Le Marxiste-Léniniste

Numéro 128 - 8 octobre 2016

Défendons les droits des peuples autochtones!

Des vigiles des Soeurs par l'esprit affirment que la lutte pour les droits et la justice est indivisible

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Défendons les droits des peuples autochtones!
Des vigiles des Soeurs par l'esprit affirment que la lutte pour les droits et la justice est indivisible
Des actions partout au pays pour réclamer justice
Les propos déplacés du premier ministre sur la reconnaissance et la compréhension
L'Association des femmes autochtones du Canada est déçue du peu de progrès de l'Enquête nationale

L'offensive néolibérale contre la santé se poursuit
Les contradictions s'aiguisent entre le gouvernement fédéral et les provinces
- Barbara Biley


Plébiscite du 2 octobre en Colombie
Sur la signification du vote - Margaret Villamizar
La manipulation des électeurs est exposée
Rencontre des délégations du Gouvernement national et des FARC-EP
Qu'est-ce que le Canada manigance en Colombie?


Défendons les droits des peuples autochtones!

Des vigiles des Soeurs par l'esprit affirment que la lutte pour les droits et la justice est indivisible

Le 4 octobre était la dixième journée annuelle de vigiles pour honorer la vie des femmes et filles autochtones disparues et assassinées et exiger des mesures immédiates de justice et de prévention. Selon de récentes estimations de l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), le nombre de femmes autochtones disparues et assassinées au Canada depuis 1980 pourrait maintenant se situer aux alentours de 4000, soit trois frois plus que ce que prétendait la GRC en 2014. Cette année les vigiles, marches et autres événements tenus dans une centaine de communautés à travers le Canada avaient lieu dans le contexte du lancement, le 3 août dernier, de l'Enquête nationale sur les femmes autochtones assassinées et disparues que demandent depuis longtemps de nombreuses familles. Ils ont lieu également dans le contexte où apparaît un sentiment de déception et de frustration envers les libéraux de Justin Trudeau que beaucoup perçoivent maintenant comme un parti qui a exploité les préoccupations et revendications des peuples autochtones et leur opposition militante au gouvernement conservateur de Stephen Harper seulement pour se faire élire.

Le gouvernement Trudeau est arrivé au pouvoir avec la promesse d'agir tout de suite pour mettre en oeuvre l'ensemble des 94 recommandations de la Commission de la vérité et réconciliation, à commencer par l'adhésion à la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, la promesse de « renouveler les liens avec les peuples autochtones et de bâtir une relation de nation à nation sous le signe de la reconnaissance, des droits, du respect, de la coopération et du partenariat » et celle d'éliminer « d'entrée de jeu le plafond de 2 % sur les programmes destinés aux Premières Nations ». Près de deux ans après l'élection, c'est le statu quo sur tous ces fronts, voire il y a même de nouvelles atteintes aux droits des autochtones sous l'enseigne du « renouvellement des relations » avec le gouvernement fédéral.[1] Des décisions concernant le développement des ressources sur les territoires autochtones continuent d'être prises par le conseil des ministres sans le consentement ou même l'avis de leurs habitants. La relation « renouvelée » ressemble à un rapport de subordination, à des décisions « à prendre ou à laisser ».

Beaucoup de familles et d'organisations ont d'ailleurs profité des événements du 4 octobre pour exprimer leurs inquiétudes concernant la direction que prend l'enquête nationale et réitérer le besoin de s'attaquer aux causes des torts faits aux femmes autochtones en raison de la préservation des arrangements coloniaux qui sont racistes à la moelle et qui perpétuent l'injustice. Elles ont souligné le besoin de s'attaquer à la racine des torts faits aux femmes autochtones dans l'État canadien, dans les arrangements coloniaux et dans le système d'injustice coloniale. Un des messages des familles était que la lutte pour la justice des femmes disparues et assassinées et pour affirmer les droits des peuples autochtones est indivisible. En d'autres mots, la justice et la réparation pour les femmes autochtones et leurs familles et communautés ne peuvent être séparées de la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Les familles ont souligné que le gouvernement libéral de Justin Trudeau ne doit pas se servir de la cause des femmes autochtones ou de l'enquête nationale pour des séances de photos tout en continuant de prendre des décisions unilatérales qui affectent les peuples autochtones. Elles ont aussi rappelé les nombreuses solutions et propositions concrètes présentées par les femmes autochtones au fil des années et le soutien dont ont besoin les victimes et leurs familles et que le gouvernement n'a aucune raison légitime de ne pas agir sur ces questions.

À Ottawa, les événements ont commencé par une conférence de presse des Familles des Soeurs par l'esprit, suivie d'une vigile sur la colline du Parlement et d'un festin pour les familles des femmes disparues ou assassinées. On a également rendu un émouvant hommage à Annie Pootoogook, une artiste inuite connue décédée dans des circonstances suspectes à Ottawa le 19 septembre. Les parents et amis d'Annie ont dénoncé le racisme de l'enquête de la police qui prétend que sa mort n'a rien de suspect alors qu'un des officiers a été pris à afficher des commentaires racistes à son sujet sur Internet. Le premier ministre Trudeau et trois de ses ministres ont également pris la parole à la vigile. Ils sont arrivés après que les autres orateurs aient terminé et n'ont donc tenu compte d'aucune des questions soulevées par les familles. Beaucoup de participants ont noté que leurs discours en l'air confirment ce que les familles craignaient: des discours pour cacher l'absence d'action.

À la conférence de presse, Bridget Tolley de la première nation algonquine Kitigan Zibi, dont la mère Gladys Tolley a été tuée par un policier dans un délit de fuite, a exprimé l'inquiétude partagée par beaucoup de familles du fait que le rôle de la police soit exclu des termes de référence officiels de l'enquête. Elle a rappelé que les policiers ont blâmé sa mère en disant qu'elle était ivre au moment de l'incident. Bridget a demandé la tenue d'une enquête indépendante et a dit regretter que l'enquête nationale ne se penchera pas sur les autres cas que les familles porteront à son attention. « Ce n'est pas juste que l'enquête transmette l'information que nous lui donnons à ceux contre qui les plaintes sont portées, la police, a-t-elle ajouté. Nous avons demandé de l'aide quand les femmes ont été portées disparues, nous avons demandé de l'aide pour les familles, mais nos demandes sont restées sans réponse. Je viens ici depuis 15 ans et rien n'a changé. En fait, je crois que les choses ont empiré. Mais nous voulons la justice. Nous ne voulons plus être ici à chaque année. Nous ne devrions pas être forcées de supplier pour obtenir justice. Nos familles méritent justice, nos proches méritent justice. »

Beverly Jacobs, une Mohawk des Six Nations de la rivière Grand et ancienne présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), a parlé de la signification de la terre et du pouvoir décisionnel concernant la terre en rapport avec l'injustice coloniale qui se poursuit dans la vie des femmes autochtones. Sa cousine a été portée disparue et a été tuée en 2008. « J'ai un message pour monsieur Trudeau. J'ai un message pour Carolyn Bennett : vous devez répondre aux interrogations sur les questions territoriales, a-t-elle dit. Ils doivent comprendre le rapport direct entre nos femmes et la terre, ils doivent comprendre que ce sont nos femmes qui sont aux premiers rangs et qui font tout le travail. Ce sont elles qui sont ciblées. Nos femmes sont ciblées parce que ce sont elles qui portent la nation. Nous sommes encore un État colonial, nous sommes encore un État policier, alors pour ce qui est de la ‘réconciliation', il faut une vraie réconciliation. »

Elle a poursuivi : « Nous faisons tout le travail. Alors que fait le gouvernement ? J'ai répondu aux excuses de monsieur Harper concernant les écoles résidentielles et ma réponse était : que faites-vous pour nous aider ? Vous pouvez présenter toutes les excuses que vous voulez, mais ce sont les actes qui comptent. Et c'est la même chose pour Trudeau. Il est le chef du gouvernement qui approuve les permis d'exploitation minière. Alors c'est très important que nous comprenions ce rapport direct et les raisons pour lesquelles nos femmes sont assassinées et disparues. » Elle a rappelé que les familles « ont une compréhension commune du tableau d'ensemble des femmes autochtones disparues et assassinées, et c'est la colonisation, c'est l'impact de la colonisation et le traumatisme historique, il faut le reconnaître. »

La vigile a été ouverte par un discours et un chant honorifique de Jocelyn Wabano-Iahtail, une membre de la nation crie d'Attawapiskat qui vit maintenant à Ottawa et qui est bien connue pour ses interventions à la défense de bonnes causes. Elle a dit que le gouvernement ne peut pas parler de relations de nation à nation pour ensuite conclure des accords à l'insu de tout le monde et qu'elle et les autres victimes, familles et communautés sont résolues à prendre les choses en main et à se représenter elles-mêmes. Elle a réitéré que l'enquête sur les femmes disparues et assassinées doit être holistique et basée sur les pratiques autochtones. « Le Canada se vante d'être le meilleur pays au monde, a-t-elle dit, et pourtant les femmes autochtones du Canada vivent cette brutalité. Nous demandons de ne pas être déplacées physiquement, mentalement, émotionnellement, spirituellement. » Jocelyn a également pris part au dévoilement du Monument des robes rouges pour rendre hommage à sa fille, Nitayheh, qu'elle a perdue le 13 novembre 2001.

Laurie Odjick, dont la fille Maisy et son amie Shannon Alexander, de Maniwaki, Québec, ont été portées disparues en septembre 2008, a déploré que « le gouvernement se serve de l'enquête nationale pour balayer de côté les préoccupations des familles. Nous n'avons pas eu de résolution de deuil et certaines d'entre nous n'en auront jamais. J'aimerais demander aux gens qui siègent dans cet immeuble derrière moi ce qu'ils feraient si c'était leur fille ? Pensez-vous que vous auriez assez fait ? Nous donner une enquête pour nous faire taire ? », a-t-elle demandé.


« Pourtant ils nous font revivre le traumatisme en nous traînant dans ce cauchemar. Et moi j'en ai assez. J'en ai assez d'entendre nos dirigeants dire qu'ils sont avec nous mais quand nous allons frapper à leurs portes, ils ne répondent pas. Ils sont là pour la séance de photos. Et j'en ai assez, je veux la justice pour ma fille et pour Shannon, pour toutes ces femmes : nos soeurs, nos enfants, nos tantes, nos grand-mères, nos proches. C'est nous qui vivons le cauchemar, pas eux, et ils doivent le comprendre. Ils nous font des promesses mais, vous savez, nous n'avons rien reçu jusqu'à présent. Rien de cette enquête. Ils vont prendre plusieurs années à préparer un rapport alors que tant de rapports ont déjà été présentés », a dit Laurie.

Elle a conclu en disant : « Je me suis toujours exprimée clairement, j'ai toujours été méfiante à propos de l'enquête. Je soutiens les familles qui en veulent une, des familles qui sont méfiantes comme moi. J'ai peur que mes soeurs soient meurtries encore une fois par de fausses promesses. Où est l'aide pour nos familles, pour les traitements, pour les traumatismes, pour les dépendances qui viennent avec tout cela ? L'aide dont nous avons besoin, il n'y en a pas, je ne la vois pas. Encore une fois, j'aimerais demander à ceux qui sont à la Chambre des Promesses rompues derrière moi, que feriez-vous si c'était votre fille, votre enfant ? Que demanderiez-vous ? Car moi je vais revenir, année après année. Je vais continuer de dire ce que j'ai à dire. Ma force vient de ces familles. Nous sommes ici ensemble et nous sommes plus fortes que cette chambre derrière moi. »

Connie Greyeyes, qui est venue de Fort St. John, en Colombie-Britannique, pour prendre part à la vigile, a expliqué le rapport entre les crimes contre les femmes autochtones et les décisions du conseil des ministre sans le consentement du peuple. Connie est bénévole à la Women's Resource Society de Fort St. John et elle a fondé le groupe de soutien des femmes Warriors pour les familles des femmes autochtones disparues et assassinées. Elle a parlé du meurtre de sa cousine, Joyce Cardinal, en 1993. Parlant du premier ministre, elle a dit : « Malheureusement, la personne à qui j'aurais voulu adresser le message des gens du nord de la Colombie-Britannique n'est pas ici. »

« Ils doivent comprendre que nous vivons dans une communauté où il y a beaucoup d'exploitation des ressources, a poursuivi Connie. Et je ne crois pas que ce soit une coïncidence qu'avec cette immense exploitation des ressources à Fort St. John, Colombie-Britannique, il y ait toute cette violence envers les femmes et les filles autochtones. Comme le disait Laurie, ils ont annoncé l'enquête mais que vont-ils faire maintenant ? Pourquoi ne contactent-ils pas les familles, les gens qui sont aux premières lignes, qui se battent ? Ce sont des paroles en l'air. Ça ressemble à des paroles en l'air. Ils parlent d'honorer et d'établir un nouveau rapport avec les peuples autochtones du Canada. Et pourtant ce gouvernement vient d'autoriser d'autres permis pour la construction d'un barrage dans notre région, le barrage Site C.

« Mon amie Helen Knott a mentionné que leur réconciliation ressemble beaucoup à de la colonisation. Des promesses sans lendemain, la promesse qu'ils vont ‘travailler avec nous'. Comment pouvons-nous nous attendre à ce que la population générale nous respecte et nous traite en égaux si le gouvernement ne le fait pas ? Nous sommes revenues si souvent sur ces escaliers pour parler de Molly [Apsassin], de Florence [McLeod] et de René [Gunning]. Combien d'années encore faudra-t-il revenir ici et les supplier qu'ils nous écoutent ? Pour obtenir justice pour nos femmes et nos filles ? Comme le disait Laurie, nous allons continuer de venir et d'exiger des comptes, d'élever la voix, de leur dire que c'est assez. Nous avons besoin de gestes, pas de séances de photos. Parce que quand vous approuvez des projets comme le barrage Site C dans ma région, vous approuvez la violence envers nos femmes autochtones de la région de Peace. C'est ce que vous approuvez. Vous ne pouvez pas blâmer le gouvernement précédent pour ce que vous faites aujourd'hui. »

LML salue les familles et les Soeurs par l'esprit qui ont averti le gouvernement libéral de Justin Trudeau qu'elles ne seront pas réduites au silence et n'accepteront pas que les choses continuent comme si de rien n'était. Le gouvernement libéral et les intérêts qu'il représente ne réussiront pas à berner les peuples autochtones sur ce que veut dire réconciliation, reconnaissance des droits et relation de nation à nation. LML appelle les Canadiens à soutenir la revendication des peuples autochtones à la reconnaissance de leurs droits et de leur souveraineté.

Note

1. Voir « Les consultations bidons du gouvernement fédéral », LML , 20 septembre 2016

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Des actions partout au pays pour réclamer justice

Fredericton

Toronto


Windsor

Saskatoon

Régina


Edmonton

Edmonton; Lethbridge

Calgary

(Photos: LML, P. Kome, Wolastiqiyik Sisters in Spirit)

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Les propos déplacés du premier ministre sur la reconnaissance et la compréhension

Vers la fin de la vigile des Familles des Soeurs par l'esprit sur la colline du Parlement le 4 octobre, le premier ministre Justin Trudeau est arrivé avec son entourage de ministres pour s'adresser à la foule. L'essentiel de ses propos est capté dans cette phrase: « Nous avons tous beaucoup de travail à faire », comme s'il laissait entendre que lui fait sa part mais que les autres, les peuples autochtones comme le reste des Canadiens, doivent faire la leur. Il laisse entendre que si les gens ne renoncent pas à leurs droits et à leur position indépendante et ne se joignent pas à son « nous », alors ils font partie du problème plutôt que de la solution et sont la raison pour laquelle les choses n'avancent pas. La foule ne semble pas avoir très apprécié les propos du premier ministre qui n'ont d'ailleurs pas été rendus publics, ni par son cabinet, ni par les agences et ministères.

Le premier ministre a commencé en contredisant les intervenantes avant lui qui avaient exprimé leur dégoût de devoir revenir devant le parlement chaque année comme elles le font depuis dix ans alors que les femmes et filles continuent de subir les mêmes torts parce que le gouvernement fédéral ne prend pas les mesures nécessaires pour que justice soit faite. Il a dit: « Je dois d'abord dire que je ne suis pas d'accord avec plusieurs des intervenantes qui m'ont précédé. J'espère, moi, que nous allons continuer de nous réunir sur ces escaliers tant que le Parlement derrière moi sera là, pendant de nombreuses années, de nombreux siècles encore, pour nous remémorer les merveilleuses femmes, les soeurs, qui nous ont été enlevées, pour nous rappeler que nous n'avons pas été capables de les protéger. » Continuant de faire la sourde oreille aux demandes que justice soit faite dans les faits, pas en paroles, le premier ministre a ensuite dit « espérer » que dans les années qui viennent « nous allons pouvoir le faire comme une commémoration de choses passées et non plus comme l'expression d'une tragédie nationale qui perdure. »

Il a dit que, dans le passé, le Parlement et ses députés « ont échoué à défendre les valeurs et les principes que nous devions défendre, que nous avons spécifiquement manqué à nos devoirs envers les femmes autochtones disparues ou assassinées et d'autres, et que nous n'avons pas su défendre l'esprit, l'intention des rapports originaux entre les peuples autochtones et ceux qui sont arrivés sur ce continent ». Il n'a pas précisé quel était cet « esprit et intention originale » des rapports en question mais il n'y a rien dans le passé qui ressemble à des rapports modernes basés sur l'élimination de l'injustice coloniale et la reconnaissance des droits, rien qui ressemble à une union égale entre les nations enchâssées dans une constitution moderne. L'échec à respecter « les rapports originaux », a-t-il dit, « n'est pas quelque chose que nous allons pouvoir changer du jour au lendemain, ou dans une semaine, ni même un mois ou une année. Nous allons devoir nous engager à y travailler à tous les jours, à réparer, à améliorer, à bâtir la confiance brisée, à redonner l'espoir. Ce n'est pas quelque chose qu'un premier ministre ou un gouvernement peut faire tout seul. »

Le premier ministre a continué de parler de ces « rapports originaux » inventés en laissant entendre qu'il est trop tôt pour s'attendre à ce que ces rapports soient rétablis, son gouvernement étant au pouvoir depuis moins d'un an, mais il a rassuré les participants que «nous» allons «y travailler à tous les jours». Il a encore une fois fait la sourde oreille à la demande de justice dans les faits en disant que c'est un «problème d'attitude» que nous avons tous en commun. « Tous ceux et celles qui vivent dans ce pays aujourd'hui partagent la responsabilité d'honorer ceux et celles qui ont toujours vécu ici, qui nous ont accueillis, qui nous ont aidés à passer les premiers longs hivers, et qui beaucoup trop souvent ont reçu en retour la négligence, l'indifférence et la colère», a-t-il dit. Faisant référence au Parlement canadien, qui est en fait le symbole de la Loi sur les Indiens, une loi raciste, et de toutes les décisions qui ont mené à la dépossession des peuples autochtones passés et présents, Justin Trudeau a parlé d'une abstraction sur laquelle aucun groupe d'intérêt spécial n'a de contrôle. Il a dit: «Cet édifice est une représentation de ce pays et continue d'être une représentation de nos échecs à gouverner véritablement et sincèrement pour tous ceux et celles qui partagent ce territoire. Et je comprends l'impatience, les frustrations. Je les partage. Nous avons tous beaucoup de travail à faire. »

Prétendant partager les frustrations de ceux pour qui le gouvernement ne gouverne pas « véritablement et sincèrement », Justin Trudeau a déclaré que « nous devons tous » voir à ce qu'il le fasse. Il rappelle que le gouvernement a lancé une enquête nationale et qu'il y a « beaucoup beaucoup plus à faire pour mettre fin au cycle de violence, de pauvreté, de manque d'espoir qui est la réalité pour de trop nombreux Canadiens autochtones ». On a senti que ses supplications que tous comprennent et pardonnent au gouvernement son inaction ont commencé commençait  à créer l'impatience dans la foule. Il a dit: « Je suis ici pour dire que nous allons continuer de travailler fort et d'essayer de travailler encore plus fort. Nous allons continuer d'écouter et d'entendre les frustrations, la colère, les inquiétudes, mais aussi les offres d'aide et de partenariat, la reconnaissance que nous avons tous beaucoup à faire pour changer la situation que nous vivons. Je suis ici comme une des nombreuses personnes qui ont pris cet engagement. »

Le premier ministre et son gouvernement semblent croire qu'il est acceptable de fouler au pied les droits du peuple s'il y a suffisamment de sincérité dans les voeux du gouvernement. Il a eu le front de parler du « leadership extraordinaire » de la ministre de la Condition féminine, de la ministre de la Justice et Procureure générale et de la ministre des Affaires autochtones et du Nord qui « m'inspirent chaque jour ». Il a déclaré qu'« il n'y a pas de relation plus importante que celle que nous en tant que gouvernement du Canada bâtissons, rebâtissons et réparons, avec laquelle nous avançons, que la relation avec les Canadiens autochtones », comme s'il pouvait changer la nature des «nouveaux rapports» que son gouvernement impose aujourd'hui par de belles phrases. Il part déjà d'un très mauvais pied en se référant aux peuples autochtones comme des « Canadiens autochtones ».

« J'espère que plus de Canadiens et de Canadiens vont vivre, comme nous, tous les jours comme un rappel des belles âmes qui nous ont été enlevées, des avenirs qui ne se réaliseront pas et du travail formidable que nous allons devoir continuer de faire », a dit le premier ministre. S'il veut que les autres vivent comme lui, il n'a qu'à donner aux peuples autochtones le pouvoir de prendre les décisions qui les affectent. Mais évidemment, c'est ce qu'il ne fera pas et c'est précisément là le problème.

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L'Association des femmes autochtones du Canada est déçue du peu de progrès de l'Enquête nationale

À l'occasion des veilles de Soeurs par l'esprit du 4 octobre, nous avons entendu des membres de familles autochtones éprouvées par la disparition ou le meurtre d'un être cher exprimer leur déception et leurs préoccupations du fait que l'enquête nationale tarde à commencer. L'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) veut aussi exprimer sa déception et sa frustration face à l'absence de progrès substantiels de l'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées depuis son lancement, le 3 août 2016.

« Nous sommes très inquiètes », a dit la présidente de l'AFAC, Francyne Joe. « Le mandat de deux ans de la commission laisse très peu de temps pour les tâches qui font l'objet de son mandat : établir des organismes consultatifs régionaux et portant sur certains aspects particuliers de la question, créer des services de consultation sensibles à la culture et conscients de l'importance des traumatismes, mettre en marche un important processus d'écoute des familles, des êtres chers et des survivantes dans l'expression de leurs histoires, partout au Canada. »

« Après 11 années au cours desquelles nous avons fait de la recherche en profondeur, publié des rapports volumineux et mené des campagnes de sensibilisation pour la tenue d'une enquête nationale sur les taux alarmants de violence envers les femmes et les filles autochtones, nous sommes très déçues de voir que plus de deux mois après le début d'un mandat de deux ans, l'enquête ne semble avoir fait aucun progrès. Les membres des familles et les êtres chers éprouvés attendent depuis des décennies l'occasion de se faire entendre. Nous reconnaissons que c'est une tâche exigeante que de lancer le processus d'une enquête nationale, mais le manque de communication est décevant et inquiétant », a dit la présidente Francyne Joe.

Les membres des familles, les êtres chers et les survivantes méritent une enquête nationale transparente, capable de rendre la justice et d'honorer correctement les plus de 1200 femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada. Pour que l'enquête nationale soit transparente, il faut, entre autres éléments d'infrastructure nécessaires à la réussite de l'enquête, de l'information facilement accessible sur l'emplacement des bureaux dans les différentes régions du Canada et les coordonnées des commissaires et de leur personnel, un guide étape par étape de participation à l'enquête et un site Web simple et cohérent.

Le moment est venu pour la commission d'enquête de démontrer sa compétence en s'attaquant adéquatement aux causes systémiques qui sous-tendent les taux élevés de violence envers les femmes et les filles autochtones. L'immense responsabilité associée à la tâche énorme d'aborder l'un des pires cas de violations des droits de la personne de toute l'histoire du Canada ne laisse place à aucun gaspillage. C'est maintenant qu'il faut commencer cet important travail.

L'Association des femmes autochtones du Canada entend surveiller le progrès accompli par l'enquête nationale et continuera d'exercer des pressions sur la commission d'enquête pour qu'elle se montre à la hauteur des attentes élevées des familles éprouvées.

(5 octobre 2016)

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L'offensive néolibérale contre la santé se poursuit

Les contradictions s'aiguisent entre le gouvernement fédéral et les provinces

Les différends intergouvernementaux sur le financement des soins de santé font partie de la lutte intermonopoliste pour enrichir des intérêts privés particuliers. Ces conflits ne visent pas à résoudre les problèmes de la construction d'un système moderne de soins de santé mais, au contraire, sont un symptôme de la crise du système.

Le gouvernement majoritaire de Trudeau, à l'instar du gouvernement Harper, pense qu'il a pour mandat d'agir dans l'intérêt de monopoles particuliers dans leur poursuite d'édification d'empire et non pas dans l'intérêt des Canadiens et de l'édification d'une nation moderne. Un système de soins de santé moderne et efficace qui réponde impérativement aux besoins de tous les Canadiens exige la restriction du droit de monopole. Les monopoles existants dans le secteur de la santé doivent être privés de leur droit de monopole avec lequel ils imposent leur objectif étroit sur le secteur pour servir leurs intérêts privés. Pour garantir le droit de l'ensemble des Canadiens à des soins de santé complets, il faut un système de santé moderne qui a comme objectif et mandat précis de garantir inconditionnellement le droit de tous à des soins de santé. Il en va de même pour le droit de tous à l'éducation. C'est un élément crucial du projet d'édification nationale de la classe ouvrière.

Les querelles intergouvernementales sur le contrôle
des dépenses en santé

Lorsque la ministre de la Santé du gouvernement libéral nouvellement élu a rencontré en janvier ses homologues des provinces et des territoires, la question du financement fédéral aux provinces a été soulevée par les ministres de la Santé des provinces et des territoires. Il s'agissait de la première réunion fédérale-provinciale sur la santé depuis la déclaration unilatérale du gouvernement Harper qu'il n'y aurait aucun renouvellement de l'Accord 2004-2014 sur la santé et qu'en 2017 les transferts fédéraux baisseraient, que l'augmentation annuelle garantie de 6 % du financement serait remplacée par une augmentation liée à la croissance économique et plafonnée à 3 %. Lors de la conférence de janvier, la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, a déclaré qu'elle ne voulait pas que la discussion sur le financement devienne une « distraction ». S'adressant à la presse après la conférence, les ministres provinciaux de la Santé ont annoncé qu'ils continueraient de soulever la question du financement lors des prochaines rencontres.

Pendant la campagne électorale de 2015, les libéraux s'étaient engagés à négocier un nouvel Accord sur la santé avec les provinces et les territoires et semblaient prendre leurs distances face au diktat du gouvernement Harper. La réduction du financement qui doit entrer en vigueur en 2017 représenterait, selon l'estimation du directeur parlementaire du budget, une réduction du financement de 36 milliards $ de 2014 à 2024. L'Accord sur la santé de 10 ans qui a été négocié en 2003 comprend, en plus de la formule de financement, des engagements concernant des normes nationales pour les soins à domicile, les régimes d'assurance-médicaments, les listes d'attente pour les interventions chirurgicales et d'autres questions, engagements qui, pour l'essentiel, n'ont pas été remplis.

Depuis le mois de janvier, il n'y a pas eu de nouvelle rencontre des ministres de la Santé pour discuter d'un nouvel accord sur la santé. Les premiers ministres des provinces et des territoires ont envoyé une lettre à Trudeau à la suite de leur rencontre à Whitehorse en juillet dans laquelle ils exigent une rencontre avec le premier ministre spécifiquement sur les transferts du gouvernement fédéral en santé.


Manifestation à la rencontre des ministres de la Santé à Vancouver le 20 janvier 2016

Alors que l'année 2017 approche à grands pas et avec elle la baisse du financement fédéral en santé, les premiers ministres des provinces et des territoires ont envoyé une deuxième lettre à Justin Trudeau le 15 septembre dans laquelle ils exigent une rencontre avec lui avant leur réunion sur les changements climatiques. Si cela n'était pas possible, ils demandaient au moins un engagement de repousser d'une année la réduction du financement de la santé. Au nom des premiers ministres, le premier ministre du Yukon, Darrell Pasloski, a écrit : « Dans un esprit de collaboration et pour refléter l'importance de l'enjeu, nous croyons que la tenue de cette rencontre devrait être confirmée avant la rencontre des premiers ministres sur les changements climatiques et la croissance propre. »

La querelle s'est envenimée le 29 septembre lors du Sommet de la santé Canada 2020 à Ottawa, auquel la ministre de la Santé du gouvernement fédéral, Jane Philpott, et le ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette, étaient des orateurs. Le conflit entre la vision des libéraux fédéraux des ententes avec les provinces et les territoires et les points de certains représentants provinciaux a été fortement et publiquement affiché. La ministre Philpott a présenté essentiellement le même point de vue qu'elle avait présenté au Sommet des soins de santé Canada 2020 de 2015. Selon la presse, elle a déclaré : « Nous savons qu'il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites dans le domaine des soins de santé qui ne nécessitent pas de dépenser plus d'argent... Il y a beaucoup d'inefficacité, beaucoup de compartimentation ou de fragmentation. Beaucoup d'experts, à travers le pays, savent que nous pouvons construire des systèmes plus efficaces. Nous nous tournons vers l'innovation et nous sommes impatients de construire de meilleurs modèles de soins. »

Le ministre de la santé du Québec, Gaétan Barrette, a parlé après Jane Philpott et a soutenu que la question des transferts fédéraux aux provinces et aux territoires est une préoccupation immédiate. Il a déclaré : « Il faut financer tout d'abord les services qui sont actuellement fournis et nécessaires avant de parler de nouveaux programmes. » La Presse canadienne rapporte que le ministre Barrette a déclaré aux journalistes lors d'un point de presse après les discours que « c'est le piège vers lequel le gouvernement fédéral nous pousse. Nous ne parlons pas des vraies choses qui sont primordiales — le financement. » Il a ajouté : « Parler de conditions est leur façon de ne pas parler du financement, et nous sommes tous pris au piège. »

Ce « parler des conditions » est la volonté du gouvernement fédéral d'arrimer des conditions au financement fédéral des soins de santé. Cette possibilité a provoqué des discussions entre les premiers ministres sur ce que chacun accepterait en termes des conditions. En grande partie, l'accrochage sur les « conditions » est une lutte entre les deux ordres de gouvernement au sujet de l'utilisation et du contrôle des fonds publics.

Comment les décisions sont prises

Le gouvernement Trudeau suit le mode de fonctionnement du gouvernement Harper qui était de faire des annonces de politique gouvernementale aux médias ou lors d'événements publics sans passer par le parlement, sans rencontres avec les premiers ministres provinciaux ou les ministres compétents. Quant aux Canadiens, ils sont complètement exclus de la discussion et sont la cible de la désinformation intéressée et des campagnes de relations publiques conçues pour créer de l'appui à ce que les libéraux ont déjà décidé ou à ce que les monopoles ont décidé qu'ils voulaient que les libéraux instaurent. Un plan est établi, puis par des consultations, les gens sont invités à donner leur avis sur un ordre du jour prédéterminé. Les libéraux agissent de la même manière avec les consultations sur la réforme électorale ou celles sur Postes Canada et ils recrutent les médias et des groupes de réflexion monopolisés pour marginaliser les Canadiens et exclure leur réflexion sur la façon de résoudre les problèmes.

Sur la question des soins de santé, les Canadiens se sont déclarés depuis longtemps en faveur d'un système public, intégral et universellement accessible comme étant une composante essentielle d'un Canada moderne. Cette conception de la santé et de l'éducation comme un droit est attaquée et s'accompagne de l'érosion constante des soins de santé publics et de l'éducation publique par la privatisation, les compressions dans les services et d'autres méthodes de « prestation de services » par les partenariats public-privé qui transforment de plus en plus les soins de santé et d'éducation en un moyen d'enrichissement au service d'une poignée de privilégiés.

Note

 1. Qu'est-ce que Canada 2020 ?

Canada 2020 est parrainé par toute une gamme d'entreprises qui vont des banques aux monopoles de l'énergie et pharmaceutiques. En 2006, le Bluesky Strategy Group, qui se décrit comme la « firme d'affaires publiques d'avant-garde du Canada », a créé un « groupe de réflexion progressiste » appelé Canada 2020. Le Groupe Bluesky Strategy se décrit comme une « firme-conseil et de gestion dans le domaine des affaires publiques, des communications stratégiques, des relations gouvernementales et des relations avec les médias » qui travaille pour les gouvernements et les industries, dont les entrepreneurs militaires, les entreprises du secteur agro-alimentaire, de l'éducation et de la santé, et aide ses clients à obtenir ce qu'ils veulent du gouvernement.

On lit ce qui suit par exemple sur le site web de Bluesky sous la catégorie « Clients, soins de santé et pharma » : « L'expansion de l'industrie des soins de santé fournit l'occasion à nos clients d'utiliser leurs techniques uniques et variées pour entrer en relation avec les intervenants. L'équipe créative et expérimentée de Bluesky Strategy aide nos clients du domaine de la santé à concevoir et lancer des stratégies nationales, à développer et mener des campagnes médiatiques pour faire connaître les questions d'intérêt pour les consommateurs, à naviguer à travers le processus parlementaire et elle aide les entreprises et les secteurs à développer des relations avec les décideurs clés. Nous conseillons et aidons nos clients à éduquer et à informer ceux qui élaborent les politiques de même que les représentants élus en développant des arguments clairs autour de questions complexes. » (blueskystrategygroup.com)

Les cofondateurs de Canada 2020 comprennent Tim Barber et Susan Smith du groupe Bluesky ainsi que Thomas Pitfield qui est aussi le président de Canada 2020.

-Thomas Pitfield a été consultant auprès du Conseil commercial Canada-Chine et de IBM. Il a été stratège numérique en chef de la campagne d'élection fédérale du Premier ministre Justin Trudeau, de même que de sa campagne à la chefferie du Parti libéral du Canada. Il est un ami de longue date de Justin Trudeau et le mari d'Anne Gainey, la présidente du Parti libéral et le fils de Michael Pitfield qui a été greffier du Conseil privé dans le gouvernement de Pierre Trudeau.

- Susan Smith a été « conseillère principale aux communications auprès de plusieurs autres firmes nationales de relations publiques à Ottawa et Calgary. Elle a été également conseillère aux communications auprès du ministre fédéral des Transports et du ministre du Développement des ressources humaines ».

- Tim Barber « a travaillé au Bureau des relations fédérales-provinciales, au Bureau du Conseil privé, au Bureau du vice-premier ministre et du ministre du Commerce international... Son travail dans les domaines de l'approvisionnement dans les domaines de l'aérospatiale et de la défense, de l'énergie, de la santé et du transport assure le lien entre nos clients et les processus de réflexion et de décision au gouvernement. Quel que soit le dossier, Tim est le stratège doté de la vision de prévoir, appliquer et lier les pensées, les idées et les partenariats qui livrent des résultats aux clients de Bluesky... Il a travaillé de nombreuses années dans le service public, occupant des positions au Bureau du Conseil privé et des Relations fédérales-provinciales, à Emploi et Immigration, au Sénat canadien, au Groupe de travail sur le commerce électronique d'Industrie Canada et aux bureaux du ministre du Commerce international et du vice-premier ministre.

Qu'est-ce que le Sommet de la santé Canada 2020 ?

Le Sommet de la santé Canada 2020 : Un nouvel Accord sur la santé pour tous les Canadiens, était la deuxième conférence du groupe Canada 2020 sur le sujet. La première a eu lieu en décembre 2015 sous le thème : « Sommet des soins de santé Canada 2020 : Créer un système de soins de santé canadien durable ». Parmi les commanditaires de l'événement de 2016 il y a l'Association canadienne des producteurs de pétrole, Enbridge, les banques TD et CIBC, les monopoles du Web Google et Facebook, plusieurs entreprises pharmaceutiques comme la Pharmaceutical Research and Manufacturers of America, le plus important groupe de lobby pharmaceutique aux États-Unis. L'événement était coparrainé par l'Association médicale canadienne.

(Photos: TML, HEU, Q3S)

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Plébiscite du 2 octobre en Colombie

Sur la signification du vote


Marches pour la paix le 5 octobre 2016

La défaite, le 2 octobre, du plébiscite sur l'accord de paix a donné lieu à toutes sortes de spéculations et d'assertions à l'effet que le peuple colombien aurait opté pour la guerre ou encore qu'il serait incapable, aux prises avec de grandes questions, de se prendre en main. Ces conclusions ne sont pas fondées et ne peuvent servir qu'à freiner la discussion et la réflexion sur la signification de ces développements.

Dès le départ, les cercles dirigeants ont fait tout en leur possible pour que le plébiscite soit centré sur les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP) et non sur la nécessité de solutions sociales et politiques plutôt que militaires pour mettre fin à la guerre. La campagne du Non, dirigée par l'ex-président devenu sénateur, Alvaro Uribe Velez, a assailli le peuple d'allégations à l'effet que les FARC-EP s'en tiraient à bon compte, que leur démobilisation était plutôt bien compensée, qu'on leur remettait les rênes du pouvoir politique, etc. Cette désinformation assourdissante visait à forcer le peuple à voter en vertu de l'opinion qu'il se fait des FARC-EP et non en vertu d'une réflexion sur la véritable signification du plébiscite en soi et de ses perspectives de paix.

La campagne du Oui s'est aussi faite sur la question de la pacification des FARC-EP. À vrai dire, par les deux campagnes, le Oui dirigé par le gouvernement et le Non, les cercles dirigeants colombiens et les impérialistes qui les appuient étaient unis sur la question de rendre responsables de la guerre ses victimes, en particulier ceux qui ont refusé leur sort et ont résisté aux attaques. Les dirigeants des deux campagnes ont tenté d'imposer leurs idées préconçues et leurs propres intérêts au peuple afin d'imposer au plébiscite un cadre des plus restreints. Aussi a-t-on fait obstruction à la pleine expression de la position indépendante de la classe ouvrière colombienne, de la paysannerie et du peuple qui réclamaient la paix, la réconciliation nationale, leurs droits et que cesse le terrorisme d'État.

Il est important de noter que les FARC-EP elles-mêmes ne pouvaient pas mener campagne dans les différentes régions de la Colombie mais devaient agir uniquement par le biais des médias en ligne. Sans oublier que la faible participation électorale ainsi que l'important vote pour le Non, en particulier à Medellin et Antioquia, la base d'Uribe, ont joué un rôle important dans la défaite du Oui.

La campagne du Non


Marche pour la paix à Medellin le 7 octobre 2016

Le camp du Non dirigé par Uribe et son Parti du centre démocratique a mené une campagne de mensonges et de désinformation pour dépeindre la loi d'amnistie comme une mesure permettant aux guérilléros de s'en sortir à bon compte, et a appelé le peuple à voter contre l'« impunité ». Uribe, qui prône depuis longtemps l'anéantissement militaire du FARC-EP plutôt qu'une solution politique à la guerre, est lui-même accusé d'avoir créé des escouades de la mort paramilitaires alors qu'il était gouverneur d'Antioquia de 1995 à 1997. En fait, il est de ceux qui pourraient être appelés à comparaître devant un tribunal spécial pour la paix et être condamné à la prison en vertu du système de justice transitoire intégré aux accords de paix et qui a l'autorité de mener enquête sur les dirigeants étatiques et militaires ainsi que sur les dirigeants d'entreprise et autres civils soupçonnés d'avoir participé ou ayant participé à des crimes de guerre et à des crimes contre l'humanité. Le frère d'Uribe est déjà derrière les barreaux et est accusé d'avoir organisé sa propre escouade de la mort, et Uribe craint sans doute qu'il sera le prochain. Cette raison suffirait à expliquer les efforts qu'il a déployés pour empêcher le peuple de décider dans un climat de calme et rationnel.

Faisant preuve de mauvaise conscience, Uribe prétend maintenant être en faveur de la paix, mais en vertu de conditions différentes de celles négociées par l'équipe de Santos. Uribe prétend vouloir une « paix avec justice ». Cela ne manque pas d'ironie qu'un ancien président accusé d'avoir eu des liens directs avec des escouades de la mort paramilitaires, sans parler des hauts responsables de l'État qui ont commis des atrocités sous sa présidence, puisse maintenant prétendre être le champion de la justice et l'ennemi de l'impunité. Au cours de la présidence d'Uribe, les jeunes des milieux pauvres étaient systématiquement assassinés par les membres de l'armée déguisés en « guérilléros », y compris des officiers hauts placés, afin d'obtenir des récompenses financières et autres en vertu de la soi-disant politique de Sécurité démocratique d'Uribe.

Afin de tenter d'empêcher l'adoption de l'Accord de paix, Uribe a immédiatement pris la tête de la campagne du Non et l'a manipulée dans le but de semer le doute chez les Colombiens au sujet de l'Accord de paix en prétendant que celui-ci était le produit d'un ordre du jour caché conclu entre le gouvernement et les FARC-EP. Pour ce faire, il a mobilisé les secteurs religieux conservateurs pour qu'ils votent Non en raison du volet égalité entre les sexes contenu dans l'accord. Uribe a présenté ce volet comme étant une tentative de détruire la famille traditionnelle, les rapports entre hommes et femmes et les identités. Dans des départements près des frontières vénézuéliennes, on disait aux gens que les problèmes vécus au Venezuela dus au « castro-chavismo » s'infiltreraient en Colombie si l'accord de paix était accepté. Ces efforts désespérés d'Uribe et des intérêts qu'il représente, tels les grands entrepreneurs, les propriétaires fonciers et les sections de l'armée alliées aux impérialistes étasuniens, visaient à tuer l'Accord de paix et à se protéger de ses conséquences. Ainsi Uribe s'est présenté sous un nouveau jour, en tant que dirigeant politique légitime, alors que la veille il était un capo discrédité de la « para-politique » qui a causé tant de dommage en Colombie.

Il faut aussi tenir compte du fait que pendant le déroulement même du plébiscite les assassinats et les menaces contre les activistes politiques et autres par les groupes paramilitaires se sont poursuivis et se sont même intensifiés dans certaines régions de la Colombie, sans doute pour refroidir l'enthousiasme du peuple dans sa quête de paix et de réconciliation.

Le rôle des États-Unis

Au moment-même de la signature, le 26 septembre, de l'Accord de paix, le département d'État des États-Unis a annoncé qu'il ne retirerait pas les FARC-EP de sa liste d'organisations terroristes, même si l'Union européenne, de son côté, avait annoncé qu'elle les avait les retirées de la sienne. C'est ainsi que les États-Unis ont contribué, à la veille du plébiscite, à faire en sorte que le vote porte sur les opinions des gens au sujet des FARC-EP plutôt que sur l'accord lui-même, ce que celui-ci proposait pour le pays et s'il allait en effet contribuer à la paix dans la région.

Le fait de maintenir les FARC-EP sur la liste d'organisations terroristes n'est pas sans importance, puisque des lois « antiterroristes » adoptées au lendemain du 11 septembre autorisent la violation totale des droits, y compris la capacité de voyager ou de chercher refuge à l'étranger, non seulement les droits de personnes accusées d'être membres d'un groupe terroriste, mais de personnes jugées coupables par association. Cela en soi explique les milliers de prisonniers politiques dans les prisons colombiennes.

Les États-Unis avaient d'abord annoncé leur appui à la paix en Colombie sous la forme de Paz Colombia (Paix Colombie), une nouvelle version du détesté Plan Colombia initié par Bill Clinton, qui a mené à une plus grande militarisation du conflit colombien due à une stratégie contre-insurrectionnelle sous couvert de « guerre à la drogue ». Le nouveau plan des États-Unis, financé à coups de centaines de millions de dollars au nom de la « sécurité » et de « la lutte contre les stupéfiants » ainsi que d'autres projets, a le même objectif, soit de faciliter l'ingérence des États-Unis dans les affaires internes de la Colombie dans la nouvelle situation.

Suite à l'échec du plébiscite, le secrétaire d'État adjoint des États-Unis, John Kirby, a émis une déclaration sur les résultats où il a dit que les États-Unis « appuient la proposition du président Santos en faveur d'un effort uni en soutien à un vaste dialogue comme prochaine étape vers une paix juste et durable ». La déclaration laisse clairement entendre que les États-Unis veulent Alvaro Uribe comme acteur clé de toutes futures négociations : « Le président Santos, le dirigeant des FARC-EP, Rodrigo Londono, et le chef de l'opposition, Alvaro Uribe, ont tous deux indiqué leur engagement envers la paix et leur désir de travailler ensemble, de manière inclusive, pour y arriver ». Il ne fait aucun doute que les États-Unis veulent voir Uribe et les intérêts qu'il représente à la table avec Santos pour veiller à ce que les résultats, quels qu'ils soient, soient favorables aux plans des États-Unis pour l'avenir de la Colombie.

Le rôle de la campagne du gouvernement pour le Oui

Le gouvernement Santos a affirmé son rôle dirigeant dans la campagne du Oui bien avant que le plébiscite ne soit formellement annoncé, et il a nommé l'ancien président et ancien secrétaire général de l'Organisation des États américains dominée par les États-Unis, Cesar Gaviria, à la tête de l'équipe de campagne. Cette section des cercles dirigeants est l'alliée d'Obama, Trudeau et d'autres et représente la « troisième voie » en Colombie. Pour elle, un prérequis pour la paix était le désarmement et la démobilisation des guérillas, sans quoi, en vertu d'une logique intéressée, il ne pourrait y avoir la stabilité nécessaire à l'accroissement d'investissements étrangers – un appel au contrôle accru des ressources et des terres du pays, lui-même un facteur qui, dès le début, a grandement contribué à la guerre.

Lorsqu'il était président, Gaviria a commandé des frappes sur les quartiers généraux des FARC-EP, un coup dur aux pourparlers de paix qui devaient débuter sous peu. Pour ce qui est de Santos, celui-ci était ministre de la Défense du gouvernement d'Uribe et il a, lui aussi, commandé le bombardement de campements du FARC-EP dans le but de tuer les membres de son secrétariat. C'est dans ce contexte qu'un incident tristement célèbre s'est produit lorsque le bombardement du campement, avec l'aide des États-Unis, à proximité de la frontière colombienne en Équateur, a tué non seulement un dirigeant et un certain nombre de membres des FARC-EP mais aussi de jeunes civils qui visitaient le camp à ce moment précis.

Plusieurs autres qui se sont inscrits en faveur de la campagne du Oui n'ont pas eu les mêmes ressources ou la même couverture médiatique que le groupe de Santos qui a eu l'appui médiatique du groupe El Tiempo – une entreprise de la famille Santos –ainsi que d'autres grands réseaux médiatiques. Reste à déterminer jusqu'à quel point la classe ouvrière, les syndicats et d'autres représentants des forces favorables à la paix ont réussi à prendre l'initiative.

On peut tout de même en déduire que la campagne du Oui du gouvernement a agi de mauvaise foi et a tout fait pour que peuple ne se place pas à la tête de la campagne du Oui.

Le vote favorable

Il faut tout de même noter qu'en dépit de toutes ces activités, six millions de Colombiens ont tout de même voté en faveur de l'accord et pour l'intégration des FARC-EP à la vie civile, illustrant clairement le désir d'une résolution politique du conflit. Il s'agit aussi d'un démenti des prétentions du gouvernement des États-Unis, du Canada et d'autres à l'effet que la résistance du peuple à la violence militaire et paramilitaire est du terrorisme, et que le terrorisme d'État – que ce soit en Colombie ou contre d'autres pays – serait « favorable à la paix ». De telles déformations de la vérité ne font que contribuer davantage à la violence et visent à justifier la violation des droits d'une grande partie de la population en l'accusant de terrorisme ou d'être sympathique aux terroristes.

Tout indique que les Colombiens se mobilisent pour empêcher les forces pro-guerre de détruire cette possibilité de mettre fin à plus de soixante ans de violence en Colombie et de replonger le pays dans un état de guerre. Le 5 octobre, des dizaines de milliers de personnes – en particulier des étudiants – sont descendus dans la rue pour une Marche pour la Paix. Des actions semblables ont eu lieu dans d'autres villes du pays ainsi que dans d'autres pays, tel qu'à New York. À la défense de l'Accord de paix de la Havane, Marcha Patriotica lance l'appel à une Journée nationale de mobilisation pour la paix le 14 octobre.

Les Canadiens peuvent aussi contribuer au processus de paix en Colombie en exigeant que le Canada retire les FARC-EP de sa liste d'organisations terroristes, puisque celle-ci ne fait que contribuer à légitimer la violence militaire et paramilitaire ainsi que l'ingérence militaire des États-Unis dans les affaires internes de la Colombie, facteurs qui n'ont fait que contribuer à prolonger la guerre et ses conséquences désastreuses.

Les appels à une Assemblée constituante se multiplient

Un des résultats du plébiscite et de l'impasse qu'il a créée est la demande croissante d'une Assemblée constituante qui permettrait au peuple lui-même de décider de la marche à suivre et de déterminer les changements qui doivent être faits à la constitution du pays.

Jusqu'à la toute fin des négociations à La Havane, les FARC-EP ont demandé qu'une assemblée constituante soit établie une fois un accord final de paix conclu pour que le peuple colombien dispose d'un processus sérieux qui permette aux gens de tous les secteurs de la société de prendre part à l'établissement de l'ordre du jour et à l'inclusion des termes de l'accord dans la loi fondamentale du pays.

Les FARC-EP étaient d'avis que cela empêcherait que la situation ne tourne à une lutte entre les factions de l'élite au pouvoir comme cela se passe dans une campagne électorale, ce qui ne ferait que détourner l'attention des enjeux pour l'avenir du pays. Le gouvernement n'a jamais accepté cette option parce qu'il était partisan d'un vote qui se tiendrait une fois l'accord signé et ne ferait qu'entériner l'accord. Le gouvernement s'en tenait à cette position même si le président possédait les pleins pouvoirs de mettre en oeuvre l'accord de paix sans avoir à obtenir l'approbation du Congrès ou du peuple colombien par un vote. À la fin, les FARC-EP ont accepté de se conformer au verdict que donnerait le Tribunal constitutionnel, conscientes que selon la constitution colombienne la paix est « un droit et un devoir obligatoire » et non quelque chose qui peut être mis en péril juridiquement par un vote négatif dans un plébiscite. Bien que la tenue d'un vote ait été considérée comme une façon de conférer une légitimité politique à ce qui avait été conclu (ou rejeté), le Tribunal constitutionnel a déclaré qu'il n'y aurait une loi d'amnistie que dans le cas d'un vote en faveur du Oui au plébiscite.

La plus grande partie des forces progressistes du pays se sont jointes aux FARC-EP pour appeler à une assemblée constituante et continuent de le faire afin de consolider les gains accomplis par le processus de paix, ce qui demeure la question à l'ordre du jour.

La responsabilité de s'assurer que la guerre a pris fin et d'ouvrir la voie à une paix stable et durable repose plus que jamais sur les épaules du peuple colombien et des autres peuples épris de paix et de leurs mouvements antiguerre organisés. Toute illusion à l'effet qu'on mettra fin à l'impasse et qu'on bâtira la paix en s'appuyant sur l'élite dominante du pays ou des États-Unis sous Obama ou Clinton doit être rejetée. Les Canadiens doivent se tenir aux côtés du peuple colombien et demander qu'on mette fin au recours à la force pour régler les conflits politiques et sociaux et à la préparation de la guerre au nom de la « paix » et de la « justice ».

Les résultats


Marches pour la paix dans les rues de la Colombie le 5 octobre 2016

Le « Non » l'a emporté au référendum du 2 octobre dans lequel les Colombiens étaient appelés à approuver l'Accord de paix conclu entre le gouvernement de la Colombie et les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP). L'accord a été rejeté à 50,21 % contre 49,78 %, une marge d'à peine 54 000 voix.

Le compte final

Non : 6 431 376
Oui : 6 377 482
Bulletins annulés : 170 946
Bulletins non marqués : 86 243

Le résultat aura pris beaucoup de gens par surprise puisque les sondages dans les médias prédisaient depuis longtemps une victoire facile du Oui.

La participation

Les bureaux de vote se sont ouverts à 8 heures et ont fermé leurs portes à 16 heures, ce qui est la pratique normative pour les élections en Colombie. Seulement 37 % des électeurs inscrits se sont prévalus de leur droit de vote, ce qui représente un taux d'abstention de 63 %, un taux plus élevé que celui atteint dans toute élection générale en 22 ans. Par contre, le seuil établi par la Cour constitutionnel pour l'acceptation du résultat d'un référendum, soit de 4,5 millions de voix pour le Oui, a facilement été atteint.

Seulement 18,4 % des électeurs inscrits ont voté Non, ce qui représente un très faible pourcentage des électeurs ayant droit de vote. Beaucoup d'entre ces derniers n'étaient pas inscrits. La situation est empirée par le fait que le Registre civil national n'a pas fait de campagne pour inscrire les électeurs non inscrits, ni corrigé les renseignements des citoyens qui ont déménagé depuis la dernière élection. Par exemple, ceux qui étaient en âge de voter pour la première fois et ceux qui étaient à l'extérieur du pays et qui ne s'étaient pas déjà inscrits à un consulat colombien dans une élection antérieure ont été exclus.

Le taux de participation était particulièrement faible sur la côte atlantique, notamment dans les départements de La Guajira, Atlantico et Bolivar, où le Oui a inscrit des majorités importantes. Ces régions ont été frappées par l'ouragan Matthew le jour du scrutin. La Mission d'observation électorale colombienne rapporte que jusqu'à quatre millions de personnes pourraient avoir été privées de la possibilité de voter à cause des conditions météorologiques dans ces régions. Dans la ville de Santa Marta et dans six autres municipalités, le Conseil de gestion de risques a déclaré un état de catastrophe naturel touchant des dizaines de milliers de résidents.

La mission d'observation a noté que seulement 61 % des bureaux de vote avaient le personnel requis pour accepter les votes lorsque les bureaux ont ouvert leurs portes.

Les tendances régionales


Grandes manifestations pour la paix à Medellin le 7 octobre 2016

Les régions qui ont été le plus touchées par le conflit armé ont voté en faveur de l'accord de paix de façon décisive. La majorité des électeurs de la capitale, Bogota, et de deux autres grandes villes, Cali et Barranquilla, ont voté oui.

Dans la deuxième plus grande ville du pays, Medellin, comme dans plusieurs autres capitales de département, la majorité a voté Non. Le département d'Antioquia et sa capitale, Medellin, sont la base de l'ex-président proguerre Alvaro Uribe Velez, dont le parti Centre démocrate était le meneur de la campagne pour le Non à l'échelle nationale. On rapporte également que l'ancien bras droit du caïd de la drogue Pablo Escobar a mené la campagne pour le Non à Medellin. Le bourreau d'Escobar a avoué avoir commis des centaines d'assassinats et d'en avoir ordonné des milliers d'autres pour le Cartel de Medellin. Il a aussi admis avoir participé à l'assassinat systématique des membres du parti de l'Union patriotique, crimes pour lesquels il a purgé une peine de prison de 22 ans.

Le vote à l'étranger

Sur les 82 721 Colombiens qui ont voté à l'étranger, soit un peu moins de 14 % des 600 000 électeurs inscrits à l'étranger, 54,0 % ont voté pour le Oui contre 45,97 % pour le Non. Le Non l'a emporté seulement parmi les Colombiens vivant aux États-Unis, au Paraguay et dans les Émirats arabes unis. Le cinquième plus grand groupe d'électeurs vivant à l'étranger se trouve au Canada, après les États-Unis, le Venezuela, l'Espagne et l'Équateur.

Les conséquences

Le cessez-le-feu bilatéral est maintenu, tel que l'ont confirmé le gouvernement et les FARC-EP. Par contre, le 5 octobre le président Santos a annoncé que le gouvernement ne respectera le cessez-le-feu que jusqu'au 31 octobre. C'est le cessez-le-feu bilatéral qui avait créé les conditions de la paix en Colombie sur la base du dialogue et de l'adoption de solutions sociales et politiques aux problèmes à l'origine du conflit.

La pire conséquence, par contre, est que la victoire du Non empêche le président Santos de faire adopter rapidement la Loi de l'amnistie contenue dans l'accord de paix par le Congrès colombien. La Cour constitutionnelle du pays, qui a autorisé le plébiscite du 2 octobre, a établi que la loi de l'amnistie serait soumise au Congrès seulement si le Oui l'emportait.

Les FARC-EP ont dit à différentes occasions que leur déplacement vers les zones de « normalisation » temporaires et le désarmement dépendaient du passage de la loi de l'amnistie. La défaite du référendum laisse le pays à la croisée des chemins.

Le président de la Colombie reçoit le Prix Nobel de la paix

Le 7 octobre, le président de la Colombie Juan Manuel Santos a reçu le Prix Nobel de la paix. La présidente du Comité Nobel norvégien, Kaci Kullmann Five, a expliqué de la façon suivante les raisons du choix du président Santos pour le prix cette année:

« Le président Santos a lancé les négociations qui ont mené à l'accord de paix conclu entre le gouvernement colombien et les guérilléros des FARC-EP et il a cherché constamment à faire progresser le processus de paix, sachant très bien que l'accord est controversé. Il a joué un rôle clé pour faire en sorte que les électeurs colombiens expriment leur opinion sur l'accord par voie de référendum. Le résultat du vote n'est pas ce que le président Santos espérait. Par une faible majorité, les quelque 13 millions de Colombiens qui sont allés voter ont dit non à cet accord.

« Ce résultat a créé une grande incertitude en ce qui concerne l'avenir de la Colombie. Il existe un réel danger que le processus de paix s'arrête et que la guerre civile reprenne. Il est donc d'autant plus important que les parties, dirigées par le président Santos et le chef de la guérilla Rodrigo Londoño, continuent de respecter le cessez-le-feu. »

Elle a ajouté: « Le prix est aussi un hommage au peuple colombien qui, malgré les grandes difficultés et les abus, n'a pas abandonné son espoir d'une paix juste,  de même qu'un hommage à toutes les parties qui ont contribué à ce processus de paix. Une grande partie de cet hommage revient aux représentants des victimes innombrables de la guerre civile. »

Kullman n'a pas répondu aux questions des médias présents sur le fait que le dirigeant des FARC-EP, Rodrigo Londoño, aussi appelé Timochenko, n'ait pas lui aussi reçu le prix. Timochenko a répondu à l'annonce de la remise du prix en écrivant sur Twitter que « le seul prix que nous recherchons c'est la paix fondée sur la justice sociale pour la Colombie, sans paramilitarisme, et sans représailles ou mensonges ».

(El Espectador, El Tiempo, TeleSUR, Toronto Star. Photos: D. Falonso, C. Doval.)

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La manipulation des électeurs est exposée

Depuis la défaite du plébiscite, on apprend peu à peu l'ampleur des mesures orchestrées pour manipuler le vote par le biais d'un ciblage sophistiqué de différentes sections du peuple colombien et pour détruire l'opinion publique en faveur d'une résolution pacifique du conflit.

Juan Carlos Vélez, ancien candidat à la mairie de Medellin et gérant et homme de main de la campagne du Non menée par le Parti du centre démocratique de l'ancien président colombien Alvaro Uribe, a expliqué comment la campagne du Non avait permis de découvrir « la puissance virale des réseaux sociaux ». À titre d'exemple, il a expliqué que pendant un arrêt de campagne à Apartado, à Antioqua, un conseiller municipal lui a remis une photo du président Santos accompagné de Timochenko, le dirigeant des FARC, avec le message : « Pourquoi donner de l'argent aux guérillas alors que le pays est dans le trou ? J'en ai fait un statut sur ma page Facebook et samedi dernier [1er octobre] il a eu 130 000 partages et a ainsi été vu par six millions de personnes », a-t-il dit.

Il a aussi révélé que des « stratèges » du Panama et du Brésil ont suggéré une stratégie pour la campagne du Non qui consistait à ne pas expliquer les accords et à concentrer sur les messages qui soulèvent l'indignation des gens — une indication claire à l'effet que le but visé était de faire sortir le vote par le biais de l'incitation plutôt que de l'information.

Il a aussi expliqué comment la segmentation et le micro-ciblage de la population ont été utilisés. Pour les publicités radiodiffusées à l'intention des « couches moyennes et supérieures de la société, nous avons mis l'accent sur Non à l'impunité et à l'éligibilité (pour ce qui est des amnisties et des tribunaux alternatifs en vertu du système de justice alternatif) et aux réformes fiscales. Pour ce qui est des réseaux radiophoniques « à l'intention des couches inférieures, nous avons mis l'accent sur les subventions » (pour aider les guérillas à réintégrer la vie civile). Nous avons mis l'accent sur ce qui convenait le mieux à chaque segment de la population dans chaque région. Sur la côte, nous avons passé le message fait sur mesure que si le référendum passait nous deviendrions comme le Venezuela. (Ici Velez utilise le terme « la Costa » qui veut dire « la côte », mais il s'agit plus probablement des régions frontalières entre la Colombie et le Venezuela — note de la rédaction).

Velez a révélé que le camp du Non avait reçu des subventions de « principalement 30 compagnies et 30 individus », et parmi les cinq principales compagnies se trouvent l'Organisation Ardila Lulla, Bolivar, Grupo Uribe, Codiscos et Corbeta.[1] Il n'est pas clair si les 30 individus ont aussi des participations majoritaires dans ces 30 compagnies et si au moyen de leur fortune individuelle et de leur contrôle sur diverses sections de l'économie ils ont, eux aussi, influencé le résultat du vote.

Lorsqu'on a demandé à Velez pourquoi la campagne du Non avait ainsi déformé la vérité, il a simplement répondu que la campagne du Oui avait fait de même.

Ces révélations n'ont pas sitôt été faites que le parti du Centre démocratique a émis un communiqué dans lequel il réfute les déclarations de son propre gérant de campagne, en particulier les propos au sujet de l'ingérence de stratèges étrangers. Ils ont simplement affirmé que pour leur campagne ils n'avaient pas « embauché des stratèges étrangers », propos nébuleux qui ne cherchent qu'à dissimuler le rôle joué par divers experts dans l'« art obscur » de la manipulation électorale pour atteindre un résultat précis, la victoire du Non.[2]

C'est ainsi que le parti du Centre démocratique explique sa campagne sale : « Les porte-parole de partis, les membres du congrès et les entreprises ont développé une stratégie de communication directe avec les Colombiens. Ainsi, ils ont expliqué de façon raisonnable les conséquences de l'accord de La Havane », peut-on lire dans le communiqué.

Et plus loin : « Le camp du Non n'a pas eu recours aux mensonges et aux messages déformés. » Le parti aurait mis de l'avant des arguments qui permettraient aux gens de « voter selon leur conscience devant l'immense tort qui attendait le pays advenant une acceptation des accords et le fait que ceux-ci auraient fait partie intégrante de la constitution ».

Aussi, Edgar Castano, le président de la Confédération évangéliste de la Colombie, a déclaré qu'au nombre de ses congrégations qui représentent 10 millions de membres, il est possible que 4 millions aient voté et il est presque certain que la moitié de ces votes ont été pour le Non. Selon Castano, ces membres croient, tout comme lui, que l'accord tel qu'il est formulé menace leur conception de la famille. Il va à l'encontre de certains principes défendus par les évangélistes, a-t-il dit. Il a donné l'exemple de l'égalité accordée aux groupes LGTBI et aux femmes. Au lendemain du plébiscite, Castano a été parmi les quatorze représentants d'églises chrétiennes à être accueillis le 6 octobre lors d'une réunion organisée par le président colombien Juan Manuel Santos. Les seuls autres groupes à se réunir ainsi avec lui suite au plébiscite sont les représentants de compagnies.

Note

 1. De tels experts ont aussi été invités au Canada par les partis politiques pour développer les stratégies les plus efficaces qui permettraient de remporter la victoire aux dernières élections fédérales. Ces stratégies consistent à tout mettre en oeuvre pour diviser le vote au moyen de techniques sophistiquées et de puissantes bases de données sur l'électorat que les partis se sont constituées à partir de la liste d'électeurs d'Élections Canada. Les conservateurs avaient embauché le stratège politique australien, Lynton Crosby, lors des élections fédérales de 2015 dans l'intention de manipuler le vote, tandis que les libéraux semblent avoir trouvé leurs propres experts.

 2. L'Organisation Ardila Lulle est dirigée par Carlos Arturo Ardila Lulle qui dispose d'une valeur nette estimée à plus de 2 milliards $ÉU. Le conglomérat contrôle entre autres les ondes radiophoniques colombiennes ainsi que le monopole de la télévision, Radio Cadena National (RCN) TV.

Codiscos — une étiquette de disque de Medellin.

Le Groupe Uribe — Il existe un certain nombre de groupes Uribe. Il n'y a pas de lien connu entre ce groupe et l'ancien président colombien Alvaro Uribe.

Corbeta — une grande chaîne de distribution en Colombie.

(La Republica, BBC Mundo)

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Rencontre des délégations du Gouvernement national et des FARC-EP

Nous, les délégations du Gouvernement National et les FARC-EP, après nous être réunis à La Havane avec les pays garants et avec le Chef de la Mission spéciale des Nations Unies en Colombie, Jean Arnault, nous voulons informer l'opinion publique que :

1. Après presque 4 ans d'intenses conversations, nous avons conclu le 24 août dernier l'Accord Définitif pour la Fin du conflit Armé et pour la Construction d'une Paix Stable et Durable par lequel nous sommes engagés. Nous considérons qu'il contient les réformes et les mesures nécessaires pour asseoir les bases de la paix et garantir la fin du conflit armé.

Nous reconnaissons, cependant, que ceux qui ont participé au Plébiscite du 2 octobre dernier se sont prononcés majoritairement en faveur du « non » même si ça a été à une étroite majorité. Dans la cadre des possibilités que la Constitution Politique octroie au président, il est approprié que nous continuions à écouter rapidement et efficacement les différents secteurs de la société pour comprendre leurs préoccupations et définir rapidement une sortie par les voies indiquées dans la sentence C-379 de 2016 de la Cour Constitutionnelle. Les propositions d'ajustement et de précisions qui résultent de ce processus seront discutées entre le Gouvernement National et les FARC-EP pour donner des garanties à tous.

2. Nous réaffirmons l'engagement pris par le Président de la République et le Commandant des FARC-EP de maintenir le Cessez-le-feu et l’Arrêt des Hostilités Bilatéral et Définitif décrété le 29 août dernier et le contrôle et la vérification de la part du mécanisme tripartite ainsi que les garanties de sécurité et de protection des communautés sur leurs territoires selon ce qui est défini dans le Protocole par les parties.

Pour rendre ce Cessez-le-feu fiable, nous avons mis au point un protocole destiné à prévenir tout incident dans les zones de pré-regroupement dans les quadrants définis et à assurer un climat de sécurité et de tranquillité avec l'application totale de toutes les règles qui régissent le Cessez-le-feu et l'Arrêt des Hostilités Bilatéral et Définitif.

Le Mécanisme Tripartite de Contrôle et de Vérification avec la participation du Gouvernement et des FARC-EP et la coordination de la mission des Nations Unies sera chargé de contrôler et de vérifier la mise en œuvre du protocole, en particulier la respect des règles qui régissent le Cessez-le-feu.

3. Avec cette proposition, nous demandons au Secrétaire Général des Nations Unies et, par son intermédiaire au Conseil de Sécurité, qu'il autorise la Mission des Nations Unies en Colombie à exercer les fonctions de contrôle, de vérification, de résolution des différends, de recommandations, de rapports et de coordination du Mécanisme de Contrôle et de Vérification prévues dans la Résolution 2261 (2016) en ce qui concerne ce Protocole.

De même, nous invitons les pays qui contribuent à la Mission avec des observateurs non armés à continuer de déployer leurs hommes et leurs femmes qui continueront à avoir toutes les garanties de sécurité nécessaires.

4. Parallèlement, nous continuerons à avancer dans la mise en marche de mesures humanitaires destinées à construire la confiance comme la recherche de personnes considérées comme disparues, les plans pilotes de déminage humanitaire, le remplacement volontaire de cultures à usage illégal, les engagements concernant la sortie des mineurs des campements et sur la situation des personnes privées de liberté.

5. Nous, les délégations, remercions le Comité International de la Croix Rouge pour son soutien permanent, le Chili et le Venezuela pour leur accompagnement et surtout Cuba et la Norvège pour leur travail intense et plein d'abnégation concernant la construction des accords de paix pour la Colombie, pour leur contribution constante à la recherche de solutions dans les moments difficiles et leur disposition à continuer à soutenir le processus de paix.

(La Havana, Cuba, 7 octobre 2016)

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Qu'est-ce que le Canada manigance en Colombie?


Marches pour la paix, le 5 octobre 2016 (Z. Camargo)

Le plan pour que le Canada et le Mexique opèrent dans l'intérêt de l'impérialisme américain en Colombie a été formulé par le secrétaire d'État américain John Kerry lors du Sommet des dirigeants nord-américains en juin dernier. Kerry a déclaré publiquement que les trois chefs d'État ont travaillé ensemble sur la façon dont ils interviendraient en Colombie, au moment même où se tenaient les négociations de paix. « [Nous] avons discuté de notre appui au processus de paix colombien, de nos efforts, tous ensemble, pour mettre fin à la longue guerre civile dans la région », a-t-il dit.

Depuis, le gouvernement canadien a fait une série d'annonces indiquant qu'il met en oeuvre toutes les décisions adoptées lors du Sommet en ce qui a trait au rôle qu'il pourrait jouer en Colombie dans le cadre de ce que les États-Unis appellent le Plan de paix, qui est la suite de la version militaire, le Plan Colombie, mise en oeuvre depuis 2000.

Le bureau du ministre de la Défense Harjit Sajjan a récemment confirmé que la Colombie est l'un des pays où les libéraux envisagent de déployer des soldats canadiens dans ce qu'il appelle les opérations de paix. Le gouvernement canadien s'ingère dans les affaires internes d'autres pays avec la plus grande arrogance, comme si c'était son droit et que la seule chose à décider est qui bénéficiera de cette ingérence.

Lorsqu'on a interrogé l'ambassadeur de la Colombie au Canada Nicolas Lloreda à propos de la participation possible du Canada, vraisemblablement dans une mission d'observation internationale pour surveiller le cessez-le-feu et d'autres dispositions des accords de paix à mesure qu'ils prennent effet, il a déclaré que toute décision serait prise par l'ONU. « Nous avons une excellente relation avec le Canada sous tous les aspects, a-t-il dit. Mais nous avons décidé qu'à ce moment-ci la meilleure chose à faire est de passer par l'Organisation des Nations unies et qu'il revient à l'ONU de décider qui a la capacité et quel pays apporte vraiment quelque chose de positif à la table. »

Cela donne une idée de comment le Canada cherche à s'imposer en Colombie par divers moyens formels et informels. Que l'ambassadeur de Colombie ait indiqué publiquement que ce serait l'ONU qui déciderait, pas son gouvernement, dans les questions liées au maintien de la paix après le conflit, révèle que le Canada incite probablement la Colombie à agir en dehors du processus qui a été créé pour superviser l'accord bilatéral entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie - Armée populaire (FARC-EP). Un problème est que ce sont principalement des pays de la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CELAC) qui se sont vus confier ce rôle. Le Canada ne dispose pas d'un représentation au sein de la CELAC, ni de l'Union des nations sud-américaines (UNASUR), qui ont tous deux été mises en place comme une alternative à l'Organisation des États américains (OÉA) dominée par les États-Unis et qui est notoire pour son ingérence dans les affaires des pays de l'Amérique latine et des Caraïbes, et dont le Canada est membre.

Entre-temps, le 20 septembre, le gouvernement a promis un montant supplémentaire de 33,8 millions $ pour des « efforts de déminage et de reconstruction », soit un jour après que le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, ait engagé 25 M $ à des fins de projets de médiation de conflits, de négociation et de reconstruction menés par l'ONU en Colombie. Puis le 26 septembre, alors qu'il était à Carthagène, en Colombie, pour assister à la signature de l'accord de paix entre le gouvernement colombien et les FARC-EP, le ministre Dion a annoncé un autre 21 millions $ répartis sur trois ans pour « consolider la paix ». Il a dit que c'est pour appuyer l'allocation de 57,4 millions $ à des « initiatives d'aide au développement pour aider les populations touchées par le conflit » faites en juillet par la ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau.

Dion a tweeté que sa visite en Colombie a également inclus une « conversation franche avec des femmes colombiennes pour en apprendre davantage sur leur rôle dans les négociations de paix et la consolidation de la paix » et une visite à un centre où les anciens « enfants soldats » reçoivent une formation en vue de la réinsertion dans la vie civile .

Prenant la parole à une réunion sur les initiatives de déminage pour la Colombie organisée par les États-Unis et la Norvège, en marge de la 71e Assemblée générale de l'ONU, Dion a énuméré un certain nombre de projets de déminage auxquels le Canada participe. Il a dit que le Canada serait « un partenaire actif au sein de l'Initiative mondiale de déminage de la Colombie lancée l'an dernier par la Norvège et les États-Unis, puisqu'il a récemment consacré 12,5 millions $ » à la détection et à la neutralisation des mines terrestres dans 10 municipalités par l'intermédiaire de HALO Trust.

Il a également dit que le Canada contribuerait 1,3 million $ à l'OÉA « pour le soutien logistique des opérations de déminage » et que certains parties de sa contribution de 20 millions $ au Fonds fiduciaire multipartenaires des Nations unies pour le post-conflit en Colombie porteront sur le déminage.

Pendant ce temps, le compte twitter de l'ambassade du Canada en Colombie a récemment été inondé de photos et tweets à propos de différents projets que le Canada finance et d'une visite dans ce pays en septembre dernier par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Parmi les projets mentionnés il y a un certain nombre d'initiatives de « consolidation de la paix » avec les enfants et les femmes, des projets de recherche et un PSOP [Programme pour la stabilisation et les opérations de paix] pour « aider à réformer les forces policières en milieu rural et urbain en appui aux accords de paix ».

Également, il y a la collaboration du Canada avec une mission de l'OÉA en appui au processus de paix (MAPP) récemment approuvée par le gouvernement colombien pour « surveiller les défis, les risques et les menaces à la paix en Colombie ». La mission est d'avoir une présence active et permanente dans les territoires que les FARC-EP sont censées quitter et où l'ELN et d'autres organisations armées ont une présence afin de « surveiller les conditions de sécurité et les impacts sur les communautés ». Elle devra également « suivre l'évolution des conflits sociaux qui représentent des défis à la consolidation de la paix et continuera de s'engager dans les tâches liées aux droits des dirigeants sociaux, des défenseurs des droits de l'homme, des paysans se rappropriant leurs terres et de ceux visés par des dédommagements collectifs, dont les peuples indigènes et afro-colombiens ».

Peut-on douter des vraies raisons de cette intrusion de l'OÉA pour «superviser» ce qui se passe dans les zones où les FARC-EP et d'autres groupes d'insurgés ont opéré pendant des années ? Peut-on douter du rôle attribué au Canada par les États-Unis dans le cadre de son programme peu crédible de « Paix en Colombie », qui fait suite à 16 années d'incitation à la guerre avec le Plan Colombie?

Toute contribution à la paix en Colombie, en particulier dans les « zones et les populations les plus touchées par le conflit », qui sont où le Canada dit qu'il veut être engagé, va exiger une stricte neutralité en faveur de la paix. Comment le Canada, qui a mis l'une des parties engagées dans le conflit sur sa liste du terrorisme et qui travaille main dans la main avec les États-Unis, un protagoniste direct dans la guerre dès le début, peut-il être considéré crédible à cet égard ? D'autant plus que le Canada a ses intérêts économiques dans ce pays riche en ressources, en particulier dans les mines et autres industries extractives. Tout comme en Syrie, où la « contribution » du Canada à la réalisation d'un règlement politique consiste à travailler avec les forces anti-gouvernementales syriennes tout en faisant partie de la coalition des États-Unis qui mènent une guerre pour un changement de régime dans le pays, il serait naïf de s'attendre à ce que l'engagement du Canada en Colombie soit un facteur véritable pour la paix, le dialogue et les solutions politiques.

Alors, il faut poser la question : Qu'est-ce que le Canada manigance en Colombie ?

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