Numéro 69 - 17 mai 2016
Les feux de forêt en Alberta
Grâce à des efforts
exceptionnels
les feux ont été maîtrisés
dans
Fort McMurray
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Les
feux
de
forêt en Alberta
• Grâce à des efforts
exceptionnels les feux ont été maîtrisés
dans Fort McMurray
• Les responsabilités du gouvernement
envers la population de Fort McMurray
• La mobilisation du facteur humain/conscience
sociale est déterminante
- Peggy Askin
Les feux de forêt en Alberta
Grâce à des efforts exceptionnels les
feux ont été maîtrisés dans Fort McMurray
LML salue les travailleurs et le peuple de Fort
McMurray pour leurs actes d'abnégation et de solidarité
sociale. Nous saluons le dévouement extraordinaire des pompiers
qui se sont surpassés pour réussir à sauver plus
de 90 % de Fort McMurray, et qui continuent de combattre sans
relâche les feux de forêts qui
s'approchent à nouveau dangereusement de la ville. Les exemples
sont légion où les gens ont aidé à
distribuer des aliments, du combustible, des approvisionnements
d'urgence, et qui ont contribué des vêtements et d'autres
denrées essentielles de même que des dons en argent et
organisé des collectes de fond.
Nous avons
été heureux d'apprendre que les efforts de tous ont
réussi à contrôler le feu de forêt qui avait
soudainement envahi deux quartiers le 3 mai. En dépit de ce
succès, Fort McMurray, Anzac, Gregoire Lake Estates et la
première nation de Fort McMurray sont soumis à un ordre
d'évacuation puisque la situation ne permet pas
encore aux gens d'y retourner. Lorsque l'incendie à Fort
McMurray sera complètement éteint, il faudra restaurer
l'alimentation électrique, le système de traitement de
l'eau, le gaz, rouvrir l'hôpital et veiller de façon
générale à ce que les gens puissent y retourner
sans danger.
La première ministre Rachel Notley a
affirmé que le gouvernement établira un horaire pour la
réintégration de Fort McMurray dans les deux prochaines
semaines. Des conférences téléphoniques ont lieu
chaque soir pour mettre à jour l'information et près
de 16 000 personnes ont placé des appels le 9
mai. La première
ministre Notley s'est engagée à ce que son gouvernement
assiste la population de Fort McMurray dans la reconstruction.
Ce numéro du LML fait part de
l'étendue de la dévastation causée par les feux de
forêt selon les derniers rapports.
Les pertes et les mesures d'urgence
Nous tenons à exprimer nos sincères
condoléances aux familles, aux amis et aux collègues de
travail des deux jeunes gens qui sont décédés de
façon tragique dans un accident lors de l'évacuation. Il
n'y a pas eu d'autres décès à ce que l'on sache
qui sont reliés aux feux.
La perte de 2 400 structures sur un total
de 25 000 a été confirmée. Plusieurs
quartiers ont été presque complètement
détruits, mais les pompiers ont limité les
dégâts. Le système de traitement de l'eau,
l'hôpital et toutes les écoles à l'exception d'une
école en construction, les édifices municipaux et le
centre-ville sont
intacts.
Tout cela n'a été possible que
grâce au travail et à l'abnégation des pompiers,
des premiers intervenants et du personnel de secours, des travailleurs
de la santé, des travailleurs du système de traitement de
l'eau et de tant d'autres.
La première ministre Notley a annoncé que
plus de 90 000 personnes avaient été
évacuées (44 882 familles). Plus de 40 000
ont trouvé refuge à Edmonton, 5 000 à
Calgary et un autre 2 000 à Lac La Biche. Près
de 25 000 évacués se sont inscrits
auprès des autorités mais
n'ont pas précisé l'endroit de leur séjour.
Près de 25 000 personnes ont été
évacuées vers des camps de travail ou des
communautés des Premières Nations dans le nord. Les
travailleurs ont été évacués des camps de
travail par voie aérienne ou terrestre. Treize centres d'accueil
ont été mis en place partout dans la province. La plupart
des gens ont maintenant réussi à quitter les centres, qui
servent principalement à servir des repas et d'autres services.
Le gouvernement a dit qu'il fait tout ce qu'il peut pour
déménager le plus rapidement possible les gens vers des
hébergements temporaires plus confortables. Un grand nombre de
personnes sont allées se loger chez des membres de
leur famille ou chez des amis, à l'université et aux
résidences collégiales qui ont ouvert leurs portes aux
évacués ainsi que chez des gens qui ont ouvert leurs
maisons aux étrangers, ou à un hébergement
privé tel un hôtel.
Des fonds d'urgence sont disponibles pour tous les
évacués sous forme de cartes de débit
prépayées par le gouvernement albertain dès
le 11 mai. Les écoles accueillent tout étudiant qui
désire retourner aux études.
La ministre Notley a aussi parlé de sa
réunion avec les PDG des principales compagnies de sables
bitumineux et des discussions qui y ont eu lieu au sujet de la reprise
de la production. Aucune des installations des sables bitumineux n'a
subi de « dommages importants » selon le gouvernement
et on fait des plans pour rétablir les taux
normaux de production. On lit dans un communiqué de
presse : « L'agence albertaine de réglementation de
l'énergie a formé une équipe de
rétablissement afin de faciliter un rétablissement des
opérations sécuritaire et écologiquement
responsable. L'agence veille à mettre en place un plan de
démarrage auprès de chaque compagnie affectée.
Ce travail consistera à mettre en oeuvre les autorisations, les
inspections, la surveillance et l'appui logistique appropriés
afin de rendre les sites opérationnels. »
Le 12 mai, le gouvernement albertain a
réitéré que l'état des feux de forêts
demeure extrême, alors qu'un feu est hors de contrôle, un
autre n'est pas encore maîtrisé, dix autres sont sous
contrôle et six ont été confiés aux
autorités responsables. Il n'y avait pas de nouveaux feux en
date du 12 mai. La municipalité régionale de
Wood Buffalo a annoncé le 12 mai que le feu
couvre 241 457 hectares (2 414 kilomètres
carrés) et que plus de 700 pompiers le combattent à
l'aide de 134 pièces de machinerie lourde, 13
hélicoptères et 13 avions-citernes.
Les travailleurs de la Ville de Calgary prêtent main
forte à Fort McMurray
Les responsabilités du gouvernement envers la
population de Fort McMurray
Vue aérienne de Fort McMurray (Gouvernement de l'Alberta)
Le gouvernement provincial a accordé un
financement immédiat pour permettre aux évacués
d'acheter des biens de première nécessité. Chaque
adulte reçoit 1 250 $ en fonds d'urgence
plus 500 $ pour chaque personne à charge. Du logement
d'urgence est aussi fourni, bien que les gens ayant une assurance
habitation pourront dans la plupart des cas se faire rembourser les
dépenses par leur compagnie d'assurance. De plus, la Croix-Rouge
utilisera 50 millions $ des fonds collectés pour
fournir 600 $ à chaque adulte et 300 $ pour
chaque enfant déplacés par le feu. Tous les niveaux de
gouvernement ont encouragé
les gens à faire un don à la Croix-Rouge, s'engageant
à verser un dollar pour chaque dollar reçu. Le fonds est
doté actuellement de 54 millions $ en dons, à
être doublés par les gouvernements fédéral
et provincial pour un total de 162 millions $. Alors que les
Canadiens font preuve d'une générosité vraiment
extraordinaire,
la responsabilité d'assurer que tous les travailleurs et leurs
familles reçoivent l'aide nécessaire pour rebâtir
leur vie revient au gouvernement.
Par exemple, des milliers de personnes ont tout perdu.
Bien que cette situation soit traumatisante pour quiconque en fait
l'expérience, certaines personnes sont particulièrement
touchées. Beaucoup, sinon la plupart des locataires, n'ont pas
d'assurance. Plusieurs sont des travailleurs à faible salaire,
qui luttent pour joindre les deux bouts en raison
du coût élevé du logement et des autres services
dans la ville. Plusieurs viennent de communautés de partout au
Canada et dans le monde parce que leurs propres économies
locales ont été dévastées par la
mondialisation néolibérale. Retourner chez eux n'est pas
une option, mais voilà qu'ils sont déplacés une
fois de plus.
En outre, l'Alberta a déjà un taux
élevé de chômage. Alors qu'est-ce qui doit
être fait ? Tandis que les exploitations de sable bitumineux
devraient reprendre rapidement la production, des milliers d'autres
travailleurs seront sans emploi pour une période de temps
indéfinie. Aucun de ces travailleurs ne devrait être
abandonné à son sort.
La situation exige clairement que des mesures
supplémentaires soient prises pour faire en sorte que les
personnes les plus vulnérables ne soient pas laissées
à elles-mêmes.
La mobilisation du facteur humain/conscience sociale
est déterminante
- Peggy Askin -
Les habitants de Fort-McMurray, en particulier les
pompiers, les premiers intervenants, les travailleurs des usines de
traitement de l'eau, les travailleurs de la santé et tous les
travailleurs qui ont assumé leurs responsabilités avec
courage et dévouement, ont mis en lumière les meilleures
qualités de la classe ouvrière et du peuple canadiens.
Ils
ont mis à mal les mensonges des prophètes de malheurs et
des visionnaires d'apocalypse selon lesquels les êtres humains ne
sont pas capables de résoudre les problèmes auxquels ils
font face. Une des leçons que nous tirons de Fort-McMurray est
que nous devons renforcer notre détermination en tant que
travailleurs d'établir notre propre ordre du
jour et de définir nos propres conditions de travail et de vie.
Le droit de la classe ouvrière et du peuple de vivre dans des
collectivités sûres ne peut pas être nié au
nom du « manque d'argent ». De nouvelles approches
sont nécessaires à la fois pour la gestion des
forêts et la construction des villes et villages dans la
forêt boréale. Nous devons
agir collectivement pour affirmer notre droit de défendre
l'intérêt public en opposition aux demandes des riches
pour l'austérité et la destruction de l'autorité
publique. La prise de décision ne peut pas être
laissée aux monopoles ou reposer sur leur vision d'un gain
rapide.
Il s'agit-là d'un problème qui ne peut
pas être écarté du revers de la main. Les
scientifiques forestiers expliquent que l'étendue des zones
brûlées dans la forêt boréale a
considérablement augmenté et devrait continuer
d'augmenter. Le feu de Fort-McMurray est un exemple d'une «
tempête parfaite », 30-30-30, soit des
températures
supérieures à 30 degrés, des vents de plus
de 30 kilomètres par heure et de l'humidité en
dessous de 30 %. Alors que de plus en plus de gens vivent
dans la forêt et qu'on y trouve d'énormes installations
industrielles, le danger pour la vie humaine est réel. La menace
qui plane sur les communautés autochtones est aussi un
grand sujet de préoccupation.
Le feu est la façon par laquelle la forêt
boréale se régénère. Il joue un rôle
crucial dans le renouvellement et la nouvelle croissance de la
forêt. À la fin du cycle de vie d'une forêt
d'environ un siècle, la forêt boréale est
composée en grande partie d'épinettes noires matures et
est pleine de sous-bois sec et mort. Tout est prêt à
brûler et le feu
devient nécessaire à la
régénération. Le pin gris, le pin lodgepole,
l'épinette, le bouleau et le tremble ont effectivement besoin de
feux de cime très intenses pour se
régénérer.[1]
Cela fait plus d'un siècle que le Canada lutte
contre les feux de forêt. En 1971, plus de la moitié
de la forêt boréale de l'Alberta a été
considérée comme jeune, un tiers en a été
classé comme étant immature, 5 % comme mature
et une petite portion a été jugée «
surannée ». Cependant, en 2011, les jeunes
pousses n'en représentaient plus que 10 %, le quart
environ a été considéré immature, plus
de 40 % d'âge mûr, et plus de 20 %
suranné.[2]
Cela signifie qu'une grande partie de la forêt
doit être renouvelée par le feu, même sans
diminution des précipitations ou du réchauffement.
Depuis 1980, 8600 feux de forêt ont brûlé
en moyenne au Canada 2,5 millions d'hectares chaque année
et 3 % des feux ont été responsables
de 97 % de la
superficie brûlée. Les feux causés par la foudre
sont la cause de seulement 31 % de tous les feux, mais de la
grande majorité de la superficie brûlée.[3]
Des chercheurs tels que Mike Flannigan à
l'Université de l'Alberta ont mentionné cette
année l'effet d'El Niño dans la création des
conditions climatiques chaudes et sèches conduisant à un
début important de la saison des feux de forêt. Ils ont
également expliqué que le changement climatique a
augmenté la gravité des feux de forêt pour trois
raisons : l'augmentation générale des
températures conduisant à des saisons de feux plus
longues; la foudre de plus en plus fréquente due à
l'augmentation de l'humidité dans l'atmosphère devenue
plus chaude et l'augmentation de l'évaporation de l'eau du sol
et des plantes vers l'atmosphère, grâce à la
capacité de l'atmosphère devenue plus
chaude à contenir plus d'humidité (un processus
appelé évapo-transpiration).
Le feu de Fort McMurray est le deuxième feu
dévastateur à détruire une partie importante d'une
ville ou d'un village en Alberta en moins de cinq ans. En 2011, le
feu de Slave Lake a détruit plus d'un tiers de la ville. Une
fois le feu éteint, un groupe d'experts a été
chargé de faire des recommandations pour prévenir de
futures
tragédies. Le 12 mai 2012, le rapport final du
Comité d'examen des feux non maîtrisés du complexe
Flat Top a été soumis au ministre de l'Environnement et
du Développement durable des ressources. Le rapport peut
être consulté ici. De nombreuses recommandations
ont été faites, à la fois en ce qui concerne la
capacité et
l'organisation en ce qui a trait à la lutte contre les feux, et
les approches à plus long terme, comme la réduction de la
masse de combustible, y compris la suppression des forêts de
conifères matures à partir d'une large bande autour des
villes et villages situés dans la forêt boréale.
Le 26 septembre 2013, seize mois après
la publication du rapport, le gouvernement conservateur alors au
pouvoir en Alberta a officiellement accepté les 21
recommandations contenues dans le rapport. Le gouvernement a
annoncé qu'il a fourni la somme dérisoire de 18
millions $ en nouvel argent pour
commencer à mettre en pratique les recommandations qui ont
nécessité un financement supplémentaire, dont le
renforcement des capacités de lutte contre les incendies et les
initiatives FireSmart pour prévenir les feux. Le gouvernement a
dit à ce moment-là,: « Des fonds
supplémentaires seront nécessaires au cours des
prochaines années pour
compléter la mise en oeuvre. La demande de financement total
prévu est d'environ 705 millions $, dont
environ 500 millions $ seront consacrés aux
traitements visant à réduire le combustible dangereux
(FireSmart). » En fait, les conservateurs ont
attribué seulement 7 millions $ aux programmes de
réduction des combustibles dangereux et ont dit qu'il
faudrait 20 ans pour mettre en oeuvre le rapport dans sa
totalité.
« Le manque d'argent » est
invoqué à maintes reprises comme étant la raison
pour laquelle les recommandations des experts de lutte contre les feux
et d'autres scientifiques ne sont pas mises en oeuvre. Il est à
noter que les usines de sables bitumineux sont toutes construites avec
le type de pare-feu qui permet la protection contre les
incendies. D'autre part, les communautés de Fort McMurray ont
été construites en forme de doigts qui avancent dans la
forêt boréale mature. Rendre les communautés
sécuritaires pour les travailleurs et leurs familles n'est ni un
luxe ni une option. Avec un niveau élevé de chômage
en Alberta, il ne manque pas de main-d'oeuvre disponible pour
reconstruire les communautés et rendre ces communautés et
les autres installées en forêt beaucoup plus
sécuritaires. Cet investissement doit être
réalisé par l'industrie pétrolière et
gazière et par les secteurs de l'économie qui
s'approprient la valeur ajoutée créée par ces
travailleurs.
Notes
1. Un feu de cime est un feu de forêt qui
saute d'une cime d'arbre à une autre cime avançant
à une plus grande vitesse que le feu au sol. Le
déclenchement d'un feu de cime est fonction de la densité
des matériaux en suspens, de la hauteur du couvert forestier, de
la continuité du couvert, et de feux au sol et en gradins
suffisants pour
atteindre la cime des arbres.
2. National Post, le 4
mai 2016.
3. Ressources naturelles Canada.
Lisez Le
Marxiste-Léniniste
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Courriel: redaction@cpcml.ca
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