La Loi sur les mines du Québec accorde des droits illimités à des intérêts privés
Durant la conférence COP15 sur la biodiversité tenue en décembre 2022 à Montréal, une des questions soulevées est que de nombreux pays dotés de vastes territoires, comme le Canada et les États-Unis, ont mis en place depuis plus d'un siècle des lois sur l'exploitation minière qui permettent aux particuliers, aux organisations privées et aux organismes gouvernementaux de devenir propriétaires du sous-sol qui se trouve sous les terres privées et publiques. Et cela se produit en dépit du fait que les gouvernements créent ce qu'ils appellent des « aires de conservation », considérées comme « protégées » de l'exploitation forestière et minière.
En vertu de l'article 56 de la Loi sur les mines du Québec, un demandeur (un individu agissant seul ou au nom d'un organisme privé) acquiert des « droits miniers réels et immobiliers » sur le substratum rocheux situé sous une propriété, une fois qu'il est « fait mention au registre public » qu'un claim minier a été inscrit.
De nos jours, n'importe qui peut acquérir un claim minier pour moins de 45 dollars d'un simple clic en ligne depuis un ordinateur. Une fois acquis, en vertu de l'article 64, le claim confère à son titulaire un « droit exclusif de rechercher des substances minérales sur le terrain qui en fait l'objet ». Le titulaire du claim peut ensuite le renouveler indéfiniment à peu de frais, effectuer des travaux de forage et éventuellement exploiter une mine s'il obtient un bail minier.
Les mêmes droits sont accordés à la Couronne en vertu de l'article 61 de la Loi sur les mines du Québec qui stipule : « Le claim inscrit en faveur de l'État demeure en vigueur pour la période et aux conditions fixées par le ministre, qui peut en disposer pour le prix et aux conditions fixées par le gouvernement [1]. »
Ce que ces exemples démontrent, c'est que les gouvernements passés et présents du Québec ont apporté des changements à cette législation, souvent cosmétiques, sans toucher à son essence même. La Loi sur les mines accorde aux intérêts privés étroits des droits absolus de faire comme il leur plaît.
La Loi sur les mines du Québec et le nouveau « Klondike »
Les régions du sud du Québec subissent actuellement une pression énorme en raison des vastes acquisitions de terres, grâce au jalonnement de claims autorisé par la Loi sur les mines du Québec, décrié par de nombreux résidents et communautés autochtones. Déjà, neuf municipalités régionales de comté (MRC) représentant 142 municipalités ont demandé au gouvernement du Québec d'imposer un moratoire sur le jalonnement de claims jusqu'à ce qu'un examen approprié puisse être fait de la Loi sur les mines révisée pour la dernière fois par le gouvernement péquiste de Pauline Marois en 2013. Ce qu'ils ont en tête est une révision de la Loi sur les mines et des règles concernant les territoires incompatibles avec les activités minières (TIAM) pour faire en sorte que la loi n'entre pas en conflit avec les activités humaines dans et autour des municipalités et des zones de conservation où la biodiversité prospère.
Pour que le Québec ait meilleure mine, une organisation qui suit de près les opérations minières au Québec d'un point de vue environnemental, a publié une déclaration le 21 novembre demandant un moratoire sur les réclamations minières. En raison de la récente frénésie pour les minéraux contenant du graphite, du lithium, du nickel, du cuivre et du cobalt, jugés essentiels à la fabrication de diverses variétés de batteries rechargeables au lithium-ion, « il y a eu une augmentation moyenne de 107 % des demandes de concessions minières au cours des deux dernières années dans les trois régions du sud-est du Québec analysées. Les augmentations suivantes ont été rapportées : l'Estrie (+ 63 %), le Bas-Saint-Laurent (+ 88 %) et la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (+139 %) », a déclaré l'organisation[2].
Carte du sud-ouest du Québec qui montre les claims miniers (en
rouge), les parcs et réserves (en vert) et les rivières et lacs
(en bleu)
La connectivité et l'intégrité des milieux naturels sont menacées
La même organisation poursuit en disant que « des centaines de concessions minières sont situées à proximité de grands parcs nationaux ou à l'intérieur de zones naturelles valorisées telles que des réserves fauniques et des parcs régionaux, menaçant l'intégrité et la connectivité de ces zones d'intérêt pour la conservation ».
Dans une déclaration antérieure, Pour que le Québec ait meilleure mine soulignait : « Au cours des 18 derniers mois, le nombre de claims miniers a plus que doublé. Dans le sud-ouest du Québec, on compte maintenant plus de 15 000 claims, dont 56 % ont été acquis depuis janvier 2021. » Cette région s'étend vers le nord jusqu'à la frontière de l'Abitibi, dans ce qu'on appelle la province géologique du Grenville, qui contient des roches vieilles de plus de 1,2 milliard d'années. Il s'agit d'une immense zone qui s'étend sur plus de 1 500 kilomètres au nord du fleuve Saint-Laurent, de la baie Georgienne en Ontario à la Basse-Côte-Nord du Québec, jusqu'à la frontière Terre-Neuve-Labrador.
Les formations rocheuses de cette province géologique sont connues pour leurs gisements de minéraux contenant du lithium et du graphite, très convoités par les compagnies minières car leur extraction est essentielle au « pôle mondial des batteries » du gouvernement Legault dans la région de Bécancour où les gouvernements québécois et fédéral versent des centaines de millions de dollars de fonds publics.
Carte montrant l'extension dans l'Est du Canada, des formations rocheuses, faisant partie de la province géologique du Grenville
Cette extraction et ce traitement de minéraux critiques le long du fleuve Saint-Laurent au Québec font partie du partenariat américain visant à sécuriser les chaînes d'approvisionnement « Made in America » pour les minéraux critiques, dont le Canada est signataire. Cela fait aussi partie de la Stratégie canadienne des minéraux critiques du gouvernement fédéral, qui est aussi intimement liée à son rôle dans ce partenariat qui vise à assurer une chaîne d'approvisionnement en minéraux critiques pour la machine de guerre des États-Unis.
Notes
1. Loi sur les mines, 2 juin 2022, Québec, pages 13-14
2. « Revendications minières : l'urgence d'un moratoire, Pour que le Québec ait meilleure mine », miningwatch.ca, 21 novembre 2022
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 2 - Février 2023
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