Le Marxiste-Léniniste

Numéro 93 - 5 juillet 2016

Disons non aux attaques de Postes Canada
contre les travailleurs et l'intérêt public!

Les travailleurs des postes sur la ligne de front pour défendre leurs droits et le service postal public

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Disons non aux attaques de Postes Canada
contre les travailleurs et l'intérêt public!

Les travailleurs des postes sur la ligne de front pour défendre leurs droits et le service postal public
L'ordre du jour de reculs et de privatisation du gouvernement Trudeau - Louis Lang
L'accord commercial de Partenariat transpacifique menace les services postaux publics


Disons non aux attaques de Postes Canada
contre les travailleurs et l'intérêt public!

Les travailleurs des postes sur la ligne de front pour défendre leurs droits et le service postal public

Note aux lecteurs  :  L'article qui suit a été écrit avant la plus récente attaque de Postes Canada contre les travailleurs des postes et le service postal. Dans la nuit du 5 juillet, Postes Canada a annoncé qu'elle a envoyé un avis de 72 heures au syndicat selon lequel elle va changer unilatéralement les conditions de travail des postiers inscrites dans la convention collective à partir du vendredi 8 juillet et possiblement les mettre en lockout s'ils n'acceptent pas ses demandes de concessions.

Le 2 juillet, le Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a annoncé qu'il ne déposerait pas de préavis de grève de 72 heures ce jour-là, ce qui signifie que les travailleurs ne vont pas recourir à la grève avant le jeudi 7 juillet. Ceci en dépit du fait que le 2 juillet, les travailleurs des postes ont été dans une position de grève légale face à la Société canadienne des postes, alors que Postes Canada est autorisé à mettre en lockout les travailleurs, mettre la clé dans le service postal et priver les travailleurs des postes de leur moyen de subsistance pour les forcer à accepter les concessions accablantes exigées par la société.

Le 29 juin, le STTP a annoncé que Postes Canada a refusé de prolonger de deux semaines l'échéance du lockout passé le 2 juillet ce qui permettrait aux négociations de se poursuivre. Au cours des dernières négociations de la convention collective entre Postes Canada et le STTP, en 2011, les travailleurs ont été mis en lockout sans préavis et par la suite se sont vus ordonner de retourner au travail par une loi adoptée par le gouvernement conservateur. Les Canadiens craignent que Postes Canada ne fasse la même chose le 2 juillet. Ils ont été bombardés par les annonces des médias monopolisés les avertissant de se préparer à une interruption du service de courrier.

Les postiers à travers le pays ont voté tout au long de juin pour autoriser le syndicat à appeler à la grève « pour obtenir les revendications souhaitées par les membres, mettre fin aux reculs exigés par l'employeur et améliorer les services à la population ». Les travailleurs postaux urbains ont voté le 2 juillet à 94,19 % en faveur du mandat de grève et les facteurs ruraux et suburbains ont aussi voté à 91,26 % en faveur du mandat.

La convention collective entre Postes Canada et le Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes s'est terminée le 31 janvier 2016 et dès les premières discussions entre les deux parties en vue d'un nouveau contrat, la société a exigé des reculs majeurs. Sa position n'a pas changé depuis et qualifier le processus qui s'ensuivit de « négociations » serait inexact car aucune négociation digne de ce nom a eu lieu.

Le 27 janvier 2016, lorsque Postes Canada a présenté ses « remarques et propositions préliminaires », elle a énuméré une série d'exigences entraînant des reculs importants sur la sécurité d'emploi, les conditions de travail et les avantages sociaux, et demandé des changements majeurs au régime de retraite. Leurs remarques contenaient également des menaces claires contre le syndicat et tous les postiers. Une note à la fin de la présentation de la société disait :

« Bien que nous souhaitions sincèrement en arriver rapidement à une entente de principe, nous devons aussi veiller à la protection des intérêts de la Société. Celle-ci n'entend pas rester passive si elle voit ses activités commerciales dépérir ou menacées, influencées négativement par des moyens de pression ou des arrêts de travail. C'est pourquoi nous nous réservons le droit de recourir à d'autres solutions afin de résoudre les questions qui seront soulevées. De plus, bien que nous soyons disposée à approuver provisoirement des solutions à des problèmes individuels, les mesures proposées n'auront pas de portée générale tant qu'une entente de principe visant un règlement global n'aura pas été conclue. »

Même avant que « les négociations » commencent, la société menaçait le syndicat de commettre des gestes en dehors du processus de négociation si le syndicat ne capitulait pas. L'arrogance de la société démasque son intention de continuer de priver les postiers des droits et avantages sociaux durement acquis, par « des solutions différentes » comme le lockout, la législation et le chantage, comme cela été sa pratique dans le passé. Que peuvent bien signifier des « négociations » lorsque ces menaces sont proférées dès le départ ?

Depuis la première rencontre, Postes Canada a maintenu toutes ses exigences pour des reculs et a refusé d'envisager quelque revendication que ce soit des travailleurs pour améliorer leur situation. À la première occasion offerte par le Code canadien du travail , elle a mis fin aux négociations en demandant une phase de conciliation. C'est une blague sinistre puisque l'intention de la conciliation est d'aider les deux parties qui sont présentement engagées dans des négociations et ont besoin d'un tiers pour parvenir à un accord final.

Clairement ce n'est pas ce qui s'est produit. Il n'y a pas eu de tentative de la part de la Société des postes de reconsidérer quoi que ce soit en ce qui concerne ses principaux reculs, ce qui fait que la demande de conciliation est un geste pour mettre fin à la période de négociation et utiliser la menace de lockout contre les travailleurs.

Les demandes de concessions de la part de Postes Canada sont une atteinte grave aux droits des travailleurs des postes sur des questions d'une grande portée qui auront une incidence sur toutes les classifications. Celles-ci comprennent les choses suivantes :

- attaques contre les retraites à prestations définies ;
- augmentation des primes pour le régime de soins de santé ;
- congé annuel réduit (congés de vacances) ;
- élimination du départ pour préretraite ;
- attaques contre les droits d'ancienneté ;
- plus de travail à temps partiel et élimination de la proportion de travail à temps plein ;
- engagement d'employés temporaires pour livrer des colis la fin semaine ;
- durée de la journée de travail accrue pour les travailleurs du Groupe 3 (techniques et manoeuvres) ;
- élimination de la pénalité pour temps supplémentaire contourné ;
- élimination des périodes de repas payées ;
- élimination de la présente clause du contrat protégeant les 493 comptoirs postaux restants, ce qui permettrait à Postes Canada de fermer le reste des installations de vente au détail ;  et plein d'autres.

À chaque étape, Postes Canada s'assure de recourir à la menace et aux intimidations contre les travailleurs des postes. Les porte-paroles de la Société des postes ont compromis leur propre entreprise en avertissant récemment leurs principaux clients de se préparer à des interruptions de service et de mettre en place des plans d'urgence. Autrement dit, ils disent à leurs clients d'utiliser d'autres expéditeurs privés pendant que la Société des postes elle-même envisage de créer des interruptions de service.

Face au programme néolibéral des libéraux de Trudeau, les travailleurs des postes s'organisent pour se défendre contre les attaques à leurs salaires et avantages sociaux et défendre leur droit d'avoir un mot à dire dans leurs conditions de travail. Les postiers mobilisent activement tous les Canadiens afin de défendre le service postal public. Les organisateurs travaillent également à temps plein à l'échelle nationale et dans chaque région pour obtenir une participation maximale à leur campagne en ce qui concerne l'examen du service postal. Ils demandent aux Canadiens de soumettre leurs points de vue au « groupe de travail » qui se penche sur Postes Canada et d'exiger le rétablissement de la livraison à domicile et que Postes Canada élargisse les services comme les services postaux bancaires et prenne en main d'autres propositions novatrices visant à renforcer un véritable service postal public.

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L'ordre du jour de reculs et de privatisation du gouvernement Trudeau

Les travailleurs des postes savent d'expérience que les négociations avec la société de la couronne Postes Canada sont en fait des négociations avec le conseil des ministres fédéral et cette ronde ne fait pas exception. Afin d'appuyer l'attaque brutale de la Société des postes contre les salaires, les conditions de travail et les avantages sociaux des travailleurs des postes, le gouvernement Trudeau a mis sur pied une « consultation nationale » diversionnaire sur le mandat de Postes Canada. Bien que le gouvernement dise que cet examen va donner l'occasion à tous les Canadiens d'être consultés sur le genre de service postal qu'ils désirent, il est clair que cet exercice est organisé pour mettre encore plus de pression sur le dos des travailleurs pour qu'ils acceptent des reculs majeurs.

L'examen a débuté en mai 2016 par la nomination d'un groupe de travail chargé d'examiner ce qu'il appelle les questions en jeu et de produire un document de travail d'ici septembre 2016. Le « groupe de travail » va faciliter la participation de monopoles comme UPS, FedEx, Pitney Bowes et d'autres pour qu'ils intensifient leur campagne visant à davantage de privatisation et de déréglementation à Postes Canada. De septembre à novembre vont se tenir des « consultations avec les Canadiens » suite à quoi un rapport sera déposé au Parlement en décembre 2016 afin qu'au printemps 2017 le « gouvernement annonce sa décision ».

C'est le comble de l'hypocrisie, de la part du gouvernement Trudeau, que de prétendre que cet examen « ne vise pas la privatisation ». Cet examen ne comprend pas dans son mandat l'opposition à la privatisation et ne met pas de l'avant non plus le principe de renforcer et de défendre le service postal public. Le mandat, selon le gouvernement, est de « garantir à la population canadienne un service de qualité de la part de Postes Canada, à un prix raisonnable ». En fait, la privatisation et la déréglementation de Postes Canada a été à l'ordre du jour de tous les gouvernements depuis Mulroney, Chrétien et Martin qui ont mis en place des plans de fermetures massives de comptoirs postaux à l'échelle du pays et de remise du lucratif commerce de détail de Postes Canada à des entreprises privées géantes comme Shoppers Drug Mart et d'autres. Le gouvernement Harper a continué et accéléré le rythme de ces mesures en déréglementant le courrier international en le retirant de ce qui relève du privilège exclusif de Postes Canada et en le remettant aux grandes entreprises de livraison de courrier international. Il l'a fait d'un trait de plume au moyen d'une clause enfouie dans une de ses lois omnibus qui n'a jamais fait l'objet de discussion au Parlement ou dans les médias monopolisés.

Harper a également nommé au poste de président-directeur général de Postes Canada Deepak Chopra, un ancien président de Pitney Bowes au Canada, une grande entreprise monopoliste internationale de l'industrie de l'envoi postal. Chopra a été nommé à ce poste pour poursuivre la destruction du service postal public au moyen d'une centralisation à grande échelle du tri du courrier dans une poignée de grandes installations à travers le pays. Cela a mené à la fermeture de plusieurs centres de tri importants dont ceux de Québec, Windsor et London. L'objectif de ce plan est de concentrer le tri du courrier dans quatre ou cinq grands centres de tri à travers le pays, ce qui mène au déplacement de milliers de travailleurs et à de grandes réductions de main-d'oeuvre.

C'est également Chopra qui a conçu, sous la direction du gouvernement Harper, le plan de mettre fin à la livraison du courrier à domicile et d'éliminer 8000 postes de facteurs et de courriers des services postaux. Alors que Justin Trudeau avait promis de mettre fin à la cessation de la livraison à domicile aux dernières élections, il s'est lavé les mains de la tâche de restaurer la livraison à domicile de millions de Canadiens en prétendant tenir une consultation nationale avec les gens mêmes dont les services ont été éliminés.

Cette consultation, comme les autres que Trudeau a lancées depuis son élection, sent la fraude à plein nez. Cela fait plusieurs années que les Canadiens soulèvent que pour eux la question fondamentale est de maintenir le service postal public. Le « groupe de travail » nommé récemment ne fait même pas référence à cette question. Au lieu de cela, les gens se trouvent devant un fait accompli , à savoir que les politiques du gouvernement, qui n'ont fait l'objet d'aucune consultation, ont mené à l'élimination de services et de positions, à la privatisation et à la déréglementation qui se poursuivent et ont causé une crise financière dans le service postal. Postes Canada nous dit maintenant qu'elle est incapable de s'acquitter de son obligation de fournir un service postal universel à tous les Canadiens et que les régimes de retraite sont en péril. Cependant, plutôt que d'admettre que c'est le programme néolibéral de privatisation et de remise des segments les plus lucratifs du service postal aux monopoles privés qui est au coeur de la crise, le gouvernement et Postes Canada blâment les travailleurs et leur demandent de renoncer à leur droit à des salaires décents et à tout contrôle sur leurs conditions de travail.

À l'ouverture des négociations en 2016, Postes Canada avait dit : « Pour chaque dollar que Postes Canada encaisse, près des deux tiers sont consacrés à la main- d'oeuvre. Bien que nous souhaitions préserver des emplois de haute qualité, il est impératif que nous réexaminions certaines modalités négociées à une époque où nous bénéficiions d'un privilège exclusif fort et que nous convenions de changements qui tiennent compte du marché compétitif. »

La direction de Postes Canada refuse de rendre des comptes des gestes qu'elle a posés qui ont conduit à la destruction du service postal public. Alors qu'elle prétend que les deux tiers de chaque dollar qu'elle encaisse sont consacrés à la main-d'oeuvre, qu'elle caractérise comme un coût, elle ne dit pas que chaque dollar qu'elle encaisse provient de la valeur produite par les travailleurs. Elle met la vérité sans dessus-dessous afin de pouvoir prétendre que les travailleurs, ceux-là mêmes qui produisent toute la valeur qui permet à Postes Canada de fonctionner, sont la cause des problèmes financiers. Pendant ce temps, le fait que des centaines de millions de dollars de revenus sont remis à des intérêts privés comme Shoppers Drug Mart et les grandes entreprises de l'envoi postal international n'est même pas discuté.

La course néolibérale à la privatisation et à la déréglementation et l'élimination de dizaines de milliers d'emplois font en sorte que Postes Canada s'inflige elle-même une crise financière et celle-ci est une composante de l'ordre du jour des cercles dominants visant à élminer le caractère public du service postal et à détruire la capacité de Postes Canada de s'acquitter de son obligation de fournir un service postal universel à tous les Canadiens. Cette obligation est inscrite dans la Loi sur la Société canadienne des postes [1] et l'Union postale universelle.[2]

Ce sont ces questions qui devraient être les thèmes principaux de l'ordre du jour du « groupe de travail » qui mène l'examen des services postaux. Il est clair cependant que le gouvernement Trudeau poursuit son ordre du jour néolibéral et utilise l'examen pour attaquer encore plus les travailleurs canadiens des postes et le service postal public.

Notes

1. Loi sur la Société canadienne des postes

Section 5 :

(2) Dans l'exercice de sa mission, la Société, tout en assurant l'essentiel du service postal habituel :

a) tient compte de l'opportunité d'adapter, qualitativement et quantitativement, ses prestations et ses produits à l'évolution de la technologie des communications ;

b) veille à l'autofinancement de son exploitation dans des conditions de normes de service adaptées aux besoins de la population du Canada et comparables pour des collectivités de même importance ;

c) tend à assurer son exploitation dans les meilleures conditions de sécurité du courrier ;

d) vise à assurer l'efficacité de son exploitation par un déploiement rationnel de ses moyens humains et par la stimulation de la conscience professionnelle et de l'esprit de service chez son personnel ;

e) met en oeuvre, pour ce qui la concerne et selon les modalités approuvées par le gouverneur en conseil, le programme de symbolisation fédérale.

Section 14 - Privilège exclusif de la Société

 14 (1) Sous réserve de l'article 15, la Société a, au Canada, le privilège exclusif du relevage et de la transmission des lettres et de leur distribution aux destinataires.

2. Union postale universelle

Article 3 — Service postal universel

1. Pour renforcer le concept d'unicité du territoire postal de l'Union, les Pays-membres veillent à ce que tous les utilisateurs/clients jouissent du droit à un service postal universel qui correspond à une offre de services postaux de base de qualité, fournis de manière permanente en tout point de leur territoire, à des prix abordables.

2. A cette fin, les Pays-membres établissent, dans le cadre de leur législation postale nationale ou par d'autres moyens habituels, la portée des services postaux concernés ainsi que les conditions de qualité et de prix abordables en tenant compte à la fois des besoins de la population et de leurs conditions nationales.

3. Les Pays-membres veillent à ce que les offres de services postaux et les normes de qualité soient respectées par les opérateurs chargés d'assurer le service postal universel.

4. Les Pays-membres veillent à ce que la prestation du service postal universel soit assurée de manière viable, garantissant ainsi sa pérennité.

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L'accord commercial de Partenariat transpacifique menace les services postaux publics

Alors que l'examen de Postes Canada est en cours, le gouvernement Trudeau prépare les conditions pour faire approuver l'accord commercial néolibéral de Partenariat transpacifique (PTP). Des études montrent que le PTP aura des conséquences graves pour les services postaux publics au Canada. Il est à tout le moins trompeur de dire aux Canadiens qu'ils sont consultés sur le genre de services postaux qu'ils veulent alors que le gouvernement se prépare à mettre en oeuvre le PTP, qui contient des mesures qui permettront aux monopoles internationaux d'interférer dans les activités et le mandat de Postes Canada.

Au printemps de 2016, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a demandé un avis juridique sur les impacts potentiels du PTP sur Postes Canada. Selon l'analyse présentée dans cet avis, les règles contenues dans le PTP empièteraient sur l'autorité législative et réglementaire du gouvernement fédéral en matière de services postaux, et sur les activités actuelles et à venir de Postes Canada de la façon suivante :

1. Les règles du PTP sur le « commerce transfrontières des services » comprennent une annexe détaillée sur les « services de livraison express ». Ces nouvelles règles limiteraient la capacité de Postes Canada d'étendre ses services actuels, comme Xpresspost ou les services de sa filiale Purolator, mais elles menaceraient aussi sa capacité de maintenir son modèle d'entreprise actuel qui intègre des services de livraison express et des services de livraison de la poste-lettres.

2. Les règles du PTP sur les « entreprises appartenant à l'État » et les monopoles élargissent et rendent plus explicites des contraintes similaires de l'ALÉNA et de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) visant les mesures prises par Postes Canada pour remplir son mandat, qui consiste à assurer un service postal universel à l'ensemble de la population tout en maintenant sa viabilité grâce, entre autres, aux services de livraison express.

3. Le PTP élargit la portée du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) qui s'est avéré être l'élément le plus pernicieux des nouvelles règles de libéralisation « commerciale » et l'un des éléments que de nombreux pays tentent maintenant de restreindre. En élargissant la portée de ce mécanisme, le PTP fait planer la menace d'une autre poursuite prolongée investisseur-État contestant les activités de Postes Canada, comme dans l'affaire UPS c. Canada.[1] Toutefois, le mécanisme RDIE serait renforcé par les dispositions du PTP sur les entreprises appartenant à l'État et les monopoles, et les dispositions de l'annexe sur les services de livraison express (annexe 10-B). Ces dispositions s'opposent à l'intégration des services visés par un monopole (poste-lettres) et des services commerciaux (livraison express), qui est au coeur du modèle d'entreprise de Postes Canada.

4. Les règles du PTP sur les services postaux reflètent fidèlement les objectifs des entreprises privées de messageries, notamment Fedex et UPS, qui ont investi des ressources considérables pour influencer les négociations du PTP. Ces entreprises visent à limiter, voire même éliminer la concurrence des fournisseurs de services du secteur public, en particulier dans le secteur des services de livraison express. Pour les aider à réaliser cet objectif, elles cherchent à obtenir le droit exécutoire de tirer profit de l'infrastructure nationale de Postes Canada (vente au détail, levée et livraison), sans avoir à supporter le fardeau des obligations de cette dernière en matière de service publics.

Il est évident que le rôle principal du PTP en ce qui concerne les services postaux est d'enchâsser un modèle néolibéral qui cherche, au moyen de la déréglementation et de la privatisation, à réduire les services postaux publics. Dans l'avis juridique reçu par le STTP, il est souligné que : « En grande partie, ces règles « commerciales » reflètent les objectifs des grandes entreprises multinationales de messageries et des entreprises de livraison express (le « secteur des messageries ») qui, depuis plus de vingt ans, font campagne pour limiter le rôle des services postaux publics. Bien que les efforts pour persuader les gouvernements de déréglementer les services postaux dans le cadre de leur politique intérieure aient généralement échoué, les mêmes objectifs sont maintenant poursuivis au moyen des négociations commerciales ».

Ce qui frappe le plus en ce qui concerne la promotion du PTP par le gouvernement Trudeau, c'est que celui-ci suit les traces du gouvernement Harper et n'a pas demandé à être exempté des dispositions de l'accord commercial qui touchent les services postaux et favorisent les monopoles internationaux des services de courrier. Dans l'avis juridique reçu par le STTP, il est souligné que : « Cette situation tranche nettement avec les importantes réserves maintenues par d'autres parties et qui visent à protéger leur propre service postal ».

Le Japon, par exemple, a inscrit la réserve suivante à l'annexe II : « Le Japon se réserve le droit d'adopter ou de maintenir toute mesure relative aux investissements dans [...] les services postaux au Japon ». Singapour a fait de même : « Singapour se réserve le droit d'adopter ou de maintenir toute mesure relative aux titulaires de licence de services postaux publics ». Dans les deux cas, les services postaux sont clairement exemptés de l'application des imposantes règles du traitement national énoncées aux chapitres 9 et 10 — pour ne nommer que celles-là — du PTP. »

Il faut également souligner que le refus des gouvernements Harper et Trudeau de protéger les services postaux défie toute logique puisque les exemptions suivantes pour l'accès au marché ont été incluses dans l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne.

« Secteur : Services postaux

« Description : Commerce transfrontières de services et investissement

« Le privilège exclusif de recueillir, de transporter et de distribuer les lettres au Canada (telles qu'elles sont définies dans le Règlement sur la définition de lettre, DORS/83 481) est réservé au monopole des postes.

« Il est entendu que les activités se rapportant au privilège exclusif peuvent également être restreintes, y compris l'émission de timbres poste ainsi que l'installation, l'érection ou le déménagement, dans tout lieu public, de tout contenant postal ou dispositif devant servir à la collecte, à la livraison ou à l'entreposage du courrier. »

L'avis juridique obtenu par le STTP dit en conclusion :

« Le Canada n'a offert aucune explication des raisons pour lesquelles il a renoncé à la possibilité de faire valoir des réserves semblables. Son refus expose Postes Canada aux règles contraignantes décrites un peu plus tôt, lesquelles pourraient donner lieu à des différends d'État à État aux termes du chapitre 28 ou, dans certains cas, à des litiges opposant un investisseur à un État, aux termes du chapitre 9. »

Pour obtenir le texte intégral de l'avis juridique, cliquer ici .

Note

1. United Parcel Service (UPS) a intenté une poursuite aux termes de l'ALÉNA contre Postes Canada en avril 2000 pour « concurrence déloyale ». UPS a soutenu que Postes Canada avait un avantage inéquitable parce que ses services comme XPress Post et le Courier prioritaire reposaient sur une infrastructure de centres de tri, de boîtes aux lettres et de bureaux de poste à laquelle les entreprises privées n'avaient pas accès. Cette poursuite a été rejetée en 2007.

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