Numéro 75 - 31 mai 2016
Le Canada élargit sa mission
de guerre au Moyen-Orient
De nouveaux détails sur la mission
du Canada en Irak
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Le
Canada
élargit
sa
mission de guerre au Moyen-Orient
• De nouveaux détails sur la mission du
Canada en Irak
• L'ingérence du ministre des Affaires
étrangères au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
• Le Canada se joint au Groupe international de
soutien à la Syrie
• La formation de l'opposition syrienne au nom
de l'habilitation des femmes
• La «diplomatie directe» pour
fomenter un changement de régime en Syrie
Le Canada élargit sa mission de
guerre au Moyen-Orient
De nouveaux détails sur la mission du
Canada en Irak
Le Canada va tripler la taille de sa soi-disant mission
de formation, de conseil et d'aide dans le cadre de sa « mission
élargie » pour combattre l'EI, appelée
opération IMPACT.
Le 19 mai, le gouvernement a annoncé que
cela comprendra trois hélicoptères CH-146 Griffon, un
« centre du renseignement de toutes sources » et des
formateurs supplémentaires à l'opération IMPACT.
On dit que les trois hélicoptères CH-146
Griffon verront à « améliorer le transport tactique
en théâtre, incluant les évacuations
médicales au besoin. Les Griffon et leur équipage
excellent dans le transport tactique de soldats et de matériel.
Diverses armes d'autodéfense sont installées sur les
appareils en prévision de leur
déploiement. »
Parmi
les
armes
dites d'autodéfense qui peuvent
être installées sur les hélicoptères
Griffon,
il y a
un canon Gatling qui peut tirer 3 000 coups à la
minute. Ils ne sont pas très différents des
hélicoptères militaires américains qui ont servi
au Vietnam pour ramasser les soldats et qui portaient des mitrailleuses
pouvant tirer indistinctement dans toutes les directions.
Le « centre du renseignement de toutes
sources » est une plateforme d'opérations dont
l'utilisation a été établie par l'armée
canadienne au cours de sa mission en Afghanistan. On dit que son
objectif est de centraliser les informations pour les utiliser dans une
variété d'opérations. Selon le gouvernement, les
renseignements recueillis
seront utilisés pour « guider la planification
opérationnelle et, ultimement, pour contribuer à la
protection des forces de la coalition et à l'exécution de
ses opérations ».
Comment « le centre du renseignement de toutes
sources » du Canada va fonctionner dans le cadre du
commandement que les forces armées américaines exercent
sur l'ensemble de la mission est quelque chose de préoccupant
alors que de plus en plus d'effectifs des forces armées
canadiennes sont placés sous commandement américain
par le biais de ces « coalitions des volontaires » dans le
cadre de la coalition mondiale
contre l'EI.
Centre du renseignement de toutes sources
Des extraits de
« La méthode 'de toutes sources', une nouvelle
façon de travailler -- L'évolution du renseignement dans
les opérations militaires modernes », par le major L.
H. Rémillard, Revue militaire canadienne, automne 2007.
***
Le Canada a récemment mis au point un concept
appelé le « centre du renseignement de toutes
sources » (CRTS). Le CRTS diffère de l'ORFI
[Opération de renseignement de la force interarmées] en
ce qu'elle a été déployée à un
niveau relativement moins élevé que sa contrepartie
américaine. Depuis 2003, les CRTS
canadiens ont connu beaucoup de succès dans le soutien à
l'échelle nationale aux groupes de travail, aux groupes de
combat, aux groupes de compagnies et aux groupes d'études des
opérations spéciales. Comme l'ORFI, le CRTS est vraiment
une organisation mixte qui a la capacité de soutenir tous les
services et les composantes des opérations de
déploiement. Les forces armées britanniques ont aussi
réévalué la façon dont elles fournissent le
soutien en renseignement à leurs forces déployées.
Elles ont développé un modèle appelé le
Groupe de soutien du renseignement opérationnel (OISG). Ce
modèle est censé être actuellement employé
en Afghanistan et en Irak. Les Britanniques ont
compté pendant longtemps sur des organisations du renseignement
plus petites avec un soutien en analyse de type « lien
arrière » provenant d'organisations nationales
basées au Royaume-Uni. L'OISG du Royaume-Uni est très
similaire au modèle actuel du CRTS canadien, comme l'a
noté le lieutenant-général (à la retraite)
Ridgeway, qui est
l'ancien chef britannique du renseignement (CDI), au cours d'une visite
en Afghanistan en 2005.
Même si les modèles du Royaume-Uni, des
États-Unis et du Canada ont quelques différences mineures
en ce qui a trait à leur application, ils se basent tous sur les
mêmes concepts généraux :
- Le recours à un nombre suffisant de
spécialistes qualifiés du renseignement pour mener
l'analyse requise pour évaluer les menaces complexes et
idiosyncrasiques ;
- La création de solides relations et d'accords
de partage avec d'autres agences alliées du renseignement de
toutes sources en vue de développer un portrait commun du
renseignement ;
- La fourniture de personnel de la division du
renseignement-compagnie-échange de personnel ayant des
responsabilités de commandement, en plus des
responsabilités plus traditionnelles du personnel
J2/S2/A2/G2/N2 ;
- La capacité d'entreprendre le renseignement,
la surveillance, la reconnaissance et les capacités
d'acquisition des cibles du commandement ;
- L'utilisation des nouvelles technologies pour le
transfert de données, l'exploration de données, l'analyse
et la représentation graphique de l'ennemi/la menace ;
- La présence de spécialistes
multidisciplinaires du renseignement déployés aux
premières lignes dans le soutien direct aux troupes ;
- L'existence d'équipes de crises virtuelles de
retour dans les capitales des pays ayant la capacité de fournir
jour et nuit un soutien aux troupes déployées ;
- L'intégration du personnel non-militaire issu
d'autres ministères et d'agences gouvernementales, ce qui permet
d'adopter une approche synergétique aux problèmes du
renseignement ; et
- La capacité à déployer des
services de renseignement capables de travailler au plus haut niveau de
sécurité possible.
L'ingérence du ministre des Affaires
étrangères au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
Le ministre des Affaires étrangères
Stéphane Dion et Omar Alghabra, secrétaire parlementaire
du ministre des Affaires étrangères (Affaires
consulaires), se sont rendus en Tunisie, en Arabie saoudite et en
Égypte du 21 au 25 mai pour rencontrer des
représentants de ces gouvernements et pour participer au
Dialogue stratégique
entre le Canada et le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Le
CCG est une union régionale politique et économique
intergouvernementale qui comprend le Bahreïn, le Koweït,
Oman, le Qatar, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Tous ces pays, à l'exception d'Oman, sont engagés dans le
bombardement et d'autres types d'agression en
Syrie dans le cadre de la coalition menée par les
États-Unis.
On a dit que le but de la réunion du CCG
était de tenir « une vaste discussion sur un
éventail de questions régionales, y compris les conflits
en cours en Syrie, en Irak et au Yémen, et les efforts conjoints
visant à lutter contre l'expansion du terrorisme, tout en
établissant une voie pour d'autres progrès sur le partage
de l'aide humanitaire,
politique et de commerce et d'investissement objectifs ».
Selon Dion, les rencontres devaient être un suivi
de tout ce qui a été discuté entre les membres du
Groupe international de soutien à la Syrie. « À la
suite des discussions du Groupe international de soutien à la
Syrie tenues plus tôt cette semaine à Vienne, je me
pencherai, avec mes homologues, sur les questions cruciales
liées à la stabilité, à la
sécurité, aux droits de la personne et aux perspectives
de paix dans l'ensemble de la région », a
déclaré Dion.
Les discussions visaient clairement la région du
Moyen-Orient, du Golfe persique et de l'Afrique du Nord, pas seulement
la Syrie. Elles indiquent aussi l'ingérence du CCG dans les
affaires internes d'autres pays.
Le gouvernement canadien, en présentant les
raisons de la visite de Dion dans différents pays, a
brossé un tableau intéressé et criminel de
l'état de choses qui ignore complètement le rôle
que joue le Canada dans l'aide à la déstabilisation de la
région et son ingérence dans les affaires des nations
souveraines. Cela inclut sa participation au
renversement du gouvernement de la Libye et ses efforts en cours pour
effectuer un changement de régime en Syrie.
Le communiqué du gouvernement indique :
« Depuis la révolution de jasmin
en 2011, la Tunisie est le seul pays du Printemps arabe qui
demeure résolument engagé sur la voie de la
démocratie. Le Canada appuie fermement le modèle
pluraliste et démocratique de la Tunisie et il lui offre un
appui en matière de renforcement de ses capacités
antiterroristes pour l'aider à contrer les
menaces terroristes croissantes tout comme celles à la
sécurité régionale.
« Depuis la chute du régime Kadhafi
en 2011, la situation en Libye demeure fluctuante. La
communauté internationale offre maintenant une aide au nouveau
gouvernement d'unité nationale afin de mettre un terme aux
luttes internes, de rétablir la santé économique,
de combattre l'EIIL et d'endiguer le flot de migrants effectuant la
traversée périlleuse de la Méditerranée.
« Le Canada, par le truchement du Programme
d'aide au renforcement des capacités antiterroristes d'Affaires
mondiales Canada, aide l'Égypte à renforcer la protection
de ses actifs afin d'éviter les conflits
d'intérêts, ainsi que les efforts que déploie le
pays pour améliorer ses lois et ses capacités à
restreindre le mouvement de combattants
terroristes étrangers. »
Le 21 mai, Dion a rencontré le premier
ministre Habib Essid et le ministre des Affaires
étrangères Khemaies Jhinaoui en Tunisie. Il y a
annoncé un investissement initial de 4 millions $ sur
les trois prochaines années dans un « partenariat de
sécurité » avec la Tunisie pour l'aider dans
sa lutte contre le terrorisme.
Il y a aussi rencontré le vice-premier ministre
du gouvernement d'unité nationale de la Libye, Fathi Mijbari, et
l'a assuré de « l'appui solide au peuple de la Libye et
à son gouvernement d'unité ». Il a aussi
rencontré le représentant spécial et chef de la
Mission d'appui des Nations unies en Libye Martin Kobler « afin
de discuter de la
grave situation en Libye et des efforts déployés par la
communauté internationale, dont les Nations unies, pour aider le
nouveau gouvernement ».
Le 23 mai, à Djeddah en Arabie saoudite,
Dion a participé à la réunion des ministres des
Affaires étrangères du Canada et du Conseil de
coopération du Golfe (CCG). La réunion a
été suivie « d'une discussion bilatérale
avec les homologues du ministre Dion de la région du Golfe, y
compris de l'Arabie saoudite, ainsi que d'entretiens
avec d'autres hauts représentants du gouvernement et des membres
de la société civile ».
À la conclusion des rencontres en Tunisie et en
Arabie saoudite, une déclaration commune a été
signée par le Canada et le CCG. Plusieurs reportages des
médias y font référence mais la déclaration
n'a pas été publiée par le gouvernement canadien.
On peut en trouver un sommaire sur le site Web du ministère des
Affaires étrangères du
Royaume de Bahreïn.
Selon le gouvernement de Bahreïn, les ministres
ont discuté entre autres choses de « la relation
commerciale actuelle entre le Canada et le CCG et de la
possibilité de développer encore plus ces liens. Ils ont
convenu du plan d'action conjoint CCG-Canada (2016-2020), qui
établit un cadre pour officialiser le dialogue
stratégique entre le Canada
et le CCG. Le plan d'action conjoint porte sur la coopération
dans les domaines d'intérêt mutuel, notamment la politique
et la sécurité, le commerce et l'investissement,
l'énergie, l'éducation et la santé. »
Le rapport révèle qu'un des buts du
dialogue Canada-Conseil de coopération du Golfe (CCG)
était d'isoler l'Iran et de le blâmer pour des choses que
le Canada et les membres du CCG font eux-mêmes dans la
région dans le cadre de la coalition menée par les
États-Unis. Il indique que les ministres « ont
exprimé leur vive inquiétude au sujet
du soutien accordé par l'Iran au terrorisme et à ses
activités déstabilisatrices dans la région, y
compris celles du Hezbollah. Ils ont insisté sur le besoin de
respecter les principes de bon voisinage, de non-ingérence dans
les affaires intérieures et de respect de la souveraineté
et de l'intégrité territoriale et de rejeter le recours
à la force ou la menace du
recours à la force et de résoudre les différends
par des moyens pacifiques ».
Plusieurs déclarations attribuées
à Dion et ses homologues du CCG dans la déclaration
conjointe reprennent presque mot pour mot le texte d'un
communiqué conjoint émis par les États-Unis et le
CCG le 16 avril lors de leur Dialogue stratégique à
Riyad en Arabie saoudite. On peut le consulter sur le site Web de la
Maison-Blanche.
Afin de créer l'impression que le Canada met de
l'avant une position équilibrée quand il fournit du
matériel militaire au gouvernement d'Arabie saoudite, un
communiqué de presse du gouvernement indique : « Les
droits de la personne seront au coeur des discussions qu'aura le
ministre Dion tout au long de sa visite dans la région, alors
qu'il
insistera sur le fait que l'essentielle stabilité
régionale de même que la sécurité mondiale
à laquelle tous les pays aspirent doivent aller de pair avec les
progrès en matière de protection et de promotion des
droits de la personne. »
Dion a utilisé Twitter pour afficher des photos
de lui-même « en train de discuter de droits
humains » avec des représentants de l'Arabie saoudite
et d'autres pays. Sous une des photos, il a gazouillé qu'il a
« encouragé » le président de la
Commission des droits de la personne de l'Arabie saoudite «
à augmenter la capacité de
protéger/promouvoir les droits de la personne en Arabie
saoudite ». Sur sa page Facebook, Affaires mondiales Canada
a affiché ce qui suit sous une photo de Dion posant avec un
groupe de femmes saoudiennes : « Le ministre des Affaires
étrangères du Canada, Stéphane Dion, a eu un
échange fructueux sur l'évolution de la situation
des femmes en Arabie Saoudite avec des femmes saoudiennes
éminentes du milieu des affaires, des médias et de la
société civile. Les discussions ont porté sur
l'importance des droits des femmes et l'égalité entre les
sexes, deux valeurs canadiennes clés comme l'a indiqué le
ministre Dion. »
Dion a terminé son voyage en Égypte en
rencontrant le président Abdel Fattah al-Sisi ainsi que le
ministre des Affaires étrangères Sameh Choukri et
d'autres hauts représentants au Caire le 25 mai. Selon le
gouvernement, les parties devaient parler de sécurité
économique et des développements politiques en
Égypte et dans la région et
discuter des enquêtes sur l'écrasement du vol MS804
d'EgyptAir dans lequel ont péri 66 personnes, dont deux
Canadiens. Rien n'a été dit sur la cause de
l'écrasement.
Affaires mondiales Canada a affirmé dans un
message Facebook du 25 mai que Dion « a terminé
aujourd'hui un séjour fructueux en Afrique du Nord et dans la
région du Golfe, où il a rencontré des dirigeants,
des ministres et la société civile locale pour discuter
des préoccupations urgentes, notamment la sécurité
régionale et
internationale, la stabilité dans une région de moins en
moins stable et le respect des droits de la personne.
« Le ministre a souligné que les efforts
canadiens visant à contribuer à la sécurité
régionale sont cruciaux pour lutter contre l'extrémisme
et répondre aux besoins des personnes touchées par les
conflits. Le ministre Dion a fait preuve de franchise dans ses
échanges avec ses homologues de la région au sujet de
l'importance du pluralisme et du
respect des droits de la personne afin de trouver une solution aux
conflits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. »
Seul un membre du gouvernement libéral ou du
gouvernement Harper qui l'a précédé pourrait
expliquer comment la vente de presque 900 véhicules
blindés au gouvernement de l'Arabie saoudite est compatible avec
cet objectif.
Le Canada se joint au Groupe international de soutien
à la Syrie
Le 17 mai, le ministre des Affaires
étrangères, Stéphane Dion, a annoncé que le
Canada acceptait l'invitation du Groupe international de soutien
à la Syrie (GISS) et qu'il participerait aux réunions de
Vienne, en Autriche, les 17 et 18 mai. Le GISS est
coparrainé par les États-Unis et la Russie.
Selon un communiqué du gouvernement :
« L'invitation à se joindre au GISS constitue un signe
clair que le Canada contribue activement à la lutte contre le
soi-disant État islamique en Irak et au levant (EIIL) et
à l'instauration de la paix et de la stabilité en Irak et
en Syrie. Son engagement et sa détermination inébranlable
portent leurs
fruits. Grâce à sa participation au GISS, le Canada sera
mieux outillé pour aider à restaurer la paix, à
fournir des secours humanitaires et à protéger les
Canadiens. »
On peut lire dans un communiqué de presse du
gouvernement un exemple du soi-disant soutien du Canada et du
rôle néfaste qu'il joue en tentant d'imposer au peuple
syrien un dénouement qui convient au Canada : « Le
Canada appuie les efforts de paix des Nations unies depuis le
début de la crise syrienne, et il l'a démontré
encore
récemment en offrant une assistance technique et de la formation
à l'équipe de négociateurs de la
délégation de l'opposition syrienne ayant
participé aux pourparlers à Genève, en
Suisse. » Le gouvernement a déjà fait mention
de soutien technique et de conseils offerts à la
délégation de l'opposition autoproclamée et il
ajoute maintenant le
volet formation. On ne dit rien du type de formation dont il s'agit et
on ne dit pas pourquoi elle est offerte spécifiquement à
ce groupe qui participe aux pourparlers de paix.
« Notre présence à la table nous
permet de mieux appuyer nos valeureux militaires et civils qui jouent
un rôle important afin de permettre aux Irakiens et aux Syriens
de vivre au quotidien dans la paix », poursuit le
communiqué. Il est clair que le gouvernement canadien n'a pas
abandonné son objectif de changement de régime en Syrie
et le rôle du Canada au Moyen-Orient devient de plus en plus
suspect.
La formation de l'opposition syrienne au nom de
l'habilitation des femmes
Ce qui suit est un échange qui a eu lieu
le 16 mars au Comité permanent des affaires
étrangères et du développement international. Il
démontre jusqu'à quel point le Canada s'ingère
dans les affaires intérieures de la Syrie.
Dans sa réplique aux
questions au sujet de la mise en oeuvre du Plan d'action visant
à mettre en oeuvre les résolutions sur les femmes
adoptées par le Conseil de sécurité des Nations
unies, Paix et sécurité en Syrie, Tamara Guttman,
directrice générale du Groupe de travail sur la
stabilisation et la reconstruction au nom d'Affaires mondiales
Canada a dit que la participation des femmes aux négociations
était une préoccupation des Nations unies. Elle a
parlé spécifiquement de la résolution 1325 du
Conseil de sécurité adoptée à
l'unanimité le 31 octobre 2000. Selon le site web de
l'ONU consacré au maintien de la paix, la
résolution 1325 appelle les partis en
conflit à prévenir toute violation des droits des femmes,
à appuyer la participation des femmes aux négociations de
paix et à la reconstruction d'après-conflit et à
protéger les femmes et les filles de la violence sexuelle et
sexiste lors d'un conflit armé.
« On peut aussi parler de l'appui du Canada
à la diplomatie officieuse avant le processus de paix en
Syrie », a-t-elle dit. « Une représentante de
l'opposition officielle en Syrie a insisté sur l'inclusion du
texte de la résolution 1325 dans les déclarations
pendant la préparation du processus de paix et de transition
politique en Syrie.
Cela a été accepté grâce aux efforts du
Canada. »
On ne voit pas clairement si Guttman parle ici de
l'opposition officielle élue par l'assemblée
législative syrienne ou de l'opposition proclamée
officielle par les grandes puissances. Si cette résolution
provient des représentants élus du peuple syrien,
pourquoi les « efforts » exercés par le Canada
ont-ils été décisifs ? D'autres
exemples de l'ingérence du Canada dans les affaires du peuple
syrien par le biais de son appui à l'opposition
autoproclamée sont donnés dans cette réponse du
gouvernement à des questions soulevées au Sénat[1] :
« Le Canada est fermement convaincu qu'une paix
durable n'est réellement possible que si les femmes participent
pleinement à la résolution et à la transformation
du conflit. En tant que seul pays à avoir nommé une femme
comme représentante auprès de l'opposition syrienne, le
Canada jouit de la crédibilité nécessaire pour
engager un
dialogue avec ses interlocuteurs syriens sur la question des femmes. Le
Canada met à profit cette crédibilité pour plaider
constamment en faveur d'un rôle important des femmes dans le
rétablissement de la paix en Syrie. De même, il a
demandé instamment à ce que les femmes jouent un
rôle décisionnel dans l'équipe de
négociation de l'opposition.
Des progrès ont été accomplis à cet
égard : 20 % des membres de l'équipe sont
des femmes.
« Le Canada a financé les réunions
de la deuxième voie qui ont précédé la mise
en place du processus de rétablissement de la paix. Pendant les
débats, la représentante canadienne auprès de
l'opposition syrienne a proposé et réclamé
l'inclusion des dispositions de la résolution 1325 dans les
documents officiels du processus de
rétablissement de la paix et de transition politique en Syrie.
Par la suite, le libellé intégral a été
adopté par de nombreux acteurs de l'opposition syrienne, y
compris les factions salafistes islamiques armées, les
Frères musulmans, des chefs tribaux, ainsi que des groupes de
femmes et de la société civile.
« En
préparation du processus visant à rétablir la paix
conduit par l'ONU, le GTSR a contribué à une initiative
de conseillers experts féminins pour aider le Haut comité
des négociations (HCN) de l'opposition syrienne. L'initiative
visait également à favoriser la participation des femmes
dans le processus de rétablissement de la paix en
fournissant une formation et des conseils d'experts aux trois femmes de
la délégation de négociation et aux membres du
Comité consultatif de la femme du HCN.
« De plus, en marge des débats tenus
à Genève au début du mois, le représentant
permanent du Canada auprès de l'ONU à Genève et la
représentante canadienne auprès de l'opposition syrienne
ont rencontré les membres du Comité consultatif des
femmes de l'opposition afin de leur donner la capacité d'action
et l'influence nécessaires pour
jouer un rôle dans les milieux de l'opposition. Le Canada a
exercé avec succès des pressions pour officialiser son
statut d'organe consultatif auprès du HCN de l'opposition. Il
s'est aussi efforcé d'offrir au Comité consultatif des
femmes l'occasion d'exprimer ses préoccupations, notamment la
réclamation de la libération des femmes et des enfants
détenus par le régime d'Assad. Le Comité a
formulé cette réclamation dans un communiqué
public et aussi directement auprès de l'envoyé
spécial de l'ONU, M. Staffan de Mistura. Aux fins de publication
et au nom de l'opposition syrienne, le Canada a remis au
médiateur de l'ONU une liste de femmes détenues.
« Le Canada continuera de préconiser
l'adoption de la résolution 1325 dans le processus de
rétablissement de la paix. Pour ce faire, il doit établir
des relations de confiance, prendre part aux efforts diplomatiques
durables et sensibiliser un grand nombre d'acteurs de
l'opposition. »
Le gouvernement a aussi dit ceci :
« Dans le cadre de différents programmes,
le Canada veille aussi à ce que les femmes puissent participer
à toutes les étapes des processus de règlement des
conflits. Nous offrons aux femmes une formation de renforcement des
compétences pour les aider à jouer un rôle actif
dans les processus de médiation et de résolution des
conflits. Par
exemple, en Géorgie, le Canada a donné de la formation
à de jeunes femmes sur le leadership, la participation
démocratique et la problématique hommes-femmes. En
Somalie, il a financé un projet visant à favoriser la
réconciliation politique au moyen du renforcement de
l'engagement et de la participation civique des femmes dans la
transition
vers la démocratie et la bonne gouvernance. Enfin, il a
financé d'autres projets similaires dont l'objectif est de
donner aux femmes plus de pouvoir dans les divers processus des
missions de paix et de consolidation de la paix, par exemple en
Birmanie, au Sri Lanka, en Côte d'Ivoire, au Mali, en
Guinée-Bissau, en Colombie et au
Népal. »
Note
1. Hansard, le 18
février 2016
La «diplomatie directe» pour fomenter un
changement de régime en Syrie
Depuis mars 2014, Robin Wettlaufer est la
représentante spéciale du Canada auprès de
l'opposition syrienne basée en Turquie. Trek, une
publication des anciens étudiants de l'Université de la
Colombie-Britannique, décrit Wettlaufer comme quelqu'un qui
« représente la prochaine génération
d'agents du service extérieur et le
nouveau type de diplomatie qui se concentre sur de nouveaux partenaires
et de nouvelles approches. Wettlaufer a dit que son travail 'se
concentre sur les gens à la base [où] le progrès
est souvent lent et à long terme', ajoutant que son travail
consiste notamment à 'rassembler les groupes rebelles,
promouvoir la
coopération et la négociation, parler à
l'opposition, aux jeunes, aux chefs religieux, et trouver des moyens de
renforcer la voix de la démocratie et de la
modération'. »
À propos de son travail actuel avec l'opposition
syrienne, Wettlaufer a dit à Trek que « nous
tissons des liens de plusieurs façons différentes avec
l'opposition, avec l'ensemble des partis opposés au
régime Assad, y compris par le biais des médias sociaux.
Notre objectif est d'élargir nos réseaux, de comprendre
les différentes
dynamiques, d'amplifier les voix de la démocratie, de promouvoir
le respect des minorités et des droits humains en
général et d'aider à préparer le terrain
pour une nouvelle Syrie lorsque viendra le temps de passer de ce qui
est une terrible catastrophe humaine à la reconstruction.
Peut-être que nous ne sommes pas capables de changer la situation
sur le terrain, mais en rencontrant et en travaillant avec des
personnes extraordinaires qui croient en un avenir meilleur, nous
pouvons aider à mobiliser ces énergies et aider les gens
à faire les bons choix pour leur pays. »
Peut-on penser à un meilleur exemple du
rôle néfaste que joue le Canada en Syrie, en utilisant ses
« diplomates » pour s'ingérer dans les affaires
intérieures d'un autre pays en travaillant avec les forces du
changement de régime pour les aider à atteindre leur
objectif ?
Notes
1. Pour plus d'information sur la «
diplomatie directe » du Canada , lire le LML du 21
janvier 2015
2. Qui est Robin Wettlaufer, représentante
spéciale du Canada auprès de l'opposition syrienne ?
Wettlaufer a passé sa carrière dans les
zones de rivalités où les grandes puissances ont
cherché à attiser la division dans le cadre de leurs
efforts pour imposer leur volonté au nom de divers principes
humanitaires. On notera en particulier son rôle de chargée
de dossier pour l'Irak l'année même de l'invasion
américaine de ce pays (2003), puis
de son rôle comme spécialiste politique auprès de
l'Autorité palestinienne et de l'OLP pendant la période
des élections nationales palestiniennes durant lesquelles une
liste de candidats représentant la résistance
dirigée par le Hamas a été élue et le
Canada sous le premier ministre Harper a été le premier
pays au monde à ne pas reconnaître les
résultats.
Après avoir obtenu en 1994 un
baccalauréat international du collège Pearson-United
World College of the Pacific, Wettlaufer a étudié
à l'université de la Colombie-Britannique où elle
a obtenu en 1998 un baccalauréat en relations
internationales. En 2000, elle a obtenu de l'Université
York une maîtrise en sciences
politiques/études en sécurité.
Les postes qu'elle a occupés avant d'être
nommée représentante spéciale auprès de
l'opposition syrienne (tous avec le ministère des Affaires
étrangères, sauf indication contraire) comprennent :
- directrice adjointe (Nord), au groupe de travail pour
le Soudan/le Soudan du Sud (2011 à 2013) ;
- conseillère principale (Darfour), Groupe de travail sur le
Soudan (2010 à 2011) ;
- directrice, promotion et dialogue auprès du haut-commissariat
canadien au Pakistan (2008 à 2010) ;
- spécialiste politique
- bureau de représentation du Canada auprès de
l'Autorité palestinienne et de l'OLP (2005
à 2008) ;
- chargée de dossier (Irak), section du Moyen-Orient (2003
à 2004) ;
- conseillère politique auprès du G8 (Afghanistan,
Cachemire, RSS [réforme du secteur de la
sécurité -note du LML], prévention des
conflits),
Groupe de la planification des politiques (2002)
- chargée de dossier sur la sécurité
régionale et maintien de la paix (2000
à 2001) ;
- adjointe à la recherche (Projet sur l'éthique autour de
l'intervention humanitaire) - Centre York sur les études
internationales et la sécurité (1999
à 2000) ; - chargée de dossier, section du
Japon (1998 à 1999).
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