Le Marxiste-Léniniste

Numéro 80 - 9 juin 2016

Brésil

Opposition massive au gouvernement
issu du coup d'État

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La marche des femmes à Rio de Janeiro le 2 juin 2016

Brésil
Opposition massive au gouvernement issu du coup d'État
La crédibilité du président intérimaire du Brésil s'effondre avec l'interdiction de se présenter à des élections pendant huit ans  - Glenn Greenwald

Porto Rico
Obama continue d'ignorer les appels pour la libération du prisonnier politique portoricain, Oscar López Rivera - Matt Peppe


Brésil

Opposition massive au gouvernement issu
du coup d'État

Des milliers de femmes marchent pour la démocratie
avec Dilma Rousseff

Le 2 juin, la présidente brésilienne injustement suspendue Dilma Rousseff s'est jointe, dans les rues de Rio de Janeiro, aux milliers de femmes qui rejettent le gouvernement intérimaire de Michel Temer que les manifestants ont dénoncé comme un régime putschiste.

« Ce qui nous unit ici c'est la démocratie de notre pays, qui a été gagnée de haute lutte », a déclaré Dilma Rousseff lors de la manifestation qui a réuni quelque 5000 Brésiliennes sous la bannière de « Femmes pour la démocratie et contre le coup d'État ».

« Nous savons que ce qui s'est produit est un coup d'État et maintenant les choses vont devenir de plus en plus claires », a-t-elle ajouté, faisant allusion à la récente série de fuites par les médias d'écoutes téléphoniques accablantes qui confirment que le plan visant à la destituer de ses fonctions était un coup d'État.

La présidente Rousseff a également souligné le rôle « crucial » des femmes dans la démocratie, critiquant le cabinet Temer de ne représenter qu'un petit groupe d'élites. « Un gouvernement d'hommes blancs âgés ne représente pas la diversité de notre population », a-t-elle dit.

Cette mobilisation s'est produite un jour après que l'avocat de Rousseff, José Eduardo Cardozo, ait présenté sa défense devant le Sénat dans le cadre du procès de destitution auquel elle fait face après avoir été suspendue le 12 mai. La défense a inclus comme nouveaux éléments de preuve des extraits des écoutes téléphoniques divulguées tout récemment qui impliquent des personnalités importantes de l'opposition, dont les membres du cabinet Temer, dans des tentatives de se soustraire aux enquêtes sur la corruption.

« Le motif principal du coup contre moi était d'empêcher que la lutte contre la corruption les atteigne », a dit Rousseff lors du rassemblement.

La marche des femmes a également eu lieu moins de deux semaines après le viol collectif d'une adolescente qui a suscité l'indignation généralisée et des protestations contre la culture du viol, contre la violence contre les femmes et la misogynie dans la société brésilienne.

Rousseff a averti les Brésiliens qu'ils font face à la menace d'un démantèlement des acquis sociaux importants par ce gouvernement intérimaire. Juste trois semaines après son entrée en fonction et bien qu'il soit un président intérimaire et non permanent ou élu, Temer a agi rapidement pour réduire ce qu'il appelle un État « obèse ». Il a supprimé des ministères importants et a promis de réduire les dépenses sociales tout en favorisant la privatisation des ressources brésiliennes et leur accès accru aux sociétés étrangères.

Les syndicats ont qualifié la suspension de Rousseff de « coup d'État contre la classe ouvrière », tandis que l'ancienne dirigeante du ministère maintenant aboli de la Femme, de l'Égalité raciale et des Droits humains, Nilma Lino Gomes, l'a décrit comme un coup d'État multidimensionnel qui aura des conséquences pour les femmes, les minorités et la classe ouvrière.

Le 12 mai, Rousseff a été suspendue de ses fonctions pendant 180 jours suite à un vote au Sénat, de 55 contre 22, d'une motion la forçant à subir un procès pour destitution en vertu d'allégations de manipulation des comptes publics pour dissimuler un déficit budgétaire.

Si le Sénat, qui est supervisé par la Cour suprême, décide suite au procès de destituer Rousseff par un vote d'une majorité des deux tiers, Temer occupera les fonctions de président de façon permanente jusqu'en 2018. Certains sénateurs ont commencé à changer leurs positions depuis le premier vote.

La défense de Rousseff utilise les preuves provenant des fruites pour exposer le coup d'État

Le 1er juin, l'avocat de la présidente Dilma Rousseff, José Eduardo Cardozo, a présenté sa défense devant le Sénat brésilien dans le cadre de son procès pour destitution. Il a cité des enregistrements récemment divulgués de personnalités haut placées de l'opposition complotant pour échapper à des enquêtes de corruption comme une preuve que la tentative de destitution constitue un « abus de pouvoir » pour des motifs de vengeance politique contre Rousseff.

« Plusieurs des déclarations montrent que la tentative de destitution a eu lieu non pas en réponse à un crime mais parce qu'en fait, plusieurs segments de la classe politique étaient inquiets en raison de l'enquête Opération Lave-Auto [Lavo Jato] », a dit l'avocat de Rousseff en faisant référence aux conversations accablantes divulguées par l'ancien directeur de la société pétrolière d'État, Sergio Machado.

Les enregistrements ont mis en cause des rivaux politiques clés, dont deux membres du cabinet mis en place par le président intérimaire Michel Temer et le chef du Sénat, qui ont participé à un complot visant à bloquer les enquêtes sur la corruption par pots-de-vin au sein de la société pétrolière d'État Petrobras. Certains des enregistrements révèlent aussi que les politiciens ont secrètement conspiré avec des membres de la Cour suprême pour s'assurer de l'éviction de Rousseff et d'une refonte des enquêtes sur la corruption.

Cardozo a dit que les écoutes téléphoniques offrent une indication « claire » d'une « forte composante de coordination » dans le plan d'évincement de Rousseff.  « Cela, selon nous, renforce la notion d'abus de pouvoir que nous avions attribué au début uniquement et exclusivement au président de la Chambre basse Eduardo Cunha », a-t-il dit en référence à l'ancien président de la chambre basse du Congrès qui a piloté la requête de destitution de Rousseff.

Cunha a contribué fortement à dépeindre la procédure de destitution comme une campagne pour éradiquer la corruption gouvernementale bien qu'il fasse lui-même l'objet d'accusations de pots-de-vin et de fraudes de plusieurs millions de dollars. Il a été suspendu de son poste de chef de la chambre basse par la Cour suprême sur la base d'accusations d'intimidation de législateurs et d'entrave aux enquêtes. Sa suspension est survenue quelques semaines seulement après que la chambre basse ait approuvé d'aller de l'avant avec le processus de destitution lors d'une session marathon tumultueuse.

A la fin du mois de mai, le premier enregistrement qui a été divulgué a révélé que le ministre intérimaire de la Planification Romero Juca, également chef du parti PMDB de Temer, a conspiré avec la Cour suprême et des commandants militaires pour garantir le retrait de Rousseff de ses fonctions dans le cadre d'un complot pour mettre fin aux enquêtes de l'Opération Lave-Auto. Il a été révélé par une deuxième fuite que le chef du Sénat Renan Calheiros a planifié des discussions avec la Cour suprême pour modifier les lois clés qui régissent les enquêtes de fraude.

Les troisième et quatrième fuites majeures impliquent l'ancien politicien de l'époque de la dictature et président de 1985 à 1990, Jose Sarney, et le ministre de la transparence Fabiano Silveira du cabinet du président intérimaire Temer, qui ont tenu des conversations similaires.

Cardozo a souligné que la défense continue d'étayer l'argumentation à l'effet qu'aucun crime n'a été commis.

Des sénateurs reconsidèrent leur appui à la procédure de destitution

Suite aux révélations de corruption des membres du gouvernement intérimaire Temer par des fuites d'écoute électronique, au moins trois sénateurs brésiliens ont déclaré aux médias qu'ils regrettent maintenant d'avoir voté en faveur d'un procès de destitution de la présidente Dilma Rousseff. Pour que Rousseff soit évincée de son poste de façon permanente, il faut un vote des deux tiers du Sénat en faveur de sa destitution à l'issue de son procès. Le Sénat comprenant 81 sièges, le nombre de votes requis est de 54. Comme le vote initial pour forcer Roussef à subir un procès de destitution a été de 55 en faveur et 22 contre, il suffirait probablement que quelques sénateurs changent leur position pour éviter un appui aux deux tiers ce qui ramènerait Rousseff au pouvoir.

Les sénateurs Romário de Souza Faria, Acir Gurgacz et Cristovam Buarque ont dit récemment qu'ils sont en train de reconsidérer leur appui à la destitution de Rousseff.

Le sénateur Romário, une ancienne étoile de soccer, a critiqué les changements spectaculaires qui ont été effectués par le gouvernement putschiste de Michel Temer.

Romario a dit que les législateurs doivent prendre en considération le contenu des conversations fuitées qui ont révélé que des politiciens proches de Temer ont conspiré avec les membres de la Cour suprême et des commandants militaires pour évincer Rousseff et éviter aux officiels corrompus de faire face à la justice.

Pendant ce temps, le sénateur Hélio José a critiqué sévèrement le gouvernement Temer, suggérant qu'il est lui aussi en train de reconsidérer son appui à la procédure de destitution.

(TeleSUR, Photos : Photo : PT, T. Dezan, R. Borges)

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La crédibilité du président intérimaire du Brésil s'effondre avec l'interdiction de se présenter à des élections pendant huit ans

Il est évident depuis le début qu'un objectif central de la destitution de la présidente élue du Brésil Dilma Rousseff a été de porter au pouvoir les vrais voleurs de Brasilia et de leur permettre d'entraver, d'obstruer et ultimement de tuer l'enquête de l'Opération Lave-Auto ( en plus de leur permettre d'imposer un ordre du jour néolibéral de privatisation et d'austérité radicale). Juste 20 jours après la prise du pouvoir par le président « intérimaire » impliqué dans la corruption Michel Temer, des preuves accablantes ont montré que tels étaient bien les objectifs. Déjà, deux des ministres intérimaires du cabinet de Temer entièrement formé d'hommes blancs, dont son ministre anti-corruption, ont été forcés de démissionner après que des enregistrements secrets aient été fuités dans lesquels ils complotent pour entraver l'enquête (une enquête qui les vise directement de même qu'un tiers du conseil des ministres).

Cependant, la corruption qui suinte de ses ministres a parfois servi à camoufler celle de Temer, car est lui aussi visé par plusieurs enquêtes sur la corruption. Voilà maintenant qu'il a été condamné officiellement d'avoir violé les lois électorales et condanmé par le tribunal d'interdiction de se présenter à des élections pendant huit ans. Hier, un tribunal électoral régional de São Paulo, la ville dont il provient, a adopté un décret officiel le declarant « inéligible» de se porter candidat à un poste électif à cause de son « mauvais dossier » en ce qui concerne les élections. Temer a été déclaré coupable d'avoir utilisé ses propres fonds dans sa campagne au-delà de ce que la loi permet.

Si l'on considère l'étendue des stratagèmes, de la corruption et de l'illégalité que représente ce gouvernement intérimaire, la violation de la loi dont Temer s'est rendu coupable n'est pas l'infraction la plus grave. Mais elle est emblématique de la fraude anti-démocratique que les élites brésiliennes ont essayé de perpétrer. Au nom de la corruption, elles ont évincé de son poste la dirigeante du pays élue démocratiquement et l'ont remplacée par quelqu'un qui, bien que n'étant pas empêché légalement de prendre le pouvoir, est maintenant sous le coup d'une interdiction de se faire élire pendant huit ans à la position qu'il veut occuper.

Il y a à peine quelques semaines, la destitution de Dilma apparaissait inévitable. Les médias oligarchiques du Brésil avaient avec grande efficacité concentré toute leur attention sur elle. Cependant, les gens depuis se sont mis à examiner qui était derrière sa destitution, qui allait prendre le pouvoir et quel était le motif des auteurs du coup, et tout a changé. Maintenant, sa destitution, qui est encore probable, ne semble plus si inévitable. La semaine dernière, O Globo a rapporté que deux sénateurs qui s'étaient prononcés en faveur de la destitution étaient en train de reconsidérer leur position à la lumière des « faits nouveaux » (les enregistrements fuités des ministres de Temer), et Folha a rapporté hier que plusieurs sénateurs songent à changer leur position. Il est frappant que les médias brésiliens aient cessé de publier les résultats des sondages sur les opinions du public sur Temer et la destitution de Dilma.

Pendant ce temps, l'opposition à cette attaque contre la démocratie grandit au pays et à l'étranger. Les manifestations contre Temer sont de plus en plus grandes et intenses. Une vingtaine de députés du Parlement britannique ont dénoncé la destitution comme étant un coup d'État. Une trentaine de députés du parlement européen ont demandé qu'on mette fin aux négociations commerciales avec le gouvernement intérimaire du Brésil parce qu'il manque de légitimité. Le groupe anti-corruption Transparency International a annoncé qu'il met fin à son dialogue avec le nouveau gouvernement jusqu'à ce qu'il purge ses nouveaux ministères de la corruption. Le New York Times a fait un reportage cette semaine sur la démission du ministre responsable de la lutte à la corruption 20 jours seulement après son installation au pouvoir, disant que « voilà un autre coup porté à ce gouvernement qui semble boîter d'un scandale à l'autre quelques semaines à peine après que M. Temer ait remplacé Dilma Rousseff ».

Rien cependant n'illustre la farce dangereuse à laquelle s'adonnent les élites brésiliennes autant que le fait que le leader qu'ils ont choisi n'aura pas le droit de tenter d'être élu à la position dans laquelle on l'a installé parce qu'il a été condamné d'avoir violé la loi. Il ne s'agit pas ici seulement de la destruction de la démocratie dans le cinquième pays le plus peuplé du monde ou de l'imposition d'un ordre du jour de privatisation et d'autres attaques contre les pauvres au profit des ploutocrates internationaux Il s'agit littéralement de la mise au pouvoir de gens sales et corrompus, en dehors des normes démocratiques, une entreprise cynique qui est faite au nom de la lutte à la corruption.

(theintercept.com, June 3, 2016)

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Porto Rico

Obama continue d'ignorer les appels pour
la libération du prisonnier politique portoricain, Oscar López Rivera

Il y a deux mois et demi, lorsque le dramaturge primé Lin-Manuel Miranda a interrogé le président Barack Obama au sujet du nationaliste portoricain emprisonné, Oscar López Rivera, dont le seul crime, selon le lauréat du Prix Nobel de la paix, l'archevêque Desmond Tutu, est le « complot en vue de libérer son peuple des chaînes de la justice impérialiste », le président Obama a répondu au créateur de [la comédie musicale] Hamilton que « son dossier était sur son bureau ». Miranda, dont les parents sont originaires de Porto Rico, a profité d'une invitation à la Maison Blanche pour soulever la question de l'incarcération de López Rivera, qui est d'une énorme importance pour les Portoricains. Sur l'île et dans la diaspora, la liberté du prisonnier politique, âgé de 73 ans, jouit d'un soutien populaire immense et unit les gens de tous les horizons politiques.


San Juan, Porto Rico, 29 mai 2016

Le 29 mai 2016 est le 35e anniversaire de l'emprisonnement de López. Il a été condamné en 1981 pour « conspiration séditieuse » en vue de renverser le gouvernement des États-Unis par la force et pour des infractions mineures, notamment possession d'armes à feu et transport de véhicules volés d'un État à un autre. López a été accusé d'occuper un poste de responsabilité au sein des FALN (Fuerzas Armadas de Liberación Nacional Puertorriqueña), une organisation nationaliste portoricaine, ce qu'il n'a pas admis mais n'a pas contesté. Cette organisation a revendiqué une série d'attentats à la bombe à Chicago et à New York pendant les années 1970 et 1980, bien que comme le Chicago Tribune a noté ces attentats ont été effectués « pour causer des dommages aux biens plutôt qu'aux personnes » et le FALN « cherchait plus à attirer l'attention sur sa cause qu'à verser le sang ».


San Juan, Porto Rico, 29 mai 2016

López n'a jamais été lié personnellement à un attentat ou à tout autre acte de violence ayant entraîné des blessures ou la mort d'une personne. Sans aucun doute, si le gouvernement possédait des preuves de sa participation à un acte de violence, ou de sa préparation, il en aurait été accusé devant un tribunal. Mais le gouvernement l'a inculpé de « conspiration séditieuse », la même accusation politique utilisée par le gouvernement d'apartheid sud-africain pour condamner Nelson Mandela deux décennies plus tôt. López a passé maintenant sept années de prison de plus que Mandela avant que celui-ci ne soit libéré et devienne le premier président post-apartheid de l'Afrique du Sud.

Des milliers de personnes se sont réunies [le 29 mai] à San Juan pour marquer le 35e anniversaire de l'incarcération de López et exiger sa libération. Les manifestants ont scandé « Obama, écoute-nous ! Nous voulons que Oscar soit libre »et « Nous ne voulons pas de cette commission, nous voulons être libres », selon Fox News Latino.

Ce dernier slogan fait référence à la Puerto Rico Oversight, Management and Economic Stability Act (PROMESAS) (Loi sur la surveillance, la gestion et la stabilité économique de Porto Rico) qui créerait une Commission de contrôle financier composée majoritairement de membres venant de l'extérieur de l'île et qui ne seront pas nommés par les représentants élus des Portoricains. Le Conseil serait investi des pleins pouvoirs sur toutes les décisions budgétaires et, de fait, se substituerait aux élus de Porto Rico. Le projet de loi a été adopté par un Comité de la chambre [le 25 mai] et devrait être voté à la Chambre le mois prochain. Ce projet de loi est soutenu par la direction des partis du Congrès, les républicains et les démocrates, ainsi que par le gouvernement Obama.

Mais le gouverneur de Porto Rico, Alejandro García Padilla et une grande partie du peuple portoricain s'opposent à ce qu'ils considèrent comme une imposition flagrante du colonialisme en permettant à des technocrates non élus, qui ne sont pas des représentants élus et ne sont pas responsables devant le peuple portoricain, de détenir un droit de veto en matière de dépenses, et même d'abaisser le salaire minimum.

López s'oppose à la Commission de contrôle financier et a déclaré dans une entrevue téléphonique au El Nuevo Día (les autorités de la prison ayant refusé la demande du journal de faire une entrevue en personne) que : « C'est un problème créé par Washington. Le problème est à Washington et à Wall Street. Le peuple de Porto Rico ne doit pas l'accepter. Aucun Portoricain ne doit douter que nous pouvons résoudre nos propres problèmes... Il faut respecter notre droit à l'autodétermination et ne pas dépendre des miettes que Washington nous donne ».

La réponse d'Obama à Miranda à savoir s'il accorderait à López une grâce ou une commutation de peine donne l'impression que son cas est urgent. En effet, si le dossier est « sur son bureau », il a l'intention sans doute de prendre rapidement une décision. Toutefois, cela n'est clairement pas le cas, car Obama est le président qui a accordé le moins de grâce que tout autre président des États-Unis et ses années de refus de s'occuper du cas de López en particulier, témoignent de l'indifférence d'Obama envers la détention injuste de prisonniers par son gouvernement.

Depuis son élection il y a sept ans, trois lauréats du Prix Nobel de la paix, le membre du Congrès sans droit de vote de Porto Rico, l'actuel gouverneur de Porto Rico et des présidents étrangers ont demandé directemement à Obama de libérer López Rivera. Le président vénézuélien, Nicolás Maduro, a même publiquement offert de libérer le leader de l'opposition, Leopoldo López, si Obama libérait López Rivera. Pourtant, le gouvernement Obama a maintenu son silence.

La semaine dernière, trois membres du Congrès porto-américains, Luis Gutiérrez, Nydia Velázquez et José Serrano, ainsi que le Commissaire résident de Porto Rico, Pedro Pierluisi, ont révélé qu'ils avaient envoyé une lettre à Obama en février pour lui demander d'accorder la clémence à l'homme qui a maintenant passé près de la moitié de sa vie derrière les barreaux sans jamais avoir été accusé d'un acte de violence.

Après des mois sans recevoir de réponse, les législateurs ont décidé de la rendre publique pour essayer de faire pression sur Obama pour qu'il reconnaisse la volonté presque unanime de Porto Rico et accorde une amnistie.

« Vous savez l'importance que cela revêt pour nous, car nous vous l'avons exprimé personnellement. À notre connaissance, il n'y a aucun objectif criminologique légitime au maintien de l'emprisonnement de ce Portoricain âgé de 73 ans, quand son pays et ceux qui chérissent les droits humains réclament ardemment sa libération », ont-ils révélé avoir écrit au président.

Il y a deux ans et demi, j'ai soutenu que les refus de Obama de libérer López sont emblématiques de la propension du gouvernement américain à ignorer les revendications politiques du peuple portoricain et à utiliser uniquement les rapports coloniaux pour poursuivre des intérêts économiques et stratégiques perçus de la classe dirigeante :

Sans représentation au Congrès ou vote aux élections présidentielles, les Portoricains voient leurs droits politiques assujettis au gouvernement des États-Unis. Même sur un sujet aussi populaire parmi les Portoricains que la libération d'Oscar López, ils n'ont aucun recours pour participer au processus politique au niveau fédéral.

Rien n'indique qu'Obama entende même répondre à la demande de clémence de López, et encore moins l'accorder. Dans son discours aux funérailles de Nelson Mandela, Obama a déclaré que « dans le monde entier aujourd'hui, des hommes et des femmes sont toujours emprisonnés pour leurs convictions politiques ». L'opinion de la majorité écrasante des Portoricains est que cette déclaration s'applique précisément à López.

Le mépris qu'Obama a montré pour la volonté des Portoricains de faire libérer Oscar López illustre les défis énormes que rencontrent les Portoricains pour se débarasser de leur statut inférieur et obtenir l'égalité des droits. Si le président refuse même d'accorder un pardon simple, quelle chance ont les Portoricains que le gouvernement des États-Unis se plie au référendum de 2012 et leur permette d'accéder à l'autodétermination ?

Il est plus que jamais urgent que les Portoricains puissent croire que des gens dans le gouvernement américain respectent leurs opinions ou leurs désirs politiques. Nous sommes au milieu d'une autre saison de campagne, qui, pour beaucoup d'Américains, est perçue comme une occasion de participer au processus politique en votant aux élections. Toutefois, pour les Portoricains, c'est un nouveau rappel que bien qu'ils sont des citoyens américains, ils se voient refuser le droit accordé aux Américains dans les États de choisir des représentants du Congrès et de participer à l'élection présidentielle.

Les mesures de politique qui seront décidées après l'élection au niveau fédéral s'appliqueront aux Portoricains, bien qu'ils n'auront eu aucun rôle dans le choix de ces politiques et aucun moyen d'exprimer leur insatisfaction face à ces mesures en rejetant ceux qui les ont appuyées.

La seule façon dont Porto Rico peut se remettre de la crise économique et de la crise de la dette, comme l'a déclaré López Rivera dans son entretien au El Nuevo Día, serait d'accéder à la souveraineté et à l'autodétermination. Cela leur donnerait la capacité de donner la priorité aux entreprises locales et aux besoins de la population, et de se libérer d'être simplement un marché captif pour les produits américains et une source de main-d'oeuvre bon marché pour les sociétés américaines.

Mais toutes les promesses du référendum de 2012, qui a rejeté le statut colonial actuel par une majorité de 54 pour cent et aurait permis d'atteindre cet objectif, ont disparu. Le Congrès américain, qui doit approuver tout changement de statut politique de Porto Rico, n'a donné aucune indication qu'il envisagerait même de faire quelque chose pour mettre fin au statut « d'État libre associé » que les Portoricains ont rejeté.

Au contraire, les Portoricains sont devant une commission de contrôle financier qui est un affront flagrant à l'idée que le peuple doit se gouverner lui-même et un rappel de leur impuissance de sujets coloniaux.

Le fait qu'Oscar López Rivera soit encore emprisonné injustement est la preuve que les voix des Portoricains ne comptent tout simplement pas pour les citoyens américains de première classe qui détiennent le pouvoir sur le continent.

Chicago, 29 mai 2016

(Just the Facts blog, 30 mai 2016. Photos : TeleSUR, National Boricua Human Rights Network, Puerto Rico Human Rights Committee)

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