indépendante et non comme un instrument des Britanniques servant à éliminer quiconque était perçu comme étant superflu selon les critères et les exigences impériaux. Par exemple, le professeur Eugene Rogan, dans sa récente étude sur l'histoire des Arabes, prétend qu' « Ibn Saud n'avait aucun intérêt à lutter contre » l'empire ottoman. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'une telle affirmation manque nettement de précision puisqu'Ibn Saud a participé à la guerre dès 1915. Le professeur prétend aussi de façon malhonnête qu'Ibn Saud n'était intéressé qu'à faire valoir « ses propres objectifs » qui, par pur hasard, correspondaient toujours à ceux de l'empire britannique.[23]

En somme, un des aspects les plus négligés de la déclaration Balfour est l'engagement de l'empire britannique à « faire tout en son possible pour faciliter » la création d'un « domicile national pour le peuple juif ». Évidemment, un grand nombre de pays dans le monde aujourd'hui furent créés par l'empire, mais ce qui distingue les frontières de l'Arabie saoudite des autres est le fait que ses frontières au nord et au nord-est sont le produit de la facilitation de la création d'Israël par l'empire. Du moins, la dissolution des deux émirats arabes d'Haïl et d'Hedjaz par les wahhabites d'Ibn Saud est due au fait que ses dirigeants avait refusé de faciliter le projet sioniste de l'empire britannique en Palestine.

Il est donc clair que l'effort de l'empire britannique visant à imposer le sionisme en Palestine est bien présent dans l'ADN géographique de l'Arabie saoudite contemporaine. Aujourd'hui, pour comble de l'ironie, les deux sites les plus sacrés de l'Islam sont gouvernés par le clan saoudien et par les enseignements wahhabites en raison du fait que l'empire jetait les bases du sionisme en Palestine dans les années vingt. Si on transpose cela à aujourd'hui, c'est sans surprise qu'à la fois Israël et l'Arabie saoudite n'hésitent pas à intervenir du côté des « rebelles modérés » que sont à leurs yeux les djihadistes dans la présente guerre en Syrie, pays qui, de façon directe et indirecte, rejette la colonisation sioniste de la Palestine.

Comme les États-Unis, le « successeur » de l'empire britannique à la défense des intérêts occidentaux au Moyen-Orient, sont perçus comme étant moins enthousiastes à s'engager militairement au Moyen-Orient, il est presque inévitable que les deux nations profondément enracinées dans la déclaration Balfour de l'empire développent une alliance de plus en plus ouverte à la défense de leurs intérêts communs.

Nu'man Abd al-Wahid est un chercheur indépendant d'origine yéménite et anglaise dont la spécialité est la relation politique entre l'État britannique et le monde arabe. Son principal point d'intérêt est comment le Royaume-Uni a historiquement défendu ses intérêts politiques dans le monde arabe. Un recueil complet de ses essais est disponible à http ://www.churchills-karma.com/. Twitter handle : @churchillskarma.

Notes

 1. Gary Troeller, The Birth of Saudi Arabia (Londres : Frank Cass, 1976), p. 91.

2. Askar H. al-Enazy, The Creation of Saudi Arabia : Ibn Saud and British Imperial Policy, 1914-1927 (Londres : Routledge, 2010), p. 105-106.

3. Ibid , p. 109.

4. Ibid , p. 111.

5. Ibid .

6. Ibid .

7. Ibid , p 107.

8. Ibid , p. 45-46 and pg. 101-102.

9. Ibid , p. 104.

10. Ibid.

11. Ibid , p. 113.

12. Ibid ., p. 110 et Troeller, op. cit., p. 166.

13. al-Enazy op cit., p. 112-125.

14. al-Enazy, op. cit., p. 120.

15. Ibid , p. 129.

16. Ibid , p. 106 et Troeller op. cit., 152.

17. al-Enazy, op. cit., p. 136 et Troeller op. cit., pg. 219.

18. David Howarth, The Desert King : The Life of Ibn Saud (Londres : Quartet Books, 1980), p. 133 et Randall Baker, King Husain and the Kingdom of Hejaz (Cambridge : The Oleander Press, 1979), p. 201-202.

19. Cité dans al-Enazy op. cit., p. 144.

20. Ibid , pg. 138 et Troeller op. cit., p. 216.

21. Dans la version originale intégrale de BBC sur iPlayer, ce segment débute vers la fin à 2 heures, 12 minutes et 24 secondes.

22. al-Enazy op. cit., p. 153.

23. Eugene Rogan, The Arabs : A History (London : Penguin Books, 2009), p. 220.

(Churchill's Karma, le 20 novembre 2015/Mondoweiss, le 7 janvier 2016)

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