Numéro 49 - 5 avril 2016
Le «vrai
changement» des libéraux
Plus les mesures sont contrefaites,
plus la crise s'approfondit
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Le
«vrai
changement» des libéraux
• Plus les mesures sont contrefaites, plus la
crise s'approfondit
• Le gouvernement recourt à
l'«économie du comportement» contre
l'intérêt public
Le «vrai
changement» des libéraux
Plus les mesures sont contrefaites,
plus la crise s'approfondit
Le programme de « vrai changement » du
gouvernement libéral de Justin Trudeau est une réponse
à la crise de l'édification nationale et de
l'impérialisme dans son ensemble. L'opposition grandissante des
travailleurs, des femmes, des jeunes et des peuples autochtones
à la destruction nationale par la bourgeoisie
néolibérale a plongé les
institutions dites démocratiques dans une crise de
légitimité. L'opposition populaire a troué la
façade de la démocratie et exposé les pouvoirs
policiers qui seuls subsistent à la place du gouvernement de
droit. Cette crise profonde de légitimité s'exprime dans
le programme de « vrai changement » que les
libéraux mettent de l'avant pour
suggérer qu'ils ont un plan pour rétablir la confiance et
créer une relation différente, progressiste, entre le
gouvernement et les citoyens. Le fait que les libéraux tentent
d'utiliser dans ce but les « solutions de la Troisième
voie » et les mêmes concepts discrédités
d' « ouverture, de transparence et
d'imputabilité » avec lesquels les
gouvernements précédents ont fait campagne et sous
lesquels la corruption, le secret et le pouvoir policier n'ont fait
qu'augmenter montre bien les dangers qui nous guettent.
Le programme de « vrai
changement » du gouvernement libéral et les lettres
de mandat aux ministres parlent de « rétablir la confiance
et la participation des Canadiens dans nos processus
démocratiques » et de « faire en sorte que le
Parlement soit de nouveau pertinent et de veiller à ce que les
Canadiens sentent de nouveau qu'ils
peuvent vraiment se faire entendre à Ottawa ». Le
gouvernement libéral dit vouloir « rétablir la
confiance dans notre démocratie en commençant par faire
confiance aux Canadiens ». Selon lui, « les gens
savent que rien ne va plus à Ottawa. Nous avons un plan global
pour corriger la situation ».
Une conférence privée
à 795 $ le billet a eu lieu les 31 mars
et 1er avril à Ottawa sur le thème « Dialogue
ouvert 2016 » qui nous en a dit un peu plus long sur ce
que signifie cet engagement électoral de « vrai
changement ». Selon ses promoteurs, le « dialogue
ouvert » va corriger ce qui ne
va pas avec la formulation des politiques. Selon eux, ce n'est pas
parce qu'elle est au service des intérêts monopolistes
privés et qu'elle a imposé le droit de monopole au
détriment du droit public que la formulation des politiques est
en crise. Elle ne serait pas rongée par la crise parce que les
élites au pouvoir refusent d'analyser les conditions et de
présenter des solutions qui ouvrent la voie au progrès de
la société. Au lieu d'analyser le problème, les
libéraux déclarent que la formulation des politiques a
été « grandement affectée » par
« la vitesse des changements, l'interconnexité des
événements et la volatilité générale
qui entoure les affaires publiques ». Selon eux, « la
formulation et la mise en oeuvre de décisions dans cet
environnement requiert de nouvelles façons de mesurer
l'appui du public et d'établir la
légitimité ».
Afin de mettre en application ces « façons
de faire nouvelles », le budget de 2016 prévoit
l'allocation d'un montant de 11,5 millions $ sur cinq ans au
Secrétariat du Conseil du Trésor « afin de doubler
le budget du Secrétariat du Conseil du Trésor au titre
des activités liées au gouvernement ouvert »
et d'un
montant de 10,7 millions $ dans les quatre prochaines
années pour des consultations sur la réforme du
système électoral. On peut voir la signification du
dialogue et des consultations du gouvernement aux exemples qu'il donne
de ce qu'il appelle « son ouverture, son imputabilité et
sa transparence ». Il fait référence notamment
aux consultations sur l'Accord économique et commercial global
entre le Canada et l'Union européenne (AECG) au sujet desquelles
la ministre du Commerce international Chrystia Freeland a
déclaré qu'elle n'y a entendu « aucune
opposition » à l'accord. Les consultations «
publiques » présentement en cours au sujet d'un autre
accord
de libre-échange, le Partenariat transpacifique, sont de nature
privée, des rencontres par invitation seulement avec
principalement des représentants des intérêts
monopolistes privés. Ce qui n'empêche pas le gouvernement
d'appeler cela des « consultations auprès des Canadiens
dans le cadre du Partenariat transpacifique (PTP) »
où quiconque
n'est pas invité aux rencontres peut «
participer » au « dialogue » en envoyant
ses commentaires à une adresse courriel créée
à cette fin.
Il y a eu de nombreuses
manifestations contre l'AECG au Canada et en Europe. En ce qui concerne
la ministre du Commerce international, elle n'a entendu « aucune
opposition ». Nul doute qu'elle va dire que le traité
jouit d'un « très vaste appui » en dépit
de « certaines réserves » et peut-être
même qu'elle va expliquer
pourquoi l'opposition ne mérite pas qu'on s'y arrête. Elle
peut agir ainsi parce que le gouvernement et les intérêts
monopolistes qu'il représente ont le pouvoir politique de le
faire. Cependant, la raison du plus fort ne peut pas régler les
problèmes. Ce processus ne va pas rendre les décisions
légitimes.
Le gouvernement a également rejeté le
processus que les communautés autochtones revendiquent en ce qui
concerne l'enquête demandée depuis longtemps sur les
femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Ce
sont ces communautés qui savent ce qu'il faut faire pour faire
connaître la vérité et rendre justice. Le processus
que le
gouvernement a adopté en disant vouloir écouter ce que
les peuples autochtones ont à dire ne va amener que des
déceptions et encore plus de pouvoir policier pour
réprimer la révolte de ces peuples.
En fait, cet effort arrogant pour rétablir un
semblant de légitimité apparaît comme un trait
fondamental du gouvernement libéral de Justin Trudeau. Les
libéraux ont obtenu une majorité de sièges aux
élections fédérales mais le vote a
démontré que le corps politique est divisé.
Sachant que les élections ne confèrent plus de
légitimité, Trudeau
sent le besoin de donner une légitimité à son
programme de « vrai changement » en
répétant sans cesse que le programme des libéraux
émane des Canadiens eux-mêmes. Le gouvernement Trudeau
fait tout ce qu'il peut pour mobiliser sa base sociale au sein des
syndicats, des organisations non gouvernementales et des intellectuels
afin qu'elle
adopte et fasse la promotion de son programme et le fasse fonctionner.
Le mantra qui revient sans cesse est que tout va bien aller à
condition que les réformes et les consultations libérales
soient « bien faites ». Le rôle donné aux
Canadiens est de s'assurer que les libéraux respectent leurs
promesses et restent fidèles aux objectifs qu'ils se sont
fixés. On n'est pas censé remettre en cause ces
objectifs. Le verbiage au sujet de l'ouverture, de la transparence et
de l'imputabilité et les manoeuvres de réforme du
système électoral ont pour but de priver de sa conscience
et de son organisation le mouvement qui vise à investir le
peuple du pouvoir en l'amenant à répondre à
l'ordre du jour de
réformes du gouvernement et à « attendre de voir ce
qui va se passer » plutôt que d'élaborer son
propre programme de renouveau de la démocratie.
« Les libéraux doivent cependant composer
avec le fait qu'il y a très peu de gens qui ont des illusions
à leur sujet ou au sujet de leur programme. D'un bout à
l'autre du pays, les Canadiens prennent en main de résoudre les
problèmes auxquels eux-mêmes et la société
font face. En mettant de l'avant des positions indépendantes qui
contribuent
à résoudre la crise de l'édification nationale en
faveur du peuple, les Canadiens vont briser ces illusions.
Il est clair que les mesures de Troisième voie
que le gouvernement est en train d'exhumer de leurs cendres ne vont que
lever le voile encore plus sur son programme de payer les riches et
d'imposer le droit de monopole au détriment du droit public.
Cette nouvelle forme de gouvernement est une nouvelle forme de pouvoir
policier qui ne va
amener aucune légitimité.
Le gouvernement recourt à
l'«économie du comportement» contre
l'intérêt public
Il est maintenant confirmé que le gouvernement
Trudeau a adopté ce qu'on appelle l'économie
comportementale, une méthode de marketing répugnante et
manipulatrice qui se propose «
d'encourager » les gens à faire les «
bons » choix pour eux-mêmes. L'utilisation de
l'économie comportementale par le gouvernement a
pour but d'imposer l'offensive antisociale en amenant les gens à
accepter ses prémisses idéologiques sans se poser de
questions. Les « préoccupations
éthiques » sont rejetées en autant qu'il y ait
« transparence ».
Le Centre d'innovation du Bureau
du Conseil privé (BCP) a tenu sa première «
séance d'information sur l'économie
comportementale » les 8 et 9 mars au Centre Shaw
à Ottawa. Les hôtes en ont été Jean-Yves
Duclos, le ministre
de la Famille, des Enfants et du Développement social, Stephen
Lucas, sous-secrétaire du
Cabinet, Planification et consultations et Affaires
intergouvernementales du BCP, Ian Shugart, sous-ministre à
Emploi et Développement social et Andrew Treusch, Commissaire du
Revenu et premier dirigeant de l'Agence du revenu du Canada. Le
porte-parole du BCP Raymond Rivet a dit que l'utilisation de
l'économie comportementale est « un
nouvel outil pour les gouvernements qui cherchent à
améliorer les programmes et les services offerts aux
citoyens ». Il a dit que « combiner l'économie
et la psychologie comportementale » peut « aider les
gouvernements à rendre les services plus axés sur la
clientèle, augmenter la participation aux programmes et
améliorer la
conformité réglementaire ».
Bill Curry, le chroniqueur parlementaire du Globe
and Mail, a expliqué ce qu'est l'économie
comportementale et comment elle a fait son entrée Canada dans un
article de 2013. L'économie comportementale,
écrivait-il, assume que ce ne sont pas tous les individus qui
prennent des décisions rationnelles qui sont dans leur
intérêt : spécifiquement, que les gens «
sont biaisés en faveur du statu quo, peuvent être
altruistes dans leurs décisions, sont influencés par
leurs pairs et choisissent souvent un gain supérieur à
court terme même si ce choix pourrait être moins
bénéfique à long terme ».
En 2013, le sous-ministre au ministère des
Finances dans le gouvernement Harper, Michael Horgan, a eu une
séance d'information sur « l'économie
comportementale » avec une « équipe d'experts
en matière comportementale » britannique. Curry a
écrit que cette équipe comprenait « une douzaine de
conseillers politiques,
pour la plupart des économistes, qui utilisent la recherche
psychologique afin de persuader subtilement les gens à payer
leurs impôts à temps, quitter le chômage ou isoler
leur grenier ». Leur objectif, selon le journaliste,
était de « faire agir les consommateurs dans leur propre
intérêt, et d'économiser beaucoup d'argent au
gouvernement ».
Le domaine de l'économie comportementale a
été popularisé en 2008 par le livre Nudge :
Improving
decisions
about health, wealth and happiness ( La
méthode douce pour inspirer la bonne décision ) par
Richard Thaler et Cass Sunstein. Le gouvernement du Royaume-Uni a fait
appel au professeur Thaler, un professeur de
science et d'économie comportementales à
l'Université de Chicago, pour aider à mettre en place
l'unité 'coup de pouce' », écrit Curry.
En 2013, « David Barnabe, un porte-parole du
ministère des Finances, a confirmé que le
ministère incorporait l'économie comportementale dans la
mise en oeuvre de ses politiques. Il a donné comme exemple
l'enrôlement automatique des Canadiens, comme option par
défaut, aux Régimes de pensions agréés
collectifs, un projet du gouvernement fédéral de
régimes de
pension volontaires gérés par le privé pour
lequel l'appui des provinces est nécessaire. Il a aussi
mentionné les règlements fédéraux qui
obligent maintenant les compagnies de cartes de crédit à
montrer sur la facture des consommateurs « combien de temps il
leur faudra pour rembourser le solde dû sur
leur compte s'ils font seulement le paiement minimum ».
Le professeur d'économie à
l'Université de Toronto Philip Oreopoulos a travaillé sur
un projet connexe pour le gouvernement de l'Ontario qui encourage les
étudiants du secondaire à poursuivre des études
post-secondaires et à s'inscrire à des programmes d'aide
aux étudiants.
« La note
d'information du ministère des Finances du 12
décembre [2013], rédigée par le sous-ministre
adjoint Benoit Robidoux, vante l'économie comportementale comme
une façon 'pratiquement gratuite ' de rendre les politiques
gouvernementales beaucoup plus efficaces mais mentionne aussi que le
'coup de pouce ' comporte
des risques », écrit Curry.
« Le fait d'influencer subtilement les
décisions des gens dans une certaine direction sans qu'ils ne
s'en rendent compte soulève une question
d'éthique », écrivait Robidoux dans sa note.
« La possibilité d'abus de la part des décideurs
politiques est une préoccupation légitime ;
cependant, cette préoccupation n'est pas
fondamentalement différente des préoccupations envers les
abus des instruments politiques traditionnels pour autant que les coups
de pouce sont conçus pour être transparents. »
L'article de Curry se conclut ainsi : « La
note d'information comprend des sections intitulées
'implications pour le Canada' et 'prochaines étapes' qui ont
été entièrement biffées. »
Maintenant, sous le gouvernement Trudeau, ces « prochaines
étapes » sont en train d'être appliquées
et les Canadiens découvriront non seulement
quelles sont « les implications pour le Canada » mais
également pour eux-mêmes.
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Marxiste-Léniniste
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