Numéro 78 - 6 juin 2016
Les réformes politiques
intéressées du Québec et la crise des institutions
démocratiques
Resserrement du contrôle de
l'État
sur les partis politiques pour
maintenir le peuple à l'écart du pouvoir
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Les
réformes
politiques
intéressées
du Québec
et la crise
des institutions démocratiques
• Resserrement du contrôle de
l'État sur les partis politiques pour maintenir le peuple
à l'écart du pouvoir
• Résolution adoptée par des
partis politiques dûment enregistrés auprès du
Directeur général des élections relativement au
projet de loi 101
• Mémoire du Parti
marxiste-léniniste du Québec sur le projet de loi 101
Les réformes politiques
intéressées du Québec et la crise
des institutions
démocratiques
Resserrement du contrôle de l'État sur
les partis politiques pour maintenir le peuple
à l'écart du pouvoir
La crise des institutions démocratiques au
Canada continue de s'approfondir en conséquence des
réformes intéressées mises en place au
fédéral, au Québec et dans les provinces. Les
partis qui siègent au parlement fédéral et dans
les assemblées législatives du Québec et des
provinces ont formé une espèce de système de
partis de cartels qui
leur sert à faire passer des lois leur accordant encore plus de
privilèges pour se maintenir au pouvoir. Tout cela se fait au
nom de l'amélioration de la démocratie et de la lutte
à la corruption.
En fait, les lois qui
permettent le financement des partis politiques par l'État et
resserrent le contrôle de l'État sur les dépenses
des partis portent de plus en plus atteinte au droit de conscience et
à la liberté d'association. Elles n'ont rien fait pour
résoudre la profonde crise dans laquelle sont plongés les
partis politiques parce que ces derniers
ont été formés pour servir un système de
démocratie représentative qui ne fonctionne plus. Les
conditions d'aujourd'hui demandent un renouvellement de la
démocratie de manière à investir le peuple du
pouvoir de décider, pas des réformes qui ne font que
consolider le pouvoir de l'élite dominante et marginaliser le
peuple toujours plus.
Le Parti marxiste-léniniste préconise le
financement du processus politique, pas des partis. Les partis doivent
être financés par leurs membres, pas par l'État.
Les candidats qu'ils présentent aux élections doivent se
disputer les votes sur une base égale. Or, plus on institue ces
réformes intéressées, plus les partis politiques
deviennent désespérés.
Ils ont établi un système de financement
public qui détourne l'attention du fait qu'ils n'ont pas
suffisamment de membres pour les manoeuvres et manigances
électorales. Par ailleurs ces lois font des partis politiques
enregistrés des appendices de l'État. Ces derniers
s'écartent de leur rôle original d'organisations
politiques primaires qui font le
lien entre les électeurs et le pouvoir politique, en leur
donnant une voix limitée sur la direction du pays. Ces
réformes ont d'ailleurs pour effet de masquer le besoin de
renouveau démocratique et de favoriser une intervention de
l'État qui porte atteinte au droit de conscience.
Cela est nulle part plus évident qu'au
Québec. Le régime de financement public des partis du
Québec a souvent été cité comme un
modèle pour établir l'égalité des chances
en finançant tous les partis politiques enregistrés
suivant la même formule. Les lois sur le financement public des
partis politiques y sont encore une fois réformées au nom
de l'amélioration de la démocratie et de la lutte
à la corruption. Il s'agit d'une tentative à peine
voilée de détourner l'attention de la source
réelle de la corruption tout en transformant le Directeur
général des élections (DGEQ) en un policier. Selon
les réformes proposées, en plus de veiller au
fonctionnement d'un système électoral qui ne garantit
pas l'égalité ni le droit à un vote informé
et les autres principes démocratiques, le DGEQ se voit
attribué des pouvoirs pour enfreindre le droit de conscience et
le droit à la vie privée, en plus de la liberté
d'association.
C'est ce que fait le projet de loi 101, Loi
donnant suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en
matière de financement politique, déposé
à l'Assemblée nationale le 12 mai. Le projet de loi
a été déposé par la ministre responsable de
l'Accès à l'information et de la Réforme des
institutions démocratiques.
La Commission Charbonneau dont il est question fut chargée
d'enquêter la corruption dans l'octroi des contrats publics dans
l'industrie de la construction de 2011 à
novembre 2015, moment du dépôt de son rapport.
Le projet de loi 101 est issu d'un consensus parmi
les partis qui siègent à l'Assemblée nationale du
Québec. Tous les autres partis enregistrés ont
été exclus des discussions qui ont
précédé la rédaction du projet de loi.
Celui-ci renforce la position de privilège des partis au pouvoir
et en place et marginalise davantage les citoyens dans les
affaires politiques. Les mesures proposées ne vont pas à
la source de la grande corruption révélée par les
travaux de la Commission Charbonneau ni de celle qui se fait en toute
légalité.
Les réformes du gouvernement du Québec,
comme celles du gouvernement fédéral et des provinces,
viseraient selon leurs auteurs à rétablir la confiance
dans les institutions démocratiques. Or, elles n'effleurent
même pas le problème que ces institutions doivent d'abord
garantir l'exercice des droits démocratiques des citoyens. La
tendance est
plutôt de priver les citoyens de ces droits, de resserrer le
contrôle de l'État sur les partis politiques et
d'accroître la domination du corps politique par les partis pour
bloquer la voie aux mouvements et partis de la classe ouvrière
et du peuple.
Au niveau fédéral, le programme de
réforme électorale du gouvernement Trudeau fait surgir
des querelles entre les partis qui siègent au parlement. On
assiste à une intensification des rivalités entre les
différents intérêts regroupés dans ces
partis pour l'exercice du pouvoir.
On dit que les réformes du gouvernement Trudeau
favoriseront le Parti libéral tandis que des réformes
alternatives sont proposées pour modifier la façon dont
les votes sont comptés pour un partage plus équitable
entre les partis qui appartiennent au système de partis de
cartels. Cela montre que la considération de départ n'est
pas de faciliter
l'exercice du pouvoir décisionnel souverain par le peuple.
Dans ce numéro, LML poursuit la
discussion sur les réformes politiques au niveau
fédéral, au Québec et dans les provinces d'abord
avec la résolution de cinq partis enregistrés du
Québec sur le projet de loi 101 et ensuite le
mémoire présenté par le Parti
marxiste-léniniste du Québec (PMLQ) à la
Commission des institutions de
l'Assemblée nationale le 24 mai 2016.
Résolution adoptée par des partis
politiques dûment enregistrés auprès du Directeur
général des élections relativement au projet de
loi 101
Considérant que
le 12
mai 2016,
la
ministre responsable de l'Accès à l'information et de la
Réforme des institutions démocratiques, Rita de Santis, a
déposé à l'Assemblée nationale le projet de
loi 101 Loi donnant suite aux recommandations de la commission
Charbonneau en matière de financement politique ;
Considérant que le projet de loi 101
modifie la Loi électorale et touche le financement des partis
politiques ;
Considérant que cinq jours plus tard, le
mardi 17 mai, une motion était déposée
à l'Assemblée nationale annonçant quels organismes
seront invités aux audiences particulières de la
Commission des institutions sur le projet de loi, et qu'aucun
des 13 autres partis non représentés à
l'Assemblée nationale n'a été invité
à y
participer ;
Considérant le fait qu'une seule
journée a été allouée aux audiences sur une
question aussi importante que les suites du rapport de la commission
Charbonneau qui a fait état du financement occulte, de
malversations, de détournement de fonds publics pour de
puissants intérêts privés et qu'un tel sujet
mérite bien plus qu'une
consultation d'un jour et mérite l'engagement de tout le corps
politique pour discuter des sources de la corruption et de comment
l'enrayer ;
Considérant que les modifications
proposées dans le projet de loi 101 dans le cadre de
« la lutte à la corruption » reviennent
à accroître le contrôle de l'État sur les
partis politiques, à criminaliser leurs activités,
à leur rendre la vie plus difficile, particulièrement en
ce qui concerne les partis émergents, et à intimider et
criminaliser la participation à la vie politique des citoyens
eux-mêmes ;
Considérant que les changements
proposés à la Loi électorale proposée ne
visent pas à l'habilitation de tous les membres du corps
politique à participer à la vie politique que ce soit par
le droit à un vote informé, le droit d'élire et
d'être élu, le financement du processus politique pour
encourager davantage les citoyens à participer aux
affaires politiques et est une négation des droits de conscience
et d'organisation ;
Nous, les partis politiques suivants,
demandons le retrait immédiat du projet de loi 101.
Hugô Saint-Onge, Bloc Pot
Guy Boivin, Équipe autonomiste
Patricia Domingos, Parti équitable
Pierre Chénier, Parti
marxiste-léniniste du Québec
Frank Malenfant,
Sans parti - Citoyens constituants
Mémoire du Parti marxiste-léniniste du
Québec sur le projet de loi 101
En ce lendemain de la Journée nationale des
Patriotes, journée qui symbolise la lutte de la nation du
Québec pour gagner son pouvoir souverain de décider de
ses propres affaires et de se doter d'institutions qui servent la
réalisation et la défense de ses droits, il est bon de se
rappeler que cette cause vit toujours. Au lendemain de
l'écrasement
de la rébellion héroïque des patriotes, l'empire
britannique a subjugué la nation du Québec et lui a
imposé ce qu'on a appelé les institutions
démocratiques. À ce jour ces institutions continuent de
marginaliser les citoyens par rapport aux prises de décisions.
C'est le cas de l'Assemblée nationale et aussi de la
procédure établie pour réformer la loi
électorale. Les réformes prévues dans le projet de
loi 101 présentement à l'étude continuent de
faire obstacle à l'affirmation des droits modernes et à
l'établissement de mécanismes modernes. Il y a 180
ans, les Patriotes se sont soulevés et ont sacrifié leur
vie pour ces principes. Eux aussi se battaient contre la corruption,
l'arbitraire et
l'usurpation du pouvoir par des intérêts privés et
affrontaient une élite qui agit avec impunité.
La crise des institutions démocratiques
Le projet de loi 101 se propose de « donner
suite aux recommandations de la commission Charbonneau en
matière de financement politique ». C'est son titre.
Avec cette loi le gouvernement dit vouloir rétablir la confiance
dans les institutions démocratiques. La ministre responsable de
l'Accès à l'information et de la Réforme des
institutions démocratiques, Mme Rita de Santis, a
déclaré le 12 mai que « tous ces gestes, nous
les posons afin d'améliorer la confiance des contribuables
envers les institutions démocratiques. » Par la
suite, le 19 mai à l'Assemblée nationale, lors des
échanges avant l'adoption du principe du projet de loi, les
députés qui sont
intervenus ont répété espérer et croire que
les modifications apportées au projet de loi contribueront
à rétablir la confiance des électeurs.
Cette question de la
confiance des électeurs, ou
des « contribuables » comme le dit la ministre, dans
nos institutions n'est pas nouvelle. Elle a été
soulevée entre autres à la suite des
révélations de la commission Gomery sur le scandale des
commandites, lors des révélations de la Commission
Charbonneau, et des changements majeurs
ont été apportés à la loi électorale
dans ce sens en 2010 (projets de loi 113, 14
et 118) puis encore en 2012 (projet de loi 2). Elle
revient sur la table avec le projet de loi actuel.
Les faits permettent cependant de croire que les
changements proposés dans le projet de loi 101 ne vont pas
rétablir la crédibilité des institutions
démocratiques. Plus les solutions proposées visent
à resserrer le contrôle de l'État sur les partis
politiques, plus ceux-ci deviennent des institutions d'État et
plus on porte atteinte aux principes
démocratiques de base que sont la liberté d'association,
le droit de conscience, le droit à un vote informé, le
droit d'élire et d'être élu et de participer
directement à la gouvernance. Tenter de le justifier en disant
que c'est pour améliorer la démocratie est non seulement
l'expression d'un intérêt étroit, mais c'est aussi
malavisé puisqu'elles font
directement le contraire de ce qui est prétendu. L'attribution
de pouvoirs policiers au Directeur général des
élections du Québec (DGEQ) en matière de
financement des partis et de membership, le resserrement du
contrôle sur la participation des bénévoles
à la vie des partis politiques et l'exigence que les donateurs
donnent le nom de leur
employeur lorsqu'ils font une contribution financière à
un parti politique, sous prétexte de combattre les pratiques de
corruption, sont des mesures antidémocratiques.
De telles propositions découragent la
participation des citoyens à la vie politique. Le seul fait
d'appuyer le parti de son choix fera maintenant l'objet d'un
contrôle d'État. Ce sont les mesures d'une dictature
antidémocratique, pas des mesures qui favorisent le type de
démocratie que veulent les Québécois et
Québécoises.
Le processus
Seulement 4 des 17 partis politiques
dûment enregistrés auprès du DGEQ ont
été consultés sur le projet de loi 101. Cela
nous amène à nous interroger sur le désir
exprimé par la ministre d'« améliorer la confiance
des contribuables envers les institutions
démocratiques ». Quel intérêt la
ministre a-t-elle à ne pas
consulter tous les partis, surtout quand on sait que les
réformes proposées vont avoir un impact sur leur
fonctionnement et sur leurs membres ? Le projet de loi
mérite d'être retiré ne serait-ce que pour cette
raison. Le traitement inégal accordé aux partis «
majeurs » et partis « mineurs » est
déjà une atteinte à la notion
démocratique de l'égalité des chances. La
discrimination monte d'un cran : maintenant on fait comme si les
autres partis n'existaient pas, selon la volonté de ceux qui
contrôlent l'Assemblée nationale. C'est une autre atteinte
au principe démocratique.
La prétention de s'attaquer à la
corruption
Le projet de loi 101 prétend s'adresser au
grave problème de corruption du système de partis qui a
été révélé par la Commission
Charbonneau. Il prétend le faire en établissant des
mécanismes par lesquels les citoyens peuvent tenir les
élus responsables et redevables.
Or, c'est tout le contraire. La « lutte à
la corruption » consisterait à soumettre les
activités des partis politiques à la loi et l'ordre et
à donner des pouvoirs policiers au DGEQ lui permettant de
s'ingérer dans les affaires de ces organisations privées,
de rendre la vie plus difficile à tous les partis politiques,
plus spécifiquement aux partis
émergents, et d'institutionnaliser l'intimidation.
Le projet de loi contient en effet différentes
mesures qui soumettent les partis politiques à un contrôle
d'État. Une lourde bureaucratie est proposée qui aura
pour effet de décourager quiconque voudrait participer à
la vie politique en joignant un parti. Elle aura aussi pour effet
d'intimider ceux et celles qui n'aiment pas qu'on s'immisce dans
leur vie privée. Ainsi :
- « pour contrer le faux
bénévolat », on ajoute une précision
sur le travail bénévole, scruté, pour qu'il soit
fait sans compensation ni contrepartie ;
- les représentants officiels, les
délégués, les agents officiels et les adjoints
devront suivre une formation obligatoire sur les règles de
financement préparée par le DGEQ dans un délai
prescrit ;
- au nom de l'imputabilité, les rapports
financiers et les rapports des dépenses devront être
signés par le chef du parti, le candidat, le
député ou, le cas échéant, le plus haut
responsable désigné par l'instance autorisée de
parti et accompagnés d'une déclaration concernant les
règles relatives au financement et aux dépenses
électorales ;
- le délai de prescription pour les poursuites
pénales passe de 5 à 7 ans, obligeant la
conservation de documents par les partis ;
- le projet de loi prévoit une infraction
pénale pour un électeur qui fait une fausse
déclaration au sujet d'un prêt ou d'un cautionnement et
confère à cette infraction le caractère de
manoeuvre électorale frauduleuse.
De plus, tout donateur à un parti politique
devra fournir non seulement ses coordonnées sur la fiche de
contribution, comme c'était le cas, mais également le nom
de son employeur.
En définitive, prétendre que le projet de
loi 101 est la réponse appropriée que
l'Assemblée nationale donne aux recommandations de la Commission
Charbonneau, c'est tourner en dérision les quatre ans de travaux
de la commission, les 44,8 millions de dollars provenant du
trésor public, et jeter du revers de la main les attentes des
citoyens du Québec qui veulent qu'on donne suite à ces
révélations scandaleuses et à ces conclusions,
qu'on mette fin, entre autres, au système de privilèges
dans le processus politique.
La commission Charbonneau a
relevé de nombreux cas de prête-noms, de financement
occulte, de malversations. Ce sont autant de manifestations de la
corruption mais elles ne vont pas à la source. Parfois la source
est une pratique légale, comme le lobbyisme, et au lieu d'agir
pour s'assurer que l'intérêt public soit défendu,
on permet de plus
en plus aux monopoles d'agir impunément.
En fait, le stratagème des prête-noms
illustre combien il est favorable pour les intérêts
privés de se placer en position de détourner les fonds
publics pour leurs profits privés. La ministre de Santis l'a
confirmé dans sa présentation du projet de loi sur le
lobbyisme (projet de loi 56, Loi sur la transparence en
matière de lobbyisme)
quand elle a dit : « Il est important de rappeler à
la population que le lobbyisme est une activité légitime
en démocratie et que les citoyens et citoyennes sont en droit de
savoir qui cherche à influencer les élus et les autres
décideurs publics. »
De plus, le gouvernement est lui-même
constitué de plusieurs représentants de grands monopoles
privés et de grandes institutions prêteuses privées
et ces gens migrent de fonctions gouvernementales à des
fonctions au sein de monopoles privés et vice-versa sur une base
continuelle. On voit que la corruption se fait au plus haut niveau
parce que
les enjeux sont très élevés et c'est pourquoi il y
a de grands intérêts en jeu dans la formation d'un
gouvernement. Rien de tout cela n'est le moindrement
dérangé par les réformes prévues dans le
projet de loi 101, qui détournent l'attention des sources
réelles de la corruption aujourd'hui.
Le projet de loi 101 ne stoppera en rien la
demande des grands monopoles privés pour que les gouvernements
détournent dans leurs coffres des montants de plus en plus
grands en fonds publics et ouvrent des zones d'investissement de leur
capital privé dans les institutions publiques, où les
profits sont garantis par le gouvernement. Cela
se fait entre autres en exerçant un contrôle sur les
partis qui forment le gouvernement. Quand des fonds publics sont
donnés aux partis politiques qui se servent ensuite du
gouvernement pour directement prendre le contrôle du
trésor public pour payer les riches, le stratagème
devient évident. On notera à ce sujet, que quand il est
question des partis
politiques utilisant le trésor public comme s'il leur
appartenait pour payer les riches, toute prétention de rigueur
budgétaire, pourtant tant proclamée par le gouvernement,
disparaît. Des millions et des milliards de dollars peuvent
être et sont perdus et dilapidés, et ils le sont en toute
impunité, sans enquête sur les partis eux-mêmes et
les puissants
intérêts privés. C'est le privilège pur et
simple qui s'exprime, et ce projet de loi évidemment ne touche
en rien à cette corruption.
La question qui se pose pour les travailleurs et
l'électorat dans son ensemble aujourd'hui n'est pas que des
politiciens individuels se servent illégitimement de leur
pouvoir pour servir des intérêts privés. C'est
là l'ancienne définition de la corruption et c'est un
mode dépassé. De nos jours, le problème est que
l'élite dominante corrompt tous les
organes du pouvoir d'État en s'attaquant à
l'autorité publique, et seuls restent les pouvoirs policiers.
Tout cela sert des intérêts monopolistes privés,
pas l'intérêt des citoyens. Les réformes contenues
dans le projet de loi 101 ne peuvent être comprises que dans
ce contexte.
Le bilan des réformes de 2010 et 2012
révèle l'accaparement
de fonds publics
En 2010, lors des débats entourant le
projet de loi 78, Loi modifiant la Loi électorale
concernant la représentation électorale et les
règles de financement des partis politiques et modifiant
d'autres dispositions législatives, le gouvernement avait dit
que celui-ci renforcerait les institutions démocratiques et
qu'« à cet effet, il est
impératif de diminuer la dépendance des partis politiques
au financement privé ». Mais les individus et les
partis politiques ne versent pas dans la corruption à cause de
« la dépendance des partis politiques au financement
privé ».
Le PMLQ a d'ailleurs dit à l'époque que
« l'affirmer, c'est détourner l'attention de ce fait
incontournable : la loi prévoyait déjà des
pénalités dans le passé, mais elle n'a tout
simplement pas été appliquée et on a permis
à des individus et à des partis de s'en sauver. Et
maintenant on nous propose comme solution d'augmenter les
subventions publiques aux partis. Les Québécois ont tout
à fait raison de croire que les partis politiques prêchent
pour leur paroisse lorsqu'ils disent que le but visé par le
projet de loi est de renforcer les institutions
démocratiques. »
Le projet de loi 101
est une piètre réponse à l'examen du
système de financement public des partis politiques de 2009
à 2014. Celui-ci révèle que les
réformes antérieures ont accru énormément
le financement des partis représentés à
l'Assemblée nationale. Sous prétexte d'éliminer la
corruption les grands partis se sont vus
accorder un financement garanti par les fonds publics.
Par exemple, en ce qui concerne le Parti libéral
du Québec, la participation de l'État de 2009
à 2014 est passée de 1 292 266 $
à 7 431 117 $ ; pour la Coalition
Avenir Québec, de 2012 à 2014 elle est
passée de 2 400 000 $
à 5 400 423 $ ; pour le Parti
québécois, de 2009 à 2014 elle est
passé de 1 021 210 $
à 6 832 045 $.[1]
Notons qu'en 2014, le changement à la Loi
électorale de 2012 sur le financement des partis politiques
a également permis un financement public durant une
élection générale. Ces mécanismes du
financement public des partis politiques signifie que tous les citoyens
et résidents du Québec contribuent au financement de tous
les
partis, qu'ils soient d'accord avec eux ou pas. C'est en soi une
atteinte au droit de conscience d'une bonne partie de la population,
dite nécessaire pour renforcer les institutions
démocratiques mais sans jamais être soumise à une
consultation populaire.
L'augmentation du financement public à des
entités privées, ce que sont les partis politiques bien
qu'ils agissent dans le domaine public au même titre que beaucoup
d'autres entités privées, n'a pas changé le
problème de la marginalisation des citoyens par rapport aux
affaires politiques. La loi a maintenu le système de
privilèges des partis
cartellisés sur le processus électoral. Le projet de
loi 101 ne remet pas en question cet état de choses. Il
n'aborde pas le problème du resserrement du contrôle de
l'État sur les partis politiques, qui restreint la
liberté d'association. Il ne pose pas la question à
savoir pourquoi les partis politiques qui sont censés être
contrôlés par leurs membres
ont besoin de fonds publics pour gagner une élection ou pourquoi
il est acceptable de verser des sommes faramineuses des fonds publics
aux partis politiques dits « majeurs ».
Ces pratiques renforcent de fait le pouvoir des partis
de l'establishment, leurs privilèges et la marginalisation des
partis émergents et de tous ceux à qui on donne pour seul
rôle d'être 7 des «
électeurs ». Parler des citoyens comme étant
de simples électeurs, c'est montrer que le seul rôle qu'on
leur réserve est de voter à tous les
quatre ou cinq ans, tandis que l'activité des partis politiques
pour encourager leur participation à l'établissement
d'une direction pour l'économie et de l'ensemble des affaires
politiques, sociales et culturelles, est soumise à l'objectif
supérieur de se faire élire. Parler des citoyens comme
étant des « contribuables » comme le fait la
ministre,
cela montre le mépris de toute notion de démocratie. Le
projet de loi ne présente pas de modifications pour habiliter le
corps politique à participer davantage et activement aux
affaires politiques comme rempart aux privilèges et aux
manigances. Il opte de donner des pouvoirs de police au DGEQ.
Les partis politiques soumis au contrôle de
l'État
Les partis politiques sont des organisations
privées qui opèrent dans le domaine public. Le
financement ne devrait-il pas être la responsabilité des
membres, pour que ce soit eux qui soient en position d'exiger des
comptes ? On sait que moins de 2 % de la population est
membre de partis politiques, alors pourquoi ces
derniers seraient-ils financés par des fonds publics ?
Pourquoi ne pas avoir un financement électoral qui profite
à toute la population ? Pourquoi ne pas utiliser cet argent
pour financer le processus plutôt que de financer les
partis ? Avec cet argent, le DGEQ pourrait se charger d'informer
les électeurs sur tous les candidats en lice
et sur les autres questions d'intérêt public
reliées à une élection. Les institutions
démocratiques s'en verraient certainement renforcées,
à commencer par le processus électoral lui-même.
Le projet de loi 101 contribue à la
concentration du pouvoir entre les mains de puissants
intérêts privés qui exercent leur pouvoir par bien
d'autres moyens que le financement électoral. Il poursuit la
tendance de toutes les réformes électorales
instituées au Québec depuis les années 1970
qui est de financer les partis des riches par
des fonds publics et d'ancrer toujours plus leurs privilèges,
alors que les citoyens restent marginalisés par rapport aux
prises de décisions. Aujourd'hui, le système de partis
cartels fait en sorte que ceux-ci sont financés
à 80 % par l'État, comme des appendices de
l'État qui doivent maintenant rendre des comptes au DGEQ
plutôt qu'à
ceux qui les ont élus.
Des pouvoirs policiers
Le droit d'association et le droit de conscience sont
sans équivoque des droits fondamentaux qui appartiennent
à toute personne humaine, afin d'exercer son humanité. Le
projet de loi 101 viole le droit d'association à nouveau
parce qu'il exige que les membres des associations que sont les partis
politiques qui désirent soutenir les
activités de ces associations s'identifient à
l'État s'ils veulent faire des contributions financières
en y ajoutant cette fois le nom de l'employeur.
Lors du débat du 19 mai, Bernard
Drainville, député de Marie-Victorin et porte-parole de
l'opposition officielle pour la Loi électorale et responsable de
la Réforme des institutions démocratiques, a dit ce qui
suit au sujet de la raison d'être de cette modification :
« [...] la Commission Charbonneau souhaitait également
que, sur la
fiche de contribution du donateur, on retrouve le nom de l'employeur.
Cette disposition, Mme la Présidente, vise à donner
encore plus de moyens au Directeur général des
élections pour qu'il puisse retracer éventuellement, le
cas échéant, des systèmes de prête-noms.
Dans le fond c'est un peu ça l'idée, donc de donner au
Directeur général des
élections des informations supplémentaires nominatives ou
en tout cas qui relèvent très certainement de la
sphère privée, mais qui donnent au Directeur
général des élections la possibilité de
retourner voir l'employeur, par exemple, d'un donateur et s'assurer
auprès de cet employeur-là qu'il n'y a pas eu
remboursement, par exemple, d'un don ou
qu'il n'y a pas, à l'intérieur de cette entreprise, un
système qui a été mis en place pour collecter
plusieurs dons de 100 $ qui seraient par la suite
remboursés par la porte d'en arrière, ce qui est bien
évidemment illégal. Alors, avec cette
disposition-là, Mme la Présidente, ce sera possible, pour
le Directeur général des élections, de
connaître rapidement, sans devoir se tourner vers une autre
autorité, qui est l'employeur de la personne qui a fait le
don. »
Deux arguments sont ainsi
présentés : (1) l'information : fournir des
informations supplémentaires au DGEQ, qui relèvent de la
sphère privée, mais qui permettent au DGE de retourner
voir l'employeur ; (2) la rapidité : éliminer
une étape pour permettre au DGE de savoir qui est l'employeur.
Personne ne semble
s'objecter à cette atteinte flagrante au droit d'association et
au droit de conscience. C'en est presque drôle.
Le DGEQ s'est déjà vu accorder un
accès direct aux renseignements sur les personnes contenus dans
les dossiers de Revenu Québec sans le consentement des personnes
visées en tant que poursuivant public. Ce pouvoir qui lui a
été accordé en 2010 pour combattre la
corruption et le stratagème des prête-noms, un
procédé par lequel une
personne fait un don à un parti politique pour le compte d'une
autre personne afin de contourner la loi sur le financement des partis.
Ces atteintes au droit à la vie privée ne feront
qu'accroître la marginalisation et l'exclusion des citoyens, que
décourager davantage la participation aux affaires politiques,
et contribuera à accroître la crise de
légitimité des institutions dites démocratiques de
même que la crise de confiance des citoyens dans celles-ci.
Nous portons aussi à votre attention le fait que
le projet de loi ne permet pas au DGEQ de s'acquitter de sa mission qui
est de « garantir le plein exercice des droits électoraux
en plus de promouvoir les valeurs démocratiques de la
société québécoise ». Les
mesures proposées, de même que celles mises en place
depuis les réformes
électorales de 2010 et 2012 (la transmission des
informations personnelles, le serment que l'on ne commet pas de fraude,
les demandes répétées pour confirmer qu'on est bel
et bien membre, etc.) sont autant d'obstacles placés sur le
chemin de quiconque veut s'engager dans la politique à un niveau
aussi simple que joindre ou appuyer
un parti politique enregistré. Elles contribuent à
transformer lentement mais sûrement la mission première du
DGEQ pour l'orienter vers la criminalisation, la suspicion, devenant
juge et partie.
Faut-il comprendre que c'est ce qu'on entend par
« valeurs démocratiques » ? Sous
prétexte d'équilibrer les droits démocratiques et
la lutte à la corruption, on finit uniquement par restreindre
les droits démocratiques, tandis que la corruption continue de
se manifester dans d'autres formes et par d'autres moyens. On mettra
fin à la
corruption en prenant des mesures pour affirmer, et non pas nier, la
liberté d'association, le droit de conscience, le droit à
un vote informé, le droit d'élire et d'être
élu, le droit de participer directement à la gouvernance.
Conclusion
En conclusion, le PMLQ croit que ce projet de loi doit
être retiré. Le problème objectif auquel doivent
s'attaquer les réformes électorales est d'habiliter tous
les membres du corps politique à participer aux prises de
décisions pour être en mesure d'exercer un contrôle
sur la direction de l'économie et sur les affaires sociales,
politiques,
culturelles et autres. Les réformes qui ne s'attaquent pas
à ce problème devraient plus exactement être
appelées négociations et renégociations
d'arrangements intéressés de l'élite dominante
pour qu'elle continue d'exercer sa domination sur le processus
électoral et politique et maintienne la marginalisation
politique du peuple. Elles n'ont rien à voir
avec l'exercice d'un contrôle par le peuple sur les affaires de
la société.
Pour les raisons citées dans ce mémoire,
le PMLQ invite les Québécois et Québécoises
à demander à l'Assemblée nationale de retirer le
projet de loi 101.
À notre avis, l'État ne doit en aucune
circonstance financer des intérêts privés, il doit
financer uniquement des projets publics. Une élection à
une fonction officielle est un projet public. Les lois
électorales doivent être réformées pour que
tous ceux qui désirent participer aux élections puissent
le faire sur une base égale et que tous les électeurs
puissent faire un choix informé. Les partis politiques peuvent
jouer un rôle important à politiser les citoyens et
à les encourager à formuler leur vision de
société, mais les fonds publics ne doivent pas du tout
servir à les financer. Les partis doivent être
financés par leurs membres, ceux dont ils défendent les
intérêts. Les fonds publics doivent plutôt
servir à garantir le droit de tous d'élire et
d'être élus durant une élection. Ils ne doivent pas
servir à enchâsser davantage le privilège, sans
parler de criminaliser ceux et celles qui désirent participer
à la vie politique.
Note
1. Rapports financiers des
partis politiques de 2009 à 2014, DGEQ
Lisez Le
Marxiste-Léniniste
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