Numéro 80 - 9 juin 2016
Brésil
Opposition massive au gouvernement
issu du coup d'État
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La marche des femmes à Rio de Janeiro le 2 juin 2016
Brésil
• Opposition massive au gouvernement issu du
coup d'État
• La crédibilité du
président intérimaire du Brésil s'effondre avec
l'interdiction de se présenter à des élections
pendant huit ans - Glenn Greenwald
Porto Rico
• Obama continue d'ignorer les appels pour la
libération du prisonnier politique portoricain, Oscar
López Rivera - Matt Peppe
Brésil
Opposition massive au gouvernement issu
du coup d'État
Des milliers de femmes marchent pour la
démocratie
avec Dilma Rousseff
Le 2 juin, la présidente brésilienne
injustement suspendue Dilma Rousseff s'est jointe, dans les rues de Rio
de Janeiro, aux milliers de femmes qui rejettent le gouvernement
intérimaire de Michel Temer que les manifestants ont
dénoncé comme un régime putschiste.
« Ce qui nous unit ici c'est la démocratie
de notre pays, qui a été gagnée de haute
lutte », a déclaré Dilma Rousseff lors de la
manifestation qui a réuni quelque 5000 Brésiliennes
sous la bannière de « Femmes pour la démocratie et
contre le coup d'État ».
« Nous savons que ce qui s'est produit est un
coup d'État et maintenant les choses vont devenir de plus en
plus claires », a-t-elle ajouté, faisant allusion
à la récente série de fuites par les médias
d'écoutes téléphoniques accablantes qui confirment
que le plan visant à la destituer de ses fonctions était
un coup d'État.
La présidente Rousseff a également
souligné le rôle « crucial » des femmes
dans la démocratie, critiquant le cabinet Temer de ne
représenter qu'un petit groupe d'élites. « Un
gouvernement d'hommes blancs âgés ne représente pas
la diversité de notre population », a-t-elle dit.
Cette mobilisation s'est produite un jour après
que l'avocat de Rousseff, José Eduardo Cardozo, ait
présenté sa défense devant le Sénat dans le
cadre du procès de destitution auquel elle fait face
après avoir été suspendue le 12 mai. La
défense a inclus comme nouveaux éléments de preuve
des extraits des écoutes téléphoniques
divulguées
tout récemment qui impliquent des personnalités
importantes de l'opposition, dont les membres du cabinet Temer, dans
des tentatives de se soustraire aux enquêtes sur la corruption.
« Le motif principal du coup contre moi
était d'empêcher que la lutte contre la corruption les
atteigne », a dit Rousseff lors du rassemblement.
La marche des femmes a également eu lieu moins
de deux semaines après le viol collectif d'une adolescente qui a
suscité l'indignation généralisée et des
protestations contre la culture du viol, contre la violence contre les
femmes et la misogynie dans la société brésilienne.
Rousseff a averti les Brésiliens qu'ils font
face à la menace d'un démantèlement des acquis
sociaux importants par ce gouvernement intérimaire. Juste trois
semaines après son entrée en fonction et bien qu'il soit
un président intérimaire et non permanent ou élu,
Temer a agi rapidement pour réduire ce qu'il appelle un
État « obèse ». Il a
supprimé des ministères importants et a promis de
réduire les dépenses sociales tout en favorisant la
privatisation des ressources brésiliennes et leur accès
accru aux sociétés étrangères.
Les syndicats ont qualifié la suspension de
Rousseff de « coup d'État contre la classe
ouvrière », tandis que l'ancienne dirigeante du
ministère maintenant aboli de la Femme, de
l'Égalité raciale et des Droits humains, Nilma Lino
Gomes, l'a décrit comme un coup d'État multidimensionnel
qui aura des conséquences pour les femmes, les
minorités et la classe ouvrière.
Le 12 mai, Rousseff a été suspendue
de ses fonctions pendant 180 jours suite à un vote au
Sénat, de 55 contre 22, d'une
motion la forçant à subir un procès pour
destitution en vertu d'allégations de manipulation des comptes
publics pour dissimuler un déficit
budgétaire.
Si le Sénat, qui est supervisé par la
Cour suprême, décide suite au procès de destituer
Rousseff par un vote d'une majorité des deux tiers, Temer
occupera les fonctions de président de façon permanente
jusqu'en 2018. Certains sénateurs ont commencé
à changer leurs positions depuis le premier vote.
La défense de Rousseff utilise les preuves
provenant des fruites pour exposer le coup d'État
Le 1er juin, l'avocat de la présidente Dilma
Rousseff, José Eduardo Cardozo, a présenté sa
défense devant le Sénat brésilien dans le cadre de
son procès pour destitution. Il a cité des
enregistrements récemment divulgués de
personnalités haut placées de l'opposition complotant
pour échapper à des enquêtes de corruption comme
une
preuve que la tentative de destitution constitue un « abus de
pouvoir » pour des motifs de vengeance politique contre
Rousseff.
« Plusieurs des déclarations montrent que
la tentative de destitution a eu lieu non pas en réponse
à un crime mais parce qu'en fait, plusieurs segments de la
classe politique étaient inquiets en raison de l'enquête
Opération Lave-Auto [Lavo Jato] », a dit l'avocat de
Rousseff en faisant référence aux conversations
accablantes divulguées
par l'ancien directeur de la société
pétrolière d'État, Sergio Machado.
Les enregistrements ont mis en cause des rivaux
politiques clés, dont deux membres du cabinet mis en place par
le président intérimaire Michel Temer et le chef du
Sénat, qui ont participé à un complot visant
à bloquer les enquêtes sur la corruption par pots-de-vin
au sein de la société pétrolière
d'État Petrobras. Certains des enregistrements
révèlent aussi que les politiciens ont secrètement
conspiré avec des membres de la Cour suprême pour
s'assurer de l'éviction de Rousseff et d'une refonte des
enquêtes sur la corruption.
Cardozo a dit que les écoutes
téléphoniques offrent une indication «
claire » d'une « forte composante de
coordination » dans le plan d'évincement de
Rousseff. « Cela, selon nous, renforce la notion d'abus de
pouvoir que
nous avions attribué au début uniquement et exclusivement
au président de la Chambre basse Eduardo
Cunha », a-t-il dit en référence à
l'ancien président de la chambre basse du Congrès qui a
piloté la requête de destitution de Rousseff.
Cunha a contribué fortement à
dépeindre la procédure de destitution comme une campagne
pour éradiquer la corruption gouvernementale bien qu'il fasse
lui-même l'objet d'accusations de pots-de-vin et de fraudes de
plusieurs millions de dollars. Il a été suspendu de son
poste de chef de la chambre basse par la Cour suprême sur la base
d'accusations d'intimidation de législateurs et d'entrave aux
enquêtes. Sa suspension est survenue quelques semaines seulement
après que la chambre basse ait approuvé d'aller de
l'avant avec le processus de destitution lors d'une session marathon
tumultueuse.
A la fin du mois de mai, le premier enregistrement qui
a été divulgué a révélé que
le ministre intérimaire de la Planification Romero Juca,
également chef du parti PMDB de Temer, a conspiré avec la
Cour suprême et des commandants militaires pour garantir le
retrait de Rousseff de ses fonctions dans le cadre d'un complot pour
mettre fin
aux enquêtes de l'Opération Lave-Auto. Il a
été révélé par une deuxième
fuite que le chef du Sénat Renan Calheiros a planifié des
discussions avec la Cour suprême pour modifier les lois
clés qui régissent les enquêtes de fraude.
Les troisième et quatrième fuites
majeures impliquent l'ancien politicien de l'époque de la
dictature et président de 1985 à 1990, Jose
Sarney, et le ministre de la transparence Fabiano Silveira du cabinet
du président intérimaire Temer, qui ont tenu des
conversations
similaires.
Cardozo a souligné que la défense
continue d'étayer l'argumentation à l'effet qu'aucun
crime n'a été commis.
Des sénateurs reconsidèrent leur appui
à la procédure de destitution
Suite aux révélations de corruption des
membres du gouvernement intérimaire Temer par des fuites
d'écoute électronique, au moins trois sénateurs
brésiliens ont déclaré aux médias qu'ils
regrettent maintenant d'avoir voté en faveur d'un procès
de destitution de la présidente Dilma Rousseff. Pour que
Rousseff soit évincée de son poste de
façon permanente, il faut un vote des deux tiers du Sénat
en faveur de sa destitution à l'issue de son procès. Le
Sénat comprenant 81 sièges, le nombre de votes
requis est de 54. Comme le vote initial pour forcer Roussef
à subir un procès de destitution a été
de 55 en faveur et 22 contre, il suffirait probablement que
quelques sénateurs changent leur position pour éviter un
appui aux deux tiers ce qui ramènerait Rousseff au pouvoir.
Les sénateurs Romário de Souza Faria,
Acir Gurgacz et Cristovam Buarque ont dit récemment qu'ils sont
en train de reconsidérer leur appui à la destitution de
Rousseff.
Le sénateur Romário, une ancienne
étoile de soccer, a critiqué les changements
spectaculaires qui ont été effectués par le
gouvernement putschiste de Michel Temer.
Romario a dit que les législateurs doivent
prendre en considération le contenu des conversations
fuitées qui ont révélé que des politiciens
proches de Temer ont conspiré avec les membres de la Cour
suprême et des commandants militaires pour évincer
Rousseff et éviter aux officiels corrompus de faire face
à la justice.
Pendant ce temps, le sénateur Hélio
José a critiqué sévèrement le gouvernement
Temer, suggérant qu'il est lui aussi en train de
reconsidérer son appui à la procédure de
destitution.
La crédibilité du président
intérimaire du Brésil s'effondre avec l'interdiction de
se présenter à des élections pendant huit ans
- Glenn Greenwald -
Il est évident depuis le début qu'un
objectif central de la destitution de la présidente élue
du Brésil Dilma Rousseff a été de porter au
pouvoir les vrais voleurs de Brasilia et de leur permettre d'entraver,
d'obstruer et ultimement de tuer l'enquête de l'Opération
Lave-Auto ( en plus de leur permettre d'imposer un ordre du jour
néolibéral de
privatisation et d'austérité radicale). Juste 20
jours après la prise du pouvoir par le président «
intérimaire » impliqué dans la corruption
Michel Temer, des preuves accablantes ont montré que tels
étaient bien les objectifs. Déjà, deux des
ministres intérimaires du cabinet de Temer entièrement
formé d'hommes blancs, dont son
ministre anti-corruption, ont été forcés de
démissionner après que des enregistrements secrets aient
été fuités dans lesquels ils complotent pour
entraver l'enquête (une enquête qui les vise directement de
même qu'un tiers du conseil des ministres).
Cependant, la corruption qui suinte de ses ministres a
parfois servi à camoufler celle de Temer, car est
lui aussi visé par plusieurs enquêtes sur la corruption.
Voilà maintenant qu'il a été
condamné officiellement d'avoir violé les lois
électorales et condanmé par le tribunal
d'interdiction de se présenter à des élections
pendant huit ans. Hier, un tribunal électoral régional de
São Paulo, la ville dont il provient, a adopté un
décret officiel le declarant « inéligible» de
se porter candidat à un poste électif à cause de
son « mauvais dossier » en ce qui concerne les
élections. Temer a été
déclaré coupable d'avoir utilisé ses propres fonds
dans sa campagne au-delà de ce que la loi
permet.
Si l'on considère l'étendue des
stratagèmes, de la corruption et de l'illégalité
que représente ce gouvernement intérimaire, la violation
de la loi dont Temer s'est rendu coupable n'est pas l'infraction la
plus grave. Mais elle est emblématique de la fraude
anti-démocratique que les élites brésiliennes ont
essayé de perpétrer. Au nom de la
corruption, elles ont évincé de son poste la dirigeante
du pays élue démocratiquement et l'ont remplacée
par quelqu'un qui, bien que n'étant pas empêché
légalement de prendre le pouvoir, est maintenant sous le coup
d'une interdiction de se faire élire pendant huit ans à
la position qu'il veut occuper.
Il y a à peine quelques semaines, la destitution
de Dilma apparaissait inévitable. Les médias
oligarchiques du Brésil avaient avec grande efficacité
concentré toute leur attention sur elle. Cependant, les gens
depuis se sont mis à examiner qui était derrière
sa
destitution, qui allait prendre le pouvoir et quel était le
motif des auteurs du coup, et tout a changé.
Maintenant, sa destitution, qui est encore probable, ne semble plus si
inévitable. La semaine dernière, O Globo a
rapporté que deux sénateurs qui s'étaient
prononcés en faveur de la destitution étaient en train de
reconsidérer leur position à la lumière des
« faits nouveaux » (les enregistrements fuités
des ministres de Temer), et Folha a rapporté hier que
plusieurs
sénateurs songent à changer leur position. Il est
frappant que les médias brésiliens aient cessé de
publier les résultats des sondages sur les opinions du public
sur Temer et la destitution de Dilma.
Pendant ce temps, l'opposition à cette attaque
contre la démocratie grandit au pays et à
l'étranger. Les manifestations contre Temer sont de plus en plus
grandes et intenses. Une vingtaine de députés du
Parlement britannique ont dénoncé la destitution comme
étant un
coup d'État. Une trentaine de députés du parlement
européen ont demandé qu'on
mette fin aux négociations commerciales avec le gouvernement
intérimaire du Brésil parce qu'il manque de
légitimité. Le groupe anti-corruption Transparency
International a annoncé qu'il met fin à son dialogue avec
le nouveau gouvernement jusqu'à ce qu'il purge ses nouveaux
ministères de la corruption. Le New York Times a fait un
reportage cette semaine sur la démission du ministre responsable
de la lutte à la corruption 20 jours seulement après
son installation au pouvoir, disant que « voilà un autre
coup porté à ce gouvernement qui semble boîter d'un
scandale à l'autre quelques semaines à peine après
que M. Temer ait remplacé Dilma Rousseff ».
Rien cependant n'illustre la farce dangereuse à
laquelle s'adonnent les élites brésiliennes autant que le
fait que le leader qu'ils ont choisi n'aura pas le droit de tenter
d'être élu à la position dans laquelle on l'a
installé parce qu'il a été condamné d'avoir
violé la loi. Il ne s'agit pas ici seulement de la destruction
de la démocratie dans le
cinquième pays le plus peuplé du monde ou de l'imposition
d'un ordre du jour de privatisation et d'autres attaques contre les
pauvres au profit des ploutocrates internationaux Il s'agit
littéralement de la mise au pouvoir de gens sales et corrompus,
en dehors des normes démocratiques, une entreprise cynique qui
est faite au nom de la lutte à la
corruption.
Porto Rico
Obama continue d'ignorer les appels pour
la libération du prisonnier politique portoricain, Oscar
López Rivera
- Matt Peppe -
Il y a deux mois et demi, lorsque le dramaturge
primé Lin-Manuel Miranda a interrogé le président
Barack Obama au sujet du nationaliste portoricain emprisonné,
Oscar López Rivera, dont le seul crime, selon le lauréat
du Prix Nobel de la paix, l'archevêque Desmond Tutu, est le
« complot en vue de libérer son peuple des chaînes
de la
justice impérialiste », le président Obama a
répondu au créateur de [la comédie musicale] Hamilton
que « son dossier était sur son bureau ».
Miranda, dont les parents sont originaires de Porto Rico, a
profité d'une invitation à la Maison Blanche pour
soulever la question de l'incarcération de López Rivera,
qui est d'une énorme
importance pour les Portoricains. Sur l'île et dans la diaspora,
la liberté du prisonnier politique, âgé de 73
ans, jouit d'un soutien populaire immense et unit les gens de tous les
horizons politiques.
San Juan, Porto Rico, 29 mai 2016
Le 29 mai 2016 est le 35e anniversaire de
l'emprisonnement de López. Il a été
condamné en 1981 pour « conspiration
séditieuse » en vue de renverser le gouvernement des
États-Unis par la force et pour des infractions mineures,
notamment possession d'armes à feu et transport de
véhicules volés d'un État à
un autre. López a été accusé d'occuper un
poste de responsabilité au sein des FALN (Fuerzas Armadas de
Liberación Nacional Puertorriqueña), une organisation
nationaliste portoricaine, ce qu'il n'a pas admis mais n'a pas
contesté. Cette organisation a revendiqué une
série d'attentats à la bombe à Chicago et à
New York pendant les
années 1970 et 1980, bien que comme le Chicago
Tribune a noté ces attentats ont été
effectués « pour causer des dommages aux biens
plutôt qu'aux personnes » et le FALN « cherchait
plus à attirer l'attention sur sa cause qu'à verser le
sang ».
San Juan, Porto Rico, 29 mai 2016
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López n'a jamais été lié
personnellement à un attentat ou à tout autre acte de
violence ayant entraîné des blessures ou la mort d'une
personne. Sans aucun doute, si le gouvernement possédait des
preuves de sa participation à un acte de violence, ou de sa
préparation, il en aurait été accusé devant
un tribunal. Mais le gouvernement l'a inculpé de
« conspiration séditieuse », la même
accusation politique utilisée par le gouvernement d'apartheid
sud-africain pour condamner Nelson Mandela deux décennies plus
tôt. López a passé maintenant sept années de
prison de plus que Mandela avant que celui-ci ne soit
libéré et devienne le premier président
post-apartheid de l'Afrique du
Sud.
Des milliers de personnes se sont réunies
[le 29 mai] à San Juan pour marquer le 35e
anniversaire de l'incarcération de López et exiger sa
libération. Les manifestants ont scandé « Obama,
écoute-nous ! Nous voulons que Oscar soit
libre »et « Nous ne voulons pas de cette commission,
nous voulons être libres »,
selon Fox News Latino.
Ce dernier slogan fait référence à
la Puerto Rico Oversight, Management and Economic Stability Act (PROMESAS)
(Loi
sur
la
surveillance, la gestion et la stabilité
économique de Porto Rico) qui créerait une Commission de
contrôle financier composée majoritairement de membres
venant de l'extérieur de l'île et qui ne seront pas
nommés par les représentants élus des
Portoricains. Le Conseil serait investi des pleins pouvoirs sur toutes
les décisions budgétaires et, de fait, se substituerait
aux élus de Porto Rico. Le projet de loi a été
adopté par un Comité de la chambre [le 25 mai] et
devrait être voté à la Chambre le mois prochain. Ce
projet de loi est soutenu par la
direction des partis du Congrès, les républicains et les
démocrates, ainsi que par le gouvernement Obama.
Mais le gouverneur de Porto Rico, Alejandro
García Padilla et une grande partie du peuple portoricain
s'opposent à ce qu'ils considèrent comme une imposition
flagrante du colonialisme en permettant à des technocrates non
élus, qui ne sont pas des représentants élus et ne
sont pas responsables devant le peuple portoricain, de détenir
un droit
de veto en matière de dépenses, et même d'abaisser
le salaire minimum.
López s'oppose à la Commission de
contrôle financier et a déclaré dans une entrevue
téléphonique au El Nuevo Día (les
autorités de la prison ayant refusé la demande du journal
de faire une entrevue en personne) que : « C'est un
problème créé par Washington. Le problème
est à Washington et à Wall Street. Le peuple de Porto
Rico ne doit pas l'accepter. Aucun Portoricain ne doit douter que nous
pouvons résoudre nos propres problèmes... Il faut
respecter notre droit à l'autodétermination et ne pas
dépendre des miettes que Washington nous donne ».
La réponse d'Obama à Miranda à
savoir s'il accorderait à López une grâce ou une
commutation de peine donne l'impression que son cas est urgent. En
effet, si le dossier est « sur son bureau », il a
l'intention sans doute de prendre rapidement une décision.
Toutefois, cela n'est clairement pas le cas, car Obama est le
président qui a
accordé le moins de grâce que tout autre président
des États-Unis et ses années de refus de s'occuper du cas
de López en particulier, témoignent de
l'indifférence d'Obama envers la détention injuste de
prisonniers par son gouvernement.
Depuis son élection il y a sept ans, trois
lauréats du Prix Nobel de la paix, le membre du Congrès
sans droit de vote de Porto Rico, l'actuel gouverneur de Porto Rico et
des présidents étrangers ont demandé directemement
à Obama de libérer López Rivera. Le
président vénézuélien, Nicolás
Maduro, a même publiquement offert de libérer le
leader de l'opposition, Leopoldo López, si Obama libérait
López Rivera. Pourtant, le gouvernement Obama a maintenu son
silence.
La semaine dernière, trois membres du
Congrès porto-américains, Luis Gutiérrez, Nydia
Velázquez et José Serrano, ainsi que le Commissaire
résident de Porto Rico, Pedro Pierluisi, ont
révélé qu'ils avaient envoyé une lettre
à Obama en février pour lui demander d'accorder la
clémence à l'homme qui a maintenant passé
près de la moitié de sa
vie derrière les barreaux sans jamais avoir été
accusé d'un acte de violence.
Après des mois sans recevoir de réponse,
les législateurs ont décidé de la rendre publique
pour essayer de faire pression sur Obama pour qu'il reconnaisse la
volonté presque unanime de Porto Rico et accorde une amnistie.
« Vous savez l'importance que cela revêt
pour nous, car nous vous l'avons exprimé personnellement.
À notre connaissance, il n'y a aucun objectif criminologique
légitime au maintien de l'emprisonnement de ce Portoricain
âgé de 73 ans, quand son pays et ceux qui
chérissent les droits humains réclament ardemment sa
libération », ont-ils révélé
avoir écrit au président.
Il y a deux ans et demi, j'ai soutenu que les refus de
Obama de libérer López sont emblématiques de la
propension du gouvernement américain à ignorer les
revendications politiques du peuple portoricain et à utiliser
uniquement les rapports coloniaux pour poursuivre des
intérêts économiques et stratégiques
perçus de la classe
dirigeante :
Sans représentation
au Congrès ou vote aux élections présidentielles,
les Portoricains voient leurs droits politiques assujettis au
gouvernement des États-Unis. Même sur un sujet aussi
populaire parmi les Portoricains que la libération d'Oscar
López, ils n'ont aucun recours pour participer au processus
politique au niveau fédéral.
Rien n'indique qu'Obama
entende même répondre à la demande de
clémence de López, et encore moins l'accorder. Dans son
discours aux funérailles de Nelson Mandela, Obama a
déclaré que « dans le monde entier aujourd'hui, des
hommes et des femmes sont toujours emprisonnés pour leurs
convictions politiques ». L'opinion de la
majorité écrasante des Portoricains est que cette
déclaration s'applique précisément à
López.
Le mépris qu'Obama a
montré pour la volonté des Portoricains de faire
libérer Oscar López illustre les défis
énormes que rencontrent les Portoricains pour se
débarasser de leur statut inférieur et obtenir
l'égalité des droits. Si le président refuse
même d'accorder un pardon simple, quelle chance ont les
Portoricains que le gouvernement
des États-Unis se plie au référendum de 2012
et leur permette d'accéder à
l'autodétermination ?
Il est plus que jamais urgent que les Portoricains
puissent croire que des gens dans le gouvernement américain
respectent leurs opinions ou leurs désirs politiques. Nous
sommes au milieu d'une autre saison de campagne, qui, pour beaucoup
d'Américains, est perçue comme une occasion de participer
au processus politique en votant aux
élections. Toutefois, pour les Portoricains, c'est un nouveau
rappel que bien qu'ils sont des citoyens américains, ils se
voient refuser le droit accordé aux Américains dans les
États de choisir des représentants du Congrès et
de participer à l'élection présidentielle.
Les mesures de politique qui seront
décidées après l'élection au niveau
fédéral s'appliqueront aux Portoricains, bien qu'ils
n'auront eu aucun rôle dans le choix de ces politiques et aucun
moyen d'exprimer leur insatisfaction face à ces mesures en
rejetant ceux qui les ont appuyées.
La seule façon dont Porto Rico peut se remettre
de la crise économique et de la crise de la dette, comme l'a
déclaré López Rivera dans son entretien au El
Nuevo Día, serait d'accéder à la
souveraineté et à l'autodétermination. Cela leur
donnerait la capacité de donner la priorité aux
entreprises locales et aux besoins de la population, et
de se libérer d'être simplement un marché captif
pour les produits américains et une source de main-d'oeuvre bon
marché pour les sociétés américaines.
Mais toutes les promesses du référendum
de 2012, qui a rejeté le statut colonial actuel par une
majorité de 54 pour cent et aurait permis d'atteindre cet
objectif, ont disparu. Le Congrès américain, qui doit
approuver tout changement de statut politique de Porto Rico, n'a
donné aucune indication qu'il envisagerait même de faire
quelque chose pour mettre fin au statut « d'État libre
associé » que les Portoricains ont rejeté.
Au contraire, les Portoricains sont devant une
commission de contrôle financier qui est un affront flagrant
à l'idée que le peuple doit se gouverner lui-même
et un rappel de leur impuissance de sujets coloniaux.
Le fait qu'Oscar López Rivera soit encore
emprisonné injustement est la preuve que les voix des
Portoricains ne comptent tout simplement pas pour les citoyens
américains de première classe qui détiennent le
pouvoir sur le continent.
Chicago, 29 mai 2016
Lisez Le
Marxiste-Léniniste
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