Le Marxiste-Léniniste

Numéro 37 - 16 mars 2016

L'attitude intéressée du Canada sur les droits humains

Un comité de l'ONU critique durement le Canada pour ses manquements en matière de droits humains

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L'attitude intéressée du Canada sur les droits humains
Un comité de l'ONU critique durement le Canada pour ses manquements en matière de droits humains
Performance inadéquate du Canada à Genève



L'attitude intéressée du Canada sur les droits humains

Un comité de l'ONU critique durement le Canada pour ses manquements graves en matière
de droits humains

Le Canada a été récemment critiqué à Genève par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU pour n'avoir pas pris de mesures sur les questions sérieuses que la Commission avait soulevées lors d'examens antérieurs au sujet de son application des traités relatifs aux droits de l'homme. Ces critiques sont contenues dans le rapport du sixième examen de la conformité du Canada au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), émis par la 57e session du Comité qui s'est tenue à Genève du 22 février au 4 mars 2016.

Dans la première section des Observations finales du Comité sont soulignés des aspects positifs des résultats du Canada, mais le Comité a fortement critiqué le Canada pour n'avoir pas résolu ou pris des mesures contre les problèmes importants de la discrimination liée au sexe, du chômage, de la pauvreté, de la lutte contre l'itinérance, de l'insécurité alimentaire et du déni des droits des peuples autochtones.

Les aspects positifs relevés comprennent la ratification en 2010 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le récent rétablissement de la couverture des soins de santé des réfugiés et des demandeurs d'asile, la décision d'établir une Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et l'engagement du gouvernement à mettre en oeuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Comité s'est objecté au fait que la Charte des droits et libertés ne contient pas de dispositions sur les droits économiques, sociaux et culturels et a recommandé « d'élargir l'interprétation » de façon à « garantir la justiciabilité des droits énoncés dans le Pacte ». Le Comité s'est dit préoccupé par le fait que « malgré certaines évolutions prometteuses et l'engagement du gouvernement à revoir ses stratégies de gestion des litiges, les droits économiques, sociaux et culturels demeurent généralement non justiciables devant les tribunaux nationaux ». Il s'est également dit préoccupé « par l'insuffisance des moyens de recours pour les victimes en cas de violation des droits énoncés dans le Pacte, qui peut avoir une incidence disproportionnée pour des groupes défavorisés et marginalisés et des particuliers, y compris les personnes sans abri, les peuples autochtones et les personnes handicapées ».

Le Canada est partie au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels depuis son entrée en vigueur en 1976 et envoie régulièrement des rapports sur son application, malgré le fait qu'il n'a jamais inscrit ces droits dans la loi et qu'il ne prétend même pas les garantir.

Le Comité a noté « la stagnation du niveau des dépenses sociales en pourcentage du produit intérieur brut » et « l'incidence disproportionnée de mesures d'austérité... sur les personnes et les groupes défavorisés et marginalisés ». Le Comité a également noté que la « condition sociale » n'est pas incluse parmi les motifs de distinction illicite énumérés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Sur les droits des peuples autochtones, le Comité a recommandé que le Canada « reconnaisse pleinement le droit à un consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones dans ses lois et politiques et l'applique dans la pratique ». Le Comité s'est déclaré préoccupé par la situation des peuples autochtones et le refus de garantir leurs droits fondamentaux, « dont les soins de santé, de logement et de l'éducation » et par « la diminution du financement déjà insuffisant affecté aux peuples autochtones ». Il a noté également le manque de financement de services d'aide sociale aux peuples autochtones et le nombre disproportionné d'enfants autochtones en famille d'accueil.

Un autre problème souligné encore une fois cette année a été celui de la conduite des sociétés immatriculées au Canada qui opèrent à l'étranger, en particulier les monopoles miniers, et l'absence de recours judiciaires pour les victimes. La même préoccupation a été soulevée dans l'examen de 2015 du respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et le gouvernement Harper avait répondu avec arrogance que le Canada n'était aucunement responsable de l'impact des activités des monopoles canadiens à l'étranger. Il s'agit d'un grave sujet de préoccupation en raison de la poursuite des meurtres et d'autres crimes contre ceux qui s'opposent à l'action des monopoles canadiens dans leur pays.

Sur les droits des femmes, le Comité a noté la « discrimination contre les femmes [au Canada] dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels » ainsi que l'écart salarial persistant entre hommes et femmes. Il a également constaté que la violence contre les femmes est aggravée par l'insécurité économique au Canada et le manque de refuges pour femmes et d'autres formes de soutien.

Le Comité ne s'est pas objecté à la persistance du chômage au Canada, mais s'est dit préoccupé que «certains individus et groupes défavorisés et marginalisés continuent à être touchés de manière disproportionnée par le chômage, notamment les personnes ayant une déficience, les Afro-Canadiens, les jeunes, les immigrants récents, les minorités et les peuples autochtones ». Le Comité dit qu'il « est préoccupé par la diminution du nombre des chômeurs qui sont admissibles à l'assurance-emploi, ainsi que par le niveau insuffisant des prestations ». Il a également noté que le salaire minimum dans toutes les provinces, ainsi que les taux d'aide sociale sont insuffisants et inférieurs au coût de la vie.

Le Comité a noté « la persistance d'une crise du logement » au Canada. Il l'a attribuée à l'absence d'une stratégie nationale du logement, au financement insuffisant pour le logement, aux subventions de logement inadéquates dans les programmes d'aide sociale, à une pénurie de logements et à l'augmentation des expulsions motivées par des retards dans l'acquittement des loyers. En outre, le Comité s'est dit préoccupé par le nombre croissant de personnes sans-abri au Canada, la pénurie de refuges d'urgence et l'existence de règlements qui criminalisent l'itinérance.

L'insécurité alimentaire élevée a également été notée, notamment l'augmentation du recours aux banques alimentaires des Canadiens et, en particulier, l'état de la sécurité alimentaire dans le Nord canadien.

Le Comité s'est déclaré préoccupé par le fait que les immigrants sans papiers au Canada n'ont pas accès aux soins de santé. Au sujet de la santé sexuelle et de la reproduction, le Comité s'est dit préoccupé par les disparités dans l'accès à des services d'avortements légaux dans les différentes régions du pays.

Sur l'éducation, le Comité a mentionné la discrimination vécue par les enfants autochtones et afro-canadiens en matière d'éducation primaire et secondaire. Il a également exprimé sa préoccupation concernant les frais de scolarité croissants de l'enseignement postsecondaire et la baisse du financement gouvernemental. Sur la question des droits culturels, il a noté qu'il y a insuffisance de financement pour la promotion de l'art et de la culture des minorités nationales ainsi que des langues autochtones, dont beaucoup sont en danger.

Le septième rapport périodique du Canada doit être présenté le 31 mars 2021. La 57e session du Comité a également examiné les rapports soumis par le Kenya et la Namibie.

Note

1. Le dernier rapport périodique du Canada sur sa conformité avec le PIDESC a été communiqué le 17 octobre 2012 et publié le 22 avril 2014. Le rapport précédent avait été soumis le 17 août 2005. En 2015, la situation au Canada a été examinée par le Comité des droits de l'homme des Nations unies sur le respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui a également soulevé des questions sérieuses au sujet du manque de conformité avec le Pacte .Voir « Le Comité des droits de l'homme des Nations unies met en doute le bilan du Canada », LML Numéro 32 - 15 juillet 2015

La délégation de 17 membres du Canada à la réunion du Comité des droits économiques, sociaux et culturels était composée de hauts fonctionnaires, dirigés par Rachel Wernick, sous-ministre adjoint, politique stratégique, planification et des affaires ministérielles, Patrimoine canadien.

Le Sixième rapport périodique du Canada « décrit les principales mesures adoptées au Canada de janvier 2005 à Décembre 2009 (avec des références occasionnelles sur l'évolution d'un intérêt particulier qui a eu lieu depuis) pour améliorer sa mise en oeuvre du [PIDESC] ».

Avant la session du Comité, des rapports ont été soumis par 46 organisations de la société civile sur la situation des droits économiques, sociaux et culturels au Canada ainsi que par la Commission canadienne des droits de la personne . Les organisations qui ont présenté des informations sur la conformité du Canada avec le PIDESC sont : Mines Alerte, la Ligue des droits et Libertés, l'Assemblée des Premières Nations, Indigenous Rights Centre ; Human Rights and Tobacco Control Network, l'Initiative mondiale pour la fin des châtiments corporels infligés aux enfants (GIECP), Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, le Centre pour la défense des droits sociaux et le Comité sur la Charte et les questions de pauvreté, Canada Without Poverty ; Asubpeeschoseewagong / Première nation de Grassy Narrows, Amnistie Internationale, The Right to an Adequate Standard of Living in Hamilton, Sierra Club BC, Right to Housing Coalition, Pivot Legal Society, Maytree ; Colour of Poverty, International Human Rights Association of American Minorities ; l'Association du Barreau Autochtone du Canada, Income Security Advocacy Centre, Human Rights Watch, Food Secure Canada ; Canadian Feminist Alliance for International Action, la Fondation David Suzuki, Centre for Equality Rights in Accommodation ; Social Rights Advocacy Centre, le Conseil canadien pour les réfugiés, l'Association canadienne des libertés civiles, Committee on the Elimination of Discrimination against Women, le Front d'action populaire en réaménagement urbain, African Canadian Legal Clinic, Action Canada for Sexual Health and Rights et le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD)

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Performance inadéquate du Canada à Genève

La contribution du gouvernement libéral du Canada aux réunions de l'ONU à Genève à la fin février et au début mars était remplie de phrases ronflantes mais elle était inadéquate à démontrer que le Canada défend les droits. Cela sonnait bien, mais ce que dit le Canada n'est pas clair ou vise à cacher ce qui est fait et n'est pas fait.

Par exemple, la délégation canadienne à la session de février et de mars du Conseil économique et social de l'ONU a présenté une « Réponse à la liste de points » sur des questions spécifiques soulevées lors de l'examen périodique du Canada en matière de droits économiques, sociaux et culturels.

Le comité a demandé comment le Canada « garantit le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones affectés par les projets [de développement des ressources] avant que le gouvernement n'aille de l'avant avec eux ».

Le gouvernement a répondu que « les gouvernements ont l'obligation juridique de consulter, et, s'il y a lieu, de répondre aux besoins des peuples autochtones lorsque la Couronne envisage de prendre des mesures qui risquent d'avoir des répercussions négatives sur des droits ancestraux et issus de traités, établis ou potentiels ». Le gouvernement, dans sa réplique sur ce thème, n'a pas utilisé l'expression « consentement libre, préalable et éclairé » qu'on retrouve dans la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones.

Une question au gouvernement concernant la demande « de fournir de l'information sur l'impact des mesures d'austérité... sur l'exercice réel des droits économiques, sociaux et culturels », s'est méritée une réponse similaire : « Les mesures passées de restrictions de dépenses du gouvernement fédéral ont visé les dépenses opérationnelles des ministères sans que soient compromise la livraison des services prioritaires aux Canadiens. »

Le 28 février, la chef de la délégation canadienne à la réunion, Rachel Wernick (sous-ministre adjoint, politique stratégique, planification et des affaires ministérielles, Patrimoine canadien), a prononcé une déclaration d'ouverture du sixième rapport périodique du Canada.

Wernick a dit que 2017 sera le 150e anniversaire de la Confédération et que cela « est l'occasion idéale pour réfléchir à l'engagement de longue date du Canada à l'égard de la protection et de la promotion des droits de la personne ».

« Pour le Canada, cet engagement est fondé sur trois caractéristiques essentielles : une société pluraliste et inclusive, une gouvernance inclusive et responsable — caractérisée par la coopération de tous les ordres de gouvernement — et le rôle vital de la société civile et des peuples autochtones. »

Wernick a déclaré que tous les gouvernements au Canada « consultent la société civile, les groupes communautaires, les organisations autochtones et les autres intervenants au sujet des politiques et des programmes particuliers qui servent à faire respecter les droits de la personne ». Elle a ajouté que « cette approche ouverte et collaborative est renforcée encore davantage par les caractéristiques du système juridique canadien ». Les différentes administrations « travaillent souvent de concert pour relever les défis dans des domaines tels que la santé, les services sociaux, le logement et l'itinérance, la justice familiale, ainsi que les questions touchant les peuples autochtones et les personnes handicapées. Lorsque les Canadiens s'estiment lésés dans leurs droits, ils disposent de mécanismes bien établis et accessibles pour plaider leur cause, contester et obtenir réparation », a-t-elle dit.

La Charte canadienne des droits et libertés garantit l'égalité et l'absence de discrimination, a dit Wernick. Elle a dit que la Constitution canadienne « reconnaît et confirme les droits existants ou issus de traités des peuples autochtones du Canada ». Dans sa déclaration, Wernick a discuté de trois sujets en particulier : « la relation renouvelée du Canada avec les peuples autochtones, le cadre de protection sociale du Canada et la protection des migrants et des réfugiés ».

Sur ces trois sujets, elle a accumulé les phrases douteuses, citant des mesures comme le rétablissement du questionnaire long pour le recensement et la nouvelle prestation pour la garde d'enfants que les libéraux ont promise pendant les élections et qui va faire partie du budget qui vient. Tout ceci visait à donner l'impression que le gouvernement canadien se préoccupe des droits économiques, sociaux et culturels, ce qui est complètement faux. L'utilisation paternaliste de phrases qui sonnent bien ne remplace pas le besoin d'expliquer ce qui est dit et comment cela sert les intérêts du peuple.

Le ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion a agi de la même manière dans son discours au segment de haut niveau de la 31e session du Conseil des droits de l'homme le 1er mars. Le segment marquait le 50e anniversaire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Dion n'a pas parlé de la signification de ces pactes mais de ce qu'il a appelé « de nouvelles difficultés, et certaines régressions ».

« L'extrémisme violent est en hausse. Les défenseurs des droits de la personne font l'objet de harcèlement lorsqu'ils osent dénoncer des violations des droits de la personne. Les minorités sexuelles sont la cible de formes extrêmes de violence et de haine. Les actes de violence sexuelle et sexiste commis contre des femmes et des filles augmentent de façon inquiétante. Chaque année, 15 millions de jeunes filles partout dans le monde sont forcées à se marier, ce qui les empêche de réaliser leur plein potentiel, interrompt leur éducation, compromet leur santé et les rend vulnérables à la violence. Des enfants sont maltraités, exploités et négligés, transformés en instruments de guerre, victimes de la traite de personnes ou forcés à travailler dans des conditions inhumaines, privés d'une éducation et de soins de santé adéquats et finalement de leur enfance.

« Avant tout, nous constatons aujourd'hui la prolifération de la croyance erronée selon laquelle la diversité — culturelle, religieuse, ethnique, politique, sociale ou autre — est une menace. »

Dion a dit que « Justin Trudeau est devenu premier ministre du Canada en déclarant tout le contraire : le Canada est un grand pays non pas en dépit de sa diversité, mais grâce à celle-ci. Quand les droits universels de la personne sont respectés, le pluralisme constitue une possibilité, et non pas un danger. »

Il a poursuivi en parlant de deux domaines où le Canada « a ses propres problèmes relatifs aux droits de la personne, passés et actuels ».

« Le premier ministre Trudeau s'est engagé sans équivoque à établir une relation renouvelée, de nation à nation, avec les peuples autochtones, qui s'appuie sur la reconnaissance, les droits, le respect, la collaboration et le partenariat dans un esprit de réconciliation. [...]

« Il existe encore un écart de la rémunération entre les sexes au Canada. Selon des statistiques récentes, le salaire des femmes est toujours 30 % inférieur à celui des hommes. Nous devrions également accroître leur participation aux conseils d'administration et au Parlement. Nous devons poursuivre les efforts pour élaborer une politique tenant compte des sexospécificités et améliorer l'équité en matière d'accès.

« Le gouvernement doit lui-même donner l'exemple. C'est pourquoi le Cabinet du premier ministre Trudeau est parvenu à une parité : 50 % des ministres sont des femmes.

« Ainsi, le Canada reconnaît qu'il y a encore du travail à faire. Chaque pays devrait en faire autant. »

Et le tour est joué ! Le gouvernement a été franc au sujet des problèmes du Canada et a juré qu'il désire sincèrement adopter des politiques pour les résoudre. Aux autres, nous dit Dion, à être aussi sincères et bien intentionnés que le Canada.

En ce qui concerne l'échec sérieux du Canada à soutenir les droits tel que mentionné dans l'examen périodique de la conformité du Canada avec le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Dion a dit ceci :

« La semaine dernière, le Canada a comparu devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l'ONU. Des questions de fond ont été posées sur des préoccupations cruciales au Canada, y compris en ce qui concerne la pauvreté, les sans-abri, l'égalité entre les hommes et les femmes, les droits des Autochtones et l'éducation.

« Nous croyons fermement que les gouvernements doivent être ouverts à la critique. Nous devons être disposés à prêter attention quand des préoccupations sont exprimées. »

Face à la demande de notre époque d'affirmer les droits des peuples, les libéraux se disent « disposés à prêter attention ». Ils se disent différents du gouvernement Harper qui n'écoutait pas les organisations qui défendent les droits du peuple. Être disposé à prêter attention et agir pour redresser les injustices sont deux choses différentes. Les Canadiens demandent des gestes concrets et c'est cela qui va montrer de quelle étoffe sont faits les libéraux.

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