Le Marxiste-Léniniste

Numéro 116 - 31 août 2016

Accord de paix en Colombie

Félicitations pour cette réalisation historique!

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Conférence de presse à la conclusion de l'accord de paix à La Havane le 24 août 2016 (Farc-EP)

Accord de paix en Colombie
Félicitations pour cette réalisation historique!
Le plus beau des combats - Ivan Marquez, chef de la délégation de paix des FARC-EP, La Havane, 24 août 2016


Accord de paix en Colombie

Félicitations pour cette réalisation historique!

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) transmet ses félicitations les plus sincères aux Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP) pour la conclusion d'une entente de paix historique avec le gouvernement de la Colombie le 24 août 2016. L'accord met un terme à 50 années de conflit et offre pour la première fois de véritables perspectives de paix, de réconciliation et de progrès social.

Le 23 juin, à La Havane, un important jalon a été posé dans le dialogue de paix avec la signature d'un accord de cessez-le-feu définitif et la cessation des hostilités des deux côtés. Puis le 24 août un accord final, complet et définitif a été conclu sur tous les points contenus dans l'Accord final pour la cessation du conflit et la construction d'une paix stable et durable en Colombie, qui était à l'origine des pourparlers en 2012. L'accord final doit maintenant être entériné par la 10e Conférence nationale des FARC-EP qui aura lieu du 13 au 19 septembre, après quoi il sera soumis à un référendum national le 2 octobre.

Le PCC(M-L) saisit l'occasion pour rendre un sincère hommage à tous les combattants qui ont donné leur vie pour voir un jour se réaliser la paix ainsi qu'à toutes les victimes du conflit. La résolution pacifique du conflit armé est le profond désir des peuples du monde entier. Les FARC-EP l'ont fait en défendant les principes de la dignité humaine pour lesquels elles ont combattu toutes ces années. Félicitations !

Le conflit avait été provoqué dans les années 1950 par la terreur anticommuniste de l'impérialisme américain qui a ensuite fait place au « Plan Colombia » - une fausse « guerre au trafic de la drogue » et « guerre au terrorisme ». Cet accord de paix historique fait échouer les tentatives de l'impérialisme américain et de ses agents en Colombie pour saper toute résolution politique du conflit en terrorisant et en divisant le peuple colombien par les assassinats, la diffamation et d'innombrables crimes contre l'humanité. En réalisant la paix, les Colombiens font également une importante contribution, avec l'appui des peuples et gouvernements épris de paix dans le monde, à faire de l'Amérique latine et des Caraïbes une zone de paix.

L'État canadien a honteusement marché sur les pas des États-Unis et tout fait pour saper les efforts de paix et attiser le conflit en Colombie. Il prétend maintenant vouloir contribuer à la paix « en aidant le gouvernement de la Colombie à instaurer la paix dans les régions du pays les plus touchées par le conflit ». Il reprend à toute fin pratique ce qu'a dit Obama lorsqu'il s'est adressé au parlement canadien lors du Sommet des dirigeants nord-américains à Ottawa le 29 juin, à savoir que « les nations d'Amérique du Nord seront d'importants partenaires de la Colombie durant la période qui vient ». Le Canada est engagé depuis quelque temps dans la formation de policiers et de militaires colombiens et songerait maintenant à participer à une mission de paix de l'ONU dans ce pays. L'histoire des missions canadiennes de formation des agents de l'ordre au nom du « maintien de la paix » n'est pas très édifiante à cet égard. On n'a qu'à penser aux scandales auxquels elles ont été mêlées et aux conséquences qu'elles ont eues en Haïti.

Les Canadiens doivent continuer d'exiger des comptes de leur gouvernement et s'assurer que le processus de paix en Colombie ne soit pas miné par l'Accord de libre-échange Canada-Colombie signé par le gouvernement Harper en 2011. Cet accord a été signé quelque temps après la signature de l'Accord de libre-échange entre la Colombie et les États-Unis dans l'espoir que les sociétés minières canadiennes ne soient pas désavantagées dans la course à l'exploitation du sol et des ressources de la Colombie, qui déplace des populations entières et qui bafoue les droits des Colombiens.

En 2013, en plein début du dialogue de paix, le gouvernement canadien a approuvé la vente d'armes d'assaut automatiques, interdites au Canada, au gouvernement colombien. C'est en plus de la vente de véhicules blindés légers à l'armée colombienne du même type que ceux vendus, avec l'approbation des libéraux, à l'Arabie saoudite. Avant cela il y a eu la vente d'hélicoptères et de moteurs pour les avions de combat Tucano utilisés dans les opérations contre-insurrectionnelles. L'État colombien et son armée, et sans doute aussi les forces paramilitaires qui leur sont associées, ont utilisé ces armes et appareils dans leur campagne de répression contre le peuple au service des monopoles étrangers qui veulent s'emparer du pays à leurs propres fins.

L'ingérence des États-Unis et du Canada contre des gouvernements souverains en Amérique latine et dans les Caraïbes se poursuit sans relâche, comme on le voit en Haïti, au Venezuela, au Brésil, au Honduras et maintenant au Salvador. Les Canadiens doivent être conscients des dangers qui planent pour les peuples d'Amérique latine et des Caraïbes et faire tout en leur pouvoir pour contribuer à la réalisation du profond désir de paix, de justice et de prospérité des Colombiens par l'établissement de leur souveraineté sur leurs ressources.

Le PCC(M-L) est convaincu que tout comme il l'a fait avec héroïsme pendant 50 ans, le peuple colombien organisé politiquement fera échec aux tentatives des forces guerrières pour diviser l'opinion publique créée en faveur de l'établissement d'une paix durable et la construction d'une Colombie nouvelle.

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Le plus beau des combats

Aujourd'hui, à La Havane, nous avons conclu l'accord de paix tant désiré.

La terre, la démocratie, les victimes, la politique menée sans armes, la mise en oeuvre d'accords sous surveillance internationale, sont, parmi d'autres, les éléments d'un accord qui devra tôt ou tard être transformé en une loi robuste par celui dont c'est la tâche première afin que soit garanti un avenir dans la dignité à tous.

Nous pouvons proclamer que la bataille des armes se termine et que la bataille des idées commence. Nous avons conclu le plus beau des combats, celui qui a établi les fondements de la paix et de la coexistence.

L'accord de paix n'est pas le point final mais le point de départ d'un peuple multiethnique et multiculturel, uni derrière la bannière de l'inclusion, l'orfèvre et le sculpteur du changement et de la transformation sociale que les majorités réclament.

Aujourd'hui, nous remettons au peuple colombien le pouvoir transformateur que nous avons bâti pendant un demi-siècle de rébellion afin qu'avec ce pouvoir et la force de l'union, le peuple puisse commencer à construire la société de l'avenir, le premier de nos rêves collectifs, un sanctuaire dédié à la démocratie, à la justice sociale, à la souveraineté et aux relations fraternelles et respectueuses avec tous.

Nous avons signé des accords sur les six points qui constituent le programme de l'Accord général :

L'accord « Vers une nouvelle campagne colombienne : une réforme rurale globale » dont l'objectif est la transformation des conditions de misère et d'inégalité qui prévalent dans les régions rurales de notre pays, qui comprend des plans et des programmes pour de bonnes conditions de vie et le développement, en commençant par des titres agraires détenus par les communautés rurales.

L'accord « Participation politique : ouverture démocratique pour construire la paix », dans lequel l'accent est mis sur l'élimination de l'exclusion, en commençant par l'expansion de la démocratie qui va permettre une vaste participation citoyenne à la définition de la destinée du pays.

L'accord « Solution au problème des drogues illicites », qui conçoit une nouvelle politique de lutte à l'utilisation des drogues illicites, laquelle tient compte de ses connotations sociales et propose une approche centrée sur les droits humains qui surmonte les faiblesses de la « lutte contre le trafic de drogue » qui a échoué.

L'Accord sur les victimes, qui consiste en un « Système intégral de la vérité, la justice, la réparation et la non--répétition », un « Tribunal spécial pour la paix », un Groupe pour la recherche des personnes portées disparues dans le contexte et en raison du conflit armé, des mesures de réparation intégrale et de restitution des terres et des garanties de non--répétition, entre autres mesures.

Les Accords sur le point Cessation du conflit : 1. « Cessez-le-feu et Arrêt des hostilités bilatéral et définitif ; 2. Dépôt des Armes ; 3. Mécanisme de surveillance et de vérification établi par les Nations unies comprenant le déploiement d'observateurs de pays de la CELAC ; 4. Des accords ont été conclus sur des garanties de sécurité et le démantèlement du paramilitarisme, créant un groupe de recherche et de démantèlement des organisations criminelles, incluant celles qui ont été considérées comme les successeurs du paramilitarisme et leurs réseaux de soutien...mais avec une vision qui n'est pas militariste mais cherche plutôt des solutions afin d'éviter d'autre effusion de sang et d'autres souffrances ; et, cinquième aspect, le plus récent à avoir fait l'objet d'une entente, des accords sur la réintégration des FARC-EP à la vie civile, dans le domaine économique, social et politique, qui, à commencer par le pardon et l'amnistie politique la plus vaste, vont ouvrir la voie pour que nous devenions un parti ou un mouvement politique légal dans le nouveau scénario social qui va émerger de l'ensemble des accords de paix.

Nous avons aussi conclu un Accord de mise en oeuvre, de confirmation et de vérification, qui fournit des garanties pour la planification, le financement et les budgets, notamment pour la création de changements réglementaires qui vont permettre la réalisation des engagements.

Lors du traitement de chaque point, la Sous-commission de Genre a travaillé de façon parallèle à l'analyse des textes qui faisaient l'objet d'un accord et sur les questions débattues, faisant une contribution pour ouvrir la voie à la pleine affirmation de l'être humain.

Nous avons réalisé notre tâche. Dans les jours qui viennent, nous serons en Colombie et tiendrons la Conférence nationale de la guérilla, notre instance suprême d'autorité à laquelle nous sommes subordonnés et au verdict duquel nous devons nous soumettre en ce qui concerne le travail politique que représente l'Accord spécial de paix de La Havane.

Nous avouons que ce fut une tâche ardue, remplie de difficultés, avec ses moments sombres et de lumière peut-être mais entreprise avec le coeur rempli d'amour pour la patrie et les pauvres de Colombie. Nous sommes convaincus d'avoir interprété avec fidélité le sentiment de nos camarades en armes et en idées, qui ont toujours lutté dans l'esprit de trouver une solution politique au conflit, et, par dessus-tout, de rendre possible une patrie de justice sans l'abîme horrible qui sépare le développement et la pauvreté.

Aux camarades détenus dans les prisons du pays et dans d'autres pays, nous transmettons notre message d'amour avec l'espoir de vous voir bientôt libres et bâtissant la Colombie nouvelle que nos pères fondateurs ont envisagée.

Nous embrassons le peuple Colombien de toute la force de notre coeur et te réaffirmons que la guerre de guérilla qui a été menée sur toutes les parties du territoire national n'avait pas d'autre but que d'assurer la dignité de la vie humaine conformément au droit universel qui appartient à tous les peuples du monde de prendre les armes contre l'injustice et l'oppression. Malheureusement, dans chaque guerre, et surtout dans celles qui durent longtemps, des erreurs sont commises qui de manière non intentionnelle affectent la population. Avec la signature de l'accord de paix, qui comprend un engagement à la non-répétition, nous espérons éliminer une fois pour toutes le risque que des armes soient tournées contre les citoyens.

La paix appartient à tous et mobilise toutes les couches de la société, appelant à la réflexion, à la solidarité, et nous disant qu'il est possible de faire progresser le pays. Au secteur de la société qui survit dans les catacombes du désespoir, du délaissement et de l'abandon officiel nous disons qu'il est possible, en s'appuyant sur la force et la détermination inhérentes que nous portons tous en nous, d'échapper à la misère et à la pauvreté. Tant que nous sommes en vie, tout est possible, et plus encore si nous sommes organisés. Les jeunes de Colombie, des cloîtres aux universités, toujours généreux, sont prêts à nous aider dans notre recherche collective de solutions aux problèmes sociaux.

Aux paysans, à ces hommes et femmes purs et pleins d'humilité, qui cherchent par leur labeur et leur sueur à assurer la souveraineté alimentaire de la Colombie dans les sillons de la terre, nous offrons une place à leur lutte au sein de la Réforme rurale globale qui fait partie de l'accord. Aux communautés afro-colombiennes, aux peuples autochtones : nous vous invitons à voir l'approche ethnique différenciée qui existe dans tout ce que nous avons conclu et qui a été gagné par votre propre lutte. Aux femmes, nous disons que nous allons renforcer l'approche de genre qui imprègne l'ensemble de l'Accord spécial de paix.

Rien ne pourra arrêter la force puissante de changement qui vient des rêves et des espoirs d'un peuple qui réclame ses droits. Rien ne pourra nous en éloigner. Le peuple colombien demande des réponses à ses préoccupations et le gouvernement doit les fournir par des actions tangibles.

Une vérification internationale s'exercera sur les engagements qui ont été pris par les deux parties, pas seulement ceux pris par les guérillas, comme certains le voudraient, mais également ceux du gouvernement sur des questions fondamentales comme la cessation du conflit, la réintégration du point de vue politique, économique et social, les garanties de sécurité et la transition de la guérilla vers un mouvement politique légal.

Nous avons de grandes attentes face à la poursuite de l'engagement envers les réformes et les ajustements institutionnels qui sont requis par la tâche de la construction de la paix. Pour y arriver, nous croyons que la voie va en être ouverte après le plébiscite par le grand Pacte politique national propsé par les parties, auquel nous invitons toutes les forces vives de la nation afin que dans cet espace nouveau nous puissions tous penser à un nouveau cadre de coexistence politique et social qui va garantir la tranquililté aux générations à venir.

Nous connaîtrons la paix si les accords sont respectés. C'est le peuple qui doit devenir le principal garant de leur mise en oeuvre. L'Accord spécial de paix et le peuple ne font qu'un, comme la mer et les vagues; les accords sont la mer et le peuple est la vague qui revient sans cesse, demandant l'application des accords.

Au nom des FARC-EP, je me tourne vers les nations du monde et demande leur solidarité aux peuples et aux gouvernements, leur appui sous toutes ses formes pour que le plus long conflit du continent devienne un point de référence et un problème du passé qu'aucun peuple ne devrait répéter.

Au gouvernement des États-Unis qui pendant si longtemps a appuyé la guerre de l'État contre les guérillas et la non-conformité sociale, nous demandons de continuer de manière transparente à appuyer les efforts colombiens pour la restauration de la paix et nous nous attendons à des gestes humanitaires de Washington conformément à la bonté qui caractérise la majorité des Américains, qui sont des amis de l'harmonie et de la solidarité. Nous attendons toujours Simón Trinidad.[1]

Nous espérons que l'ELN va trouver une voie vers la paix pour que la paix que nous désirons tant soit complète et soit celle de tous les Colombiens.

Enfin, les FARC-EP expriment leurs profonds remerciements au gouvernement dirigé par le géréral Raul Castro Ruz et au peuple cubain pour tout ce qu'ils ont fait pour la paix en Colombie ; gratitude éternelle à la patrie de Marti.

Merci également au Royaume et au peuple de Norvège pour leur contribution généreuse et leur accompagnement afin d'assurer le succès des efforts de réconciliation dans notre pays.

Notre gratitude et notre affection à la République bolivarienne du Venezuela, pour son aide continue à sa soeur colombienne pour la réalisation de l'accord de paix. Merci à toi Nicolás Maduro de continuer le travail que t'a confié le président Chávez.

Merci à la présidente Michelle Bachelet et au peuple chilien pour leur accompagnement extraordinaire d'une paix qui, ils ne le savent que trop bien, est essentielle à la consolidation de la paix sur le continent.

Permettez-nous de rendre hommage à ceux qui sont tombés dans cette longue confrontation fratricide. Aux familles, aux mères, aux veuves, frères, enfants et amis, nos condoléances pour la douleur et la tristesse que cette guerre a apportée.

Joignons nos mains et nos voix pour dire PLUS JAMAIS, PLUS JAMAIS.

Du conclave de La Havane, une fumée blanche s'est élevée.

Habemus Pacem, nous avons la paix. Vive la Colombie ! Vive la paix !

Note

1. Simon Trinidad est le pseudonyme de Ricardo Palmera, un membre dirigeant des FARC détenu en isolement cellulaire dans la prison U.S. Florence SuperMax au Colorado.

(Traduction : LML - Photos : FARC-EP)

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