Le Marxiste-Léniniste

Numéro 76 - 2 juin 2016

Le 25 mai - Journée de la libération de l'Afrique

Vive la Journée de la libération de l'Afrique! Victoire aux peuples combattants d'Afrique!
Impérialisme, hors d'Afrique!

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Le peuple de la République du Congo célèbre l'indépendance le 7 juillet 1960 - l'un des 17 États en Afrique qui a gagné l'indépendance cette année-là. (Bettman)


Le 25 mai - Journée de la libération de l'Afrique
Vive la Journée de la libération de l'Afrique! Victoire aux peuples combattants de l'Afrique! Impérialisme, hors d'Afrique!
Le Pentagone et la CIA continuent de déstabiliser le continent africain
- Abayomi Azikiwe
La Cour pénale internationale: un mécanisme pour criminaliser l'opposition à l'intervention étrangère en Afrique - Stop Foreign Intervention in Africa
Panafricanisme et communisme: l'Internationale communiste, l'Afrique et la diaspora, 1919-1939 de Hakim Adi - Compte-rendu


Le 25 mai -- Journée de la libération de l'Afrique

Vive la Journée de la libération de l'Afrique!
Victoire aux peuples combattants de l'Afrique!
Impérialisme, hors d'Afrique!

Le 25 mai cette année est le 53e anniversaire de la Journée de la libération de l'Afrique. Cet anniversaire souligne la convergence historique des peuples d'Afrique vers leurs projets souverains d'édification nationale et l'exercice de la prise de décision basés sur leur propre expérience et leur propre trésor de pensée, et vers leur libération complète de l'esclavage, du colonialisme et de l'impérialisme des puissances étrangères .

La Journée de la libération de l'Afrique est née de la conscience des peuples africains que leur libération a été leur oeuvre et qu'elle fait partie de la lutte mondiale contre l'impérialisme et du front uni de la classe ouvrière et des peuples pour mettre fin à l'exploitation des personnes par des personnes. Elle a été lancée lors de la première Conférence des États africains indépendants tenue à Accra, au Ghana, le 15 avril 1958, en présence de huit chefs d'États africains indépendants. Ce fut déclaré « Journée africaine de la liberté » afin de souligner les progrès en cours du mouvement de libération.


Les chefs d'État africains à la fondation de l'OUA, le 25 mai 1963

En 1960, dix-sept États africains ont accédé à leur souveraineté, faisant de cette année l '« Année de l'Afrique ».

Le 25 mai 1963, l'Organisation de l'unité africaine (OUA) a été fondée à Addis-Abeba, en Éthiopie, en présence de plus de 1100 personnes représentant 31 États africains, 21 mouvements de libération africains et des centaines de supporters et observateurs. L'OUA (aujourd'hui appelée l'Union africaine) a proclamé que le 25 mai serait désormais célébré chaque année comme la « Journée de la libération de l'Afrique ». La Journée de la libération de l'Afrique est encore aujourd'hui une occasion de mettre de l'avant et de faire avancer les aspirations des peuples de l'Afrique pour la liberté, la souveraineté et une société nouvelle.

Aujourd'hui, alors que presque tous les pays d'Afrique ont atteint nominalement leur indépendance, la lutte des peuples pour bloquer le diktat impérialiste et l'exploitation continue des ressources humaines et naturelles de leurs pays se poursuit. Pas une année ne se passe sans que le revanchisme des puissances impérialistes et des puissances de la vieille Europe ne s'exprime. Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni intensifient leurs opérations militaires agressives à travers le continent, en particulier dans le nord, l'est, l'ouest et le centre de l'Afrique.

Les États-Unis y ont au moins 4500 soldats et six bases utilisées notamment pour la guerre des drones. La France y compte plus de 3000 soldats dans cinq pays et cinq bases militaires. Les troupes britanniques sont déployées au Kenya, en Somalie et au Soudan du Sud et ont été déployées récemment une fois de plus en Libye. Le nouveau gouvernement canadien de Justin Trudeau a cyniquement annoncé son intention de s'ingérer dans les affaires de l'Afrique par sa participation accrue aux « opérations de paix », en particulier dans les pays francophones.

Dans ce numéro, LML publie des articles qui montrent les activités néfastes des impérialistes qui cherchent à réaffirmer leur domination sur les affaires de l'Afrique.


  Accra, au Ghana, le 22 septembre 2011

Aucun exemple récent n'est plus infâme que celui de la Libye, dont le gouvernement a été renversé en 2011 par l'alliance militaire agressive de l'OTAN menée par les États-Unis et les forces agissant pour son compte. Cela a été la vengeance la plus cynique de la part des impérialistes contre le peuple libyen et ses dirigeants qui ont combattu pour défendre les intérêts de la Libye et ont refusé de se prosterner devant l'impérialisme. Une conséquence particulière de la campagne de bombardements de l'OTAN a été la terreur raciste infligée aux Libyens d'origine africaine sub-saharienne, dont beaucoup ont été tués brutalement et dont plusieurs villes ont été entièrement vidées comme ce fut le cas de Tawergha. Les puissances de l'OTAN et leurs médias monopolisés ont mis beaucoup d'efforts pour répandre des mensonges au sujet de « mercenaires africains » ciblant spécifiquement les Libyens noirs dans leurs attaques.

Le « changement de régime » en Libye a accru l'instabilité, l'anarchie et le terrorisme, non seulement dans ce pays, mais dans toute l'Afrique du Nord et en Asie occidentale. Les pays responsables comprennent toutes les vieilles puissances coloniales de même que le Canada. Ces pays doivent rendre des compte et fournir réparation pour ce crime et tous les crimes historiques et présents commis contre les peuples africains. Les États-Unis et l'OTAN planifient de nouvelles tragédies de ce genre et on doit les empêcher de mettre leurs plans à exécution.

Dans les pays d'Afrique australe, dont beaucoup ont mené de glorieuses et héroïques luttes de libération tout au long des années 1960 à 1980 contre les puissances coloniales et le régime raciste de l'apartheid, les peuples affichent le même héroïsme alors qu'ils sont confrontés aujourd'hui aux problèmes d'édification nationale. Un problème majeur auquel ils font face est le contrôle continu des secteurs importants de l'économie par le capital monopoliste raciste, qu'il soit étranger ou provenant du legs du règne de la minorité raciste. Les peuples de pays comme le Zimbabwe, l'Afrique du Sud et l'Angola qui ont asséné des coups puissants à l'impérialisme ont travaillé d'arrache-pied à ce que ce legs ne les domine pas. La question de la terre et de son vol historique des mains du peuple demeure de la plus haute importance ; les réformes agraires et la redistribution ont été des pas historiques pour faire en sorte que les peuples aient une base économique qui puisse garantir leur subsistance et leur développement.

Les Canadiens et les Québécois, qui comptent fièrement dans leurs rangs les filles et les fils de l'Afrique, doivent veiller à ce que le Canada ait un gouvernement qui mène des relations étrangères fondées sur le respect et l'avantage réciproques avec les pays d'Afrique. Le Canada doit rejeter toute participation aux agressions impérialistes contre les pays africains et prendre position contre tous ceux qui cherchent à exploiter, agresser ou envahir les autres.

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) rejette fermement l'attitude paternaliste envers les pays d'Afrique qu'ont prise les gouvernements canadiens successifs pour justifier les relations basées sur l'exploitation ou l'intervention étrangère. Le PCC(M-L) appelle tous ses membres et tous ses amis à s'opposer aux agressions contre les pays d'Afrique, à appuyer les luttes des peuples et à s'informer et à informer les gens sur les développements qui ont lieu aujourd'hui.

A l'occasion de la Journée de la libération de l'Afrique, le PCC (M-L) transmet ses salutations révolutionnaires militantes à tous les peuples d'Afrique qui luttent pour exercer un contrôle sur leur vie, leur pays et leurs économies de manière afin de garantir un brillant avenir à eux-mêmes et leurs enfants. Le PCC(M-L) salue leurs réalisations et leurs contributions au mouvement mondial de libération nationale, qui sont égales aux plus grandes et ont inspiré l'humanité tout entière.

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Le Pentagone et la CIA continuent de
déstabiliser le continent africain

Aujourd'hui l'Union africaine doit relever d'énormes défis touchant
au développement et à la sécurité.

Le 25 mai 2016 est le 53e anniversaire de la création de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), qui depuis 2002 porte le nom d'Union africaine (UA).

Le jour qu'on nomme habituellement Journée de l'Afrique ou Journée de la libération de l'Afrique a lieu cette année dans un contexte où s'accroît l'ingérence du Pentagone et de l'Agence centrale du renseignement (la CIA).

Lors d'un sommet en 1963 à Addis Abeba, en Éthiopie, environ 32 chefs d'État se sont réunis pour former l'OUA afin d'accélérer la décolonisation du continent et de tendre vers une plus grande coopération entre les divers gouvernements. D'emblée, les opinions sur la voie à suivre par l'Afrique pour atteindre l'unité y furent diverses et divergentes.


Réunion fondatrice de l'OUA à Addis Abeba en Éthiopie en mai 1963

Kwame Nkrumah, qui était à ce moment-là président de la République du Ghana et fondateur du parti au pouvoir, le Parti de la convention du peuple (PCP), a appelé à la formation d'un gouvernement continental ayant des systèmes militaires, économiques et sociaux intégrés. Nkrumah croyait fermement que sans l'unité de l'Afrique les impérialistes réussiraient à renverser les gains qu'avaient commencé à réaliser les mouvements de libération nationale et les partis politiques.

D'autres États plus modérés ou conservateurs représentés au sein des soi-disant groupes de Monrovia et de Brazzaville prônaient une démarche plus graduelle. D'autres, même au sein des forces progressistes, ne partageaient pas l'engagement militant envers l'unification et le socialisme de Nkrumah et du dirigeant et président guinéen Ahmed Sékou Touré qui, avec Modibo Keïta du Mali, avait fondé l'Union Ghana-Guinée-Mali en 1960.


Kwame Nkrumah intervient lors de la réunion de fondation de l'OUA le 24 mai 1963.

Au sommet de fondation de l'OUA, Nkrumah avait déclaré : « Sur ce continent, nous avons rapidement découvert que la lutte contre le colonialisme ne prend pas fin avec l'obtention de l'indépendance nationale. L'indépendance n'est que le prélude d'une nouvelle lutte plus engagée pour le droit de mener nos propres affaires économiques et sociales, de construire notre société selon nos aspirations, sans être bloqués par le contrôle et l'ingérence néocoloniaux débilitants et humiliants. » [1]

Il avait ajouté : « Dès le début, nos efforts ont été entravés là où le changement rapide s'imposait, et nous avons été menacés d'instabilité quand un effort soutenu et un pouvoir qui fonctionne de façon ordonnée étaient de mise. Aucun acte sporadique et aucun voeu pieux ne pourra résoudre nos problèmes actuels. Nous n'y arriverons que par l'action unie d'une Afrique unie. Nous sommes arrivés au point où nous devons nous unir ou bien régresser vers une situation qui a fait de l'Amérique latine la proie non consentante et désemparée de l'impérialisme malgré un siècle et demi d'indépendance politique. »

Trois ans plus tard, Nkrumah a été renversé suite aux actions de la CIA, du département d'État américain et d'autres entités impérialistes. Ses idées cependant n'ont rien perdu de leur valeur dans le contexte actuel de la pénétration grandissante du continent africain en activités militaristes et du renseignement.

Des exemples du militarisme impérialiste aujourd'hui --
La RDC et les intérêts mercenaires

Dans la République démocratique du Congo (RDC), il a été révélé que la personne la plus en vue de l'opposition a engagé des mercenaires des États-Unis pour assurer sa sécurité pendant sa campagne.

Moïse Katumbi, un ancien gouverneur de la province de Katanga et maintenant candidat présidentiel, fait face à des accusations d'avoir engagé des mercenaires pour l'aider dans sa campagne pour devenir le dirigeant de ce pays riche en minéraux de l'Afrique centrale. Le 9 mai, Katumbi a été interrogé par les autorités de la RDC et a réfuté les accusations.

L'agence de presse Reuters a écrit : « L'enquête pourrait mener à des accusations menant à l'emprisonnement et pourrait aussi plonger Katumbi dans un bourbier judiciaire qui pourrait faire dérailler sa campagne visant à remplacer Joseph Kabila aux élections de novembre. Un grand nombre de Congolais disent que Katumbi est le candidat de l'opposition qui pourrait vraisemblablement remplacer Kabila à cause de sa fortune personnelle et de sa popularité en tant qu'ancien gouverneur de la principale région productrice de cuivre du Congo. Il possède aussi une équipe de soccer. »

Le Sénégal conclut un Pacte de défense avec le Pentagone

Le gouvernement sénégalais en Afrique occidentale vient de signer une entente militaire avec le Pentagone, laquelle accorde à Washington plein accès au pays.

Dakar a participé aux manoeuvres militaires Flintlock qui sont déployées à tous les ans par le Pentagone conjointement avec d'autres pays africains et européens. Le Commandement des États-Unis en Afrique (AFRICOM) coordonne ces manoeuvres militaires et mène des activités semblables dans différentes régions du continent.

Les relations entre le Sénégal et sa voisine, la Gambie, sont tendues depuis plusieurs années. L'escalade de la coopération militaire avec les États-Unis et du soutien économique américain envers le Sénégal ne font qu'aggraver les tensions dans la région.

On lit dans un article de Reuters : « L'entente de coopération de la Défense 'va faciliter la présence continue de forces militaires américaines au Sénégal', a dit le ministre des Affaires étrangères du Sénégal, Mankeur Ndiaye. L'entente 'contribuera aussi à rehausser la coopération en matière de sécurité et à consolider davantage les relations de défense afin de faire face aux problèmes de sécurité communs dans la région. » [2]

Menaces de guerre dans le Sahara occidental

Dans le Sahara occidental, la dernière colonie africaine, le Maroc, qui est un proche allié des États-Unis, attise la guerre. Le Maroc occupe le Sahara occidental, contrevenant ainsi à la politique officielle de l'UA et de l'ONU. [3]

Le Sahara occidental est une ancienne colonie espagnole où le Maroc a imposé son contrôle administratif dans les années soixante-dix. Un mouvement de résistance portant le nom de Front Polasario est né de la revendication pour l'indépendance nationale intégrale.

Après des années de combats, un accord de cessez-le-feu entre le Maroc et le Polasario a mené à la mise sur pied de MINURSO en 1991, qui est une mission officielle de l'ONU. L'ONU doit voter à nouveau sur la pertinence de prolonger le mandat de MINURSO. Le mandat de l'ONU comprenait un référendum sous contrôle international en vertu duquel le peuple du Sahara occidental pouvait décider de poursuivre sa recherche d'indépendance du Maroc ou s'intégrer au Maroc. Ce référendum qui avait été promis n'a jamais été tenu.

L'UA maintient sa reconnaissance officielle du peuple du Sahara occidental, ce qui a provoqué le retrait du royaume du Maroc de l'organisation régionale. Le Sahara occidental est riche en phosphates et en d'autres minéraux, ce qui en fait une source potentielle de richesse dans le nord-ouest de l'Afrique.

La CIA forme des enfants espions en Somalie

En Somalie, où la CIA a établi une station locale, l'agence offre une formation aux enfants en activités d'espionnage visant les membres d'Al-Shabaab dans ses nombreuses campagnes contre-insurrectionnelles dans la Corne de l'Afrique. Ces stages de formation sont menés par l'Agence nationale de renseignement et de sécurité de la Somalie (ANRSS) qui travaille de près avec la CIA.

Des pays impérialistes occidentaux comme les États-Unis et des pays au sein de l'Union européenne (UE) financent et forment la mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) où sont déployés 22 000 soldats qui travaillent de près avec l'Armée nationale somalienne.

On lit dans un article du 7 avril du Sputnik News : « Lors d'une entrevue avec The Washington Post, les garçons ont déclaré que l'Agence nationale de renseignement et de sécurité du pays (ANRS) se sert d'eux en tant qu'indicateurs. On les envoie dans des quartiers dangereux où se cachent des insurgés d'al-Shabaab pour repérer leurs anciens camarades. Souvent leur visage n'est pas caché tandis que celui des agents est couvert. C'est inquiétant puisque tout le monde voit les jeunes travailler avec eux. On s'est aussi servi d'enfants dans d'autres missions afin de recueillir des renseignements. On les a parfois obligés à porter l'uniforme de l'ANRS. Selon les jeunes, ils sont sous le coup de menaces s'ils refusent de coopérer et leurs parents ne sont pas mis au courant de leurs missions. »

L'Afrique doit s'unir contre l'impérialisme

Seule une résurgence des forces de gauche et anti-impérialistes peut réaliser la vision d'une Afrique réellement unie en accord avec l'oeuvre de Nkrumah, de Kadhafi et d'autres dirigeants révolutionnaires. L'exacerbation de la crise économique due au déclin des prix des matières premières et à la déstabilisation provenant l'occident remet en cause les progrès qui avaient été faits ces dix dernières années en ce qui concerne le croissance et le développement. La Journée de la libération de l'Afrique demeure l'occasion de préconiser la libération véritable et l'unification du continent sur la base d'un système socialiste. Des manifestations sont organisées annuellement en ce jour dans différentes villes partout en Amérique du Nord depuis 1972.

Aboyomi Azikiwe est le rédacteur en chef du Pan-African News Wire, un service de presse électronique international créé en 1998 dans le but de stimuler la discussion sur les affaires qui concernent les peuples africains partout sur le continent et dans le monde. Azikiwe est l'auteur de nombreux articles et monographies qui ont été publiés par le Zimbabwe Herald, The New Worker en Angleterre, Africa Insight en Afrique du Sud, le Centre de recherche sur la mondialisation à Montréal, The 4th Media à Beijing, Capital Asia en Malaisie, l'Albany Tribune, le Black Agenda Report, The San Francisco Bay View, SpyGhana.com en Afrique occidentale, le Pambuzuka News au Kenya et Workers' World, dont il est conseiller à la rédaction.

Notes

1. Le 24 mai 1963
2. Le 2 mai 2016
3. AllAfrica.com, le 29 avril

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La Cour pénale internationale:
un mécanisme pour criminaliser l'opposition à l'intervention étrangère en Afrique


Une manifestation contre l'ingérence étrangère en République centrafricaine,
le 21 décembre 2012

La Cour pénale internationale (CPI) a été fondée le 17 juillet 1998 lorsque 120 États ont adopté le Statut de Rome qui est la base juridique de cette organisation. La cour, qui est basée à La Haye aux Pays-Bas, ne doit pas être confondue avec la Cour internationale de Justice (CIJ). Cette dernière fait partie des Nations unies et traite des disputes juridiques entre les États membres de l'ONU.

La CPI, pour sa part, ne fait pas partie de l'ONU et a comme objectif déclaré « d'exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale » et de « mettre un terme à l'impunité des auteurs de ces crimes ». Le Statut de Rome identifie ces crimes comme étant le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression. Le Statut de Rome est entré en vigueur le 1er juillet 2002 et ne traite que de crimes ayant eu lieu après cette date.

Une caractéristique frappante de la création de la CPI est que l'organisation a commencé ses activités sans définition juridique convenue du crime d'agression et elle ne pouvait donc pas prendre des mesures contre ceux qui ont organisé et exécuté ce crime. C'était une omission plutôt frappante étant donné que déjà en 1950 les tribunaux de Nuremberg avaient donné une définition juridique claire de ce que sont les crimes contre la paix :

(i) Projeter, préparer, déclencher ou poursuivre une guerre d'agression ou une guerre faite en violation de traités, accords et engagements internationaux ;

(ii) Participer à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes mentionnés à l'alinéa (i).

De plus, telle était la clarté sur ces questions à l'époque que le procureur américain en chef des Tribunaux de Nuremberg, Robert H. Jackson, a décrit le crime d'agression en ces termes : « Initier une guerre d'agression, par conséquent, est non seulement un crime international ; c'est le crime international suprême ne différant des autres crimes de guerre que dans la mesure où il renferme en lui tout le mal accumulé dans son ensemble. »

Malgré le corpus existant de droit international, la CPI, lors de sa création, a été incapable de définir juridiquement le crime d'agression que Jackson avait décrit quelque 50 ans plus tôt comme le « crime international suprême » qui contenait tous les autres crimes de guerre en lui-même. Finalement, lors de sa réunion à Kampala en Ouganda en 2010, la CPI a établi une définition juridique du crime d'agression et les conditions sous lesquelles un tel crime serait dans sa juridiction après le 1er janvier 2017 lorsque cette entente entrera en vigueur. Ces conditions sont essentiellement au nombre de deux. Premièrement, un crime d'agression n'est sous la juridiction de la CPI que s'il est référé par le Conseil de sécurité de l'ONU. Deuxièmement, un État membre du Statut de Rome peut référer une situation à la CPI s'il pense que le crime d'agression a été commis.

Cependant, avant que la CPI ne puisse agir, elle doit consulter le Conseil de sécurité de l'ONU pour savoir s'il a déterminé qu'un crime d'agression a eu lieu. De plus, les États qui font partie du Statut de Rome peuvent se soustraire à la juridiction de la cour au sujet des crimes d'agression et les États qui ne font pas partie du Statut de Rome, comme les États-Unis, sont spécifiquement exclus de la juridiction de la CPI en ce qui a trait au crime d'agression. Cela est très différent de la situation qui prévaut en ce qui concerne les autres crimes dont la cour traite prétendument, à savoir le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. La juridiction de la cour s'applique à tous les pays en ce qui a trait à ces crimes, qu'ils fassent partie ou non du Statut de Rome, en autant qu'ils lui sont référés par le Conseil de sécurité de l'ONU. Par ces mécanismes, les grandes puissances qui détiennent un veto au Conseil de sécurité de l'ONU peuvent mener des crimes d'agression et tous les autres crimes de guerre qui les accompagnent avec la plus grande impunité. C'est pourquoi aujourd'hui, alors que l'agression, le changement de régime et les violations massives des droits humains sont devenus la méthode préférée des grandes puissances pour assurer leurs intérêts, les responsables de ces crimes, comme Blair, Bush, Cheney, Rumsfeld, Sarkozy, Aznar, Obama, Hillary Clinton et autres s'en sortent sans être inquiétés. Il est donc clair que dès le début, la CPI n'a pas été mise en place pour s'attaquer juridiquement aux « crimes sérieux de portée internationale » ni « pour mettre fin à l'impunité des responsables de ces crimes ».

Malgré son incapacité à traduire en justice les principaux criminels de guerre de notre époque, la CPI se concentre sur l'Afrique. Des 10 causes actuelles qu'on trouve sur son site Web, 9 sont en Afrique. Les observateurs notent que sur les 39 personnes qui ont été condamnées par la CPI, 38 sont Africaines. Cette poursuite vigoureuse des Africains par la CPI contraste avec son approche lorsqu'il s'agit des autres personnes engagées dans des crimes de guerre.

Par exemple, le 5 juillet 2013, l'Archipel des Comores a référé une affaire pour considération à la CPI, puisque les bateaux qui composaient la flottille pour la paix à Gaza et qui ont été attaqués par l'armée israélienne étaient enregistrés aux Comores. Le 6 novembre 2014, la CPI a rejeté l'affaire des Comores sur la base qu'elle ne rencontrait pas « les exigences juridiques du Statut de Rome ».

En réalité, la CPI agit en Afrique en tant que bras juridique de l'axe État-Unis/Union européenne/OTAN et son rôle est de criminaliser toute opposition à l'ingérence de ces forces en Afrique. Présentement, l'ancien président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, est « jugé » par la CPI à La Haye. Son crime est relié à son opposition à l'intervention de la France et de l'ONU dans les affaires de la Côte d'Ivoire suite aux élections de novembre 2010. Les résultats contestés de l'élection ont été le déclencheur d'une ingérence massive de la France et de l'ONU en Côte d'Ivoire afin de propulser au pouvoir leur candidat préféré et renverser le gouvernement d'alors de Laurent Gbagbo qui était considéré comme inacceptable pour les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Travaillant étroitement avec les troupes de la prétendue Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), qui a été active dans le pays depuis 2004, les troupes françaises ont renversé le gouvernement de Laurent Gbagbo et installé leur candidat préféré, Alassane Ouattara, un ancien employé du FMI.

Un autre exemple est celui de la Libye. Dans le cadre des préparatifs de l'attaque de l'OTAN sur la Libye et afin de la faciliter, la CPI s'est lancée de façon précipitée dans des actes d'accusation contre Mouammar Kadhafi et d'autres membres du gouvernement libyen de l'époque. De cette façon, la CPI joue un rôle clé dans la légitimation des attaques contre l'Afrique et la criminalisation de toute opposition à ces attaques. On ne sera pas surpris que les vrais crimes de guerre commis par l'OTAN en Libye, incluant l'agression elle-même, le nettoyage ethnique de lieux tels Tawergha et les pogroms racistes contre les migrants de l'Afrique de l'Ouest qui résidaient en Libye à cette époque ne sont pas une préoccupation en ce qui concerne la CPI.

À cause du rôle dangereux que la CPI joue à l'égard de l'Afrique, il y a de plus en plus d'actions sur le continent visant à libérer l'Afrique de cette organisation. En octobre 2015, l'Afrique du Sud s'en est retirée et lors de la 26e assemblée annuelle de l'Union africaine à Addis-Abeba, l'organisation a convenu de créer une feuille de route pour le retrait des États membres de cette organisation. C'est un pas en avant qui doit être applaudi.

Stop Foreign Intervention in Africa est un site Web organisé par des activistes opposés à l'intervention étrangère en Afrique au niveau militaire, économique, politique et culturel. Son adresse est le stopforeigninterventioninafrica.org.

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Panafricanisme et communisme:
l'Internationale communiste, l'Afrique et
la diaspora, 1919-1939 de Hakim Adi

Ce livre novateur, disponible jusqu'à présent en anglais seulement sous le titre : Pan-Africanism and Communism : The Communist International, Africa and Diaspora, 1919-1939, documente les activités de l'Internationale communiste en ce qui concerne l'Afrique et la diaspora africaine et repose sur des travaux de recherches menés dans les archives du Komintern à Moscou ainsi que dans des fonds d'archives en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Afrique occidentale. Il porte sur une période où le monde connaissait de grands changements, les rivalités inter-impérialistes étaient à leur plus fort, les pays d'Afrique et des Caraïbes, entre autres, étaient sous domination coloniale. Les Noirs en Afrique, dans les Caraïbes et dans d'autres pays occidentaux étaient considérés officiellement comme inférieurs, avaient peu de droits et le racisme était ouvertement la politique de l'État avec les lois dites de « Jim Crow » et les lynchages aux États-Unis, les lois des laissez-passer et la ségrégation en Afrique du Sud et la ségrégation en Grande-Bretagne.

C'est pourquoi, nombreux sont ceux qui ont été inspirés par la création de l'Union soviétique, après la Révolution d'Octobre en Russie en 1917 et la création de l'Internationale communiste en 1919. Depuis sa fondation sous la direction de Lénine, le Komintern a cherché à inspirer et à soutenir le peuple noir opprimé dans le monde entier pour qu'il s'organise, s'investisse du pouvoir et brise les chaînes de l'asservissement impérialiste. Dans ce livre, l'auteur souligne que les communistes ont été à l'avant-garde de la lutte contre la domination coloniale au cours de cette période.

Ce livre est une étude importante de l'histoire des nombreux communistes africains, caribéens et afro-américains qui ont lutté à cette époque, en particulier ceux qui étaient liés au Comité Syndical International des Ouvriers Nègres fondé en 1928 sous les auspices du Komintern. Le Comité Syndical International des Ouvriers Nègres a appuyé l'action des partis communistes qui luttaient pour la libération de l'Afrique et de la diaspora africaine. Ce livre montre qu'au cours de cette période beaucoup de militants clés ont été attirés par le mouvement communiste international ou ont travaillé avec lui, parmi eux Lamine Senghor en France, Isaac Wallace-Johnson en Afrique occidentale, Elma Francois à Trinité et Jacques Roumain en Haïti. Au cours de cette période, les communistes ont été souvent au premier rang des grandes luttes internationales, par exemple la lutte contre l'invasion de l'Éthiopie par l'Italie fasciste en 1935 ou celle pour la libération des neuf jeunes Afro-Américains arrêtés à Scottsboro, en Alabama, en 1931.

Plusieurs questions controversées et la désinformation au sujet du mouvement communiste international et la libération de l'Afrique sont examinées dans ce livre. De façon marquante, le Dr Adi montre dans son livre que la désinformation est bien souvent acceptée comme l'histoire officielle et s'inscrit dans le cadre des efforts continus pour rabaisser le rôle crucial des communistes d'origine africaine et de l'Union soviétique au cours de cette période. À partir de sa documentation, l'auteur présente les faits entourant l'action et la disparition du Comité Syndical International des Ouvriers Nègres, ainsi que l'évolution de la tactique et de l'analyse du Komintern pendant la période précédant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale et laisse le lecteur porter un jugement indépendant.

Ce livre est une contribution importante à un domaine de l'histoire de l'Afrique et des Caraïbes ainsi que de l'histoire communiste qui a été négligée longtemps et que beaucoup de gens ignorent. Il faut saluer cette priorité accordée à l'action des communistes africains, caribéens et afro-américains dans la période 1919-1939. C'est un domaine à propos duquel il subsiste encore beaucoup de confusion non seulement en ce qui concerne les faits, mais également en ce qui concerne les enseignements à tirer de cette expérience.

Le Dr Adi attire l'attention sur les efforts des gens ordinaires d'Afrique et des Caraïbes qui avaient décidé de prendre position et de s'attaquer aux nombreux problèmes auxquels ils faisaient face. Des problèmes comme les lois dites de « Jim Crow » aux États-Unis, le racisme et les violations des droits humains dans toute l'Afrique coloniale et dans les Caraïbes ont détruit la vie de millions de personnes. Les communistes se sont engagés dans cette lutte pour apporter une solution révolutionnaire à cette situation et la conscience que cette résolution était liée à la lutte de tous les peuples opprimés pour leur liberté. Au prix de grands sacrifices personnels, ces militants ont fait une contribution importante aux mouvements de masse de libération de l'Afrique qui devaient éclater dans les années 1950 et 1960, comme le Mouvement des droits civiques, le mouvement du Black Power et les luttes d'indépendance en Afrique et dans les Caraïbes. Les progrès qui ont été accomplis dans la lutte de libération africaine à ce jour sont dus en grande partie aux efforts de ceux dont l'histoire est présentée dans ce livre. Il montre quel impact significatif nous pouvons avoir sur la transformation du monde dans lequel nous vivons quand nous relevons les défis auxquels nous faisons face et essayons de leurs trouver des solutions.

Ce livre est d'une grande importance pour ceux qui aujourd'hui cherchent à apporter une solution aux nombreux problèmes auxquels sont confrontés les Africains aussi bien sur le continent et dans la diaspora. La question n'est pas que nous devrions simplement répéter ce qui a été fait dans les années 1919-39 pour résoudre les problèmes du monde de cette époque, mais que nous devrions nous inspirer de leur exemple pour courageusement relever le défi de changer le monde aujourd'hui et utiliser la démarche scientifique que le communisme moderne nous offre.

Le Dr Hakim Adi est professeur d'histoire de l'Afrique et de la diaspora africaine à l'Université de Chichester. Il est l'auteur des livres West Africans in Britain 1900-1960 : Nationalism, Pan-Africanism and Communism (Londres, 1998) ; coauteur (avec M. Sherwood) The 1945 Manchester Pan-African Congress Revisited (Londres, 1995) et Pan-African History : Political Figures from Africa and the Diaspora since 1787 (Londres, 2003). Il est l'auteurs de nombreux ouvrages sur le panafricanisme et l'histoire politique moderne de l'Afrique et de la Diaspora africaine, en particulier sur les Africains en Grande-Bretagne. Il a également écrit trois livres d'histoire pour les enfants. Il travaille actuellement sur un film documentaire sur l'Union des étudiants ouest-africains www.wasuproject.org.uk. Son dernier livre Pan-Africanism and Communism : The Communist International, Africa and the Diaspora, 1919-1939 a été publié par Africa World Press en 2013. En 2014, son livre pour enfants, The History of the African and Caribbean Communities in Britain, a été republié pour la troisième fois.

(Workers' Weekly, 24 mai 2014. Traduction: LML)

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