Le Marxiste-Léniniste

Numéro 78 - 6 juin 2016

Les réformes politiques intéressées du Québec et la crise des institutions démocratiques

Resserrement du contrôle de l'État
sur les partis politiques pour
maintenir le peuple à l'écart du pouvoir

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Les réformes politiques intéressées du Québec et la crise
des institutions démocratiques

Resserrement du contrôle de l'État sur les partis politiques pour maintenir le peuple à l'écart du pouvoir
Résolution adoptée par des partis politiques dûment enregistrés auprès du Directeur général des élections relativement au projet de loi 101
Mémoire du Parti marxiste-léniniste du Québec sur le projet de loi 101


Les réformes politiques intéressées du Québec et la crise
des institutions démocratiques

Resserrement du contrôle de l'État sur
les partis politiques pour maintenir le peuple
à l'écart du pouvoir

La crise des institutions démocratiques au Canada continue de s'approfondir en conséquence des réformes intéressées mises en place au fédéral, au Québec et dans les provinces. Les partis qui siègent au parlement fédéral et dans les assemblées législatives du Québec et des provinces ont formé une espèce de système de partis de cartels qui leur sert à faire passer des lois leur accordant encore plus de privilèges pour se maintenir au pouvoir. Tout cela se fait au nom de l'amélioration de la démocratie et de la lutte à la corruption.

En fait, les lois qui permettent le financement des partis politiques par l'État et resserrent le contrôle de l'État sur les dépenses des partis portent de plus en plus atteinte au droit de conscience et à la liberté d'association. Elles n'ont rien fait pour résoudre la profonde crise dans laquelle sont plongés les partis politiques parce que ces derniers ont été formés pour servir un système de démocratie représentative qui ne fonctionne plus. Les conditions d'aujourd'hui demandent un renouvellement de la démocratie de manière à investir le peuple du pouvoir de décider, pas des réformes qui ne font que consolider le pouvoir de l'élite dominante et marginaliser le peuple toujours plus.

Le Parti marxiste-léniniste préconise le financement du processus politique, pas des partis. Les partis doivent être financés par leurs membres, pas par l'État. Les candidats qu'ils présentent aux élections doivent se disputer les votes sur une base égale. Or, plus on institue ces réformes intéressées, plus les partis politiques deviennent désespérés.

Ils ont établi un système de financement public qui détourne l'attention du fait qu'ils n'ont pas suffisamment de membres pour les manoeuvres et manigances électorales. Par ailleurs ces lois font des partis politiques enregistrés des appendices de l'État. Ces derniers s'écartent de leur rôle original d'organisations politiques primaires qui font le lien entre les électeurs et le pouvoir politique, en leur donnant une voix limitée sur la direction du pays. Ces réformes ont d'ailleurs pour effet de masquer le besoin de renouveau démocratique et de favoriser une intervention de l'État qui porte atteinte au droit de conscience.

Cela est nulle part plus évident qu'au Québec. Le régime de financement public des partis du Québec a souvent été cité comme un modèle pour établir l'égalité des chances en finançant tous les partis politiques enregistrés suivant la même formule. Les lois sur le financement public des partis politiques y sont encore une fois réformées au nom de l'amélioration de la démocratie et de la lutte à la corruption. Il s'agit d'une tentative à peine voilée de détourner l'attention de la source réelle de la corruption tout en transformant le Directeur général des élections (DGEQ) en un policier. Selon les réformes proposées, en plus de veiller au fonctionnement d'un système électoral qui ne garantit pas l'égalité ni le droit à un vote informé et les autres principes démocratiques, le DGEQ se voit attribué des pouvoirs pour enfreindre le droit de conscience et le droit à la vie privée, en plus de la liberté d'association.

C'est ce que fait le projet de loi 101, Loi donnant suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en matière de financement politique, déposé à l'Assemblée nationale le 12 mai. Le projet de loi a été déposé par la ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques. La Commission Charbonneau dont il est question fut chargée d'enquêter la corruption dans l'octroi des contrats publics dans l'industrie de la construction de 2011 à novembre 2015, moment du dépôt de son rapport.

Le projet de loi 101 est issu d'un consensus parmi les partis qui siègent à l'Assemblée nationale du Québec. Tous les autres partis enregistrés ont été exclus des discussions qui ont précédé la rédaction du projet de loi. Celui-ci renforce la position de privilège des partis au pouvoir et en place et marginalise davantage les citoyens dans les affaires politiques. Les mesures proposées ne vont pas à la source de la grande corruption révélée par les travaux de la Commission Charbonneau ni de celle qui se fait en toute légalité.

Les réformes du gouvernement du Québec, comme celles du gouvernement fédéral et des provinces, viseraient selon leurs auteurs à rétablir la confiance dans les institutions démocratiques. Or, elles n'effleurent même pas le problème que ces institutions doivent d'abord garantir l'exercice des droits démocratiques des citoyens. La tendance est plutôt de priver les citoyens de ces droits, de resserrer le contrôle de l'État sur les partis politiques et d'accroître la domination du corps politique par les partis pour bloquer la voie aux mouvements et partis de la classe ouvrière et du peuple.

Au niveau fédéral, le programme de réforme électorale du gouvernement Trudeau fait surgir des querelles entre les partis qui siègent au parlement. On assiste à une intensification des rivalités entre les différents intérêts regroupés dans ces partis pour l'exercice du pouvoir.

On dit que les réformes du gouvernement Trudeau favoriseront le Parti libéral tandis que des réformes alternatives sont proposées pour modifier la façon dont les votes sont comptés pour un partage plus équitable entre les partis qui appartiennent au système de partis de cartels. Cela montre que la considération de départ n'est pas de faciliter l'exercice du pouvoir décisionnel souverain par le peuple.

Dans ce numéro, LML poursuit la discussion sur les réformes politiques au niveau fédéral, au Québec et dans les provinces d'abord avec la résolution de cinq partis enregistrés du Québec sur le projet de loi 101 et ensuite le mémoire présenté par le Parti marxiste-léniniste du Québec (PMLQ) à la Commission des institutions de l'Assemblée nationale le 24 mai 2016.

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Résolution adoptée par des partis politiques dûment enregistrés auprès du Directeur général des élections relativement au projet de loi 101

Considérant que le 12 mai 2016, la ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, Rita de Santis, a déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi 101 Loi donnant suite aux recommandations de la commission Charbonneau en matière de financement politique ;

Considérant que le projet de loi 101 modifie la Loi électorale et touche le financement des partis politiques ;

Considérant que cinq jours plus tard, le mardi 17 mai, une motion était déposée à l'Assemblée nationale annonçant quels organismes seront invités aux audiences particulières de la Commission des institutions sur le projet de loi, et qu'aucun des 13 autres partis non représentés à l'Assemblée nationale n'a été invité à y participer ;

Considérant le fait qu'une seule journée a été allouée aux audiences sur une question aussi importante que les suites du rapport de la commission Charbonneau qui a fait état du financement occulte, de malversations, de détournement de fonds publics pour de puissants intérêts privés et qu'un tel sujet mérite bien plus qu'une consultation d'un jour et mérite l'engagement de tout le corps politique pour discuter des sources de la corruption et de comment l'enrayer ;

Considérant que les modifications proposées dans le projet de loi 101 dans le cadre de « la lutte à la corruption » reviennent à accroître le contrôle de l'État sur les partis politiques, à criminaliser leurs activités, à leur rendre la vie plus difficile, particulièrement en ce qui concerne les partis émergents, et à intimider et criminaliser la participation à la vie politique des citoyens eux-mêmes ;

Considérant que les changements proposés à la Loi électorale proposée ne visent pas à l'habilitation de tous les membres du corps politique à participer à la vie politique que ce soit par le droit à un vote informé, le droit d'élire et d'être élu, le financement du processus politique pour encourager davantage les citoyens à participer aux affaires politiques et est une négation des droits de conscience et d'organisation ;

Nous, les partis politiques suivants, demandons le retrait immédiat du projet de loi 101.

Hugô Saint-Onge, Bloc Pot
Guy Boivin, Équipe autonomiste
Patricia Domingos, Parti équitable
Pierre Chénier, Parti marxiste-léniniste du Québec
Frank Malenfant, Sans parti - Citoyens constituants

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Mémoire du Parti marxiste-léniniste du Québec sur le projet de loi 101

En ce lendemain de la Journée nationale des Patriotes, journée qui symbolise la lutte de la nation du Québec pour gagner son pouvoir souverain de décider de ses propres affaires et de se doter d'institutions qui servent la réalisation et la défense de ses droits, il est bon de se rappeler que cette cause vit toujours. Au lendemain de l'écrasement de la rébellion héroïque des patriotes, l'empire britannique a subjugué la nation du Québec et lui a imposé ce qu'on a appelé les institutions démocratiques. À ce jour ces institutions continuent de marginaliser les citoyens par rapport aux prises de décisions. C'est le cas de l'Assemblée nationale et aussi de la procédure établie pour réformer la loi électorale. Les réformes prévues dans le projet de loi 101 présentement à l'étude continuent de faire obstacle à l'affirmation des droits modernes et à l'établissement de mécanismes modernes. Il y a 180 ans, les Patriotes se sont soulevés et ont sacrifié leur vie pour ces principes. Eux aussi se battaient contre la corruption, l'arbitraire et l'usurpation du pouvoir par des intérêts privés et affrontaient une élite qui agit avec impunité.

La crise des institutions démocratiques

Le projet de loi 101 se propose de « donner suite aux recommandations de la commission Charbonneau en matière de financement politique ». C'est son titre. Avec cette loi le gouvernement dit vouloir rétablir la confiance dans les institutions démocratiques. La ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, Mme Rita de Santis, a déclaré le 12 mai que « tous ces gestes, nous les posons afin d'améliorer la confiance des contribuables envers les institutions démocratiques. » Par la suite, le 19 mai à l'Assemblée nationale, lors des échanges avant l'adoption du principe du projet de loi, les députés qui sont intervenus ont répété espérer et croire que les modifications apportées au projet de loi contribueront à rétablir la confiance des électeurs.

Cette question de la confiance des électeurs, ou des « contribuables » comme le dit la ministre, dans nos institutions n'est pas nouvelle. Elle a été soulevée entre autres à la suite des révélations de la commission Gomery sur le scandale des commandites, lors des révélations de la Commission Charbonneau, et des changements majeurs ont été apportés à la loi électorale dans ce sens en 2010 (projets de loi 113, 14 et 118) puis encore en 2012 (projet de loi 2). Elle revient sur la table avec le projet de loi actuel.

Les faits permettent cependant de croire que les changements proposés dans le projet de loi 101 ne vont pas rétablir la crédibilité des institutions démocratiques. Plus les solutions proposées visent à resserrer le contrôle de l'État sur les partis politiques, plus ceux-ci deviennent des institutions d'État et plus on porte atteinte aux principes démocratiques de base que sont la liberté d'association, le droit de conscience, le droit à un vote informé, le droit d'élire et d'être élu et de participer directement à la gouvernance. Tenter de le justifier en disant que c'est pour améliorer la démocratie est non seulement l'expression d'un intérêt étroit, mais c'est aussi malavisé puisqu'elles font directement le contraire de ce qui est prétendu. L'attribution de pouvoirs policiers au Directeur général des élections du Québec (DGEQ) en matière de financement des partis et de membership, le resserrement du contrôle sur la participation des bénévoles à la vie des partis politiques et l'exigence que les donateurs donnent le nom de leur employeur lorsqu'ils font une contribution financière à un parti politique, sous prétexte de combattre les pratiques de corruption, sont des mesures antidémocratiques.

De telles propositions découragent la participation des citoyens à la vie politique. Le seul fait d'appuyer le parti de son choix fera maintenant l'objet d'un contrôle d'État. Ce sont les mesures d'une dictature antidémocratique, pas des mesures qui favorisent le type de démocratie que veulent les Québécois et Québécoises.

Le processus

Seulement 4 des 17 partis politiques dûment enregistrés auprès du DGEQ ont été consultés sur le projet de loi 101. Cela nous amène à nous interroger sur le désir exprimé par la ministre d'« améliorer la confiance des contribuables envers les institutions démocratiques ». Quel intérêt la ministre a-t-elle à ne pas consulter tous les partis, surtout quand on sait que les réformes proposées vont avoir un impact sur leur fonctionnement et sur leurs membres ? Le projet de loi mérite d'être retiré ne serait-ce que pour cette raison. Le traitement inégal accordé aux partis « majeurs » et partis « mineurs » est déjà une atteinte à la notion démocratique de l'égalité des chances. La discrimination monte d'un cran : maintenant on fait comme si les autres partis n'existaient pas, selon la volonté de ceux qui contrôlent l'Assemblée nationale. C'est une autre atteinte au principe démocratique.

La prétention de s'attaquer à la corruption

Le projet de loi 101 prétend s'adresser au grave problème de corruption du système de partis qui a été révélé par la Commission Charbonneau. Il prétend le faire en établissant des mécanismes par lesquels les citoyens peuvent tenir les élus responsables et redevables.

Or, c'est tout le contraire. La « lutte à la corruption » consisterait à soumettre les activités des partis politiques à la loi et l'ordre et à donner des pouvoirs policiers au DGEQ lui permettant de s'ingérer dans les affaires de ces organisations privées, de rendre la vie plus difficile à tous les partis politiques, plus spécifiquement aux partis émergents, et d'institutionnaliser l'intimidation.

Le projet de loi contient en effet différentes mesures qui soumettent les partis politiques à un contrôle d'État. Une lourde bureaucratie est proposée qui aura pour effet de décourager quiconque voudrait participer à la vie politique en joignant un parti. Elle aura aussi pour effet d'intimider ceux et celles qui n'aiment pas qu'on s'immisce dans leur vie privée. Ainsi :

- « pour contrer le faux bénévolat », on ajoute une précision sur le travail bénévole, scruté, pour qu'il soit fait sans compensation ni contrepartie ;

- les représentants officiels, les délégués, les agents officiels et les adjoints devront suivre une formation obligatoire sur les règles de financement préparée par le DGEQ dans un délai prescrit ;

- au nom de l'imputabilité, les rapports financiers et les rapports des dépenses devront être signés par le chef du parti, le candidat, le député ou, le cas échéant, le plus haut responsable désigné par l'instance autorisée de parti et accompagnés d'une déclaration concernant les règles relatives au financement et aux dépenses électorales ;

- le délai de prescription pour les poursuites pénales passe de 5 à 7 ans, obligeant la conservation de documents par les partis ;

- le projet de loi prévoit une infraction pénale pour un électeur qui fait une fausse déclaration au sujet d'un prêt ou d'un cautionnement et confère à cette infraction le caractère de manoeuvre électorale frauduleuse.

De plus, tout donateur à un parti politique devra fournir non seulement ses coordonnées sur la fiche de contribution, comme c'était le cas, mais également le nom de son employeur.

En définitive, prétendre que le projet de loi 101 est la réponse appropriée que l'Assemblée nationale donne aux recommandations de la Commission Charbonneau, c'est tourner en dérision les quatre ans de travaux de la commission, les 44,8 millions de dollars provenant du trésor public, et jeter du revers de la main les attentes des citoyens du Québec qui veulent qu'on donne suite à ces révélations scandaleuses et à ces conclusions, qu'on mette fin, entre autres, au système de privilèges dans le processus politique.

La commission Charbonneau a relevé de nombreux cas de prête-noms, de financement occulte, de malversations. Ce sont autant de manifestations de la corruption mais elles ne vont pas à la source. Parfois la source est une pratique légale, comme le lobbyisme, et au lieu d'agir pour s'assurer que l'intérêt public soit défendu, on permet de plus en plus aux monopoles d'agir impunément.

En fait, le stratagème des prête-noms illustre combien il est favorable pour les intérêts privés de se placer en position de détourner les fonds publics pour leurs profits privés. La ministre de Santis l'a confirmé dans sa présentation du projet de loi sur le lobbyisme (projet de loi 56, Loi sur la transparence en matière de lobbyisme) quand elle a dit : « Il est important de rappeler à la population que le lobbyisme est une activité légitime en démocratie et que les citoyens et citoyennes sont en droit de savoir qui cherche à influencer les élus et les autres décideurs publics. »

De plus, le gouvernement est lui-même constitué de plusieurs représentants de grands monopoles privés et de grandes institutions prêteuses privées et ces gens migrent de fonctions gouvernementales à des fonctions au sein de monopoles privés et vice-versa sur une base continuelle. On voit que la corruption se fait au plus haut niveau parce que les enjeux sont très élevés et c'est pourquoi il y a de grands intérêts en jeu dans la formation d'un gouvernement. Rien de tout cela n'est le moindrement dérangé par les réformes prévues dans le projet de loi 101, qui détournent l'attention des sources réelles de la corruption aujourd'hui.

Le projet de loi 101 ne stoppera en rien la demande des grands monopoles privés pour que les gouvernements détournent dans leurs coffres des montants de plus en plus grands en fonds publics et ouvrent des zones d'investissement de leur capital privé dans les institutions publiques, où les profits sont garantis par le gouvernement. Cela se fait entre autres en exerçant un contrôle sur les partis qui forment le gouvernement. Quand des fonds publics sont donnés aux partis politiques qui se servent ensuite du gouvernement pour directement prendre le contrôle du trésor public pour payer les riches, le stratagème devient évident. On notera à ce sujet, que quand il est question des partis politiques utilisant le trésor public comme s'il leur appartenait pour payer les riches, toute prétention de rigueur budgétaire, pourtant tant proclamée par le gouvernement, disparaît. Des millions et des milliards de dollars peuvent être et sont perdus et dilapidés, et ils le sont en toute impunité, sans enquête sur les partis eux-mêmes et les puissants intérêts privés. C'est le privilège pur et simple qui s'exprime, et ce projet de loi évidemment ne touche en rien à cette corruption.

La question qui se pose pour les travailleurs et l'électorat dans son ensemble aujourd'hui n'est pas que des politiciens individuels se servent illégitimement de leur pouvoir pour servir des intérêts privés. C'est là l'ancienne définition de la corruption et c'est un mode dépassé. De nos jours, le problème est que l'élite dominante corrompt tous les organes du pouvoir d'État en s'attaquant à l'autorité publique, et seuls restent les pouvoirs policiers. Tout cela sert des intérêts monopolistes privés, pas l'intérêt des citoyens. Les réformes contenues dans le projet de loi 101 ne peuvent être comprises que dans ce contexte.

Le bilan des réformes de 2010 et 2012 révèle l'accaparement
de fonds publics

En 2010, lors des débats entourant le projet de loi 78, Loi modifiant la Loi électorale concernant la représentation électorale et les règles de financement des partis politiques et modifiant d'autres dispositions législatives, le gouvernement avait dit que celui-ci renforcerait les institutions démocratiques et qu'« à cet effet, il est impératif de diminuer la dépendance des partis politiques au financement privé ». Mais les individus et les partis politiques ne versent pas dans la corruption à cause de « la dépendance des partis politiques au financement privé ».

Le PMLQ a d'ailleurs dit à l'époque que « l'affirmer, c'est détourner l'attention de ce fait incontournable : la loi prévoyait déjà des pénalités dans le passé, mais elle n'a tout simplement pas été appliquée et on a permis à des individus et à des partis de s'en sauver. Et maintenant on nous propose comme solution d'augmenter les subventions publiques aux partis. Les Québécois ont tout à fait raison de croire que les partis politiques prêchent pour leur paroisse lorsqu'ils disent que le but visé par le projet de loi est de renforcer les institutions démocratiques. »

Le projet de loi 101 est une piètre réponse à l'examen du système de financement public des partis politiques de 2009 à 2014. Celui-ci révèle que les réformes antérieures ont accru énormément le financement des partis représentés à l'Assemblée nationale. Sous prétexte d'éliminer la corruption les grands partis se sont vus accorder un financement garanti par les fonds publics.

Par exemple, en ce qui concerne le Parti libéral du Québec, la participation de l'État de 2009 à 2014 est passée de 1 292 266 $ à 7 431 117 $ ; pour la Coalition Avenir Québec, de 2012 à 2014 elle est passée de 2 400 000 $ à 5 400 423 $ ; pour le Parti québécois, de 2009 à 2014 elle est passé de 1 021 210 $ à 6 832 045 $.[1]

Notons qu'en 2014, le changement à la Loi électorale de 2012 sur le financement des partis politiques a également permis un financement public durant une élection générale. Ces mécanismes du financement public des partis politiques signifie que tous les citoyens et résidents du Québec contribuent au financement de tous les partis, qu'ils soient d'accord avec eux ou pas. C'est en soi une atteinte au droit de conscience d'une bonne partie de la population, dite nécessaire pour renforcer les institutions démocratiques mais sans jamais être soumise à une consultation populaire.

L'augmentation du financement public à des entités privées, ce que sont les partis politiques bien qu'ils agissent dans le domaine public au même titre que beaucoup d'autres entités privées, n'a pas changé le problème de la marginalisation des citoyens par rapport aux affaires politiques. La loi a maintenu le système de privilèges des partis cartellisés sur le processus électoral. Le projet de loi 101 ne remet pas en question cet état de choses. Il n'aborde pas le problème du resserrement du contrôle de l'État sur les partis politiques, qui restreint la liberté d'association. Il ne pose pas la question à savoir pourquoi les partis politiques qui sont censés être contrôlés par leurs membres ont besoin de fonds publics pour gagner une élection ou pourquoi il est acceptable de verser des sommes faramineuses des fonds publics aux partis politiques dits « majeurs ».

Ces pratiques renforcent de fait le pouvoir des partis de l'establishment, leurs privilèges et la marginalisation des partis émergents et de tous ceux à qui on donne pour seul rôle d'être 7 des « électeurs ». Parler des citoyens comme étant de simples électeurs, c'est montrer que le seul rôle qu'on leur réserve est de voter à tous les quatre ou cinq ans, tandis que l'activité des partis politiques pour encourager leur participation à l'établissement d'une direction pour l'économie et de l'ensemble des affaires politiques, sociales et culturelles, est soumise à l'objectif supérieur de se faire élire. Parler des citoyens comme étant des « contribuables » comme le fait la ministre, cela montre le mépris de toute notion de démocratie. Le projet de loi ne présente pas de modifications pour habiliter le corps politique à participer davantage et activement aux affaires politiques comme rempart aux privilèges et aux manigances. Il opte de donner des pouvoirs de police au DGEQ.

Les partis politiques soumis au contrôle de l'État

Les partis politiques sont des organisations privées qui opèrent dans le domaine public. Le financement ne devrait-il pas être la responsabilité des membres, pour que ce soit eux qui soient en position d'exiger des comptes ? On sait que moins de 2 % de la population est membre de partis politiques, alors pourquoi ces derniers seraient-ils financés par des fonds publics ? Pourquoi ne pas avoir un financement électoral qui profite à toute la population ? Pourquoi ne pas utiliser cet argent pour financer le processus plutôt que de financer les partis ? Avec cet argent, le DGEQ pourrait se charger d'informer les électeurs sur tous les candidats en lice et sur les autres questions d'intérêt public reliées à une élection. Les institutions démocratiques s'en verraient certainement renforcées, à commencer par le processus électoral lui-même.

Le projet de loi 101 contribue à la concentration du pouvoir entre les mains de puissants intérêts privés qui exercent leur pouvoir par bien d'autres moyens que le financement électoral. Il poursuit la tendance de toutes les réformes électorales instituées au Québec depuis les années 1970 qui est de financer les partis des riches par des fonds publics et d'ancrer toujours plus leurs privilèges, alors que les citoyens restent marginalisés par rapport aux prises de décisions. Aujourd'hui, le système de partis cartels fait en sorte que ceux-ci sont financés à 80 % par l'État, comme des appendices de l'État qui doivent maintenant rendre des comptes au DGEQ plutôt qu'à ceux qui les ont élus.

Des pouvoirs policiers

Le droit d'association et le droit de conscience sont sans équivoque des droits fondamentaux qui appartiennent à toute personne humaine, afin d'exercer son humanité. Le projet de loi 101 viole le droit d'association à nouveau parce qu'il exige que les membres des associations que sont les partis politiques qui désirent soutenir les activités de ces associations s'identifient à l'État s'ils veulent faire des contributions financières en y ajoutant cette fois le nom de l'employeur.

Lors du débat du 19 mai, Bernard Drainville, député de Marie-Victorin et porte-parole de l'opposition officielle pour la Loi électorale et responsable de la Réforme des institutions démocratiques, a dit ce qui suit au sujet de la raison d'être de cette modification : « [...] la Commission Charbonneau souhaitait également que, sur la fiche de contribution du donateur, on retrouve le nom de l'employeur. Cette disposition, Mme la Présidente, vise à donner encore plus de moyens au Directeur général des élections pour qu'il puisse retracer éventuellement, le cas échéant, des systèmes de prête-noms. Dans le fond c'est un peu ça l'idée, donc de donner au Directeur général des élections des informations supplémentaires nominatives ou en tout cas qui relèvent très certainement de la sphère privée, mais qui donnent au Directeur général des élections la possibilité de retourner voir l'employeur, par exemple, d'un donateur et s'assurer auprès de cet employeur-là qu'il n'y a pas eu remboursement, par exemple, d'un don ou qu'il n'y a pas, à l'intérieur de cette entreprise, un système qui a été mis en place pour collecter plusieurs dons de 100 $ qui seraient par la suite remboursés par la porte d'en arrière, ce qui est bien évidemment illégal. Alors, avec cette disposition-là, Mme la Présidente, ce sera possible, pour le Directeur général des élections, de connaître rapidement, sans devoir se tourner vers une autre autorité, qui est l'employeur de la personne qui a fait le don. »

Deux arguments sont ainsi présentés : (1) l'information : fournir des informations supplémentaires au DGEQ, qui relèvent de la sphère privée, mais qui permettent au DGE de retourner voir l'employeur ; (2) la rapidité : éliminer une étape pour permettre au DGE de savoir qui est l'employeur. Personne ne semble s'objecter à cette atteinte flagrante au droit d'association et au droit de conscience. C'en est presque drôle.

Le DGEQ s'est déjà vu accorder un accès direct aux renseignements sur les personnes contenus dans les dossiers de Revenu Québec sans le consentement des personnes visées en tant que poursuivant public. Ce pouvoir qui lui a été accordé en 2010 pour combattre la corruption et le stratagème des prête-noms, un procédé par lequel une personne fait un don à un parti politique pour le compte d'une autre personne afin de contourner la loi sur le financement des partis. Ces atteintes au droit à la vie privée ne feront qu'accroître la marginalisation et l'exclusion des citoyens, que décourager davantage la participation aux affaires politiques, et contribuera à accroître la crise de légitimité des institutions dites démocratiques de même que la crise de confiance des citoyens dans celles-ci.

Nous portons aussi à votre attention le fait que le projet de loi ne permet pas au DGEQ de s'acquitter de sa mission qui est de « garantir le plein exercice des droits électoraux en plus de promouvoir les valeurs démocratiques de la société québécoise ». Les mesures proposées, de même que celles mises en place depuis les réformes électorales de 2010 et 2012 (la transmission des informations personnelles, le serment que l'on ne commet pas de fraude, les demandes répétées pour confirmer qu'on est bel et bien membre, etc.) sont autant d'obstacles placés sur le chemin de quiconque veut s'engager dans la politique à un niveau aussi simple que joindre ou appuyer un parti politique enregistré. Elles contribuent à transformer lentement mais sûrement la mission première du DGEQ pour l'orienter vers la criminalisation, la suspicion, devenant juge et partie.

Faut-il comprendre que c'est ce qu'on entend par « valeurs démocratiques » ? Sous prétexte d'équilibrer les droits démocratiques et la lutte à la corruption, on finit uniquement par restreindre les droits démocratiques, tandis que la corruption continue de se manifester dans d'autres formes et par d'autres moyens. On mettra fin à la corruption en prenant des mesures pour affirmer, et non pas nier, la liberté d'association, le droit de conscience, le droit à un vote informé, le droit d'élire et d'être élu, le droit de participer directement à la gouvernance.

Conclusion

En conclusion, le PMLQ croit que ce projet de loi doit être retiré. Le problème objectif auquel doivent s'attaquer les réformes électorales est d'habiliter tous les membres du corps politique à participer aux prises de décisions pour être en mesure d'exercer un contrôle sur la direction de l'économie et sur les affaires sociales, politiques, culturelles et autres. Les réformes qui ne s'attaquent pas à ce problème devraient plus exactement être appelées négociations et renégociations d'arrangements intéressés de l'élite dominante pour qu'elle continue d'exercer sa domination sur le processus électoral et politique et maintienne la marginalisation politique du peuple. Elles n'ont rien à voir avec l'exercice d'un contrôle par le peuple sur les affaires de la société.

Pour les raisons citées dans ce mémoire, le PMLQ invite les Québécois et Québécoises à demander à l'Assemblée nationale de retirer le projet de loi 101.

À notre avis, l'État ne doit en aucune circonstance financer des intérêts privés, il doit financer uniquement des projets publics. Une élection à une fonction officielle est un projet public. Les lois électorales doivent être réformées pour que tous ceux qui désirent participer aux élections puissent le faire sur une base égale et que tous les électeurs puissent faire un choix informé. Les partis politiques peuvent jouer un rôle important à politiser les citoyens et à les encourager à formuler leur vision de société, mais les fonds publics ne doivent pas du tout servir à les financer. Les partis doivent être financés par leurs membres, ceux dont ils défendent les intérêts. Les fonds publics doivent plutôt servir à garantir le droit de tous d'élire et d'être élus durant une élection. Ils ne doivent pas servir à enchâsser davantage le privilège, sans parler de criminaliser ceux et celles qui désirent participer à la vie politique.

Note

 1. Rapports financiers des partis politiques de 2009 à 2014, DGEQ

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