Le Marxiste-Léniniste

Numéro 45 - 30 mars 2016

Le premier budget Trudeau

Appelons les choses par leur nom:
un budget pour consolider le droit de monopole et le privilège de classe

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Le premier budget Trudeau
Appelons les choses par leur nom: un budget pour consolider le droit de monopole et le privilège de classe
Discussion sur l'impôt


Le premier budget Trudeau

Appelons les choses par leur nom:
un budget pour consolider le droit de monopole
et le privilège de classe

Première partie : un budget en contradiction avec
l'édification nationale

L'objectif du premier budget du gouvernement libéral de Justin Trudeau, déposé le 22 mars par le ministre des Finances Bill Morneau, se trouve dans les détails. Le système capitaliste monopoliste est déchiré par des contradictions et est en crise sur tous les fronts. L'élite impérialiste dominante cherche désespérément une façon de stabiliser le navire qui coule pour servir ses intérêts privés étroits et éviter une nouvelle direction, une direction prosociale, donnée par la classe ouvrière.

Comment, aujourd'hui, au Canada, les riches font-ils pour accroître leur richesse sociale, sans parler de protéger ce qu'ils ont et maintenir leur contrôle et leurs privilèges de classe, quand le taux de profit est sous pression et qu'il ne reste plus beaucoup d'endroits pour un investissement sûr ? Une partie de la réponse est qu'ils optent pour la méthode où l'État paie les riches par différents stratagèmes ou programmes de subventions. Le budget Trudeau est cousu de programmes de ce genre et ils doivent être examinés un à la fois.

Payer les riches par l'emprunt de l'État auprès de l'oligarchie
financière internationale

Le budget prévoit un déficit fédéral accumulé de 118,6 milliards $ d'ici 2020-21. La méthode utilisée pour pallier aux déficits est d'emprunter auprès de propriétaires privés de la richesse sociale, ce qui a pour effet d'accroître la dette nationale détenue principalement par l'oligarchie financière internationale. Durant cette même période, on estime que le gouvernement devra utiliser 175,5 milliards $ en fonds publics ne serait-ce que pour payer l'intérêt sur la dette nationale. La sortie de fonds publics vers les coffres des bailleurs de fonds privés sous forme de paiement d'intérêt dépasse donc le déficit cumulé de 56,9 milliards $. Cela a-t-il du sens du point de vue de l'édification nationale ?

Le gouvernement Trudeau ne prévoit pas d'autre façon de financer les déficits, bien qu'il en existe plusieurs autres sous le capitalisme monopoliste. Jadis le gouvernement avait recours à cette autre institution d'État qu'est la Banque du Canada pour financer ses déficits plutôt que de recourir aux institutions financières privées de l'oligarchie financière. La dette de l'État envers lui-même était ensuite remboursée grâce à l'expansion de l'économie et l'augmentation des revenus publics sans qu'il y ait de sortie de fonds et de perte de la richesse publique à des sources privées.

« La Banque du Canada a joué un rôle important dans le financement de l'effort de guerre du Canada durant la Deuxième Guerre mondiale en imprimant de l'argent et en achetant la dette du gouvernement. Après la guerre, son rôle a été élargi et elle avait pour mandat de soutenir la croissance économique au Canada. La Banque de développement du Canada fut créée par une loi du parlement en septembre 1944, comme filiale de la Banque du Canada, pour stimuler l'investissement dans les entreprises canadiennes. »[1]

« La dette publique aux institutions prêteuses internationales, pour la plupart étrangères, n'a pas sa raison d'être. Elle est devenue une forme de tribut imposé au sein du système impérialiste d'États sous domination américaine. Certains Canadiens affirment que cette forme de tribut versé en vertu des prêts privés consentis aux gouvernements est illégale et ils ont intenté une poursuite pour en interdire la pratique. Leur raisonnement est que la Banque du Canada, qui est propriété publique, est tenue par la loi de prêter de l'argent aux gouvernements à des taux d'intérêts bas ou sans intérêt, comme cela s'est fait entre 1938 et 1974. »[2]

Il est ironique que le père de Justin Trudeau, l'ancien premier ministre Pierre Elliot Trudeau, et le Parti libéral au pouvoir à l'époque ont joué un rôle prépondérant dans la consolidation de l'emprunt par l'État auprès de l'oligarchie financière internationale.

« Les détenteurs les plus puissants de la richesse sociale aux États-Unis sont intervenus au Canada contre le verdict de la guerre antifasciste, faisant usage de leurs connections et de leur pouvoir politique, économique, militaire et social. Au niveau fédéral, le Parti libéral de l'après-guerre, dirigé tour à tour par Louis Saint-Laurent, Lester B. Pearson et Pierre Elliott Trudeau, est devenu leur outil gouvernemental pour annexer le Canada au système impérialiste d'États dominé par les États-Unis et à ses institutions internationales.

« Au début des années 1970, le Parti libéral de Trudeau au pouvoir à Ottawa a ordonné à la Banque du Canada de se joindre à la Banque des règlements internationaux (BRI), une organisation du capital financier comprenant soixante pays au sein du système impérialiste d'États dominé par les États-Unis. La BRI est une des formes, avec le FMI et la Banque mondiale, par lesquelles tous se retrouvent entre les griffes du capital financier dominé par l'impérialisme américain, ce qui crée les conditions pour qu'un tribut sans précédent soit versé aux détenteurs les plus puissants de la richesse sociale. »[3]

Une autre alternative, à part renforcer le rôle de la Banque du Canada, est de créer une entreprise publique dans le secteur financier commercial pour concurrencer les grandes banques dans tous les domaines de la finance, y compris les épargnes et les emprunts, et d'éliminer les stratagèmes pour payer les riches dans ce secteur. Une entreprise financière publique serait une autre source de fonds publics que le gouvernement pourrait emprunter s'il avait le courage de se mesurer aux entreprises privées des services bancaires, de l'assurance et du prêt.[4]

Pour le comble, dans leur forme actuelle, les déficits pour lesquels les gouvernements s'endettent auprès des institutions privées ne mènent pas à une expansion du secteur manufacturier canadien, comme par exemple l'industrie de l'acier ou celle de l'énergie, et ne sont pas non plus l'occasion d'une hausse significative de l'investissement dans les programmes sociaux et les services publics pour élargir les infrastructures sociales publiques tant nécessaires pour l'édification nationale.

Il n'y a aucune mention dans le budget de l'importance du secteur manufacturier, notamment de l'entreprise publique, qui est une alternative à l'instabilité des crises périodiques dans le secteur public. L'infrastructure sociale et matérielle publique nécessaire pour bâtir des institutions publiques durables pour garantir le bien-être de tous n'est mentionnée qu'en passant. Tout est orienté vers la remise de fonds publics aux plus grands monopoles privés de la construction et de l'ingénierie.

Il y a deux transferts importants et réguliers de fonds fédéraux pour les infrastructures du Québec, des provinces et des territoires : le Transfert canadien en matière de santé et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Le budget prévoit une stagnation à long terme sur ces deux fronts.

Le Transfert canadien en matière de santé, qui est une contribution majeure du fédéral au système de santé public, passe de 36,1 milliards $ en 2016-2017 à 41,9 milliards $ en 2020-2021. C'est inférieur au taux de croissance de la population et à l'inflation.

Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, qui est une contribution majeure du fédéral aux autres programmes sociaux, notamment à l'éducation, passe de 13,3 milliards $ en 2016-2017 à 15,0 milliards $ en 2010-2021. C'est la preuve que le gouvernement Trudeau n'est pas disposé à bâtir le système d'éducation public, surtout au niveau postsecondaire, ni à bâtir un système public de garderies.

Le secteur des dépenses qui reçoit le plus d'attention est l'Allocation canadienne aux enfants, qui augmente cette année mais qui retombera d'ici 2021. Le transfert total aux individus dans cette catégorie passe de 14,3 milliards en 2014-2015 à 21,9 milliards $ en 2016-2017, puis retombe à 21,8 milliards $ d'ici 2020-2021. La raison en est qu'il s'agit d'une seule hausse qui s'accompagne de l'élimination de plusieurs crédits d'impôt et de programmes pour les enfants.

Parmi les programmes qui sont abolis il y a la Prestation fiscale canadienne pour enfants, le Supplément de la prestation nationale pour enfants, la Prestation universelle pour la garde d'enfants, le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, le crédit d'impôt pour les activités artistiques des enfants et le fractionnement du revenu pour les couples ayant des enfants. L'élimination de ces programmes réduit presqu'à zéro l'augmentation de 4 milliards $ par année qu'apporte l'Allocation canadienne aux enfants.

Soulignons par ailleurs que cette allocation est un détournement par rapport au besoin d'un système public national de garderies, que les libéraux promettent depuis des années. Le gouvernement Trudeau espère que l'allocation permettra de refroidir les ardeurs populaires pour la garantie du droit à un système d'éducation public gratuit pour tous de la naissance jusqu'à l'entrée sur le marché du travail. La diversion libérale vise à détourner les Canadiens et les Canadiennes de l'idée de faire de l'éducation un droit universel en pratique, avec des garanties d'État et l'infrastructure publique nécessaire.

L'Allocation aux enfants est un signe que le gouvernement Trudeau est contre l'édification nationale. Tout transfert de fonds publics aux particuliers est une somme mise immédiatement à la disposition des entreprises privées, en particulier des grands monopoles dans différents secteurs. Même quand il s'agit de sommes imposantes, le transfert aux particuliers ne bâtit rien de durable même quand on sait à quel point les jeunes familles ont besoin d'aide financière. Ce n'est certainement pas une solution au problème de manque de garderies. On ne peut pas prévoir où aboutira l'argent et cela ne construit rien de précis, certainement pas un système universel, public et gratuit de garderies ni des services éducatifs et récréatifs nécessaires dans une société moderne.

La régression dans l'édification nationale s'exprime entre autres dans une des mesures les plus rétrogrades du budget. On lit : « En reconnaissance des coûts engagés par les enseignants et les éducateurs, souvent à leur propre frais, pour l'achat de fournitures qui enrichissent le milieu d'apprentissage des enfants, le budget de 2016 propose un nouveau crédit d'impôt sur le revenu au titre des fournitures scolaires pour les enseignants et les éducateurs de la petite enfance. Ce crédit remboursable au taux de 15 % s'appliquera à un montant maximum de 1 000 $ de fournitures admissibles (comme le papier, la colle et la peinture pour les projets artistiques, les jeux et les casse-tête, et les livres supplémentaires). »[5]

Le gouvernement admet donc que les élèves n'ont pas le matériel nécessaire. Au lieu de corriger la situation par une augmentation de l'investissement dans l'éducation publique, il transfère le fardeau aux enseignants avec cette demande arrogante qu'ils doivent se servir de leur propre argent pour améliorer les conditions d'apprentissage de leurs élèves, comme s'ils étaient surpayés. Le budget élimine également le crédit d'impôt pour les études et le crédit d'impôt pour manuels et « les mesures proposées dans le budget de 2015 relativement au Programme canadien de prêts aux étudiants et aux bourses d'études canadiennes sont abandonnées ».

Le budget est présenté dans un langage exalté pour cacher le fait qu'il consolide le privilège de classe et sert le droit de monopole. Il vise à bloquer tout mouvement vers une direction prosociale de l'économie, l'édification nationale et l'affirmation du droit public.

La classe ouvrière est une classe pensante qui peut exposer la démagogie libérale et se prémunir contre la propagande et les pressions l'invitant à trahir l'intérêt public général. Elle peut trouver sa propre voie indépendante vers l'avant. Cela peut se faire !

(À suivre : la deuxième partie examinera les programmes de dépenses en infrastructure pour payer les riches.) 

Notes

1. Wikipedia

2. « L'endettement gouvernemental et le besoin d'une nouvelle direction de l'économie - L'effet destructeur de l'endettement gouvernemental aux prêteurs privés », K.C. Adams, Le Marxiste-Léniniste, 2 juin 2015.

3. Ibid.  

4. Pour plus d'information à ce sujet, voir : « La nécessité du renouveau prosocial dans le secteur des finances », K. C. Adams, Le Marxiste-Léniniste, 20 décembre 2015.

5. Les prévisions du gouvernement concernant les sommes à rembourser aux enseignants et aux éducateurs de la petite enfance montrent qu'il entend laisser ces travailleurs dépenser environ 367 millions $ de leur propre argent d'ici 2017-2018 pour pallier au sous-financement de l'éducation publique. Voici ce qu'il prévoit : 5 millions $ en 2015-2016, 25 millions $ en 2016-2017 et 25 millions $ en 2017-2018, pour un total de 55 millions $, qui est l'équivalent de 15 % du 366,66 millions $ que devront dépenser les enseignants et les éducateurs de la petite enfance.

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Discussion sur l'impôt

Le budget fédéral 2016 déposé le 22 mars est une occasion d'élargir la discussion sur l'impôt. Le système d'imposition actuel est très préjudiciable à la classe ouvrière. Non seulement place-t-il le fardeau sur les individus mais il déforme la réalité de l'économie et la façon dont la valeur est créée, réalisée et réclamée.

La façon dont les gouvernements établissent les fonds publics est liée à la dépense des fonds publics parce que les revenus et les dépenses sont gouvernés par la même conception du monde centrée sur le capital. Les méthodes de taxation qui ciblent la classe ouvrière, comme le revenu sur l'impôt des particuliers, l'impôt sur la masse salariale, la taxe de vente et les frais d'usager, font toutes partie d'un même système fait de stratagèmes pour payer les riches et de manque d'investissement dans les programmes sociaux et les services publics pour ce qui est des dépenses gouvernementales.

Le régime d'imposition est lié à l'absence d'un contrôle conscient des prix. La détermination des prix par une formule moderne comprendrait une définition consciente de tous les éléments entrant dans la production des biens et services et de toutes les réclamations faites à la valeur créée par les travailleurs. Une conception du monde centrée sur l'être humain balayerait la confusion, les déformations et les absurdités du système d'imposition actuel. Pour contribuer à cette discussion, nous reproduisons les extraits suivants de l'ouvrage La production, la reproduction et le transfert de la valeur et sa réalisation de K. C. Adams.

Renouveau de l'imposition

L'impôt sur le revenu tant des particuliers que des sociétés est une façon dépassée de procurer un revenu public. L'impôt sur le revenu est un refus de reconnaître que nous vivons dans une économie socialisée. Au lieu de percevoir un revenu public directement dans l'économie socialisée, de le réclamer à la valeur produite par les travailleurs, l'élite impérialiste dominante a inventé un système compliqué d'impôt sur le revenu, de taxes de vente, d'impôt sur la masse salariale et de frais aux usagers.

Les monopoles mondiaux, avec la richesse sociale qu'ils détiennent en propriété privée, se servent du régime fiscal actuel pour se protéger contre les réclamations des gouvernements et échapper aux responsabilités sociales qui leur reviennent du fait qu'ils possèdent et contrôlent les principaux moyens de production. Ils se servent du système d'imposition pour réduire la réclamation de la classe ouvrière à la valeur qu'elle produit et le revenu net des petites et moyennes entreprises. Le régime actuel est idéologique dans la mesure où il crée le maximum de confusion sur la source de la valeur que produit la classe ouvrière et les trois principaux revendicateurs de cette valeur, soit la classe ouvrière qui produit la valeur par son travail ; les propriétaires de la richesse sociale qui possèdent et contrôlent les principaux moyens de production ; et les pouvoirs d'État.

Il existe d'autres méthodes d'imposition mais l'État impérialiste refuse de se procurer un revenu par une réclamation directe à l'économie, notamment par un élargissement de l'entreprise publique, une réclamation à la valeur ajoutée là où les travailleurs la produisent, un échange approprié de la valeur produite publiquement par les infrastructures sociales et matérielles avec les composantes de l'économie qui la consomment et en profitent et une autorité publique qui supervise le secteur de la vente de gros pour empêcher la manipulation des prix par les monopoles.

Les frais aux usagers

L'imposition régressive qui prend la forme de frais aux usagers perçus en échange de services publics et de programmes sociaux, comme les droits de scolarité à l'enseignement postsecondaire, est omniprésente. On donne aux frais que les usagers doivent verser pour des services publics et la plupart des infrastructures différents noms qui portent à croire qu'ils ne sont pas une forme discriminatoire d'imposition directe qui a pour effet de réduire la réclamation de la classe ouvrière à la valeur qu'elle produit.

L'existence de frais aux usagers contredit le principe que les services publics et les programmes sociaux sont un bien public servant à renforcer et à développer l'économie socialisée collective et interconnectée ainsi que le tissu social, la cohésion, l'équilibre et l'harmonie de la société. Pour garantir les droits des citoyens et résidents et servir l'intérêt général de la société, les infrastructures sociales et matérielles du pays doivent être à la disposition de tous et toutes de façon égale, au-delà du hasard de la naissance et du statut social. Le glissement de la société vers le déséquilibre et l'amertume et les conflits continuels entre les classes et groupes sociaux peuvent être attribués en partie à la discrimination dans la distribution des fruits de l'infrastructure matérielle et sociale.

L'utilisation des infrastructures sociales et matérielles par les individus sans qu'ils aient à verser des frais d'utilisation est une composante nécessaire de la société moderne dans laquelle tous ont des droits du fait qu'ils sont des êtres humains et refusent la discrimination et l'empiètement sur leurs droits individuels. Ces droits comprennent le droit de vivre sans être frappé d'un tribut par l'État ou ceux qui détiennent une autorité politique, économique, sociale ou religieuse. Les péages imposés aux personnes, toute forme de taxation individuelle ou de frais pour l'utilisation d'un bien ou d'un service public, sont discriminatoires et sont un vestige du privilège de classe et du décret autocratique et n'ont pas leur place dans une société moderne fondée sur le droit. [...]

Dans l'échange de la capacité de travail dans le cadre du rapport social appelé capital, la valeur reproduite individuellement et celle reproduite socialement sont l'équivalent en valeur d'échange de la partie consommée de la valeur de la capacité de travail. La valeur de la capacité de travail est inférieure à la valeur que produit sa valeur d'usage durant le temps de travail. En échange de la partie consommée de la valeur reproduite individuellement, la personne reçoit un salaire et des avantages sociaux. C'est ainsi qu'est réalisée la partie de la valeur reproduite individuellement qui est consommée durant le temps de travail, que le travailleur reproduit pour qu'elle puisse être consommée encore et encore durant toute sa vie active.

En échange de la partie consommée et reproduite de la valeur reproduite socialement, une somme équivalente doit être versée à l'institution sociale qui concourt à produire la valeur de la capacité de travail consommée durant ce temps de travail précis. En plus de compenser l'institution pour la valeur qu'elle a produite et incorporée au travailleur, cet échange lui permet de continuer de produire de la valeur dans d'autres travailleurs et d'élargir son opération par une hausse de l'investissement, puisqu'il y a une valeur ajoutée, une valeur en sus de la valeur reproduite et de la valeur transférée qui sont incluses dans le prix de production que l'institution a payé.

En règle générale, l'État devrait réclamer par l'entremise de ses institutions publiques, à titre de valeur reproduite socialement, un équivalent moyen pour couvrir les périodes où cette capacité de travail particulière n'est pas consommée pour une raison ou une autre, comme lorsque la personne est à la retraite, est blessée ou malade, est au chômage ou aux études ou lorsqu'il s'agit d'un enfant, etc.

En somme, le système d'imposition fait abstraction de la réclamation que doit faire l'État pour réaliser dans l'échange la valeur de la capacité de travail produite dans les réseaux publics d'éducation et de santé et dans les infrastructures sociales en général. Il omet aussi la réclamation que doit faire l'État pour réaliser la valeur des nombreux moyens de production publics offerts par les infrastructures matérielles comme les routes, les ponts et le transport en commun.

Dans le régime actuel d'imposition du système impérialiste d'États, la valeur reproduite socialement et la valeur transférée socialement ne sont pas identifiées et précisées. Quand cette valeur est consommée dans l'économie, elle n'est pas clairement identifiée et échangée pour une valeur que les travailleurs produisent dans d'autres secteurs de l'économie et d'autres composantes de l'économie.

Ce système d'imposition cache la réalité d'une économie socialisée intégrée nécessitant une vaste gamme de secteurs et de composantes échangeant et réalisant chacun leur produit pour une valeur créée dans d'autres secteurs et composantes. Le secteur manufacturier, le secteur de l'exploitation des matières premières, ceux des services et des infrastructures sociales et matérielles s'échangent constamment une valeur entre eux.

Par exemple, la mine de fer ou la fabrique de vêtement doit réaliser et échanger son produit avec d'autres composantes et d'autres secteurs de l'économie, tout comme l'institution d'enseignement ou l'hôpital général doit réaliser et échanger son produit avec d'autres composantes et secteurs de l'économie.

L'État refuse d'instituer une comptabilité moderne pour les réclamations qu'il fait à la valeur produite, une comptabilité qui reconnaîtrait que l'économie impérialiste est basée sur la production en vue de l'échange et non en vue de l'usage. Par les programmes sociaux et les nombreux services publics et les infrastructures matérielles, la société offre la valeur reproduite socialement et la valeur transférée socialement nécessaires par l'entremise des infrastructures sociales et matérielles. Cette valeur doit être échangée et réalisée d'une manière transparente et scientifique avec les autres composantes de l'économie.

Les réclamations de l'État nécessaires pour réaliser la valeur reproduite socialement et la valeur transférée socialement doivent se faire directement et de façon transparente en utilisant une comptabilité moderne en vertu de laquelle la valeur produite socialement est échangée avec les composantes de l'économie qui la consomment.

L'État doit inclure les réclamations à la valeur ajoutée nécessaires pour augmenter les investissements dans les programmes sociaux, les services publics et les infrastructures et pour financer les institutions et composantes non productives. La réclamation de l'État pour les composantes non productives de l'État se fait à la valeur ajoutée puisque ces composantes ne produisent pas de valeur pouvant être échangée. Ces composantes comprennent les tribunaux, les prisons, la police, l'armée, le gouvernement et une bonne partie de la bureaucratie d'État.

Mais surtout, les réclamations du gouvernement à la valeur ajoutée sont également une source de financement pour de plus grands investissements dans les programmes sociaux et les services publics et dans l'ensemble des infrastructures sociales et matérielles publiques. Quand ces investissements publics sont réalisés, sans l'intervention de propriétaires privés de la richesse sociale qui s'emparent de la valeur ajoutée, ils commencent à produire une valeur ajoutée, à reproduire une valeur reproduite et à transférer une valeur transférée et ils deviennent ainsi une autre source de revenu public.

La valeur reproduite socialement et la valeur transférée socialement profitent à l'ensemble de l'économie socialisée et à l'ensemble de la société et doivent par conséquent être réalisées directement dans l'échange avec les composantes et les secteurs de l'économie qui les consomment. Pour cela, il faut une autorité publique dans le secteur de la vente de gros et une formule moderne pour déterminer les prix de production.

Mentionnons que les subventions de l'État aux monopoles, quelle que soit la forme et quel que soit le prétexte, sont des exemples flagrants de corruption organisée par l'État pour payer les riches et enchâsser le privilège de classe. Ce grief s'applique à presque tout le secteur financier privé, qui ne joue aucun rôle positif dans l'économie moderne. Au contraire, les banques et les autres institutions financières monopolistes sont une autre source de corruption et une ponction dans la richesse sociale.

La corruption des machinations pour payer les riches et du financement privé de projets publics, de pair avec le refus de l'État de réclamer la valeur produite socialement qui est consommée par les monopoles, prouve que des intérêts privés se sont emparés du contrôle des gouvernements. Le peuple doit s'engager dans des actions avec analyse pour établir une nouvelle direction, pour insuffler un renouveau démocratique qui restreindra le droit de monopole, soutiendra le droit public et défendra les droits de tous et toutes et l'intérêt général de la société. [...]

La valeur reproduite socialement

La valeur de la capacité de travail incorporée aux travailleurs collectivement par la société, principalement par les programmes sociaux comme l'éducation publique, le système de santé public et les pensions, est présentement réalisée en majeure partie par l'imposition individuelle et les frais aux usagers. L'imposition individuelle comme moyen de réaliser la valeur reproduite socialement est dépassée et contredit le caractère social de cette valeur. Ces pratiques servent à renforcer le pouvoir de classe, le contrôle et le privilège des propriétaires privés de la richesse sociale et à briser la conscience sociale et empêchent de comprendre la production, la reproduction et le transfert de la valeur et sa réalisation.

La méthode de réalisation de la valeur reproduite socialement doit et peut être renouvelée dans les confins du système capitaliste et de la production marchande par l'organisation de la lutte de classe de la classe ouvrière pour restreindre le droit de monopole et la lutte pour donner une nouvelle direction à l'économie. Le renouveau prosocial de la méthode de réalisation commence avec le rejet de la méthode actuelle, l'imposition individuelle et les frais aux usagers, et avec des appels à réaliser la valeur reproduite socialement dans un échange direct entre les institutions responsables d'incorporer la valeur sociale à la capacité de travail et les forces économiques qui emploient cette capacité, qui sont principalement constituées de monopoles mondiaux.

Le renouveau prosocial nécessite aussi une augmentation de l'investissement dans les programmes sociaux et les services publics et l'arrêt des privatisations et des partenariats publics-privés, qui sont une source de corruption officielle et un moyen d'acheminer la richesse collective publique dans les poches des propriétaires privés de la richesse sociale et des monopoles et de faire baisser la valeur reproduite individuellement et socialement de la classe ouvrière. Avec le système actuel, l'argent de l'impôt est accaparé par l'élite impérialiste dominante qui contrôle l'État et qui s'en sert à ses fins, par exemple dans les machinations pour payer les riches, la répression de la classe ouvrière, les préparatifs de guerre et les guerres de pillage.

L'imposition ne garantit pas la réalisation de la valeur reproduite socialement incorporée dans les travailleurs. La réalisation de l'aspect social de la valeur reproduite et incorporée à la classe ouvrière est laissée à l'incertitude et cela met en péril les programmes sociaux desquels les travailleurs dépendent, comme les pensions, les services pour les aînés, l'assurance-emploi, l'indemnisation en cas d'accident et les réseaux publics d'éducation et de santé. Cela accentue la pression à la baisse sur la valeur actuelle et potentielle de la classe ouvrière en réduisant sa valeur reproduite socialement par rapport à la valeur ajoutée qu'elle produit, ce qui a pour effet d'abaisser son niveau de vie, de gruger ses droits et d'accroître le degré de son exploitation.

Il importe de voir que l'imposition comme façon de réaliser les programmes sociaux joue le jeu de l'illusion néolibérale selon laquelle les programmes sociaux sont un coût pour l'économie, les entreprises et les contribuables et ne contribuent pas à la richesse globale de l'économie et de la société. Cela permet aux politiciens réactionnaires des partis de cartel et à d'autres de jouer la carte de l'« intérêt des contribuables » pour imposer une réduction de la production et de la réalisation de la valeur reproduite socialement.

L'imposition ne devrait en aucune manière être associée à la réalisation de la valeur de la plupart des programmes sociaux. La réalisation de la plupart des programmes sociaux, notamment l'éducation et les services de santé, devrait se faire par une transaction directe, tout comme l'achat et la vente des autres biens et services. La réalisation de la valeur sociale de l'économie, comme la valeur que les travailleurs produisent avec l'éducation, la santé, les services municipaux et les autres services sociaux, devrait être la responsabilité d'une autorité publique et des travailleurs engagés sur ce front.

La discordance actuelle entre le caractère social des forces de production et le caractère privé des rapports de production est la cause première des problèmes de l'économie et de la société. Les rapports de production privatisés empêchent la résolution des grands problèmes économiques, politiques et sociaux et empêchent l'économie et la société d'avancer dans une nouvelle direction. L'harmonisation des forces de production socialisées avec des rapports de production socialisés libérera les pleines capacités de l'économie socialisée et de la classe ouvrière, le facteur humain/conscience sociale, et ouvrira la voie au développement d'une forme d'économie non marchande, où les biens et les services ne sont pas produits pour l'échange mais pour leur valeur d'usage et où la contradiction entre la valeur reproduite et la valeur ajoutée est résolue.

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