Le refus éhonté du gouvernement Trudeau de répondre aux appels à la justice

– Philip Fernandez –

Les marches annuelles du 14 février organisées partout sur l'Île de la Tortue pour commémorer la vie des femmes et filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) exigent une évaluation d'où en est le gouvernement dans ses engagements envers les appels à la justice contenus dans le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues publié le 3 juin 2019.


Affiche à l'extérieur du dépotoir de Brady Road, à Winnipeg, où les restes de femmes autochtones assassinées ont été retrouvés

Le Rapport final a lancé 231 « Appels à la justice » pour mettre fin à la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQQIA (bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer ou en questionnement, intersexe, asexuelles) autochtones. Il y est souligné que ces appels sont des impératifs juridiques qui reposent sur les lois internationales en matière de droits humains et que les gouvernements ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires. Jusqu'à présent, le gouvernement Trudeau a fait très peu pour répondre aux « Appels à la justice ». Son indifférence est une insulte à la mémoire de ces milliers de femmes, de filles et de personnes 2ELGBTQQIA autochtones décédées ou disparues et un affront aux familles, aux nations autochtones et aux Canadiens.

Le 23 mai 2022, le gouvernement fédéral publiait son propre rapport sur les progrès accomplis depuis que les « Appels à la justice » ont été lancés, dont le Plan national d'action qu'il a publié en 2021. Il est question d'énoncés de politiques au sujet des mesures « nécessaires pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones » et de « plus de mesures face aux structures, institutions, agences, législations, services, politiques et programmes coloniaux, qui continuent de causer des torts et la perte de vie, tels que le racisme institutionnel et structurel dans les soins de santé, l'aide à l'enfance, les services policiers et le système de justice ».

En fait, l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) a souligné le 3 juin 2022 que le budget fédéral de 2021 a consacré 2,2 milliards de dollars étalés sur cinq ans pour mettre fin au génocide contre les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones, mais qu'il n'y avait aucun plan ni aucune indication de comment cet argent serait distribué et quel en serait l'objectif. L'AFAC a aussi souligné que le Plan d'action national, tel que rédigé, « était en fait une recette pour l'inaction et les gens représentés par notre organisation en font les frais ».

L'AFAC a aussi dit qu'entre 2015 et 2020 (sous le mandat du gouvernement Trudeau), les femmes autochtones victimes de féminicide représentaient 24 % de toutes les victimes de féminicide au Canada, bien qu'elles ne représentent que 5 % de la population féminine. « Rien n'indique une diminution du nombre de ces crimes au pays », ajoute l'organisation.

Le gouvernement n'exprime aucune honte lorsqu'il confirme dans son propre rapport que « selon un rapport publié en 2022, les femmes, les filles et les personnes 2SLGBTQQIA autochtones continuent de connaître des taux élevés de violence et sont sur-représentées en tant que victimes d'actes criminels ».

Le fait est que sa méthode pour traiter avec les peuples autochtones est de miner les efforts pour établir avec eux des rapports de nation à nation. Les agences gouvernementales établissent directement des relations avec les individus d'origine autochtone ou traitent seulement avec des structures souvent corrompues imposées par la Loi sur les Indiens.

Prenons par exemple la lutte pour l'indemnisation des survivants des pensionnats et des externats génocidaires qui est, comme toute autre chose, transformée en une question de poursuites judiciaires. Ces écoles sont en grande partie responsables des conditions dans lesquelles les femmes et les filles autochtones sont considérées comme des proies faciles.

Le 21 janvier, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il avait accepté de régler une action collective de 2,8 milliards de dollars avec 325 Premières Nations qui demandent réparation pour la perte de leur langue et de leur culture causée par le programme génocidaire des pensionnats indiens. Ce règlement prévoit une compensation au niveau de la bande, une structure qui découle de la Loi sur les Indiens du gouvernement canadien. Un règlement antérieur pour les survivants des écoles de jour, ou externats, a été conclu à l'amiable en 2021 et a versé 10 000 dollars à chaque individu.

Pendant ce temps, les conditions restent désastreuses sur tous les fronts, alors que les gardiens de l'État canadien colonial et raciste et de son ordre constitutionnel se sont dégagés de toute responsabilité pour ce qui est des mesures immédiates et appropriées à prendre, comme le prévoient les 231 « appels à la justice » présentés dans le rapport final de l'enquête nationale sur les FFADA.

Pour lire les Appels à la justice, cliquez ici.


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Volume 53 Numéro 2 - Février 2023

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